Les avatars du carnet scolaire de Dominic
En Autriche, dans la commune de Piesendorf du Land de Salzbourg, on n’est pas très au clair quant à l’appartenance confessionnelle. Dominic et Thomas Seitinger l’ont appris à leurs dépens, passant de sans confession à vieux catholiques dans l’en-tête de leur bulletin. Pour en avoir le cœur net, leurs parents ont décidé de rendre publique cette décision, après avoir reçu une attestation de Rome selon laquelle personne ne doit mettre en doute la catholicité de la Fraternité Saint-Pie‑X (FSSPX) ! Alors là, même l’archevêque de Salzbourg a dû revoir son opinion sur la Fraternité.
Tout a commencé avec l’en-tête du carnet scolaire de Dominic : catholique romain ; bien que ce jeune garçon, instruit par l’abbé R. Schneider, en sache certainement bien plus long que ses camarades sur la foi catholique, cela n’a pas plu aux autorités religieuses, spécialement au diacre B. en charge de la paroisse à plein temps (il n’y a pas de curé : le diocèse manque de vocations, alors on le remplace par un diacre marié) qui semble avoir une antipathie particulière à l’égard de la FSSPX, de même que sa femme, professeur d’instruction religieuse du petit Dominic ; c’est à sa demande que la mention « cath. rom. » a été barrée du bulletin. L’année suivante, un trait la remplaçait à la rubrique « Religion » ; un an plus tard, on y trouvait « o. B. » (abréviation de « ohne Bekenntnis » « sans confession ») et un an plus tard encore, un tout à fait inattendu « vieux catholique ».
Après plusieurs réclamations auprès du diacre et du curé de la paroisse voisine qui partage avec lui la responsabilité de Piesendorf, la famille Seitinger reçoit enfin une réponse écrite : on ne peut pas mettre « cath. rom » car la Fraternité n’est pas catholique romaine. De plus « le baptême de la FSSPX est invalide ». Pas besoin d’avoir fait de la théologie pour savoir que même un bouddhiste, un hindou ou un musulman peut baptiser validement !
La Commission Ecclesia Dei
Madame Seitinger écrit alors à Rome. La réponse vient de la Commission Ecclesia Dei, elle est sans équivoque :
1. Les baptêmes des prêtres de la FSSPX sont bien entendu valides.
2. Les fidèles baptisés par ces prêtres sont catholiques romains.
3. La Fraternité sacerdotale Saint-Pie X adhère à la doctrine catholique sans erreur.
4. Aucune sanction ecclésiastique ne frappe les fidèles des chapelles de la FSSPX.
Plutôt désagréable pour monsieur le diacre et monsieur le curé ! Le monsignore signataire parle ouvertement d’« erreur des personnes interrogées » et doit admettre « une telle ignorance est étonnante ».
Mais rien ne se passe ; Dominic est toujours « non catholique ». Rome ne semble pas avoir beaucoup d’autorité sur ses salariés… La lettre arrive cependant entre les mains de S.E. l’archevêque Aloïs Kothgasser à Salzbourg, qui va mettre un comble à l’aventure : le primat d’Allemagne va se permettre d’annoncer le contraire de l’ordonnance romaine. Le bulletin diocésain de Salzbourg, dans le N° 73 d’août 2005, stipule au sujet de la FSSPX : « quant au baptisé, il s’agit d’un chrétien non catholique romain appartenant à une communauté schismatique. » L’évêque ne partage pas entièrement l’« étonnante ignorance » de ses subordonnés car il ajoute que la validité du baptême « ne fait en principe aucun doute ».
Le représentant de la FSSPX à Piesendorf, M. l’abbé Schneider, écrit à l’évêque et le quiproquo ressemble à une comédie de Molière : un prêtre prétendument non catholique de la FSSPX doit faire remarquer à l’évêque « catholique » de Salzbourg que l’on doit se conformer aux décrets des autorités catholiques romaines. Qui est donc encore catholique et qui ne l’est plus ? Pas de réponse.
L’affaire devient publique
Les responsables de la Fraternité décident alors de rendre cette affaire publique. Et c’est pourquoi la Télévision filme les Seitinger en ce dimanche d’avril et montre d’abord un reportage sur la Fraternité, l’école de Dominic, la famille Seitinger en route pour la chapelle du Sacré-Cœur à Wacheln, l’abbé Schneider célébrant la Messe, puis des images d’archives de l’ouverture du Concile – Jean XXIII traversant la place Saint-Pierre porté sur la sedia gestatoria, abolie depuis lors –, la Messe célébrée par Mgr Lefebvre, les ordinations à Ecône et l’abbé Weigl qui insiste devant la caméra sur la catholicité de la FSSPX. Pour souligner à quel point l’église conciliaire s’est éloignée des valeurs catholiques, il montre cette image, dont le Mitteilungsblatt N° 327 avait déjà révélé le scandale : l’archevêque de Salzbourg, Mgr Kothgasser à une messe de clowns.
Toute l’aventure du carnet scolaire est alors exposée, ainsi que la lettre de Rome(1) qui porte une illustre signature : Camillo Perl, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei. L’émission a passé ce samedi saint 15 avril à 17h45. Mais cela n’a pas été si simple. Pour faire valoir le bon droit, il a fallu qu’un avocat, fidèle de la messe de la FSSPX, Maître Ewald Stadler, prenne part à la discussion qui a suivi le reportage. Durant la bataille juridique entre le responsable de l’instruction publique et Me Stadler (qui tourna à l’avantage de ce dernier) l’opposition de l’archevêché sembla fondre comme neige au soleil.
Lorsqu’enfin la réalité creva les yeux du vicaire général en direct, il sortit la solution la plus simple du monde comme un lapin d’un chapeau : Dominic devait aller avec son extrait de baptême de la FSSPX au bureau de la paroisse et, là, son baptême serait inscrit dans le registre. Après cette ratification, cela pourra être inscrit aussi sur son bulletin. Finis les refus de monsieur le diacre et madame, finies les restrictions du curé voisin, finies les fausses estimations du bureau de la catéchèse à Salzbourg. Simplement aller à la paroisse et se faire inscrire, l’histoire est terminée. « Alors, pourquoi pas du premier coup ? »
Abbé Andreas STEINER †
Sources et complément d’informations, par l’abbé Claude Pellouchoud (*)
Cette Information est extraite du Rocher n° 43
Lien vers le film de l’émission TV qui a rendu la chose publique
(1) Le document qui nous intéresse émane de la Pontificia Commission « Ecclesia Dei » et est daté du 19 juin 2005. Il porte le N° de protocole N. 108/2005 et la signature de Mgr Camille Perl, secrétaire .Le document original en allemand est reproduit en page 19 du bulletin de langue allemande de la Fraternité Saint-Pie X, la « Mitteilungsblatt » Nr 330 de juin 2006. Vous trouvez ce bulletin au format .pdf au lien suivant : « Mitteilungsblatt » Nr 330 de juin 2006
(*) Abbé Claude Pellouchoud †