Pèlerinage de Chartres : un article d’Hubert le Roux

Pèlerinage de Chartres : un article d’Hubert le Roux

De Vauban à la tradition catholique : un symbole !

Lorsqu’il édi­fiait ses for­ti­fi­ca­tions, Vauban ne pou­vait cer­tai­ne­ment pas ima­gi­ner qu’un jour une place pari­sienne por­tant son nom ser­vi­rait de for­te­resse à la tra­di­tion catholique.

L’image est aisée, certes. Mais en est-​il de mieux adaptée ?

Car, au mépris de la volon­té récem­ment affi­chée par Rome d’engager des dis­cus­sions jugées par elle néces­saires, les portes gal­li­canes des églises pari­siennes res­taient inva­ria­ble­ment fer­mées aux humbles fils de l’Eglise : non est eis locus. Rien de bien nou­veau fina­le­ment : tou­jours les mêmes empêchements.

La messe de clô­ture du pèle­ri­nage du Sacré-​Cœur, en ce 1er juin 2009, se tenait ain­si sous les ors res­plen­dis­sants du dôme des Invalides, face à cette église vou­lue par Louis XIV et consa­crée à l’un de ses pré­dé­ces­seurs, Saint Louis.

Les Invalides ! Splendide ins­ti­tu­tion vou­lue par la cha­ri­té d’un Roi que des siècles de civi­li­sa­tion catho­lique avaient polie au point de lui faire éri­ger ce lieu des­ti­né à l’accueil de ses ser­vi­teurs les plus fidèles et les plus meur­tris… Comment ne pas y voir un sym­bole ? Et com­ment ne pas devi­ner avec quelle déli­ca­tesse et quel humour la Providence se jouait des manœuvres misé­rables de ses adver­saires.

En sou­riant, l’humour est conta­gieux, cer­tains des pèle­rins pré­sents admet­taient qu’ils évi­taient cette fois une der­nière mon­tée vers la col­line de Montmartre.

Combien sont-​ils là, goû­tant main­te­nant un repos méri­té, fati­gués mais heu­reux d’avoir tra­ver­sé la Beauce et fran­chit la Seine sous l’éclat de leurs chants et dans l’élan de leurs prières ? Plus de dix mille. Beaucoup moins, sans doute, pour les habi­tuelles forces de l’ordre et du ren­sei­gne­ment et for­cé­ment zéro pour cer­tains jour­na­listes « paten­tés » : ques­tion d’habitude qui ne pré­sente aucun inté­rêt réel. La valeur des choses et l’importance des évè­ne­ments ne se mesurent plus, depuis long­temps, aux mani­pu­la­tions comp­tables des offi­cines éta­tiques, ni à l’aune des trom­pettes médiatiques.

Pendant ce temps-​là, un quar­te­ron de poli­ciers débon­naires, déam­bule sans hâte et sans but pré­cis par­mi les pèle­rins pai­sibles : fai­ble­ment armé d’un unique et ano­din pis­to­let, il peut consta­ter sans peine que l’ordre public n’est pas mis en dan­ger. De quoi don­ner rai­son à son pré­fet (jus­te­ment applau­di) et de quoi ridi­cu­li­ser défi­ni­ti­ve­ment les craintes per­verses d’un édile en mal de catho­pho­bie dont la décence, pour reprendre le terme de l’abbé Duverger, inter­dit que l’on cite ici le nom.

Plus de douze mille, n’ayant pas tous péré­gri­né depuis Chartres, bien sûr, mais tous venus pour témoi­gner de leur Foi et pour par­ta­ger, avec les plus valeu­reux, cet ins­tant de grâce que seule la Messe pro­cure. Oasis de paix dans le désert de l’agitation et des pré­oc­cu­pa­tions. Instant hors du temps, sus­pen­du et d’une sub­tile sim­pli­ci­té. Alors ces mots sur­gissent, ces mots deux fois mil­lé­naires : voyez comme ils s’aiment. Voyez comme ils com­mu­nient à la même Foi.

Plus de douze mille, à genoux sur l’arrondi du pavé pari­sien, à l’ombre des ban­nières qui flottent fiè­re­ment au vent, recueillis et rayon­nant d’une force et d’une dou­ceur inal­té­rables, oppo­sant la tran­quilli­té de leur prière et la mani­fes­ta­tion de leur joie catho­lique à la dégé­né­res­cence du monde qui les entoure. Un monde qui ne leur est pas fon­da­men­ta­le­ment hos­tile : le peuple pari­sien, bon enfant, se contente d’écarquiller des yeux par­fois inter­lo­qués, bien loin de la haine com­mune de ses élus et de son prince. Comme si ce peuple était prêt à tout accep­ter, et pour­quoi pas son salut.

Plus de douze mille pèle­rins posés là, comme un levain dans une pâte. Une pâte qui, le moment venu, pour­ra mon­ter sans qu’il lui en coûte, sans qu’elle pro­duise aucun effort d’elle-même, sans qu’elle ait à par­ti­ci­per volon­tai­re­ment à cet élan qui la pousse à gran­dir, pour peu seule­ment que rien ne s’y oppose trop bru­ta­le­ment. Miracle du levain tem­po­rai­re­ment retar­dé par l’action déri­soire des enne­mis du Christ. Mystère des voies divines. Mais, comme le sou­ligne le pré­di­ca­teur, l’heure vien­dra néces­sai­re­ment, pour peu que les forces du levain ne se lassent, ni ne se découragent.

A vrai dire, par­mi les douze mille, il ne s’en comp­tait visi­ble­ment pas beau­coup pour se dire décou­ra­gés. Et sur­tout pas Philippe de Blois et François Xavier Renault, affû­tés par l’adversité, sou­riants et si visi­ble­ment prêts à renou­ve­ler l’excellence de leur office.

Pareillement, quand vint l’heure de la sépa­ra­tion, cler­gé, mar­cheurs, logis­ti­ciens, accom­pa­gna­teurs, ser­vice d’ordre, jalon­neurs, cui­si­niers, mon­teurs de tente, conduc­teurs et j’en oublie [1] : il s’en trou­va peu pour ne pas se don­ner joyeu­se­ment rendez-​vous l’année pro­chaine. Comme pour effa­cer le regret per­cep­tible qu’il faille, pour cela, encore attendre un an.

D’ici là, le plein de forces et de cou­rage est fait et demain s’envisage sans crainte.

Demain… Demain, un peu comme Pâques suit les Rameaux, on fête Sainte Blandine.

Un autre symbole ?

Hubert le Roux

[1] Note de LPL : voir ici le « staff » de ce pèlerinage

A l’an­née pro­chaine, si Dieu veult !