L’aveu de ses fautes
Cette année sacerdotale placée sous le patronage du Saint Curé d’Ars nous invite à recevoir avec fruits le sacrement qui occupait la majeure partie du temps du saint curé : le sacrement de pénitence.
A ce sujet, je voudrais revenir plus particulièrement sur la confession elle-même, l’aveu de nos péchés au prêtre en vue de recevoir l’absolution. J’avoue que l’intérêt pour cette question fut réveillé par la lecture d’un journal paroissial de l’Aube dénommé – originalité quand tu nous tiens ! – Ensemble. Dans le numéro de mars-avril 2009, nous trouvons à la page 3, juste avant le carnet paroissial (trois baptêmes et trente-sept enterrements) un article intitulé Le pardon comme cadeau, tiré d’un ouvrage de Chr. Salenson. L’auteur y explique l’évolution de sa manière de concevoir le sacrement de pénitence.
Extraits :
« j’ai cru pendant longtemps que j’obtenais le pardon de Dieu par l’aveu de mes fautes, en reconnaissant mes péchés […] Aujourd’hui, je ne peux plus comprendre de cette façon et le rite du sacrement de réconciliation m’a beaucoup aidé. En effet, quand je célèbre ce sacrement, je commence, avant toute chose, par faire mémoire de l’amour inconditionnel de Dieu […] Après quoi, parce que je sais et que je crois que Dieu m’a pardonné, je peux faire l’aveu de mes fautes et reconnaître ma situation de pécheur. L’aveu n’est pas le moyen pour obtenir le pardon, mais j’oserais dire que c’est presque le contraire : je n’avoue pas mes péchés pour être pardonné, mais parce que je suis pardonné, je peux dire mes péchés. »
Rien que de très classique : une présentation partielle et partiale de la doctrine traditionnelle et l’exposé de la nouvelle théologie qui nous libère de l’obscurantisme. Un bref exposé de la doctrine catholique nous permettra de mettre en lumière les erreurs sournoises de ce texte hérétique, publié sous l’autorité de l’évêque de Troyes.
Remarquons tout d’abord que c’est Notre-Seigneur lui-même qui, en instituant ce sacrement, sousentend que le pénitent devra faire l’aveu de ses fautes. Le Christ s’adresse en effet ainsi aux apôtres réunis au Cénacle le soir de la Résurrection :
« Recevez le Saint- Esprit. Ceux à qui vous aurez remis les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils seront retenus » Io XX, 23.
Le sacrement de pénitence est institué à la manière d’un jugement, d’un tribunal, composé de deux parties : l’exposé de la cause, ici l’accusation sincère de ses péchés par le pénitent, et la sentence du juge qui opère efficacement le pardon des péchés dans la mesure où le pénitent est bien disposé et qu’il a notamment la contrition intérieure de ses péchés. C’est pourquoi le pénitent se tient à genoux, dans une posture humble, et que le prêtre est assis, dans la position du juge. Il ne s’agit en rien d’une séance de thérapie psychologique, le patient assis auprès d’un conseiller dans une cage en verre tapissée d’une épaisse moquette verte. Il est vrai que ce juge, ministre de Jésus-Christ, ne peut pas condamner : il peut lui arriver toutefois de ne pas pardonner, de refuser l’absolution au vu des mauvaises dispositions du pénitent.
Examinons maintenant ce qu’en théologie nous appelons la matière du sacrement. Pour la pénitence, on parle de quasi-matière car il ne s’agit pas ici d’une réalité matérielle, comme de l’eau ou du Saint-Chrême. La matière éloignée consiste dans les péchés commis par le pénitent. On distingue la matière éloignée nécessaire, qu’il faudra obligatoirement accuser : les péchés mortels commis après le baptême et qui n’ont pas encore été soumis au pouvoir des clefs, c’est-à-dire accusés dans une bonne confession, et la matière éloignée libre : les péchés véniels non encore pardonnés ou encore des péchés déjà soumis au pouvoir des clefs. Mais cette matière éloignée ne suffit pas pour le sacrement : ces péchés doivent être détestés, accusés et réparés pour qu’il y ait absolution. C’est pourquoi la matière prochaine de ce sacrement est constituée par les trois actes du pénitent que sont la contrition, la confession et la satisfaction. L’aveu de ses fautes fait donc partie du sacrement de pénitence, elle est requise pour l’intégrité du sacrement. C’est ce que définit le concile de Trente :
« Si quelqu’un nie que pour l’intègre et parfaite rémission des péchés trois actes sont requis chez le pénitent, comme la quasi-matière du sacrement de pénitence, à savoir la contrition, la confession et la satisfaction, qui sont appelées les trois parties de la pénitence, qu’il soit anathème » (session 14, canon 4 – Denzinger 1704).
Même en cas d’impossibilité matérielle pour le pénitent d’accuser ses fautes (faiblesse extrême, naufrage imminent…), celui-ci peut recevoir l’absolution de ses péchés à condition qu’il ait la volonté d’accuser ses fautes selon la forme prescrite dès qu’il le pourra.
Ainsi donc la confession n’est en rien un corollaire inutile, une démarche pieuse et humble une fois que j’ai déjà reçu le pardon, c’est l’un des trois actes nécessaires du pénitent pour que le prêtre puisse donner l’absolution. A noter que si je suis déjà pardonné, à quoi bon me reconnaître pécheur puisque je ne le suis plus. A moins de partager l’erreur des protestants qui considèrent que le pécheur reste pécheur, mais qu’il suffit que ses fautes soient pudiquement recouvertes par les mérites du Christ. En somme, une poubelle surmontée d’un beau couvercle qui satisfait la vue du Père.
Pour nous, nous savons que le pardon de Dieu produit en vérité l’état de grâce, rétablit la vie divine en notre âme. Cependant, n’est-il pas vrai que nos fautes peuvent être pardonnées en dehors du sacrement de pénitence ? Il faut ici poser quelques distinctions.
Pour ce qui est des péchés véniels, ils peuvent être pardonnés par la ferveur de notre charité, soit tout acte d’amour de Dieu qui inclut le regret de l’avoir offensé. Ainsi, le Confiteor de la messe, récité avec ferveur, nous lave de nos péchés véniels. Il n’est cependant pas inutile de les accuser en confession, pour manifester que nous les regrettons, pour obtenir des grâces afin de nous en corriger et pour éventuellement en recevoir le pardon si notre ferveur seule ne suffit pas.
Pour les péchés mortels, il nous faut encore distinguer selon la qualité de la contrition. Le pénitent qui a la contrition dite parfaite est pardonné de ses fautes avant même qu’il les confesse, mais pourvu toutefois qu’il ait la volonté de se confesser dès qu’il le pourra.
En effet, comme la confession est le moyen que Notre Seigneur a donné à son Eglise pour le pardon des péchés, il ne saurait y avoir de vraie contrition qui ne contienne le vœu du sacrement, c’est-à-dire la volonté ferme de soumettre ses fautes au pouvoir des clefs dès que possible.
Rappelons que la contrition est dite parfaite lorsque son motif est le parfait amour de Dieu, infiniment bon et aimable, et que nous avons cependant offensé. Si le pénitent n’a qu’une contrition dite imparfaite, appelée aussi attrition, ses péchés ne seront pardonnés que par l’absolution du prêtre. Notons qu’une contrition imparfaite est une vraie douleur d’avoir offensé Dieu, avec le ferme propos de ne plus recommencer, que ses motifs ne sont pas purement humains mais véritablement surnaturels, cependant, ils se tirent plus des dons de Dieu que le péché nous retire ou des châtiments qu’il nous attire que de la charité désintéressée. Quant à celui qui n’a pas de contrition surnaturelle, il ne peut obtenir le pardon de ses péchés.
Dans sa sagesse, Notre-Seigneur a voulu confier le pouvoir des clefs qui libèrent notre conscience à des hommes revêtus du sacerdoce. S’accuser à eux constitue une véritable humiliation à laquelle Jésus-Christ a rattaché dans la plupart des cas le pardon de nos fautes et les grâces sacramentelles pour faire de la confession un chemin de sainteté.
Abbé Ludovic Girod
Extrait de La Sainte Ampoule n° 180 de décembre 2009