Notre pèlerinage de rentrée à Notre-Dame de Liesse, qui avait pour intention particulière la conversion des musulmans, nous pousse à réfléchir sur ce thème qui devient crucial.
N’oublions pas, par exemple, que saint Louis, qui entreprit durant sa vie deux expéditions militaires pour délivrer la Terre Sainte, avait toujours pour objectif de convertir les peuples islamisés à la foi chrétienne. La leçon de bréviaire résumant sa vie nous apprend : « Il racheta en Orient un grand nombre de chrétiens esclaves des barbares, et il convertit même plusieurs infidèles au Christ ».
J’essayerai de résumer les conditions à réunir pour qu’un musulman puisse être plus accessible à la grâce de la conversion, qui ne vient que de Dieu. La plaquette du MJCF, Chrétiens, musulmans, avons-nous le même Dieu ? (Savoir et servir N°69) nous donne des éléments très intéressants dans son chapitre consacré à l’apostolat auprès des musulmans.
La première condition, c’est la prière et la pénitence. Pas besoin de connaître l’arabe ou de partir au loin. Nous pouvons tous, quelle que soit notre place dans la société et dans l’Eglise, utiliser ces deux armes puissantes qui obtiennent tout du Sacré-Cœur de Jésus. Mais il est vrai que nous faisons preuve d’une grande paresse pour les utiliser. C’est à peine si nous prions pour nos propres besoins spirituels et si nous pratiquons un chouia la pénitence pour expier nos péchés. Que la charité, qui nous fait désirer le bien du prochain, nous encourage à utiliser ces deux grands leviers spirituels qui soulèvent des montagnes.
Le Père de Foucauld écrivait : « Prière et pénitence, plus je vais, plus je vois là le moyen principal d’action sur ces pauvres âmes. Que fais-je au milieu d’elles ? Le plus grand bien que je fais est que ma présence procure celle du Saint Sacrement ».
Tous les grands évêques missionnaires eurent à cœur de faire venir, dès que c’était possible, des religieuses contemplatives dans leurs terres de mission afin d’attirer les grâces de Dieu sur les âmes et de rendre fécondes les paroles des prédicateurs. Il nous faut également gagner la confiance des musulmans avec lesquels nous pouvons entretenir des relations. Le Père de Foucauld, qui pratiqua cette méthode auprès des Touaregs, nous enseigne : « Il faut nous faire accepter des musulmans, devenir pour eux l’ami sûr, à qui on va quand on est dans le doute et dans la peine ; sur l’affection, la sagesse et la justice duquel on compte absolument. Ce n’est que lorsqu’on est arrivé là qu’on peut arriver à faire du bien à leurs âmes ».
Rien ne sert d’effaroucher, de faire fuir. Attirons au contraire par nos vertus et notre charité. Souvenons-nous de cette scène du film Mission durant laquelle un père jésuite, parvenu au cœur du territoire guarani se met à jouer de la flûte et attire bientôt vers lui, subjugué, tout un peuple de farouches guerriers.
Joseph Fadelle, irakien musulman converti à la foi catholique, raconte les débuts de son service militaire. Il était horrifié à l’idée qu’il allait partager une chambre avec un chrétien et bien décidé à faire jouer ses relations pour faire cesser bien vite le scandale. Mais ce chrétien se montra aimable, discret et prévenant. Finalement, il restait volontiers dans sa chambre pour discuter avec lui, ce qui lui permit d’aborder les questions religieuses.
A ce sujet, une distinction importante s’impose. Nous pouvons parfaitement dénoncer, détester et nous efforcer d’arrêter par tous les moyens cette politique d’immigration massive, qui entraîne avec l’avortement et la dénatalité une véritable substitution de population et que nous imposent depuis quarante ans les hommes politiques en place. Nos frontières non protégées laissent entrer des centaines de milliers d’immigrés, en particulier musulmans, tous les ans. L’homogénéité ethnique de notre peuple est disloquée, notre culture chrétienne, au moins ce qu’il en restait, disparaît. Nous pouvons parfaitement appeler de nos vœux, approuver, animer un gouvernement fort qui prendra les mesures indispensables pour rétablir l’ordre partout en France et rendre à notre peuple son identité et sa fierté. Mais nous ne pouvons cependant ni détester ni mépriser les immigrés, même s’il est nécessaire parfois de nous protéger. Nous devons les aimer et leur vouloir du bien, c’est-à-dire avant tout travailler de toutes nos forces à leur conversion au Christ. Ils sont notre prochain pour qui nous devons être prêts à donner notre vie et nous nous devons d’être pour eux, si c’est nécessaire, le bon samaritain qui s’arrête pour les secourir.
Les musulmans sont fiers de leur foi et la manifestent dans toute leur vie sociale. Ils ne comprennent pas que des croyants d’une autre religion se cachent et dissimulent leur foi comme s’ils en avaient honte.
La politique d’enfouissement prônée par les évêques n’est qu’une impasse que l’on présente aux rescapés du modernisme comme le nec plus ultra dans notre société moderne.
Pour attirer au Christ, à l’Eglise, il faut en être fier et porter bien haut l’étendard de Notre Seigneur et de sa sainte Mère. C’est en voyant des chrétiens agir en chrétiens et manifester leur foi que le musulman pourra se poser des questions sur ses propres croyances et pratiques cultuelles.
Me promenant en soutane dans les rues de Rabat, j’ai eu l’occasion de parler religion avec une étudiante musulmane, intriguée notamment par le célibat sacerdotal et la confession des péchés. Habillé en pékin, je n’aurais été qu’un touriste comme les autres, réservoir de dirhams pour guides improbables.
Une grande difficulté dans le travail de conversion des mahométans est la barrière infranchissable que constitue leur livre saint, le Coran. Ils s’interdisent tout regard critique sur ce texte, sa formation, son herméneutique profonde. Le Coran de plus ne contient aucun mystère proprement dit, c’est-à-dire une vérité que Dieu nous fait connaître mais qui dépasse les capacités de notre intelligence humaine. On peut parler ici d’un véritable rationalisme musulman, étranger à toute vérité qui dépasse les connaissances d’une théodicée sommaire. L’Islam, avant d’être une doctrine, est un mode de vie, une collection de préceptes qui fixe ce qui est permis (halal) et ce qui est interdit (haram), une sorte de pharisaïsme figé gouvernant tous les aspects de la vie, tant individuelle que sociale.
Un musulman ne peut concevoir le mystère de la Sainte Trinité qu’il réduit à de l’idolâtrie, ou que Jésus-Christ soit le Fils de Dieu, ce qui pour lui signifie que Dieu aurait pris femme ! Il faut donc d’abord que le musulman, persuadé de la supériorité du Coran sur toute autre révélation, accepte humblement de revoir sa copie et d’examiner le Coran en essayant de le comprendre.
C’est exactement ce que le compagnon de chambrée de Joseph Fadelle lui demande avant toute nouvelle discussion sur la religion : « Lis le Coran en t’efforçant de comprendre chaque verset, chaque mot ». Joseph se mit donc au travail mais bien vite il buta sur des versets qui le laissèrent perplexe, comme ceux réglant tous les détails triviaux des règles de la répudiation, ou encore ceux établissant la supériorité de l’homme sur la femme. Il consulte un ayatollah, c’est-à-dire un docteur du clergé chiite, qui ne lui donne pas de réponse satisfaisante. Cette lecture critique va ébranler fortement les convictions de Joseph et l’amener à accepter la révélation chrétienne.
Il faut enfin présenter la personne divine de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui attire fortement les musulmans mis mal à l’aise par la lecture du Coran. Comme l’écrit un musulman converti, qui a lu l’évangile de saint Jean : « La lecture du premier chapitre m’a transpercé le cœur, en un instant j’ai su que la Bible était la parole de Dieu et que Jésus était la Vérité ». Alors que l’évangile de saint Jean semble le plus difficile d’accès, il est souvent celui qui touche le plus les musulmans en recherche car il manifeste particulièrement la divinité du Christ : « ces miracles ont été consignés pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, fidèles, vous ayez la vie en son nom » (Io 20, 31). Cette lecture leur fait découvrir une dimension essentielle de Dieu que l’Islam ignore, à savoir que Dieu est Amour.
Ce témoignage d’un nouveau baptisé le confirme : « Un musulman qui se convertit, c’est un amoureux de la Vérité qui cherche la vérité. Il s’aperçoit petit à petit que sa religion ne lui dit pas l’essentiel : Dieu est Amour (1 Io 4, 8). Lorsqu’il découvre l’Evangile, c’est une véritable libération pour lui ».
Joseph Fadelle écrit de même : « J’ai ainsi en tête tous les noms d’Allah donnés par le Coran. Il y en a quatre-vingt-dix-neuf connus : Eternel, Inengendré, Unique, Inaccessible, Ferme, Invincible, Glorieux, Sage, Bienveillant, Miséricordieux, mais aussi Vengeur… En revanche, il en existe un autre, le centième nom, que personne ne connaît. Ce nom d’Allah mystérieux et inconnu, j’ai l’impression de le découvrir aujourd’hui, c’est l’Amour ».
Que Notre-Dame de Liesse attire de nombreux musulmans à l’amour de son Fils, qu’elle nous présente debout sur ses genoux, les bras écartés dans la position du crucifié mais aussi comme celui qui veut accueillir et presser sur son Cœur tous les hommes qu’il a créés.
Abbé Ludovic Girod
Extrait de la Sainte Ampoule n° 190 de novembre 2010