La fin de vie en rémission

Le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale française. Crédit : Webster et verdy_p. / Wikimédia Creative Commons

Sans sur­prise, le pro­jet de loi sur l’euthanasie qu’une majo­ri­té de par­le­men­taires ten­taient de faire pas­ser à la hus­sarde depuis plu­sieurs jours, n’a pas pu être sou­mis au vote final des dépu­tés, le 8 avril 2021. Non pas faute d’un consen­sus large, mais faute de temps, les oppo­sants au texte ayant recou­ru à tous les arti­fices légaux pour blo­quer celui-ci.

Le 31 mars 2021, le pre­mier acte d’une pièce de théâtre mor­bide se jouait au Palais-​Bourbon : ce jour-​là, les dépu­tés réunis en com­mis­sion adop­taient une pro­po­si­tion de loi sur l’euthanasie, ins­crite à l’ordre du jour du 8 avril suivant.

Inspiré de la loi votée en Belgique en 2002, le pro­jet fran­çais évoque une « fin de vie libre et choi­sie », ou encore une « aide médi­ca­li­sée à mou­rir » : ou com­ment la sinistre réa­li­té de la mise à mort d’un patient vul­né­rable se trouve méta­mor­pho­sée en une marque d’altruisme, grâce à la baguette magique des élé­ments de langage.

Ainsi, le pro­jet prévoit-​il de pro­cu­rer « une assis­tance médi­ca­li­sée à mou­rir », à « toute per­sonne capable et majeure, en phase avan­cée ou ter­mi­nale d’une affec­tion grave et incu­rable, quelle qu’en soit la cause, pro­vo­quant une souf­france phy­sique ou psy­chique qui ne peut être apai­sée ou qu’elle juge insup­por­table » (art 1).

L’article 2 détaille le mode d’emploi de cette mort pro­gram­mée : « Lorsque (…) une per­sonne demande à son méde­cin trai­tant une assis­tance médi­ca­li­sée active à mou­rir, celui-​ci sai­sit sans délai deux autres pra­ti­ciens, dont au moins un est spé­cia­liste de l’affection dont souffre le deman­deur. » Ces der­niers « exa­minent ensemble la situa­tion médi­cale de la per­sonne », et peuvent déci­der de pas­ser à la phase exécutoire.

Bien sûr, il est pré­vu que le malade puisse se rétrac­ter à tout moment : une pré­cau­tion de lan­gage pour mas­quer des dérives aus­si nom­breuses qu’inévitables. Il suf­fit d’être atten­tif à ce qui se passe chez nos voi­sins Belges pour s’en convaincre.

Le texte, sou­te­nu par une majo­ri­té trans-​partisane de 225 dépu­tés, allant de La France insou­mise aux Républicains, a été ins­crit à l’ordre du jour du 8 avril 2021.

Mais les dépu­tés ne dis­po­saient que d’une jour­née pour exa­mi­ner et voter le texte, sachant que l’exécutif, empê­tré dans une crise sani­taire sans pré­cé­dent, et à moins d’un an de l’élection pré­si­den­tielle, sem­blait peu enclin à sou­te­nir un pro­jet de loi poten­tiel­le­ment explosif.

Estimant que le temps pou­vait jouer en leur faveur, quelques par­le­men­taires oppo­sés à l’euthanasie – car on en trouve encore – ont déci­dé de trans­for­mer le sprint des pro­mo­teurs de la mort gan­tée de blanc, en course d’obstacles : près de 3 000 amen­de­ments ont ain­si été dépo­sés qui obtinrent l’effet recher­ché, et empê­chèrent l’achèvement de l’examen du pro­jet avant jeu­di 8 avril minuit…

A défaut d’un scru­tin final, le texte a reçu un large consen­sus – 240 voix pour, 48 contre, 13 abs­ten­tions – lors de l’adoption, en fin de soi­rée d’un amen­de­ment qui repre­nait les points cen­traux sur « l’assistance médi­ca­li­sée à mou­rir » ou la clause de conscience pour les médecins.

Le rap­por­teur du pro­jet, Olivier Falorni, s’est néan­moins féli­ci­té d’un « mes­sage fort », tan­dis que ses col­lègues criaient à « l’obstruction », à la « néga­tion du tra­vail par­le­men­taire », allant jusqu’à invo­quer un « manque de res­pect démo­cra­tique ». Les Français « sont une immense majo­ri­té à être favo­rables au droit à l’euthanasie », une « ultime liber­té », a conclu Olivier Falorni.

Ou plu­tôt une ultime trans­gres­sion, qui ne devrait pas avoir de mal à trou­ver un cadre légal à moyen terme : le Palais-​Bourbon est une mai­son ouverte à tous les vents, chas­sez le diable par la porte, il revient par la fenêtre.

Source : Fsspx.Actualités