Editorial du n° 35 d’avril 2014 – Aux Sources du Carmel : La pureté est à la base de la perfection évangélique

Bulletin du Tiers-​Ordre sécu­lier pour les pays de langue fran­çaise

Editorial du n° 35 d’avril 2014 – Aux Sources du Carmel :
La pureté est à la base de la perfection évangélique, abbé Dubroeucq

Cher frère, Chère sœur,

Depuis son bap­tême le chré­tien est en marche vers la vie éter­nelle, cette vie com­men­cée en lui par la grâce sanc­ti­fiante reçue au moment de l’ablution sacra­men­telle. Ce tré­sor de la vie sur­na­tu­relle, il tient à lui, aidé du secours divin, de ne pas le perdre et de le faire croître jusqu’au terme de son exis­tence ici-​bas. Car, nous ne sommes pas seuls, Jésus, notre Maître, est notre guide : « Je suis la voie, la véri­té et la vie » « Le Christ, étant et com­mu­ni­quant la véri­té et la vie, est le che­min même pour aller à Dieu (Jn 14, 6). Il n’y a donc qu’à le suivre pour entrer dans la mai­son du Père1 ».

Le suivre, c’est d’abord se renon­cer chaque jour, imi­ter le divin Modèle, et s’unir à Lui. Aussi saint Pierre exhorte-​t-​il ses fidèles, « comme des étran­gers et des voya­geurs », à s’abstenir des dési­rs char­nels qui com­battent contre l’âme, à avoir une bonne conduite, pra­ti­quant de bonnes œuvres afin que Dieu soit glo­ri­fié, « car c’est là la volon­té de Dieu, qu’en fai­sant le bien vous rédui­siez au silence l’ignorance des hommes insen­sés2. » Après avoir fait de Jésus cru­ci­fié l’idéal de sa vie, saint Paul peut décla­rer que pour lui, « vivre, c’est le Christ ». Voilà l’union à laquelle toute âme chré­tienne doit aspi­rer, et qui se réa­lise lorsqu’elle s’est iden­ti­fiée à Jésus-​Christ, se confor­mant en tout à sa sainte volon­té. C’est en accom­plis­sant, sans cesse, comme Jésus, ce qui plaît au Père, que l’on avance sur le che­min spi­ri­tuel qui mène à la Vie. Dieu alors, nous puri­fie, puis nous illu­mine, nous unit enfin à Lui.

La pure­té est à la base de la per­fec­tion évan­gé­lique. Le mot de sain­te­té, affirme saint Thomas, évoque aus­si­tôt l’idée de pure­té3. Saint Jérôme répon­dait à la chré­tienne Célantia, qui lui deman­dait un pro­gramme de per­fec­tion : « Voulez-​vous bâtir, non sur le sable mou­vant, mais sur la soli­di­té du roc, don­nez comme assise à votre construc­tion l’innocence de votre vie ; plus faci­le­ment alors vous pour­rez vous éle­ver au faîte de la jus­tice4 » « Vous savez que la pre­mière pierre de l’édifice, c’est une bonne conscience, la fuite très soi­gneuse de tout péché, même véniel, et la recherche du plus par­fait5 ». Au pre­mier degré où se trouvent les com­men­çants, l’âme écarte les obs­tacles à l’union divine et au règne de Dieu en elle. Elle s’efforce prin­ci­pa­le­ment d’éviter le péché et de résis­ter à ses dan­ge­reux attraits ; elle ali­mente la flamme de la divine cha­ri­té de peur qu’elle ne baisse et ne s’éteigne6.

Cet éloi­gne­ment du péché est le pre­mier résul­tat de la confor­mi­té à la Volonté divine. L’âme qui fait sienne cette Volonté sainte par­ti­cipe à son infi­nie Pureté : elle avance dans la voie des imma­cu­lés : « Heureux ceux qui sont irré­pro­chables dans leurs voies7. »

Si la pure­té de conscience est l’élément néga­tif de la sain­te­té, les ver­tus en sont l’élément posi­tif. Il ne suf­fit pas de fuir le mal, encore faut-​il accom­plir le bien : « Éloigne-​toi du mal et fais le bien8. » En omet­tant de faire le bien que l’on doit accom­plir, on peut offen­ser Dieu et le pro­chain : veillons, par exemple, à ne pas igno­rer un membre de notre famille reli­gieuse que nous voyons régu­liè­re­ment ou qui vit à proxi­mi­té, à lui adres­ser quelques mots bien­veillants, à lui venir en aide au besoin, à le pré­ve­nir de nos ser­vices. Faire de même à l’égard du pro­chain que Dieu met sur notre che­min. Ce sont les ver­tus natu­relles et sur­na­tu­relles qui font l’homme par­fait et le chré­tien idéal. Leur pro­gramme d’action s’inscrit tout d’abord en la conscience de cha­cun par la loi natu­relle. Il se trouve ensuite expli­ci­té dans la loi posi­tive, le Décalogue, l’Évangile, la légis­la­tion ecclé­siale et civile, par l’autorité de l’Église qui est la grande école des ver­tus. Aussi toute ver­tu découle-​t-​elle comme de sa source pre­mière, de la volon­té de Dieu mani­fes­tée par la loi ou l’autorité. La confor­mi­té à cette Volonté devient dès lors le grand moteur de notre orga­nisme moral. Il suf­fi­rait d’agir, tout au long de nos jour­nées dans le cadre de cette Volonté pour trou­ver à toute heure l’occasion de pra­ti­quer le bien. Cette dis­po­si­tion habi­tuel­le­ment entre­te­nue met en conti­nuelle acti­vi­té les ver­tus morales et plus encore les ver­tus théo­lo­gales ; elle suf­fit pour conduire rapi­de­ment à la sain­te­té. C’est prin­ci­pa­le­ment en sa puis­sance d’union à Dieu et d’identification à la cha­ri­té que réside la pri­mau­té de cette dis­po­si­tion. La sain­te­té consiste dans l’union par­faite de l’âme avec Dieu : l’union implique assi­mi­la­tion, fusion, trans­for­ma­tion ain­si que l’exprime l’Apôtre : « Je vis ; non, ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi9. » Or rien ne nous unit plus inti­me­ment à Dieu, ne nous fait entrer davan­tage dans le mys­tère de sa vie tri­ni­taire que la confor­mi­té totale à sa sainte Volonté.

« Il est évident que la sou­ve­raine per­fec­tion ne consiste pas dans les conso­la­tions inté­rieures, ni dans les sublimes ravis­se­ments, ni dans les visions, ni dans l’esprit de pro­phé­tie. Elle consiste à rendre sa volon­té si conforme à celle de Dieu, que dès que nous com­pre­nons qu’une chose est vou­lue de Lui, nous nous y atta­chons de tout notre vou­loir10. » C’est ain­si que notre volon­té ne fait plus qu’un avec celle de Dieu, comme l’exprime saint Jean de la Croix : « L’état de divine union consiste pour l’âme dans la totale trans­for­ma­tion de sa volon­té en la volon­té de Dieu, de telle sorte qu’il n’y ait rien dans sa volon­té qui soit contraire à la volon­té de Dieu, mais que tout le mobile qui dirige cette volon­té humaine soit pure­ment et abso­lu­ment la volon­té de Dieu.[…] Dans cet état d’union des deux volon­tés il n’en demeure plus qu’une, à savoir la volon­té de Dieu, qui est deve­nue la volon­té de l’âme11.

Par la cha­ri­té enfin, l’âme s’unit à Dieu. C’est ce que réa­lise la confor­mi­té à la volon­té de Dieu. L’amour de Dieu est la marque, la mesure de la per­fec­tion en même temps que le prin­cipe actif de ses déve­lop­pe­ments suc­ces­sifs. On ne se sanc­ti­fie vrai­ment que par la cha­ri­té. La véri­table ami­tié consiste à n’avoir qu’un seul et même vouloir.

« L’acte d’amour le plus par­fait qu’une âme puisse pro­duire envers Dieu, c’est celui que fit saint Paul lorsqu’il se conver­tit et s’écria : « Seigneur, que voulez-​vous que je fasse ? » Cet acte vaut plus que mille jeûnes et mille disciplines…Toute notre per­fec­tion consiste dans l’amour, mais toute la per­fec­tion de l’amour consiste dans l’union de notre volon­té à celle de Dieu, de là, plus on est uni à la volon­té de Dieu, plus grand est l’amour qu’on a pour lui12. »

Cette confor­mi­té conduit l’âme jusqu’aux cimes de la sain­te­té. Aussi sainte Thérèse, sou­cieuse de la per­fec­tion de ses reli­gieuses, après les avoir exhor­tées à « tra­vailler avec cou­rage à rendre [leur] volon­té conforme à celle de Dieu »et à « prendre tous les moyens néces­saires pour y arri­ver », ajoute-​t-​elle que c’est en cela que « consiste toute entière la per­fec­tion la plus haute que l’on puisse atteindre dans le che­min spi­ri­tuel. Plus cette confor­mi­té est par­faite, plus on reçoit du Seigneur, et plus on est avan­cé sur ce che­min13. » C’est un fiat total et per­ma­nent que nous appre­nons à l’école de Notre Seigneur et de Notre-Dame. 

Que l’exemple de Notre-​Seigneur, se fai­sant obéis­sant jusqu’à la mort de la Croix pour se confor­mer à la volon­té sainte de son Père et celui de Notre-​Dame de Compassion redi­sant son Fiat, nous entraînent à leur suite sur le che­min qui, avec la grâce de Dieu, nous condui­ra à la Vie éternelle. 

Je vous bénis

Abbé L.-P. Dubrœucq †

Retraites carmélitaines

Retraites car­mé­li­taines

Retraites mixtes (hommes et dames),ouvertes prin­ci­pa­le­ment aux ter­tiaires du car­mel mais aus­si aux per­sonnes inté­res­sées par la spi­ri­tua­li­té du carmel.

Inscriptions auprès de M. l’ab­bé Dubroeucq au prieu­ré de Gastines tél : 02 41 74 12 78 

Tél : au prieu­ré Saint Louis-​Marie Grignon de Montfort, 49380 Faye d’Anjou ou au 06 16 80 63 17

  1. R.P. Spicq, Vie chré­tienne et péré­gri­na­tion selon le Nouveau Testament, Cerf, 1972, ch.7, p.197. []
  2. 1 Pi. 2, 15. []
  3. 2a-​2ae, q.81, a. 8c.. []
  4. St Jérôme, Lettre CXLVIII, 7, in Migne, PL, XXII, col. 1207. []
  5. Ste Thérèse de Jésus, Chemin de per­fec­tion, ch.5, 3, in Thérèse d’Avila. Œuvres com­plètes, Paris, Cerf, 1995, p.718. []
  6. St Thomas, II-​II, q. 24, a. 9. []
  7. Ps. CXVIII, 1. []
  8. Ps. 36, 27. []
  9. Gal.2, 20. []
  10. Ste Thérèse de Jésus, Fondations, ch. V, 10, in Thérèse d’Avila. Œuvres com­plètes, op. cit., p. 465–466. []
  11. La mon­tée du Carmel, Livre I, ch. 11, 2–3, in Jean de la Croix. Œuvres com­plètes, Paris, Cerf, 1997, p. 617. []
  12. St Alphonse, De la confor­mi­té à la volon­té divine. []
  13. Château inté­rieur, Deuxièmes Demeures, 8, in Œuvres com­plètes, op. cit., p.991–992. []