Les réactions – « Le Temps » – 26 janvier 2009

« Je crois à l’in­failli­bi­li­té de l’Eglise » – Mgr Fellay se dit confiant dans l’a­ve­nir

[…]– Selon des obser­va­teurs, la déci­sion du pape pour­rait créer des divi­sions au sein de la Fraternité. Tous les fidèles et les prêtres ne seraient pas prêts à l’unité.

– Je ne crains rien. Il peut tou­jours y avoir une voix dis­cor­dante ici ou là. Mais le zèle que les fidèles ont mis à prier le cha­pe­let pour deman­der la levée des excom­mu­ni­ca­tions en dit long sur notre union ; 1 700 000 rosaires ont été dits en deux mois et demi. 

Dans votre , vous mani­fes­tez votre sou­hait d’examiner avec Rome les causes pro­fondes de « la crise sans pré­cé­dent qui secoue l’Eglise aujourd’hui ». Quelles sont ces causes ?

– Pour l’essentiel, cette crise est due à une nou­velle approche du monde, une nou­velle vue de l’homme, à savoir un anthro­po­cen­trisme qui consiste en une exal­ta­tion de l’homme et un oubli de Dieu. L’arrivée des phi­lo­so­phies modernes, avec leur lan­gage moins pré­cis, a ame­né une confu­sion dans la théologie. 

– Le Concile Vatican II est-​il aus­si res­pon­sable de la crise de l’Eglise selon vous ? 

– Tout ne vient pas de l’Eglise. Mais il est vrai que nous reje­tons une par­tie du concile. Benoît XVI lui-​même a condam­né ceux qui reven­diquent l’esprit de Vatican II pour deman­der une évo­lu­tion de l’Eglise en rup­ture avec son passé. 

– Au centre des cri­tiques que vous faites à Vatican II, il y a l’œcuménisme et la liber­té religieuse. 

– La recherche de l’unité de tous dans le corps mys­tique de l’Eglise est notre désir le plus cher. Cependant, la méthode uti­li­sée n’est pas adé­quate. Aujourd’hui, on insiste tel­le­ment sur les points qui nous unissent aux autres confes­sions chré­tiennes qu’on oublie ceux qui nous séparent. Nous pen­sons que ceux qui ont quit­té l’Eglise catho­lique, c’est-à-dire les ortho­doxes et les pro­tes­tants, doivent y reve­nir. Nous conce­vons l’œcuménisme comme un retour à l’unité de la Vérité. 

Concernant la liber­té reli­gieuse, il convient de dis­tin­guer deux situa­tions : la liber­té reli­gieuse de l’individu, et les rela­tions entre l’Eglise et l’Etat. La liber­té reli­gieuse implique la liber­té de conscience. Nous sommes d’accord avec
le fait qu’on n’a pas le droit de for­cer quelqu’un à accep­ter une reli­gion. Quant à notre réflexion sur les rela­tions entre l’Eglise et l’Etat, elle se base sur le prin­cipe de tolé­rance. Il nous paraît évident que là où il y a plu­sieurs reli­gions, l’Etat doit veiller à leur bonne entente et à la paix. Reste qu’il n’y a qu’une reli­gion qui est vraie, et les autres ne le sont pas. Mais nous tolé­rons cette situa­tion pour le bien de tous.

– Que se passera-​t-​il si les négo­cia­tions échouent ? 

– Je suis confiant. Si l’Eglise dit quelque chose aujourd’hui en contra­dic­tion avec ce qu’elle a ensei­gné hier, et qu’elle nous a obli­gés à accep­ter ce chan­ge­ment, alors elle doit en expli­quer la rai­son. Je crois à l’infaillibilité de l’Eglise, et je pense que nous arri­ve­rons à une solu­tion vraie.