Jean Madiran et la déclaration de 1986 du cardinal Hoyos sur la messe tridentine qui n’était pas abolie


Dans Présent du 24 mai, Jean Madiran com­mente la décla­ra­tion du car­di­nal colom­bien qui admet qu’une com­mis­sion car­di­na­lice avait recon­nu en 1986 que la messe tri­den­tine n’était pas abo­lie :

« A la manière d’une simple inci­dente allant de soi, le car­di­nal Castrillon Hoyos a donc par­lé de faci­li­ter l’accès à la messe tra­di­tion­nelle ‘comme l’avait deman­dé la pre­mière Commission car­di­na­lice en 1986’. (…)

« Lisons bien. Il y eut donc une ‘pre­mière’ Commission car­di­na­lice, dit le Cardinal actuel­le­ment pré­sident de la ‘Commission Ecclesia Dei’. Celle-​ci est donc la seconde com­mis­sion char­gée de la messe traditionnelle.

« ‘Comme l’avait deman­dé’ cette pre­mière com­mis­sion en 1986. Mais on ne l’avait pas su. On avait igno­ré jusqu’à l’existence d’une telle com­mis­sion pon­ti­fi­cale. Elle avait été ins­ti­tuée par Jean-​Paul II, elle avait tra­vaillé, elle avait conclu dans le plus grand secret. Un secret res­té abso­lu­ment intact pen­dant neuf années. La pre­mière révé­la­tion de son exis­tence fut faite dis­crè­te­ment par une confé­rence pri­vée du car­di­nal Stickler à Fort Lee, dans le New Jersey.[1] Pendant cinq années, cette confé­rence ne fut pas connue en Europe. Aujourd’hui encore, douze années après avoir été pro­non­cée, elle reste très peu et très mal connue. Une autre source ne l’est pas mieux, c’est une lettre d’Eric de Saventhen publiée par La Nef en 1998.

« Le Pape avait ins­ti­tué en 1986 une com­mis­sion de huit car­di­naux (Saventhen) ou de neuf (Stickler) pour tirer au clair la situa­tion de la messe tra­di­tion­nelle et de ses fidèles. La réponse fut qu’elle n’avait jamais été [vala­ble­ment] inter­dite (d’ailleurs elle n’aurait pas pu l’être) et qu’on pou­vait en faci­li­ter la célé­bra­tion par un cer­tain nombre de mesures adé­quates. Voilà donc ce que, jusqu’en ce mois de mai 2007, nous savions et que la quasi-​totalité des paroisses conti­nuait à igno­rer ou ne vou­lait pas savoir. Pour la pre­mière fois, une voix offi­cielle, et quelle voix, celle du Cardinal qui pré­side l’actuelle com­mis­sion, vient publi­que­ment confir­mer l’existence de la ‘pre­mière’ com­mis­sion, celle de 1986, et le sens dans lequel elle s’était prononcée ».

Le Figaro du 25 mai, dans un article consa­cré aux « pèle­rins de Pentecôte », sous la plume de Sophie de Ravinel, révèle au condi­tion­nel : « Le texte de quelques pages, accom­pa­gné pour les évêques d’une lettre expli­ca­tive, serait publié avant la fin mai. Benoît XVI don­ne­rait aux seuls curés la res­pon­sa­bi­li­té d’accepter ou non une messe tri­den­tine dans leur paroisse et le texte ne dirait rien des lefèb­vristes (sic) ».

L’agence Associated Press fait état, le 26 mai, des résis­tances aux­quelles le pape doit faire face, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Eglise :

« Retour en arrière ? Alors que la célé­bra­tion de la messe en langue ver­na­cu­laire, et non plus en latin, était une des réformes les plus radi­cales de Vatican II, le pape Benoît XVI semble aujourd’hui prêt à auto­ri­ser le retour de la messe de rite tri­den­tin qui date du XVIe siècle.

« S’il le fait, il pas­se­ra outre les objec­tions de cer­tains car­di­naux, évêques et membres de la com­mu­nau­té juive, dont les griefs concernent notam­ment les mots uti­li­sés dans ce rite tri­den­tin, ou la forme de rejet qu’il consti­tue­rait par rap­port aux avan­cées du Concile Vatican II, qui a eu lieu de 1962 à 1965, et qui a sym­bo­li­sé l’ouverture de l’Eglise au monde moderne. (…)

Ces der­nières décen­nies, les prêtres ne pou­vaient célé­brer des messes de rite tri­den­tin qu’avec l’autorisation de leur évêque. Les res­pon­sables de l’Eglise attendent avec anxié­té la déci­sion de Benoît XVI, pour voir jusqu’où il ira dans l’assouplissement de cette règle. (…)

« Benoît XVI sou­haite récon­ci­lier l’Eglise catho­lique avec ce mou­ve­ment (la Fraternité Saint-​Pie X, ndlr), qui a deman­dé un assou­plis­se­ment des condi­tions de célé­bra­tion de la messe tra­di­tion­nelle en préa­lable d’une éven­tuelle nor­ma­li­sa­tion des relations.

« Mais les évêques, en France, où la mou­vance de Mgr Lefebvre reste forte, se sont oppo­sés publi­que­ment à toute libé­ra­li­sa­tion concer­nant ce rituel, affir­mant qu’un élar­gis­se­ment de son uti­li­sa­tion pour­rait entraî­ner des divi­sions au sein de l’Eglise, et ouvrir la porte à un rejet des autres ensei­gne­ments de Vatican II.

« ‘Une telle déci­sion risque de mettre en dan­ger l’unité des prêtres et des fidèles’, sou­ligne un com­mu­ni­qué dif­fu­sé à la fin de l’année der­nière par des évêques de Strasbourg, Metz et Besançon.

« Autre cri­tique : celle sou­le­vée par le rab­bin David Rosen, char­gé des rela­tions inter­re­li­gieuses au Comité juif amé­ri­cain. Il a écrit au mois de mars à plu­sieurs car­di­naux pour expri­mer son inquié­tude concer­nant une prière pour les ‘infi­dèles’ for­mu­lée pen­dant la messe de rite tri­den­tin, ain­si qu’une prière uti­li­sée pen­dant la Semaine sainte qui conte­nait des réfé­rences aux ‘per­fides’, ou infi­dèles, les juifs.

« Le car­di­nal Walter Kasper, char­gé des rela­tions entre le Vatican et les juifs, l’a tou­te­fois assu­ré que le mis­sel tri­den­tin uti­li­sé aujourd’hui ne conte­nait pas de réfé­rence aux juifs ‘per­fides’ ».

Sources : Apic/I.Media/ESM/Présent /​Figaro/​AP

A la deuxième ques­tion, les neuf car­di­naux étaient una­nimes pour dire qu’aucun évêque ne peut inter­dire à un prêtre catho­lique de dire la Messe tri­den­tine parce qu’il n’y a aucune inter­dic­tion offi­cielle. (ndlr)

Notes de bas de page
  1. Voici les pro­pos tenus par le Cardinal Stickler lors de cette confé­rence : Jean-​Paul II en 1986 avait sou­mis à une com­mis­sion de neuf car­di­naux les deux ques­tions sui­vantes : « Paul VI a‑t-​il vrai­ment inter­dit l’ancienne Messe ? » et « Un évêque peut-​il inter­dire à un prêtre de célé­brer de nou­veau la Messe Tridentine ? » Le car­di­nal Stickler a révé­lé que la réponse don­née en 1986 par huit des neufs car­di­naux était « non, la messe de St Pie V n’a jamais été abo­lie. » Mais le car­di­nal ajou­tait le com­men­taire sui­vant : « Je pense que le pape a accep­té cette réponse ; mais une fois encore, quand cer­taines confé­rences épis­co­pales ont eu vent du dan­ger, elles sont allées trou­ver le pape et lui ont dit : ‘Il ne faut abso­lu­ment pas don­ner cette per­mis­sion, ce serait l’occasion et même la cause de contro­verse par­mi les fidèles.’ Et je pense que, devant cet argu­ment, le pape s’est abs­te­nu de signer la per­mis­sion. »[]