Benoît XVI

265e pape ; de 2005 à 2013

7 juillet 2007

Motu proprio Summorum Pontificum

Lettre apostolique, Motu Proprio, du Souverain Pontife Benoît XVI sur l’usage de la Liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970

Ce Motu pro­prio était accom­pa­gné d’une lettre du Pape aux évêques.

Les Souverains Pontifes ont tou­jours veillé jusqu’à nos jours à ce que l’Église du Christ offre à la divine Majesté un culte digne, « à la louange et à la gloire de son nom » et « pour le bien de toute sa sainte Église ».

Depuis des temps immé­mo­riaux et aus­si à l’avenir, le prin­cipe à obser­ver est que « chaque Église par­ti­cu­lière doit être en accord avec l’Église uni­ver­selle, non seule­ment quant à la doc­trine de la foi et aux signes sacra­men­tels, mais aus­si quant aux usages reçus uni­ver­sel­le­ment de la tra­di­tion apos­to­lique inin­ter­rom­pue, qui sont à obser­ver non seule­ment pour évi­ter des erreurs, mais pour trans­mettre l’intégrité de la foi, parce que la lex oran­di de l’Église cor­res­pond à sa lex cre­den­di ». [1]

Parmi les Pontifes qui ont eu ce soin se dis­tingue le nom de saint Grégoire le Grand qui fut atten­tif à trans­mettre aux nou­veaux peuples de l’Europe tant la foi catho­lique que les tré­sors du culte et de la culture accu­mu­lés par les Romains au cours des siècles pré­cé­dents. Il ordon­na de déter­mi­ner et de conser­ver la forme de la litur­gie sacrée, aus­si bien du Sacrifice de la Messe que de l’Office divin, telle qu’elle était célé­brée à Rome. Il encou­ra­gea vive­ment les moines et les moniales qui, vivant sous la Règle de saint Benoît, firent par­tout res­plen­dir par leur vie, en même temps que l’annonce de l’Évangile, cette très salu­taire manière de vivre de la Règle, « à ne rien mettre au-​dessus de l’œuvre de Dieu » (chap. 43). Ainsi, la litur­gie selon les cou­tumes de Rome fécon­da non seule­ment la foi et la pié­té mais aus­si la culture de nom­breux peuples. C’est un fait en tout cas que la litur­gie latine de l’Église sous ses diverses formes, au cours des siècles de l’ère chré­tienne, a été un sti­mu­lant pour la vie spi­ri­tuelle d’innombrables saints et qu’elle a affer­mi beau­coup de peuples par la reli­gion et fécon­dé leur piété.

Au cours des siècles, beau­coup d’autres Pontifes romains se sont par­ti­cu­liè­re­ment employés à ce que la litur­gie accom­plisse plus effi­ca­ce­ment cette tâche ; par­mi eux se dis­tingue saint Pie V, qui, avec un grand zèle pas­to­ral, sui­vant l’exhortation du Concile de Trente, renou­ve­la tout le culte de l’Église, fit édi­ter des livres litur­giques cor­ri­gés et « réfor­més selon la volon­té des Pères », et les don­na à l’Église latine pour son usage.

Parmi les livres litur­giques du Rite romain, la pre­mière place revient évi­dem­ment au Missel romain, qui se répan­dit dans la ville de Rome puis, les siècles sui­vants, prit peu à peu des formes qui ont des simi­li­tudes avec la forme en vigueur dans les géné­ra­tions récentes.

C’est le même objec­tif qu’ont pour­sui­vi les Pontifes romains au cours des siècles sui­vants en assu­rant la mise à jour des rites et des livres litur­giques ou en les pré­ci­sant, et ensuite, depuis le début de ce siècle, en entre­pre­nant une réforme plus géné­rale » [2]. Ainsi firent mes pré­dé­ces­seurs Clément VIII, Urbain VIII, saint Pie X [3], Benoît XV, Pie XII et le bien­heu­reux Jean XXIII.

Plus récem­ment, le Concile Vatican II expri­ma le désir que l’observance et le res­pect dus au culte divin soient de nouv eau réfor­més et adap­tés aux néces­si­tés de notre temps. Poussé par ce désir, mon pré­dé­ces­seur le Souverain Pontife Paul VI approu­va en 1970 des livres litur­giques res­tau­rés et par­tiel­le­ment réno­vés de l’Église latine ; ceux-​ci, tra­duits par­tout dans le monde en de nom­breuses langues modernes, ont été accueillis avec plai­sir par les Évêques comme par les prêtres et les fidèles. Jean-​Paul II recon­nut la troi­sième édi­tion type du Missel romain. Ainsi, les Pontifes romains se sont employés à ce que « cet édi­fice litur­gique, pour ain­si dire, […] appa­raisse de nou­veau dans la splen­deur de sa digni­té et de son har­mo­nie ». [4]

Dans cer­taines régions, tou­te­fois, de nom­breux fidèles se sont atta­chés et conti­nuent à être atta­chés avec un tel amour et une telle pas­sion aux formes litur­giques pré­cé­dentes, qui avaient pro­fon­dé­ment impré­gné leur culture et leur esprit, que le Souverain Pontife Jean-​Paul II, pous­sé par la sol­li­ci­tude pas­to­rale pour ces fidèles, accor­da en 1984, par un indult spé­cial Quattuor abhinc annos de la Congrégation pour le Culte divin, la facul­té d’utiliser le Missel romain publié en 1962 par Jean XXIII ; puis de nou­veau en 1988, par la lettre apos­to­lique Ecclesia Dei en forme de motu pro­prio, Jean-​Paul II exhor­ta les Évêques à uti­li­ser lar­ge­ment et géné­reu­se­ment cette facul­té en faveur de tous les fidèles qui en feraient la demande.

Les prières ins­tantes de ces fidèles ayant déjà été lon­gue­ment pesées par Notre pré­dé­ces­seur Jean-​Paul II, ayant Nousi-​même enten­du les Pères Cardinaux au consis­toire qui s’est tenu le 23 mars 2006, tout bien consi­dé­ré, après avoir invo­qué l’Esprit Saint et l’aide de Dieu, par la pré­sente Lettre apos­to­lique Nous déci­dons ce qui suit :

Art. 1. Le Missel romain pro­mul­gué par Paul VI est l’expression ordi­naire de la « lex oran­di » de l’Église catho­lique de rite latin. Le Missel romain pro­mul­gué par S. Pie V et réédi­té par le B. Jean XXIII doit être consi­dé­ré comme l’expression extra­or­di­naire de la même « lex oran­di » de l’Église et être hono­ré en rai­son de son usage véné­rable et antique. Ces deux expres­sions de la « lex oran­di » de l’Église n’induisent aucune divi­sion de la « lex cre­den­di » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.

Il est donc per­mis de célé­brer le Sacrifice de la Messe sui­vant l’édition type du Missel romain pro­mul­gué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abro­gé, en tant que forme extra­or­di­naire de la Liturgie de l’Église. Mais les condi­tions éta­blies par les docu­ments pré­cé­dents Quattuor abhinc annos et Ecclesia Dei pour l’usage de ce Missel sont rem­pla­cées par ce qui suit :

Art. 2. Aux Messes célé­brées sans peuple, tout prêtre catho­lique de rite latin, qu’il soit sécu­lier ou reli­gieux, peut uti­li­ser le Missel romain publié en 1962 par le bien­heu­reux Pape Jean XXIII ou le Missel romain pro­mul­gué en 1970 par le Souverain Pontife Paul VI, et cela quel que soit le jour, sauf le Triduum sacré. Pour célé­brer ain­si selon l’un ou l’autre Missel, le prêtre n’a besoin d’aucune auto­ri­sa­tion, ni du Siège apos­to­lique ni de son Ordinaire.

Art. 3. Si des com­mu­nau­tés d’Instituts de vie consa­crée et de Sociétés de vie apos­to­lique de droit pon­ti­fi­cal ou de droit dio­cé­sain dési­rent, pour la célé­bra­tion conven­tuelle ou « com­mu­nau­taire », célé­brer dans leurs ora­toires propres la Messe selon l’édition du Missel romain pro­mul­gué en 1962, cela leur est per­mis. Si une com­mu­nau­té par­ti­cu­lière ou tout l’Institut ou Société veut avoir de telles célé­bra­tions sou­vent ou habi­tuel­le­ment ou de façon per­ma­nente, cette façon de faire doit être déter­mi­née par les Supérieurs majeurs selon les règles du droit et les lois et sta­tuts particuliers.

Art. 4. Aux célé­bra­tions de la Messe dont il est ques­tion ci-​dessus à l’art. 2 peuvent être admis, en obser­vant les règles du droit, des fidèles qui le demandent spontanément.

Art. 5, § 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles atta­chés à la tra­di­tion litur­gique anté­rieure, le curé accueille­ra volon­tiers leur demande de célé­brer la Messe selon le rite du Missel romain édi­té en 1962. Il appré­cie­ra lui-​même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en har­mo­nie avec la sol­li­ci­tude pas­to­rale de la paroisse, sous le gou­ver­ne­ment de l’Évêque selon les normes du canon 392, en évi­tant la dis­corde et en favo­ri­sant l’unité de toute l’Église.

§ 2. La célé­bra­tion selon le Missel du bien­heu­reux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordi­naires ; mais les dimanches et les jours de fêtes, une Messe sous cette forme peut aus­si être célébrée.

§ 3. Le curé peut aus­si auto­ri­ser aux fidèles ou au prêtre qui le demandent, la célé­bra­tion sous cette forme extra­or­di­naire dans des cas par­ti­cu­liers comme des mariages, des obsèques ou des célé­bra­tions occa­sion­nelles, par exemple des pèlerinages.

§ 4. Les prêtres uti­li­sant le Missel du bien­heu­reux Jean XXIII doivent être idoines et non empê­chés par le droit.

§ 5. Dans les églises qui ne sont ni parois­siales ni conven­tuelles, il appar­tient au Recteur de l’église d’autoriser ce qui est indi­qué ci-dessus.

Art. 6. Dans les Messes selon le Missel du B. Jean XXIII célé­brées avec le peuple, les lec­tures peuvent aus­si être pro­cla­mées en langue ver­na­cu­laire, uti­li­sant des édi­tions recon­nues par le Siège apostolique.

Art. 7. Si un groupe de fidèles laïcs dont il est ques­tion à l’article 5 § 1 n’obtient pas du curé ce qu’ils lui ont deman­dé, ils en infor­me­ront l’Évêque dio­cé­sain. L’Évêque est ins­tam­ment prié d’exaucer leur désir. S’il ne peut pas pour­voir à cette forme de célé­bra­tion, il en sera réfé­ré à la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei.

Art. 8. L’Évêque qui sou­haite pour­voir à une telle demande de fidèles laïcs, mais qui, pour dif­fé­rentes rai­sons, en est empê­ché, peut en réfé­rer à la Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei, qui lui four­ni­ra conseil et aide.

Art. 9, § 1. De même, le curé, tout bien consi­dé­ré, peut concé­der l’utilisation du rituel ancien pour l’administration des sacre­ments du Baptême, du Mariage, de la Pénitence et de l’Onction des Malades, s’il juge que le bien des âmes le réclame.

§ 2. Aux Ordinaires est accor­dée la facul­té de célé­brer le sacre­ment de la Confirmation en uti­li­sant le Pontifical romain ancien, s’il juge que le bien des âmes le réclame.

§ 3. Tout clerc dans les ordres sacrés a le droit d’utiliser aus­si le Bréviaire romain pro­mul­gué par le bien­heu­reux Pape Jean XXIII en 1962.

Art. 10. S’il le juge oppor­tun, l’Ordinaire du lieu a le droit d’ériger une paroisse per­son­nelle au titre du canon 518, pour les célé­bra­tions selon la forme ancienne du rite romain, ou de nom­mer soit un rec­teur soit un cha­pe­lain, en obser­vant les règles du droit.

Art. 11. La Commission pon­ti­fi­cale Ecclesia Dei, éri­gée par le Pape Jean-​Paul II en 1988 [5], conti­nue à exer­cer sa mis­sion. Cette com­mis­sion aura la forme, la charge et les normes que le Pontife romain lui-​même vou­dra lui attribuer.

Art. 12. Cette com­mis­sion, outre les facul­tés dont elle jouit déjà, exer­ce­ra l’autorité du Saint-​Siège, veillant à l’observance et à l’application de ces dispositions.

Tout ce que Nous avons éta­bli par la pré­sente Lettre apos­to­lique en forme de Motu proprio,Nous ordon­nons que cela ait une valeur pleine et stable, et soit obser­vé à comp­ter du 14 sep­tembre de cette année, non­obs­tant toutes choses contraires.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 7 juillet de l’an du Seigneur 2007, en la troi­sième année de Notre pontificat.

Benedictus PP. XVI

Notes de bas de page
  1. Présentation géné­rale du Missel romain, troi­sième édi­tion, 2002, n. 397. [Institutio gene­ra­lis Missalis Romani, Editio ter­tia, 2002, 397.][]
  2. Jean-​Paul II, Lettre ap. Vicesimus quin­tus annus (4 décembre 1988), n. 3 : AAS 81 (1989), p. 899 ; La Documentation catho­lique 86 (1989), pp. 518–519.[Ioannes Paulus Pp. II, Litt. ap. Vicesimus quin­tus annus (4 Decembris 1988), 3 : AAS 81 (1989), 899.][]
  3. ibi­dem[]
  4. Motu pro­prio Abhinc duos annos (23 octobre 1913) : AAS 5 (1913), pp. 449–450 ; cf. Jean-​Paul II, Lettre ap. Vicesimus quin­tus annus, n. 3 : AAS 81 (1989), p. 899 ; La Documentation 86 (1989), p. 519.[Pius Pp. X, Litt. Ap. Motu pro­prio datæ Abhinc duos annos (23 Octobris 1913) : AAS 5 (1913), 449–450 ;cfr Ioannes Paulus II, Litt. ap. Vicesimus quin­tus annus (4 Decembris 1988), 3 : AAS 81 (1989), 899.][]
  5. Cf. Jean-​Paul II, Motu pro­prio Ecclesia Dei adflic­ta (2 juillet 1988), n. 6 : AAS 80 (1988), p. 1498 : La Documentation catho­lique 85 (1988), pp. 788–789. [Cfr Ioannes Paulus Pp. II, Litt. ap. Motu pro­prio datæ Ecclesia Dei (2 iulii 1988), 6 : AAS 80 (1988), 1498.][]