Vénérables frères,
Sur le point de laisser l’Eglise, acquise de son sang, et de passer de ce monde à son Père, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous prédit, à plusieurs reprises et très clairement, que nous serions toujours en butte aux persécutions de nos ennemis, et que jamais, sur cette terre, nous ne manquerions d’adversités. Ce qui avait été le partage de l’Epoux devait, en effet, être aussi celui de l’Epouse ; à l’Epoux il avait été dit : « Règne au milieu de tes ennemis » [1], de même l’Epouse devrait étendre son empire d’un océan à l’autre, à travers les ennemis et au milieu des combats, jusqu’à ce qu’elle entrât dans la terre promise pour jouir du bonheur de l’éternelle tranquillité.
Cet oracle du divin Rédempteur, Nous le voyons, aujourd’hui comme en tout temps, s’accomplir à la lettre. Ici c’est en bataille rangée et par une guerre ouverte ; là on recourt à la ruse et à des stratagèmes sournois ; mais partout Nous voyons l’Eglise assaillie. Tous ses droits, quels qu’ils soient, sont combattus et foulés aux pieds ; ses lois, ceux-là mêmes les méprisent qui auraient le devoir d’en maintenir l’autorité ; en même temps, une inondation de journaux impies et immoraux profane la sainteté de la foi et la pureté de la morale, au plus grand détriment des âmes et au non moindre dommage de la société civile qui se dissout ; vous-mêmes, qui avez vu ces faits ailleurs bien des fois, avez pu, il n’y a pas longtemps, dans notre pays même, les constater presque sous vos yeux.
Mais à ces maux voici qu’il s’en ajoute un autre, qui est incontestablement d’une gravité extrême : un certain esprit avide de nouveautés se répand de plus en plus ; impatient de toute discipline et de toute autorité, il met en discussion les doctrines de l’Eglise et même la vérité révélée par Dieu et s’efforce d’ébranler jusque dans ses fondements notre très sainte religion. C’est de cet esprit que sont animés – plût à Dieu qu’ils fussent moins nombreux – ceux qui embrassent avec une sorte d’impétuosité aveugle les aspirations les plus audacieuses de ce qu’ils exaltent sans cesse sous les mots de science, critique, progrès, civilisation. Au mépris de l’autorité tant du Pontife romain que des évêques, ils jettent un doute méthodique plein d’impiété jusque sur les fondements mêmes de la foi ; spécialement, ceux d’entre eux qui appartiennent au clergé, dédaignant l’étude de la théologie catholique, puisent à des sources empoisonnées leur philosophie, leur sociologie et leur littérature ; ils se réclament à grands cris d’on ne sait quelle conscience laïque en opposition avec la conscience catholique, et s’arrogent le droit en même temps que la mission de corriger et de réformer les consciences catholiques.
Certes, il faudrait gémir si de tels hommes, quittant le sein de l’Eglise, passaient dans les rangs de nos ennemis déclarés ; mais, ce qui est bien plus déplorable, c’est qu’ils en sont venus à un tel degré d’aveuglement qu’ils se croient encore et se proclament fils de l’Eglise, bien qu’ils aient renié, en fait sinon peut-être en parole, le serment de fidélité qu’ils ont prêté au baptême ;
C’est ainsi que, mus par une fallacieuse tranquillité de conscience, ils continuent leurs pratiques chrétiennes, se nourrissent du corps très saint de Jésus-Christ et même – ô horreur ! – montent à l’autel de Dieu pour y offrir le sacrifice ; et cependant leurs déclarations, leur conduite, les opinions qu’ils professent avec une obstination irréductible démontrent qu’ils ont perdu la foi et que, tout en se croyant sur le navire, ils ont fait lamentablement naufrage.
A l’exemple de Nos prédécesseurs, qui ont défendu la saine doctrine avec une extrême vigilance et une fermeté inébranlable, attentifs à la préserver de toute atteinte, Nous aussi. Nous souvenant du précepte de l’Apôtre : « Garde le bon dépôt » [2], Nous avons publié récemment le Décret Lamentabili, et bientôt après la Lettre Encyclique Pascendi dominici gregis ; et, outre Nos autres prescriptions. Nous avons très instamment demandé aux évêques de veiller spécialement et avec le plus grand soin sur leurs Séminaires pour empêcher que l’éducation des jeunes gens élevés en vue du sacerdoce ne subisse le moindre dommage ; ce qui, Nous sommes heureux de le dire, a été accueilli de plein gré par presque tous, et s’exécute avec zèle.
A Notre sollicitude paternelle pour le redressement des esprits égarés, vous n’ignorez pas, Vénérables Frères, comment ont répondu les égarés eux-mêmes. Les uns, hypocrite mensonge ! ont déclaré que Nos paroles ne les concernaient pas, cherchant par de subtils raisonnements à se soustraire à la condamnation. D’autres, avec un insolent orgueil, nous ont résisté ouvertement, à la grande douleur de tous les bons. C’est pourquoi, après avoir employé inutilement les moyens que suggérait la charité, Nous Nous sommes vu contraint, à Notre très grande douleur, d’infliger enfin des peines canoniques. Cependant, Nous ne cessons de prier instamment Dieu, le Père des lumières et des miséricordes, afin qu’il daigne ramener les égarés dans la voie de la justice. Nous souhaitons ardemment, Vénérables Frères, que vous fassiez de même, ne doutant pas un instant que vous ne consacriez avec Nous tous vos efforts pour enrayer le plus possible ce fléau d’erreurs.
Enfin, pour en venir à ce qui fait l’objet de votre réunion d’aujourd’hui, Nous voulons tout d’abord vous informer qu’après avoir résisté longtemps, avec une tendresse paternelle, aux demandes réitérées que Nous faisait Notre très cher fils, Sébastien Neto, d’être relevé de sa charge de patriarche de Lisbonne, Nous avons enfin accepté sa démission. Bientôt, par un décret et dans la forme des cédules consistoriales, Nous désignerons le nouveau patriarche appelé à lui succéder.
En outre, Nous avons résolu de créer quatre nouveaux cardinaux, tous hommes distingués, que leurs vertus et les fonctions variées par eux remplies ont montrés dignes d’être incorporés dans votre illustre Collège. Ce sont :
- Pierre Gasparri, archevêque titulaire de Césarée, secrétaire de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires ;
- Louis-Henri Luçon, archevêque de Reims ;
- Paulin-Pierre Andrieu, évêque de Marseille ;
- Gaétan de Lai, secrétaire de la Sacrée Congrégation du Concile.
Que vous en semble ?
C’est pourquoi, par l’autorité du Dieu tout-puissant, des saints apôtres Pierre et Paul et la Nôtre, Nous créons et publions cardinaux de la Sainte Église romaine,
- de l’ordre des prêtres :
- Pierre Gasparri,
- Louis-Henri Luçon,
- Paulin-Pierre Andrieu.
- De l’ordre des diacres,
- Gaétan de Lai.