Paul VI

262e pape ; de 1963 à 1978

3 avril 1969

Constitution Apostolique Missale Romanum

Sur le Missel romain restauré sur l'ordre du IIe Concile oecuménique du Vatican

Table des matières

Donnée à Rome, près de Saint-​Pierre, le Jeudi saint « in Cena Domini », 3 avril 1969

PAUL EVEQUE,

SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.

EN PERPÉTUELLE MÉMOIRE DE CET ACTE.

Le Missel romain, pro­mul­gué en 1570 par Notre pré­dé­ces­seur saint Pie V, sur l’ordre du Concile de Trente [1], a été reçu par tous comme l’un des fruits nom­breux et admi­rables que ce saint Concile a répan­dus dans l’Eglise du Christ tout entière. Durant quatre siècles, en effet, non seule­ment il a four­ni aux prêtres du rite latin la norme de la célé­bra­tion du sacri­fice eucha­ris­tique, mais encore les saints pré­di­ca­teurs de l’Evangile l’ont répan­du dans presque tout l’u­ni­vers. De plus, d’in­nom­brables saints ont abon­dam­ment nour­ri leur pié­té envers Dieu par ses lec­tures des Saintes Ecritures ou par ses prières, dont l’or­don­nance géné­rale remon­tait pour l’es­sen­tiel à saint Grégoire le Grand.

Mais depuis long­temps déjà a gran­di et s’est répan­du dans le peuple chré­tien le renou­veau litur­gique qui, selon le mot de Pie XII, Notre pré­dé­ces­seur de véné­rée mémoire, doit être regar­dé comme un signe des dis­po­si­tions pro­vi­den­tielles de Dieu sur le temps pré­sent, un pas­sage salu­taire du Saint-​Esprit dans son Eglise [2]; ce renou­veau a mon­tré clai­re­ment aus­si que les for­mules du Missel romain devaient être révi­sées et enri­chies. Le com­men­ce­ment de cette réno­va­tion a été l’œuvre de Notre pré­dé­ces­seur, ce même Pie XII, dans l’ins­tau­ra­tion de la vigile pas­cale et de l’Ordo de la Semaine sainte [3], qui consti­tua la pre­mière étape de cette adap­ta­tion du Missel romain aux besoins de notre époque.

Le récent IIe Concile oecu­mé­nique du Vatican, en pro­mul­guant la Constitution Sacrosanctum Concilium, a éta­bli les bases de la révi­sion géné­rale du Missel romain : en décla­rant « que les textes et les rites doivent être orga­ni­sés de telle façon, qu’ils expriment avec plus de clar­té les réa­li­tés saintes qu’ils signi­fient [4] »; en ordon­nant que « l’Ordo de la messe soit révi­sé, de telle sorte que se mani­festent plus clai­re­ment le rôle propre ain­si que la connexion mutuelle de cha­cune de ses par­ties, et que soit faci­li­tée la par­ti­ci­pa­tion pieuse et active des fidèles [5] »; en pres­cri­vant « qu’on ouvre plus lar­ge­ment les tré­sors bibliques, pour pré­sen­ter aux fidèles avec plus de richesse la table de la Parole de Dieu [6] »; en ordon­nant, enfin, que « soit com­po­sé un nou­veau rite de la concé­lé­bra­tion, qui devra être insé­ré dans le Pontifical et dans le Missel romain [7] ».

Il ne fau­drait pas croire, cepen­dant, que cette révi­sion du Missel romain a été impro­vi­sée : les pro­grès que la science litur­gique a effec­tués dans les quatre der­niers siècles lui ont, sans aucun doute, ouvert la voie. Si, après le Concile de Trente, l’é­tude « des vieux manus­crits de la Bibliothèque vati­cane et d’autres ras­sem­blés de par­tout » comme dit la Constitution Quo Primum de Notre pré­dé­ces­seur saint Pie V, a beau­coup ser­vi à la révi­sion du Missel romain, depuis lors les sources litur­giques les plus anciennes ont été décou­vertes et publiées, tan­dis que les for­mules litur­giques de l’Eglise orien­tale étaient mieux connues ; aus­si, nom­breux sont-​ils, ceux qui ont sou­hai­té que ces richesses à la fois doc­tri­nales et spi­ri­tuelles ne demeurent pas dans les ténèbres des biblio­thèques mais, au contraire, soient mises en lumière pour éclai­rer et nour­rir les esprits et les âmes des chrétiens.

Présentons main­te­nant, dans ses grandes lignes, la nou­velle com­po­si­tion du Missel romain. Tout d’a­bord, dans une Institution géné­rale, qui sert de pré­face, on expose les règles nou­velles de la célé­bra­tion du Sacrifice eucha­ris­tique, tant en ce qui concerne les rites et les fonc­tions de cha­cun des par­ti­ci­pants qu’en ce qui traite du mobi­lier et des lieux sacrés.

La prière eucharistique

L’innovation majeure porte sur ce qu’on appelle la prière eucha­ris­tique. Si le rite romain a tou­jours admis que la pre­mière par­tie de cette prière, la pré­face, conserve diverses for­mu­la­tions au cours des siècles, la seconde par­tie, au contraire, appe­lée « la règle de l’ac­tion sacrée », le Canon Actionis, a reçu une forme inva­riable entre le IVe et le Ve siècle ; par contre, les litur­gies orien­tales admet­taient cette même varié­té dans les ana­phores elles-​mêmes. Tout en enri­chis­sant la prière eucha­ris­tique d’un grand nombre de pré­faces, pui­sées à l’an­tique tra­di­tion de l’Eglise romaine ou nou­vel­le­ment com­po­sées — ce qui met­tra en lumière les dif­fé­rents aspects du mys­tère du salut et pro­cu­re­ra de plus riches motifs d’ac­tion de grâce, — Nous avons déci­dé d’a­jou­ter trois nou­veaux canons à cette prière. Toutefois, pour des rai­sons d’ordre pas­to­ral, et afin de faci­li­ter la concé­lé­bra­tion, Nous avons vou­lu que les paroles du Seigneur soient iden­tiques dans chaque for­mu­laire du canon. Ainsi, en chaque prière eucha­ris­tique, on dira les paroles suivantes :

Sur le pain : ACCIPITE ET MANDUCATE EX HOC OMNES : HOC EST ENIM CORPUS MEUM, QUOD PRO VOBIS TRADETUR.

Sur le calice : ACCIPITE ET BIBITE EX EO OMNES : HIC EST ENIM CALIX SANGUINIS MEl NOVI ET AETERNI TESTAMENTI, QUI PRO VOBIS ET PRO MULTIS EFFUNDETUR IN REMISSIONEM PECCATORUM. HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM.

L’expression MYSTERIUM FIDEI, tirée du contexte des paroles du Christ Seigneur, et dite par le prêtre, sert d’in­tro­duc­tion à l’ac­cla­ma­tion des fidèles.

L’Ordinaire de la messe

En ce qui concerne l’Ordo de la messe, « tout en gar­dant fidè­le­ment la sub­stance des rites, on les a sim­pli­fiés [8] ». On a aus­si fait dis­pa­raître « ceux qui, au cours des âges, ont été redou­blés ou ajou­tés sans grande uti­li­té [9] », sur­tout dans les rites d’of­frande du pain et du vin, et dans ceux de la frac­tion du pain et de la communion.

On a aus­si « réta­bli, selon l’an­cienne norme des saints Pères, cer­taines choses qui avaient dis­pa­ru sous les atteintes du temps [10] », par exemple l’ho­mé­lie [11], la prière uni­ver­selle ou prière des fidèles [12], le rite péni­ten­tiel ou acte de récon­ci­lia­tion avec Dieu et avec les frères au début de la messe, toutes choses qu’on a jus­te­ment remises en valeur.

Les lectures

Selon la pres­crip­tion du IIe Concile du Vatican, qui com­man­dait « dans un nombre d’an­nées déter­mi­né de lire au peuple la par­tie la plus impor­tante des Saintes Ecritures [13] », tout l’en­semble des lec­tures du dimanche est répar­ti sur un cycle de trois ans. De plus, les dimanches et les fêtes, les lec­tures de l’Epître et de l’Evangile sont pré­cé­dées d’une lec­ture d’Ancien Testament ou, au temps pas­cal, des Actes des Apôtres. De cette façon, on met plus clai­re­ment en lumière le dyna­misme du mys­tère du salut, à par­tir même du texte de la révé­la­tion divine. Ainsi, les fidèles pourront-​ils se nour­rir très abon­dam­ment aux jours de fête des textes les plus impor­tants des Saintes Ecritures et, les jours non fes­tifs, ils auront accès aux autres par­ties des Livres saints.

Tout cela est sage­ment ordon­né, de telle manière que se déve­loppe de plus en plus chez les fidèles « la faim de la Parole de Dieu [14] » qui, sous la conduite de l’Esprit-​Saint, ache­mine le peuple de la Nouvelle Alliance vers l’u­ni­té par­faite de l’Eglise. Nous avons vive­ment confiance que, de la sorte, prêtres et fidèles pré­pa­re­ront plus sain­te­ment leur cœur à la Cène du Seigneur et aus­si, médi­tant plus pro­fon­dé­ment les Saintes Ecritures, se nour­ri­ront de jour en jour davan­tage des paroles du Seigneur. Il s’en­sui­vra que, selon les sou­haits du Ile Concile du Vatican, les Saintes Lettres seront pour tous à la fois une source per­pé­tuelle de vie spi­ri­tuelle, un ins­tru­ment de pre­mière valeur pour trans­mettre la doc­trine chré­tienne et, enfin, la moelle de toute la théologie.

Autres modifications

Dans cette révi­sion du Missel romain, en plus des trois chan­ge­ments signa­lés plus haut, à savoir la prière eucha­ris­tique, l’Ordo de la messe et l’Ordo des lec­tures, d’autres par­ties aus­si ont été revues et consi­dé­ra­ble­ment modi­fiées : le Temporal, le Sanctoral, le Commun des Saints, les messes rituelles et les messes votives. En tout cela, un soin par­ti­cu­lier a été appor­té aux orai­sons : leur nombre a été aug­men­té, pour que de nou­veaux textes répondent mieux aux besoins nou­veaux, mais aus­si leur texte a été réta­bli sur la foi des sources les plus anciennes. Pour chaque férie des temps litur­giques prin­ci­paux, Avent, Noël, Carême et temps pas­cal, une orai­son propre a été prévue.

Si le texte du Graduel romain, au moins en ce qui regarde le chant, n’est pas chan­gé, cepen­dant, pour une par­ti­ci­pa­tion plus facile, on a res­tau­ré le psaume res­pon­so­rial, dont saint Augustin et saint Léon le Grand font sou­vent men­tion, et on a adap­té pour les messes lues les antiennes d’in­troït et de communion.

Pour ter­mi­ner, Nous vou­lons don­ner force de loi à tout ce que Nous avons expo­sé plus haut sur le nou­veau Missel romain. En pro­mul­guant l’é­di­tion offi­cielle du Missel romain, Notre pré­dé­ces­seur saint Pie V pré­sen­tait celui-​ci comme un ins­tru­ment de l’u­ni­té litur­gique et un témoin de la pure­té du culte dans l’Eglise. Tout en lais­sant la place dans le nou­veau Missel, selon l’ordre du IIe Concile du Vatican « à des dif­fé­rences légi­times et à des adap­ta­tions [15] », Nous espé­rons cepen­dant que ce Missel sera reçu par les fidèles comme un signe et un ins­tru­ment de l’u­ni­té mutuelle de tous : de la sorte, dans la grande diver­si­té des langues, une même et unique prière mon­te­ra vers le Père des cieux, par notre grand-​prêtre, Jésus-​Christ, dans l’Esprit, comme « un encens d’a­gréable odeur ».

Nous ordon­nons que les pres­crip­tions de cette Constitution entrent en vigueur le 30 novembre pro­chain de cette année, pre­mier dimanche de l’Avent.

Nous vou­lons que ce que Nous avons éta­bli et pres­crit soit tenu pour ferme et effi­cace, main­te­nant et à l’a­ve­nir, non­obs­tant, si c’est néces­saire, les Constitutions et Ordonnances apos­to­liques don­nées par nos Prédécesseurs et toutes les autres pres­crip­tions mêmes dignes de men­tion spé­ciale et pou­vant déro­ger à la loi.

Donnée à Rome, près de Saint-​Pierre, le Jeudi saint « in Cena Domini », 3 avril 1969, sixième année de Notre Pontificat.

PAUL VI, PAPE.

Notes de bas de page
  1. Cf. Constitution apos­to­lique Quo pri­mum, du 13 Juillet 1570. []
  2. Cf. Pie XII, allo­cu­tion aux par­ti­ci­pants du Ier Congrès inter­na­tio­nal de pas­to­rale litur­gique d’Assise, 22 sep­tembre 1956 : AAS 48 (1956), p. 712. (DC 1956, n° 1236, col. 1286.) []
  3. Cf. S. congré­ga­tion des Rites, décret Dominicae Resurrectionis, 9 février 1951 : AAS 43 (1951), p. 128 et s. (DC 1951, n° 1091, col. 331); décret Maxima Redemptionis nos­trae mys­te­ria, 16 novembre 1955 : AAS 47 (1955), p. 838 et s. (DC 1955, n° 1214, col. 1537.) []
  4. Cf. IIe Concile oecu­mé­nique du Vatican, Constitution sur la litur­gie, Sacrosanctum Concilium, n° 21 : AAS 56 (1963), p. 106. (DC 1963, n° 1414, col. 1641.) []
  5. Cf. ibid., n° 50, p. 114. []
  6. Cf. ibid., n° 51, p. 114. []
  7. Cf. ibid., n° 57, p. 115. []
  8. Cf. ibid., n° 50, p. 114. []
  9. ibid. []
  10. ibid. []
  11. Cf. ibid., n° 52, p. 114. []
  12. Cf. ibid., n° 53, p. 114. []
  13. Cf. ibid., n° 51, p. 114. []
  14. Cf. Amos, 8, 11. []
  15. Cf. IIe Concile œcu­mé­nique du Vatican, Constitution Sacrosanctum Concilium, n° 38–40 : AAS 56 (1964), p. 110.[]