Donnée à Rome, près de Saint-Pierre, le Jeudi saint « in Cena Domini », 3 avril 1969
PAUL EVEQUE,
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.
EN PERPÉTUELLE MÉMOIRE DE CET ACTE.
Le Missel romain, promulgué en 1570 par Notre prédécesseur saint Pie V, sur l’ordre du Concile de Trente [1], a été reçu par tous comme l’un des fruits nombreux et admirables que ce saint Concile a répandus dans l’Eglise du Christ tout entière. Durant quatre siècles, en effet, non seulement il a fourni aux prêtres du rite latin la norme de la célébration du sacrifice eucharistique, mais encore les saints prédicateurs de l’Evangile l’ont répandu dans presque tout l’univers. De plus, d’innombrables saints ont abondamment nourri leur piété envers Dieu par ses lectures des Saintes Ecritures ou par ses prières, dont l’ordonnance générale remontait pour l’essentiel à saint Grégoire le Grand.
Mais depuis longtemps déjà a grandi et s’est répandu dans le peuple chrétien le renouveau liturgique qui, selon le mot de Pie XII, Notre prédécesseur de vénérée mémoire, doit être regardé comme un signe des dispositions providentielles de Dieu sur le temps présent, un passage salutaire du Saint-Esprit dans son Eglise [2]; ce renouveau a montré clairement aussi que les formules du Missel romain devaient être révisées et enrichies. Le commencement de cette rénovation a été l’œuvre de Notre prédécesseur, ce même Pie XII, dans l’instauration de la vigile pascale et de l’Ordo de la Semaine sainte [3], qui constitua la première étape de cette adaptation du Missel romain aux besoins de notre époque.
Le récent IIe Concile oecuménique du Vatican, en promulguant la Constitution Sacrosanctum Concilium, a établi les bases de la révision générale du Missel romain : en déclarant « que les textes et les rites doivent être organisés de telle façon, qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient [4] »; en ordonnant que « l’Ordo de la messe soit révisé, de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de chacune de ses parties, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles [5] »; en prescrivant « qu’on ouvre plus largement les trésors bibliques, pour présenter aux fidèles avec plus de richesse la table de la Parole de Dieu [6] »; en ordonnant, enfin, que « soit composé un nouveau rite de la concélébration, qui devra être inséré dans le Pontifical et dans le Missel romain [7] ».
Il ne faudrait pas croire, cependant, que cette révision du Missel romain a été improvisée : les progrès que la science liturgique a effectués dans les quatre derniers siècles lui ont, sans aucun doute, ouvert la voie. Si, après le Concile de Trente, l’étude « des vieux manuscrits de la Bibliothèque vaticane et d’autres rassemblés de partout » comme dit la Constitution Quo Primum de Notre prédécesseur saint Pie V, a beaucoup servi à la révision du Missel romain, depuis lors les sources liturgiques les plus anciennes ont été découvertes et publiées, tandis que les formules liturgiques de l’Eglise orientale étaient mieux connues ; aussi, nombreux sont-ils, ceux qui ont souhaité que ces richesses à la fois doctrinales et spirituelles ne demeurent pas dans les ténèbres des bibliothèques mais, au contraire, soient mises en lumière pour éclairer et nourrir les esprits et les âmes des chrétiens.
Présentons maintenant, dans ses grandes lignes, la nouvelle composition du Missel romain. Tout d’abord, dans une Institution générale, qui sert de préface, on expose les règles nouvelles de la célébration du Sacrifice eucharistique, tant en ce qui concerne les rites et les fonctions de chacun des participants qu’en ce qui traite du mobilier et des lieux sacrés.
La prière eucharistique
L’innovation majeure porte sur ce qu’on appelle la prière eucharistique. Si le rite romain a toujours admis que la première partie de cette prière, la préface, conserve diverses formulations au cours des siècles, la seconde partie, au contraire, appelée « la règle de l’action sacrée », le Canon Actionis, a reçu une forme invariable entre le IVe et le Ve siècle ; par contre, les liturgies orientales admettaient cette même variété dans les anaphores elles-mêmes. Tout en enrichissant la prière eucharistique d’un grand nombre de préfaces, puisées à l’antique tradition de l’Eglise romaine ou nouvellement composées — ce qui mettra en lumière les différents aspects du mystère du salut et procurera de plus riches motifs d’action de grâce, — Nous avons décidé d’ajouter trois nouveaux canons à cette prière. Toutefois, pour des raisons d’ordre pastoral, et afin de faciliter la concélébration, Nous avons voulu que les paroles du Seigneur soient identiques dans chaque formulaire du canon. Ainsi, en chaque prière eucharistique, on dira les paroles suivantes :
Sur le pain : ACCIPITE ET MANDUCATE EX HOC OMNES : HOC EST ENIM CORPUS MEUM, QUOD PRO VOBIS TRADETUR.
Sur le calice : ACCIPITE ET BIBITE EX EO OMNES : HIC EST ENIM CALIX SANGUINIS MEl NOVI ET AETERNI TESTAMENTI, QUI PRO VOBIS ET PRO MULTIS EFFUNDETUR IN REMISSIONEM PECCATORUM. HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM.
L’expression MYSTERIUM FIDEI, tirée du contexte des paroles du Christ Seigneur, et dite par le prêtre, sert d’introduction à l’acclamation des fidèles.
L’Ordinaire de la messe
En ce qui concerne l’Ordo de la messe, « tout en gardant fidèlement la substance des rites, on les a simplifiés [8] ». On a aussi fait disparaître « ceux qui, au cours des âges, ont été redoublés ou ajoutés sans grande utilité [9] », surtout dans les rites d’offrande du pain et du vin, et dans ceux de la fraction du pain et de la communion.
On a aussi « rétabli, selon l’ancienne norme des saints Pères, certaines choses qui avaient disparu sous les atteintes du temps [10] », par exemple l’homélie [11], la prière universelle ou prière des fidèles [12], le rite pénitentiel ou acte de réconciliation avec Dieu et avec les frères au début de la messe, toutes choses qu’on a justement remises en valeur.
Les lectures
Selon la prescription du IIe Concile du Vatican, qui commandait « dans un nombre d’années déterminé de lire au peuple la partie la plus importante des Saintes Ecritures [13] », tout l’ensemble des lectures du dimanche est réparti sur un cycle de trois ans. De plus, les dimanches et les fêtes, les lectures de l’Epître et de l’Evangile sont précédées d’une lecture d’Ancien Testament ou, au temps pascal, des Actes des Apôtres. De cette façon, on met plus clairement en lumière le dynamisme du mystère du salut, à partir même du texte de la révélation divine. Ainsi, les fidèles pourront-ils se nourrir très abondamment aux jours de fête des textes les plus importants des Saintes Ecritures et, les jours non festifs, ils auront accès aux autres parties des Livres saints.
Tout cela est sagement ordonné, de telle manière que se développe de plus en plus chez les fidèles « la faim de la Parole de Dieu [14] » qui, sous la conduite de l’Esprit-Saint, achemine le peuple de la Nouvelle Alliance vers l’unité parfaite de l’Eglise. Nous avons vivement confiance que, de la sorte, prêtres et fidèles prépareront plus saintement leur cœur à la Cène du Seigneur et aussi, méditant plus profondément les Saintes Ecritures, se nourriront de jour en jour davantage des paroles du Seigneur. Il s’ensuivra que, selon les souhaits du Ile Concile du Vatican, les Saintes Lettres seront pour tous à la fois une source perpétuelle de vie spirituelle, un instrument de première valeur pour transmettre la doctrine chrétienne et, enfin, la moelle de toute la théologie.
Autres modifications
Dans cette révision du Missel romain, en plus des trois changements signalés plus haut, à savoir la prière eucharistique, l’Ordo de la messe et l’Ordo des lectures, d’autres parties aussi ont été revues et considérablement modifiées : le Temporal, le Sanctoral, le Commun des Saints, les messes rituelles et les messes votives. En tout cela, un soin particulier a été apporté aux oraisons : leur nombre a été augmenté, pour que de nouveaux textes répondent mieux aux besoins nouveaux, mais aussi leur texte a été rétabli sur la foi des sources les plus anciennes. Pour chaque férie des temps liturgiques principaux, Avent, Noël, Carême et temps pascal, une oraison propre a été prévue.
Si le texte du Graduel romain, au moins en ce qui regarde le chant, n’est pas changé, cependant, pour une participation plus facile, on a restauré le psaume responsorial, dont saint Augustin et saint Léon le Grand font souvent mention, et on a adapté pour les messes lues les antiennes d’introït et de communion.
Pour terminer, Nous voulons donner force de loi à tout ce que Nous avons exposé plus haut sur le nouveau Missel romain. En promulguant l’édition officielle du Missel romain, Notre prédécesseur saint Pie V présentait celui-ci comme un instrument de l’unité liturgique et un témoin de la pureté du culte dans l’Eglise. Tout en laissant la place dans le nouveau Missel, selon l’ordre du IIe Concile du Vatican « à des différences légitimes et à des adaptations [15] », Nous espérons cependant que ce Missel sera reçu par les fidèles comme un signe et un instrument de l’unité mutuelle de tous : de la sorte, dans la grande diversité des langues, une même et unique prière montera vers le Père des cieux, par notre grand-prêtre, Jésus-Christ, dans l’Esprit, comme « un encens d’agréable odeur ».
Nous ordonnons que les prescriptions de cette Constitution entrent en vigueur le 30 novembre prochain de cette année, premier dimanche de l’Avent.
Nous voulons que ce que Nous avons établi et prescrit soit tenu pour ferme et efficace, maintenant et à l’avenir, nonobstant, si c’est nécessaire, les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par nos Prédécesseurs et toutes les autres prescriptions mêmes dignes de mention spéciale et pouvant déroger à la loi.
Donnée à Rome, près de Saint-Pierre, le Jeudi saint « in Cena Domini », 3 avril 1969, sixième année de Notre Pontificat.
PAUL VI, PAPE.
- Cf. Constitution apostolique Quo primum, du 13 Juillet 1570. [↩]
- Cf. Pie XII, allocution aux participants du Ier Congrès international de pastorale liturgique d’Assise, 22 septembre 1956 : AAS 48 (1956), p. 712. (DC 1956, n° 1236, col. 1286.) [↩]
- Cf. S. congrégation des Rites, décret Dominicae Resurrectionis, 9 février 1951 : AAS 43 (1951), p. 128 et s. (DC 1951, n° 1091, col. 331); décret Maxima Redemptionis nostrae mysteria, 16 novembre 1955 : AAS 47 (1955), p. 838 et s. (DC 1955, n° 1214, col. 1537.) [↩]
- Cf. IIe Concile oecuménique du Vatican, Constitution sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium, n° 21 : AAS 56 (1963), p. 106. (DC 1963, n° 1414, col. 1641.) [↩]
- Cf. ibid., n° 50, p. 114. [↩]
- Cf. ibid., n° 51, p. 114. [↩]
- Cf. ibid., n° 57, p. 115. [↩]
- Cf. ibid., n° 50, p. 114. [↩]
- ibid. [↩]
- ibid. [↩]
- Cf. ibid., n° 52, p. 114. [↩]
- Cf. ibid., n° 53, p. 114. [↩]
- Cf. ibid., n° 51, p. 114. [↩]
- Cf. Amos, 8, 11. [↩]
- Cf. IIe Concile œcuménique du Vatican, Constitution Sacrosanctum Concilium, n° 38–40 : AAS 56 (1964), p. 110.[↩]