Saint Bernard de Clairvaux est né en 1090 d’une famille aristocratique de Fontaine-les-Dijon ; il entre à Citeaux, un monastère austère, il y fait son noviciat de 1112 à 1115 ; il part fonder avec une équipe de moines Clairvaux ; il est gratifié de dons mystiques. Il entreprend un grand nombre de fondations d’abbayes cisterciennes. Il publie des traités de théologie spirituelle. Bernard est appelé à jouer un rôle de premier plan dans l’Eglise universelle, il obtient en 1137 la démission de l’antipape Victor IV, seul demeure le Pape légitime Innocent II ; il devient le conseiller le plus en vue des Souverains Pontifes. En 1145 c’est d’ailleurs un moine de Clairvaux qui est élu Pape, sous le nom d’Eugène III. S. Bernard prêche la deuxième croisade en 1145. Il meurt à Clairvaux le 20 août 1153. C’est à l’occasion du VIIIe centenaire de cette mort que l’Encyclique « Doctor Mellifluus » est publiée :
Le docteur « Mellifluus »[1], « dernier des Pères mais non inférieur aux premiers » [2], s’imposa par de telles qualités de l’esprit et du cœur enrichies par Dieu de dons célestes, que, dans les conjonctures variées et le plus souvent troublées de son époque, il se détache éminemment par la sainteté, la sagesse et la souveraine prudence dont il fit preuve dans la conduite des affaires. C’est pour cela qu’aux louanges qui lui ont été attribuées par les Souverains Pontifes, il n’est pas rare de voir s’adjoindre celles des hérétiques. Aussi Notre Prédécesseur, Alexandre III, l’inscrivant, à la joie de tous, au catalogue des Saints, écrivait-il ces mots pleins de vénération : « Nous avons évoqué la vie sainte et vénérable de ce bienheureux ; Nous avons dit comment, soutenu par une singulière prérogative de grâce, il a excellé par sa sainteté et sa religion et comment il a répandu dans l’Eglise de Dieu la lumière de sa foi et de sa doctrine. Et l’on pourrait presque dire qu’en ses confins les plus éloignés la chrétienté n’a pas ignoré les fruits qu’il a produits dans la Maison du Seigneur et par la parole et par l’exemple, répandant jusque parmi les nations étrangères et barbares, les institutions de la religion et engageant une multitude de pécheurs dans la voie droite de la vie spirituelle » [3]. « Il fut, ainsi que l’a écrit Baronius, un homme vraiment apostolique, bien plus, un véritable apôtre envoyé de Dieu, puissant en œuvres et en paroles, illustrant partout et en tout son apostolat, au point qu’on pourrait le comparer aux grands apôtres et dire de lui qu’il est l’ornement et la gloire de toute l’Eglise catholique. » [4]
A ces témoignages hautement élogieux, on pourrait en ajouter d’innombrables, en ce huitième centenaire de la date où le restaurateur et le propagateur de l’Ordre de Citeaux passa de la vie mortelle, illustrée par la lumière de sa doctrine et par l’éclat de sa sainteté, à la vie du Ciel. Il Nous plaît de repasser en esprit et de proposer par écrit ses extraordinaires mérites pour que, non seulement les membres de son Institut, mais aussi tous ceux que charme ce qui est vrai, ce qui est beau, ce qui est saint, soient excités à suivre les exemples illustres de sa vertu.
Sa doctrine est presque entièrement tirée des Saintes Lettres qu’il avait en mains nuit et jour et qu’il méditait avec sa profonde intelligence, et non pas des subtilités raisonneuses des dialecticiens et des philosophes, qu’il semble plus d’une fois avoir méprisées. [5] Il faut cependant noter qu’il ne repoussait pas la philosophie humaine, la vraie philosophie, c’est-à-dire celle qui conduit à Dieu, à la rectitude de vie et à la sagesse chrétienne ; mais il repoussait plutôt cette philosophie qui, par une vaine grandiloquence et par des jongleries subtiles et fallacieuses, prétendait arriver, avec une effronterie présomptueuse, aux choses de Dieu et prétendait en scruter les mystères. A tel point — et cela arrivait souvent à cette époque — qu’elle portait atteinte à l’intégrité de la foi et tombait lamentablement dans l’hérésie.
« Tu vois, écrit-il lui-même, comment l’apôtre saint Paul [6] place le fruit et l’utilité de la science dans la façon de connaître ? qu’est-ce à dire, façon de connaître ? pas autre chose que savoir selon quel ordre, avec quel zèle et pour quelle fin il faut connaître toutes choses. Selon quel ordre ? d’abord ce qui est davantage requis pour le salut ; avec quel zèle ? avec d’autant plus de zèle que cela porte plus facilement à l’amour ; pour quelle fin ? non pour une vaine gloire ni pour la curiosité ou quelque chose de semblable, mais seulement pour ton édification et celle du prochain. En effet, il y en a qui veulent savoir uniquement pour connaître, c’est une honteuse curiosité. Il y en a qui veulent savoir pour vendre leur science, par exemple pour de l’argent, pour des honneurs, et c’est un honteux commerce. Mais il en est qui veulent savoir pour édifier, et c’est charité. Et il en est qui veulent savoir pour s’édifier, et c’est prudence [7]. »
La doctrine, ou plutôt la sagesse qu’il suit et qu’il aime avec force, il nous la décrit très heureusement en ces mots :
« L’esprit de sagesse et d’intelligence est celui qui à l’égal de l’abeille qui produit la cire et le miel, possède entièrement ce qu’il faut savoir pour produire la lumière de la science et pour infuser la saveur de la grâce. Ni celui qui comprend la vérité mais ne l’aime pas, ni celui qui l’aime et ne la comprend pas ne peuvent prétendre en recevoir le baiser. » [8] « Que ferait l’érudition sans l’amour, elle enflerait ; que ferait l’amour sans l’érudition, il ferait fausse route. » [9] « Briller seulement est vain, brûler seulement est peu, brûler et briller est parfait. » [10] D’où tire origine la vraie et pure doctrine et comment elle doit être jointe à la charité, il nous l’explique par ces mots : « Dieu est sagesse et veut être aimé non seulement avec douceur mais avec sagesse. Bien plus, l’esprit d’erreur gâchera tout zèle si tu négliges la science. Et l’ennemi trompeur n’a pas de moyen plus efficace pour enlever l’amour du cœur de l’homme, que de réussir à le faire marcher dans l’amour sans précaution et sans être guidé par la raison. » [11]
De ces paroles, il ressort à l’évidence que Bernard, par ses recherches et sa contemplation a cherché à diriger les rayons de vérité recueillis de partout vers la Souveraine Vérité, — agissant et poussé en cela beaucoup plus par l’amour que par la subtilité des conjectures humaines —, lui demandant la lumière pour les esprits, le feu de la charité pour les âmes ; des règles droites pour modérer les mœurs. C’est là vraiment la véritable sagesse, qui transcende toutes choses humaines et qui ramène tout à sa source qui est Dieu afin de diriger vers Lui les hommes. Le Docteur « Mellifluus » ne s’appuie pas sur la pénétration de son esprit pour avancer avec pesanteur par les défilés incertains et peu sûrs de l’esprit raisonneur ; il ne s’appuie pas sur de laborieux et artificieux syllogismes dont de nombreux dialecticiens de son temps abusaient bien souvent ; mais comme l’aigle qui s’efforce de fixer le soleil avec les yeux, d’un vol rapide, il tend au sommet de la vérité. En effet, la charité par laquelle il était mû ne connaît pas de barrières et semble donner des ailes à l’esprit. Pour lui, la science n’est pas un but dernier, mais plutôt un chemin qui conduit à Dieu ; ce n’est pas une chose froide sur laquelle s’attarde vainement l’esprit, comme si jouant avec lui-même, il était saisi par des éclairs passagers, mais c’est une chose mue par l’amour, poussée et dirigée par lui. Et c’est pourquoi saint Bernard pénétré de cette sagesse, par la méditation, la contemplation et l’amour, est arrivé au plus haut sommet de la discipline mystique ; il s’est uni à Dieu lui-même et il a presque joui même pendant sa vie mortelle de l’infinie béatitude.
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Sa manière d’écrire, vive, brillante, coulante, nuancée par l’éclat des sentences, répand tant de suavité et de douceur qu’elle attire, charme et élève l’esprit du lecteur. Elle excite la piété, la nourrit et la façonne. Elle pousse l’intelligence à poursuivre non les biens caducs et passagers, mais ceux qui sont vrais, sûrs et qui demeurent. C’est pour cela que ses écrits furent toujours considérés avec grand respect. Et plusieurs de ces mêmes pages, au parfum céleste, d’une piété embrasée, ont conduit l’Eglise à s’en servir dans la sainte Liturgie [12]. Elles semblent remplies du souffle de l’Esprit Saint, et leur lumière est si resplendissante que le cours des siècles n’a jamais pu l’éteindre, car elle jaillit de l’âme d’un écrivain assoiffé de vérité et d’amour, désireux de nourrir les autres et de les rendre conformes à son image [13].
Il Nous plaît, Vénérables Frères, d’extraire de ses livres pour l’utilité commune, plusieurs des plus belles sentences de cet enseignement mystique. « Nous enseignons que toute âme, même chargée de péchés, prise au filet des vices, séduite par leurs appâts, captive et exilée, prisonnière de son corps, toute âme, dis-je, ainsi reconnue coupable et désespérée, nous enseignons qu’elle peut découvrir en soi ce qui lui permettra non seulement de respirer dans l’espoir du pardon, dans l’espoir de la miséricorde, mais encore d’oser aspirer aux noces du Verbe, de ne pas craindre de contracter un lien de société avec Dieu, de n’avoir pas peur de porter avec le Roi des anges le joug suave de l’amour. Que n’oserait-elle en effet, en toute sécurité, près de Celui dont elle se découvre la noble image, dont elle se sait l’éclatante ressemblance ? » [14] « Une telle conformité marie l’âme au Verbe, lorsqu’elle se montre non moins semblable par la volonté à Celui à qui elle ressemble par nature, aimant comme elle est aimée. Si donc elle aime parfaitement, elle est épousée. Quoi de plus agréable que cette conformité ? Quoi de plus désirable que la charité grâce à laquelle, ô âme, non contente d’un enseignement humain, tu approches par toi-même du Verbe, tu adhères constamment au Verbe, tu interroges familièrement le Verbe et tu le consultes au sujet de tout, devenue d’autant plus apte à comprendre que tu es plus audacieuse à désirer ? C’est là le contrat d’un vrai et saint mariage. Je dis peu, contrat : c’est une étreinte. Etreinte totale où vouloir la même chose, refuser la même chose fait un seul esprit de deux. Et il n’y a pas à craindre que la différence des personnes fasse en quelque sorte boiter l’accord des volonté, car l’amour ignore la crainte révérentielle. L’amour reçoit son nom du fait d’aimer et non de celui d’honorer… L’amour abonde pour lui-même ; là où vient l’amour, il amène à soi et captive tous les sentiments. Aussi celui qui aime, aime, et ne connaît rien d’autre. » [15] Après avoir noté que Dieu désire davantage l’amour des hommes que leur crainte et leurs hommages, Bernard ajoute avec finesse et perspicacité : « Cet amour suffit par lui-même. Il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, à lui-même sa récompense. L’amour ne cherche pas de cause en dehors de lui, pas de fruit.
» Son fruit, c’est sa jouissance. J’aime parce que j aime ; j’aime pour aimer. C’est une grande chose que l’amour pourvu qu’il recoure à son principe, qu’il revienne à son origine, qu’il reflue à sa source pour y puiser toujours un flot sans fin. De tous les mouvement intimes, de toutes les impressions et affections, l’amour est le seul dans lequel la créature puisse, bien qu’inégalement, répondre à son Auteur ou lui rendre un sentiment de même nature. » [16]
Comme il avait fait souvent lui-même dans la contemplation et la prière l’expérience de cet amour divin, par lequel nous pouvons être très intimement unis à Dieu, ces paroles enflammées jaillissent de son âme : « Heureuse l’âme qui a mérité d’être prévenue par la bénédiction d’une telle douceur ! Heureux celui à qui il a été donné d’expérimenter une telle étreinte de bonheur ! Car il n’y a rien d’autre que l’amour saint et chaste, suave et doux ; amour d’une telle sincérité, amour mutuel, intime et fort, qui unit deux êtres non en une seule chair, mais en un seul esprit qui fait que deux ne sont plus deux mais un, selon la parole de Paul [17] : “Celui qui adhère à Dieu est un seul esprit avec Lui” » [18].
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Cette haute doctrine mystique du Docteur de Clairvaux, qui dépasse tous les désirs humains et peut les combler semble à notre époque être négligée et sacrifiée ou être oubliée de beaucoup qui, écartelés par les soins et les affaires quotidiennes, ne cherchent et ne désirent rien d’autre que ce qui est utile et productif pour cette vie mortelle et qui n’élèvent presque jamais les yeux et l’esprit vers le ciel, qui n’aspirent presque jamais aux biens supérieurs et impérissables.
Mais, même si tous ne peuvent pas atteindre à ce sommet de la contemplation dont parle Bernard en des formules et des mots élevés : même si tous ne peuvent pas s’unir si intimement à Dieu qu’ils se sentent unis au Souverain Bien selon un mode caché, par les liens d’un mariage céleste, tous cependant peuvent et doivent de la même manière élever leur âme de ces réalités terrestres à celles du ciel et aimer d’une volonté très active le Suprême Dispensateur de tous les dons.
C’est pourquoi, alors qu’aujourd’hui la charité envers Dieu décroît peu à peu de ferveur dans les âmes et que souvent elle y est complètement éteinte, nous pensons que ces pages du Docteur « Mellifluus » doivent être méditées d’un esprit attentif : de leurs sentences — qui d’ailleurs découlent de l’Evangile — une force nouvelle et surnaturelle peut se répandre, tant pour la vie privée de chacun que pour la société humaine, une force qui régirait les mœurs des citoyens et les rendrait conformes aux préceptes chrétiens ; si bien qu’elle pourrait offrir des remèdes opportuns à des maux si nombreux et si grands qui troublent et affligent la société. Alors que les hommes n’aiment pas comme il le faudrait l’Auteur de qui vient tout ce qu’ils ont, de ce fait ils ne s’aiment pas non plus entre eux, bien plus — comme il arrive souvent — ils se divisent entre eux par la haine et la rivalité et ils s’opposent les uns aux autres avec âpreté. Dieu est notre Père très aimant à tous, et nous sommes frères dans le Christ, nous qu’il a rachetés lui-même en répandant son sang sacré. Chaque fois donc que nous ne répondons pas par notre amour à son amour et que nous ne reconnaissons pas avec respect sa paternité divine, les liens de l’amour fraternel se dissolvent misérablement ; et — comme on le voit parfois hélas ! — les discordes, les oppositions, les inimitiés font malheureusement irruption ; et elles peuvent en arriver au point de miner et de renverser les fondements de la communauté humaine.
Il convient donc de restaurer dans toutes les âmes cette charité divine, dont le Docteur de Clairvaux brûla avec tant d’ardeur, si nous voulons que refleurissent les mœurs chrétiennes, que la religion catholique puisse accomplir son service fécond et que, toutes dissensions apaisées, toutes choses réglées par la justice et l’équité, une paix sans nuages brille pour le genre humain fatigué et anxieux.
Qu’ils brûlent surtout de cette charité par laquelle nous devons toujours être fortement unis à Dieu, ceux qui ont embrassé l’institut du Docteur « Mellifluus » et aussi tous les clercs dont c’est l’office spécial d’exhorter et d’inciter les autres à raviver cet amour divin. De cet amour divin ils ont tant besoin, en notre temps plus que jamais, Nous l’avons dit, les citoyens, la société domestique, toute la communauté humaine. Quand brûle cet amour et quand il pousse les esprits vers Dieu, but suprême des mortels, toutes les autres vertus sont vigoureuses ; tandis qu’au contraire, quand il est rejeté ou diminué, la tranquillité, la paix, la joie et tout ce qui mérite vraiment le nom de bien diminuent peu à peu, ou même disparaissent complètement, étant choses qui découlent de celui qui « est amour » [19].
De cette divine charité, nul peut-être n’a parlé avec autant de beauté, de profondeur, d’ardeur que Bernard : « La raison d’aimer Dieu, dit-il, c’est Dieu même ; la mesure, c’est de l’aimer sans mesure » [20]. « Là où il y a l’amour, il n’y a plus souffrance, mais douceur » [21]. — Ce qu’il avoue avoir déjà expérimenté lui-même, lorsqu’il écrit : « O amour saint et chaste ! O douce et suave affection !… d’autant plus suave et douce que ce qui est ressenti est tout divin. Recevoir une telle impression c’est être déifié » [22]. — Et ailleurs : « Il m’est bon, Seigneur, de t’embrasser davantage dans la tribulation, de t’avoir avec moi dans la fournaise, plutôt que d’être sans toi, fût-ce au Ciel » [23]. Lorsqu’il atteint à la charité souveraine et parfaite qui l’unit à Dieu même par un mariage intime, il jouit alors d’une joie, d’une paix qu’aucune autre ne peut surpasser : « O lieu du vrai repos… où l’on ne perçoit pas Dieu comme troublé par la colère, ou comme chargé de soucis ; mais où l’on sent ses intentions bonnes, bienveillantes et parfaites ! Cette vision ne terrifie pas, elle apaise ; elle n’excite pas la curiosité inquiète, elle la calme ; elle ne fatigue pas la sensibilité, elle la tranquillise. Là, on se repose vraiment. Dieu paisible apaise tout ; et le voir en repos, c’est goûter le repos » [24].
Or cette quiétude parfaite n’est pas la mort de l’âme, mais la vraie vie : « Un tel assoupissement, plein de vie et de lucidité, illumine plutôt le sens intérieur, et repoussant la mort, donne la vie éternelle. Car c’est vraiment un sommeil, mais qui n’assoupit pas la conscience, qui la tire hors d’elle-même. C’est aussi une mort — je le dis sans hésiter — car l’Apôtre, parlant d’hommes vivant encore de la vie du corps, s’exprime ainsi [25] : « Vous êtes morts et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ » [26].
Cette parfaite quiétude de l’âme, que nous goûtons en rendant à Dieu son propre amour, par laquelle nous tournons et orientons vers lui notre être et toutes nos facultés, ne nous mène pas au relâchement, à l’indolence et à l’inertie, mais bien plutôt à un zèle infatigable, ingénieux et actif ; par lui nous luttons pour obtenir, sous l’inspiration de la grâce divine, notre salut et celui des autres. Une contemplation, une méditation sublime de ce genre, produite et excitée par l’amour divin, gouverne en effet « les sentiments, dirige l’activité, corrige les excès, règle les mœurs, rend la vie honnête et ordonnée, et donne enfin également la connaissance des réalités divines et humaines. C’est elle, qui règle ce qui est confus, domine les désirs effrénés, rassemble ce qui est dispersé, découvre les lieux cachés, recherche le vrai, critique ce qui a l’apparence du vrai, révèle ce qui est feinte et contrefaçon. C’est elle qui prévoit ce qu’il faut faire, réfléchit sur ce qui a été fait, pour que dans l’esprit ne subsiste rien de déréglé, ou d’insuffisamment réglé. C’est elle qui dans les temps heureux sent venir le malheur, dans le malheur reste comme insensible ; ce qui est dans le second cas, courage ; dans le premier, prudence » [27].
Et, de fait, bien qu’il souhaite par-dessus tout rester plongé dans la sublimité et l’extrême douceur d’une telle méditation, d’une telle contemplation, nourrie par l’esprit divin, le Docteur de Clairvaux ne reste pas enfermé dans les murs de sa cellule « qui est douce quand on y demeure » [28], mais partout où la cause de Dieu et de l’Eglise est en jeu, il accourt en hâte avec sa sagesse, sa parole, et son activité. C’était son principe que « chacun ne doit pas vivre pour soi, mais pour tous » [29]. Et il écrivait même de lui et des siens : « Ainsi, à nos frères, parmi lesquels nous vivons, nous devons, de par le droit de la fraternité et de la société humaine, conseil et assistance » [30]. Lorsqu’il voyait, d’un cœur attristé, la sainte religion mise en péril ou agitée par les troubles, il n’épargnait ni ses peines, ni ses démarches, ni ses soins pour la défendre vigoureusement et l’aider de toutes ses forces : « Je considère, disait- il, que rien de ce qui concerne Dieu ne m’est étranger » [31]. Et, à Louis, roi de France, il écrivait avec passion : « Nous, fils de l’Eglise, ne pouvons vraiment pas cacher les insultes adressées à notre Mère, le mépris et l’avilissement où on la tient… Aussi nous nous lèverons, et nous combattrons pour notre Mère, s’il le faut jusqu’à la mort, avec les armes qui conviennent ; pas avec le bouclier et l’épée, mais par la prière et l’imploration de Dieu » [32]. A Pierre, abbé de Cluny, il disait : « Et je me glorifie de mes tribulations, si j’ai été jugé digne d’en subir pour l’Eglise. Ce qui est vraiment ma gloire et me fait redresser le front, c’est le triomphe de l’Eglise. Car si nous avons été les compagnons de ses peines, nous le serons de sa consolation. Il fallait peiner avec notre Mère et souffrir avec elle… » [33].Alors que le corps mystique du Christ était troublé par un schisme redoutable, faisant flotter de ci de là l’âme même des meilleurs, il se donna entièrement à l’apaisement des discordes, et au rétablissement heureux de l’unité des cœurs. Alors que les Princes, par soif de domination, étaient divisés par de graves querelles, d’où pouvaient naître de grands malheurs pour les peuples, il se présenta comme médiateur de paix, et arbitre d’union. Enfin, alors que la Terre sainte de Palestine que le divin Rédempteur sanctifia de son sang, était en grand danger, accablée par des armées ennemies, il entraîna, sur l’ordre du Souverain Pontife, par sa voix sublime, et sa charité plus sublime encore, les Princes chrétiens et leurs peuples à entreprendre une nouvelle expédition sous l’insigne de la Croisade ; si elle aboutit à un échec, on ne doit sûrement pas le mettre à son compte.
Et alors que les œuvres d’Arnauld de Brescia, de Gilbert de la Porrée, et surtout d’Abélard, mettaient en grave danger l’intégrité de la foi et des mœurs catholiques, transmise depuis les anciens temps comme un dépôt sacré, il mit tout en œuvre, par des écrits pleins de science, des voyages pénibles, soutenu qu’il était par la grâce divine, pour écarter et faire condamner les erreurs et ramener, autant qu’il le pouvait, les égarés à la voie droite et au bien.
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Dans ces questions, sachant bien que l’autorité du Pontife Romain a autrement de force que la sagesse des docteurs, il prit soin de faire intervenir cette autorité, qu’il reconnaissait souveraine pour trancher ces débats, et incapable de se tromper. Et il écrivait à notre prédécesseur de bienheureuse mémoire, Eugène III, qui avait été autrefois formé à son école, ces mots, où l’on sent la charité et le respect débordants qu’il avait pour lui, unis à cette liberté de l’esprit qui convient aux saints : « L’amour ne connaît pas de maître, il reconnaît son fils même sous les ornements pontificaux… Je t’avertirai donc non comme un maître, mais comme une mère ; vraiment comme quelqu’un qui t’aime » [34]. Puis il l’appelle par ces mots ardents : « Qui es-tu ? Le Grand-Prêtre, le Souverain Pontife. Tu es le prince des Evêques, l’héritier des Apôtres… Pierre par le pouvoir, Christ par l’onction. Tu es celui à qui les clefs ont été remises, à qui les brebis sont confiées. Il y a bien d’autres portiers du Ciel, d’autres pasteurs de troupeaux ; mais toi, tu as hérité d’un nom d’autant plus glorieux qu’il diffère des autres et les dépasse. Ceux-là ont des troupeaux désignés, chacun a le sien : à toi tous sont confiés, l’unique troupeau à l’unique Pasteur. Car tu es l’unique pasteur, non seulement de toutes les brebis, mais de tous les pasteurs » [35]. Et encore : « Il lui faudrait quitter la terre, celui qui voudrait découvrir ce qui n’appartient pas à ta charge » [36]. Il reconnaît nettement et clairement le magistère infaillible du Pontife Romain dans ce qui touche à la foi et aux mœurs. Notant les erreurs d’Abélard, qui « lorsqu’il parle de la Trinité, sent son Arius ; de la grâce, son Pélage ; de la personne du Christ, son Nestorius » [37] ; « qui établit des rangs dans la Trinité, des modes dans la majesté, des degrés dans l’éternité » [38] ; et chez qui « l’esprit humain prend tout, ne laissant rien à la foi » [39] ; non seulement il dissèque ses illusions et ses artifices subtils, tortillés et trompeurs, les balaie et les réfute, mais il écrit, sur ce sujet grave à notre Prédécesseur d’immortelle mémoire, Innocent II : « Il convient d’en référer à votre charge apostolique de tous les dangers, mais surtout de ceux qui touchent à la foi. Car je pense que les atteintes portées à la foi doivent être réparées là précisément où la foi ne peut être en défaut. C’est là la prérogative de ce Siège… C’est le moment, Père très cher, de prendre conscience de votre primauté… Vous serez vraiment le vicaire de Pierre, dont vous occupez la chaire, en raffermissant par votre avertissement les cœurs hésitants dans leur foi, en écrasant de votre autorité ceux qui corrompent la foi » [40].
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D’où cet humble moine, qui n’avait presque pas d’appuis humains à sa disposition, a‑t-il pu tirer la force nécessaire pour surmonter les difficultés les plus rudes, résoudre les questions les plus compliquées, trancher les différends les plus insolubles ? On ne peut le comprendre qu’en considérant la haute sainteté de vie qui brillait en lui, unie à son effort pour connaître la vérité. Surtout, il brûlait d’une ardente charité, comme nous l’avons dit, envers Dieu, envers le prochain, et cela, vous le savez, Vénérables Frères, est le précepte essentiel et comme le résumé de l’Evangile ; de là vient qu’il n’était pas seulement uni au Père céleste par un lien mystique et durable, mais qu’il ne désirait rien plus vivement que de gagner des hommes au Christ, de protéger les droits sacrés de l’Eglise, et de défendre l’intégrité de la foi catholique avec un courage indomptable.
Quoique jouissant de tant de crédit et d’estime auprès des souverains pontifes, auprès des princes et auprès des masses, il ne s’en prévalait pas, il ne recherchait pas la gloire humaine passagère et vaine ; mais toujours il rayonnait de l’humilité chrétienne, qui « accueille les autres vertus… conserve celles qu’elle a accueillies… perfectionne celles qu’elle conserve » [41], au point « que sans elle, elles ne paraissent même plus des vertus » [42]. C’est pourquoi « l’honneur qui lui était offert ne troubla jamais son âme et il ne fit pas un pas pour se porter vers la gloire ; la tiare ou l’anneau ne l’attiraient pas plus que la serpe ou le sarcloir » [43]. Et alors qu’il endurait tant de si grandes fatigues pour la gloire de Dieu et au profit de la cause du christianisme, il se déclarait « inutile serviteur de Dieu » [44], « vil vermisseau » [45], « arbre stérile » [46], « pécheur, cendre » [47]. C’est la contemplation assidue des réalités célestes qui nourrissait cette humilité chrétienne et les autres vertus ; elles étaient nourries par des prières enflammées adressées à Dieu qui attiraient la faveur d’en haut sur lui, sur ses entreprises, sur ses travaux.
Son amour tout spécial pour Jésus-Christ, le divin Rédempteur, l’entraînait avec tant de véhémence, que, touché et stimulé par Lui, il a écrit des pages d’une grande élévation et d’une grande beauté, que tout le monde admire encore et qui enflamment la piété de tous ceux qui les lisent.
« Qu’est-ce qui fortifie l’esprit de celui qui pense, renforce les vertus, donne de la vigueur aux bonnes et honnêtes habitudes, favorise les sentiments purs ? Tout aliment de l’âme est sec, si on n’y verse pas de cette huile ; insipide si on ne l’assaisonne pas de ce sel. Lorsque tu écris, je n’y prends pas goût si je n’y lis pas Jésus ; lorsque tu discutes, ou que tu discours, je n’y trouve aucun intérêt, si je n’y entends Jésus ; Jésus, c’est du miel pour ma bouche, une mélodie pour mes oreilles, une jubilation pour mon cœur. Mais c’est aussi un remède. L’un de vous est-il triste ? Que Jésus vienne à son cœur et de là à ses lèvres ; et voici que lorsque paraît ce nom lumineux, tout nuage disparaît, la sérénité revient. Quelqu’un tombe-t-il dans le crime ? se précipite-t-il alors, désespéré, vers la corde qui doit lui donner la mort ? S’il invoque ce nom de vie, ne va-t-il pas aussitôt revenir à la vie ? La force de ce nom, invoqué par celui qui s’agite et tremble dans les dangers, à qui ne rend-il pas aussitôt la confiance et n’ôte-t-il pas la crainte… ? Rien mieux que ce nom ne comprime l’emportement de la colère, n’apaise l’enflure de l’orgueil, ne guérit la blessure de l’envie » [48]. Et à cette charité ardente envers Jésus-Christ, Bernard joignait une piété très tendre et très douce envers Celle qui lui donna la vie, qu’il vénérait comme une Mère très aimante et qu’il honorait avec passion. Il avait une telle confiance en sa très puissante protection qu’il n’a pas hésité à écrire : « Dieu a voulu que nous n’ayons rien qui ne passât par les mains de Marie » [49]. Et aussi : « Telle est sa volonté que nous ayons tout par Marie » [50].
Et il Nous plaît ici, Vénérables Frères, de proposer à la méditation de tous cette page, en comparaison de laquelle il n’existe pas de louange plus belle de la Vierge Mère de Dieu, il n’en est pas de plus vigoureuse, il n’en est pas de plus capable d’exciter notre amour envers elle, ni de plus utile pour réchauffer la piété et nous inciter à suivre les exemples de ses vertus : « On l’appelle étoile de la mer et cela s’adapte de façon très convenable à la Vierge Mère, car c’est très justement qu’on la compare à un astre : en effet, de même que l’astre émet son rayon sans se corrompre, de même c’est sans être lésée que la Vierge met au monde son Fils. Le rayon ne diminue pas la clarté de l’astre et le Fils ne diminue pas l’intégrité de la Vierge. Car elle est cette noble étoile sortie de Jacob, dont le rayon illumine le monde entier, dont la splendeur brille dans les cieux et pénètre les enfers… Elle est, dis-je, une splendide et admirable étoile placée par nécessité au-dessus de cette grande et vaste mer resplendissante de mérites, éclairante par ses exemples. O vous tous qui vous rendez compte que, loin d’avancer sur la terre ferme, vous flottez sur le fleuve de ce monde au milieu des orages et des tempêtes, ne détournez pas les yeux de la lumière éclatante de cet astre, si vous ne voulez pas être engloutis par les tempêtes. Si les vents de la tentation s’élèvent contre vous, si vous êtes poussés sur les écueils des tribulations, regardez l’étoile, invoquez Marie. Si vous êtes assaillis par les flots de l’orgueil, les flots de l’ambition, les flots de la médisance, les flots de l’envie, regardez l’étoile, appelez Marie. Si la colère, ou l’avarice, ou les tentations de la chair attaquent la nacelle de votre esprit, regardez vers Marie. Si troublés par la grandeur de votre crime, confus de la laideur de votre conscience, terrifiés par l’horreur du jugement, vous commencez à être entraînés dans les gouffres de la tristesse, dans l’abîme du désespoir, pensez à Marie. Dans les dangers, dans les angoisses, dans les perplexités, pensez à Marie, invoquez Marie. Qu’elle ne s’éloigne pas de vos lèvres, qu’elle ne s’éloigne pas de votre cœur ; et pour obtenir l’appui de sa prière, ne cessez pas d’imiter l’exemple de sa vie. En la suivant, vous ne vous égarez point ; en la priant, vous ne désespérez point ; en pensant à elle, vous ne vous trompez point ; si elle vous tient, vous ne tombez pas ; si elle vous protège, vous ne craignez point ; si elle vous conduit, vous ne vous fatiguez point ; si elle est propice, vous arrivez au port. » [51] Nous ne pouvons pas mieux conclure cette lettre encyclique qu’en invitant chacun par les paroles du docteur « Mellifluus » à accroître chaque jour davantage sa piété envers la vénérable Mère de Dieu et aussi à imiter ses sublimes vertus avec plus d’énergie, chacun selon son état de vie particulier. Si au cours du XIIe siècle de graves dangers menaçaient l’Eglise et la société humaine, les crises qui pèsent sur notre époque ne sont certes pas moindres. Il n’est pas rare que la foi catholique, source des suprêmes consolations pour les hommes, soit languissante dans les âmes et même que, dans certaines régions et nations, elle soit publiquement attaquée avec âpreté. Or lorsque le culte chrétien est négligé ou expulsé comme un ennemi, on voit, hélas ! les mœurs publiques et privées dévier du droit chemin et parfois même, par les failles des erreurs tomber lamentablement dans le vice.
Au lieu de la charité qui est le lien de la perfection, de la concorde et de la paix, on substitue les haines, les rivalités et les discordes.
Quelque chose d’inquiet, d’anxieux et de trépidant pénètre les esprits humains ; en effet il est à craindre, si la lumière de l’Evangile peu à peu diminue et faiblit dans les âmes ou, ce qui est pire, si elle en est entièrement rejetée, que les bases mêmes de la société civile et domestique ne s’écroulent, à tel point que surviennent des temps pires encore et plus malheureux.
De même donc que le docteur de Clairvaux a demandé et obtenu le secours de la Vierge Marie, Mère de Dieu pour son époque très troublée, nous tous, avec la même ardente piété, et par notre prière supplions notre divine Mère d’obtenir de Dieu les remèdes opportuns à ces maux qui déjà grossissent ou menacent ; qu’elle nous donne, grâce à Dieu, dans sa bonté et sa puissance, de voir une paix sincère, solide et fructueuse, briller enfin pour l’Eglise, pour les peuples et pour les nations.
Que ce soient les fruits abondants et salutaires qu’apportent sous l’auspice de saint Bernard les solennités centenaires de l’anniversaire de sa pieuse mort ; que tous s’unissent à Nous dans ces prières suppliantes, tout en cherchant, par la considération et la méditation des exemples du docteur Mellifluus, à suivre ses saintes traces avec zèle et enthousiasme.
Que ces fruits salutaires vous soient obtenus par la Bénédiction apostolique, que Nous vous accordons de tout cœur, Vénérables Frères, aux troupeaux confiés à chacun d’entre vous, particulièrement à ceux qui ont adopté le mode de vie de saint Bernard.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1953, Édition Saint-Augustin Saint-Maurice. – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 369.
- Note de LPL : Terme que l’on peut traduire « ruisselant de miel »[↩]
- Mabillon, Bernardi Opéra, Praef, generalis, n. 23 ; Migne, P.L., CLXXXII, 26.[↩]
- Litt. Apost Contigit olim, XV Kal. Feb., 1174, Anagniae d.[↩]
- Annal., t. XII, An. 1153, p. 385, D‑E ; Rome, ex Tipografia Vaticana, 1907.[↩]
- Serm., in Festo SS. Apost. Pétri et Pauli, n. 3 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 407, Serm. 3, in Festo Pentec., n. 5 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 332‑B.[↩]
- I, Cor., VIII, 2.[↩]
- In Cantica, Serm. XXXVI, 3 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 968‑C, D.[↩]
- Ibid., Serm. VIII, 6 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 813‑A, B.[↩]
- Ibid., Serm. LXIX, 2 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1113‑A.[↩]
- In Nat. S. Joan. Bapt., Serm. 3 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 399‑B.[↩]
- In Cantica, Serm. XIX, 7 ; Migne, P. L. CLXXXIII, 866‑D.[↩]
- Cf. Brev. Rom. in festo SS. Nom. Jesu ; die III infra octavam Concept, immac. B.V.M. ; in octava Assumpt. B.V.M. ; in festo septemb. Dolor. B.V.M. ; in festo sacrat. Rosarii B. V. M. ; in festo S. Josephi Sp. B.V.M. ; in festo S. Gabrielis Arch.[↩]
- Cf. Fénelon, Panégyrique de S. Bernard.[↩]
- In Cantica, serm. LXXXIII, 1 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1181‑C. D.[↩]
- Ibid., 3 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1182‑C. D.[↩]
- Ibid., 4 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1183‑B.[↩]
- I Cor. VI, 17.[↩]
- In Cantica, Serm. LXXXIII, 6 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1184‑C.[↩]
- Jean, IV, 8.[↩]
- De Diligendo Deo, c. L., Migne, P, L., CLXXXII, 974‑A.[↩]
- In Cantica, Serm. LXXXV, 8 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1191‑D.[↩]
- De Diligendo Deo, c. X, 28 ; Migne, P. L., CLXXXII, 991‑A.[↩]
- In Ps. CLXXXX, Serm. XVII, 4 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 252‑C.[↩]
- In Cantica, serm. XXIII, 16 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 893‑A, B.[↩]
- Col., III, 3.[↩]
- In Cantica, serm. LII, 3 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1031‑A.[↩]
- De Consid. I, c. 7 ; Migne, P. L., CLXXXII 737‑A, B.[↩]
- De Imit. Christi, I, 20, 5.[↩]
- ln Cantica, serm. XLI, 6 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 987‑B.[↩]
- De adventu D., serai. III, 5 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 45‑D.[↩]
- Epist. 20 (ad Card. Haimericum) ; Migne, P. L., CLXXXII, 123‑B.[↩]
- Epist. 221, 3 ; Migne, P. L., CLXXXII, 386‑D., 387‑A.[↩]
- Epist. 147, 1 ; Migne, P. L., CLXXXII, 304‑C, 305‑A.[↩]
- De Consid., Prolog. ; Migne, P. L., CLXXXII, 727‑A, 7278‑A, B.[↩]
- Ibid., II, c. 8 ; Migne, P. L., CLXXXII, 751‑C, D.[↩]
- Ibid., III, c. L ; Migne, P. L., CLXXXII, 757‑B.[↩]
- Epist. 192 ; Migne, P. L., CLXXXII, 358‑D, 359‑A.[↩]
- De error. Abaelardi, I, 2 ; Migne, P. L., CLXXXII, 1056‑A.[↩]
- Epist. 188 ; Migne, P. L., CLXXXII, 353‑A, B.[↩]
- De error Abaelardi, Praef. ; Migne, P. L., CLXXXII, 1053, 1054‑D.[↩]
- De moribus et off. Ep. sc., seu Epist. 42, 5, 17 ; Migne, P. L., CLXXXII, 821‑A.[↩]
- Ibid.[↩]
- Vita Prima, II, 25 ; Migne, P. L., CLXXXV, 283‑B.[↩]
- Epist., 37 ; Migne, P. L., CLXXXII, 143‑B.[↩]
- Epist., 215 ; Migne, P. L., CLXXXII, 379‑B.[↩]
- Vita Prima, V. 12 ; Migne, P. L., CLXXXV, 358‑D.[↩]
- In Cantica, Serm. LXXI, 5 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 1123‑D.[↩]
- In Cantica, Serm. XV, 6 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 846‑D, 847‑A, B.[↩]
- In Vigil. Nat. Domini, Serm. III, 10 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 100‑A.[↩]
- Serm. In Nat. Mariae, 7 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 441‑B.[↩]
- Hom. II, super « Missus est », 17 ; Migne, P. L., CLXXXIII, 70‑B, C, D, 71‑A.[↩]