Cette lettre a été adressée aux RR. PP. Clement de Milwaukee, ministre général des Frères mineurs capucins, Bede Hess, ministre général des Frères mineurs conventuels, Pacifique Perantoni, ministre général des Frères mineurs.
Tandis qu’un grand nombre d’hommes de nos jours, rejetant la pensée des choses éternelles, se précipitent misérablement dans les plaisirs du siècle négligeant ou plaçant au second plan les choses du ciel et de la vertu, il Nous paraît très opportun, en réponse à votre commune lettre, de rappeler au souvenir des hommes la vierge Clarisse fidèle à Dieu, sainte Colette de Corbie, dont le cinquième centenaire de la très pieuse mort vient de sonner, et d’encourager tous les hommes à l’exacte imitation de ce qui faisait l’éminente beauté de son âme. Nous souhaitons particulièrement qu’elle leur apprenne au milieu de la si grande dissipation et du tumulte des événements que ce sont les choses qui regardent Dieu et qui portent à embrasser ses très saints commandements qui ont le plus de valeur, et celles qui animent la vie intérieure et surnaturelle, mère des vertus chrétiennes, laquelle ignore la mort car elle doit être un jour greffée sur le bonheur éternel. C’est dans cette vie profonde et surnaturelle que cette vierge franciscaine a puisé la force de se parer elle-même des fleurs et des fruits de la céleste beauté, mais aussi d’éclairer les autres de la lumière de sa sainteté.
Elle vit le jour à Corbie et montra dès l’âge le plus tendre des signes évidents de sa future sainteté ; non seulement, en effet, elle évita avec un soin vigilant les séductions du monde et s’adonna tout entière à de continuelles prières, mais elle s’attachait aussi les autres fillettes, aussi nombreuses qu’elle le pouvait, pour les nourrir de l’aliment de la bonne doctrine et les encourager par ses conseils et ses exemples et avec des fruits abondants, à éviter de toutes leurs forces la fange des vices et à suivre le chemin de la vertu chrétienne. Privée de ses parents, elle vendit son patrimoine et sa fortune, en distribua généreusement le prix aux pauvres et se retira dans la solitude pour s’attacher à Dieu seul et s’adonner plus facilement à la céleste contemplation, après avoir dompté son corps par le jeûne, le cilice et les chaînes de fer.
Eclairée bientôt par une lumière surnaturelle et inspirée par une impulsion du ciel, elle surmonta heureusement de nombreuses et grandes difficultés pour gagner avec joie la clôture des vierges franciscaines où, poussée par la grâce divine, elle s’efforça d’atteindre de plus en plus chaque jour à la perfection de la vie évangélique, objet de ses ardents désirs.
Mais non contente de s’instruire elle-même de la pratique de toutes les vertus et notamment de la modestie, de la pénitence et de l’humilité d’esprit et de s’y entraîner avec la plus grande application, elle l’emporta tellement sur les autres par l’éclat de sa sainteté que les religieuses clarisses la considéraient avec vénération comme une maîtresse. Il arriva donc que par un dessein de la Providence divine elle rétablit dans leur ancienne ferveur de nombreux couvents de Flandre et de France, en fonda de nouveaux et les amena à la forme évangélique de vie. C’est pourquoi, parvenue à la fin de sa vie mortelle pleine de mérites et de vertus, elle pouvait par son exemple plus que par des paroles exhorter ses Sœurs à la sainteté et spécialement à un brûlant amour de Dieu, à la pauvreté volontaire et au support des travaux et des souffrances, par ce chemin ardu sans doute et semé d’épines, toutes pourraient parvenir au bonheur du ciel.
Ayez donc devant les yeux ces éclatants exemples de sainteté ; attachez-vous non seulement à les contempler généreusement, mais employez toutes vos forces, surtout pendant ces solennités centenaires, à ce que tous ceux que vous pourrez atteindre, apprennent que rien n’est préférable, rien n’est plus nécessaire pour chacun que d’orner son âme de vertus surnaturelles et surtout de nourrir cette vie divine qui les engendre et les fait fleurir. Car celui qui aura négligé la vie intérieure et surnaturelle que la grâce ranime pour se tourner uniquement vers les choses extérieures, même honnêtes et opportunes, remarquera tôt ou tard qu’il a fait un travail caduc et stérile. Vous savez en effet que « tout don excellent, tout présent parfait viennent d’en-haut, descendant du Père des lumières » (Jacques, I, 17) ; et donc qu’aussi tout ce qui regarde l’apostolat sera vain et vide, s’il n’est mû par l’inspiration divine.
En outre Nous désirons exhorter spécialement et d’un cœur paternel les vierges Clarisses à suivre soigneusement et exactement les traces de sainte Colette. Qu’elles ne tolèrent pas que les anciennes vertus dont a si vivement resplendi cette sainte, perdent leur vigueur, languissent et s’éteignent misérablement. Qu’elles réveillent de toutes leurs forces leur ardeur pour la sainteté, si elle s’est refroidie ; qu’elles n’implorent pas seulement pour elles-mêmes les dons de la grâce divine, mais qu’elles demandent aussi à Dieu lumière, miséricorde et pardon pour leurs innombrables frères et sœurs qui entraînés hors du droit chemin sont tombés aveuglément dans l’erreur et le bourbier des vices.
Nous joignons volontiers Nos prières aux leurs et aux vôtres, tandis qu’en témoignage des grâces du ciel et en gage de Notre particulière bienveillance, Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, tant à chacun de vous, chers fils, et aux confrères confiés à votre direction, qu’à toutes les vierges franciscaines vouées à Dieu, et à tous ceux qui prendront part à ces fêtes du cinquième centenaire.
Source : Documents Pontificaux de sa Sainteté Pie XII, année 1947, Edition Saint-Augustin Saint-Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XL, 1948, p. 104.