Sermon du R.P. Antoine, O.F.M., à l’occasion des voeux du Père Joseph d’Avallon – 4 avril 2016

Le R.P. Antoine de Fleurance, Père Gardien des Capucins de Morgon

Le style par­lé a été conservé.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il.

Messieurs les abbés, cher révé­rend Père, biens chers frères, biens chers fidèles, chère famille du Père Joseph, bien cher Père Joseph,

ces quelques mots vous sont plus par­ti­cu­liè­re­ment adres­sés et le petit céré­mo­nial de cette céré­mo­nie de pro­fes­sion nous encou­rage à évo­quer d’une part la pié­té et la gra­vi­té de cet enga­ge­ment que vous allez faire.

Pourquoi est-​ce un enga­ge­ment pieux ? Et bien, c’est une démarche reli­gieuse et même, ce qui carac­té­rise le reli­gieux ou la reli­gieuse, c’est d’avoir émis ce que nous appe­lons les trois vœux de reli­gion qui sont le résu­mé des conseils évan­gé­liques de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Et donc, c’est un enga­ge­ment par rap­port à Dieu, un enga­ge­ment que la ver­tu de reli­gion vous porte à faire, vous incline à faire.

Et c’est un enga­ge­ment grave, parce que tous les enga­ge­ments que nous pre­nons envers Dieu, à cause de cette réa­li­té de Dieu, sont impor­tants, sont graves, sont sérieux et donc c’est en ce sens qu’ils sont graves. Et aus­si parce qu’ils n’engagent pas défi­ni­ti­ve­ment toute votre vie, cet enga­ge­ment, mais il engage momen­ta­né­ment mais totalement.

Vous allez être, vous l’étiez déjà en tant que prêtre, vous allez être plus par­ti­cu­liè­re­ment par les vœux de reli­gion, au ser­vice de Dieu et cela, tout le temps. La vie reli­gieuse nous prend du matin au soir et du soir au matin. Et c’est tous les jours (que) nous recom­men­çons, mais c’est pour aimer le Bon Dieu.

Ce que va réa­li­ser cet enga­ge­ment, ou le but que vous vous pro­po­sez de réa­li­ser par cet enga­ge­ment, c’est d’abord de vous concen­trer davan­tage sur Dieu. C’est toute la gran­deur humaine, pour quelque être humain que ce soit, quelque voca­tion que nous ayons, quelque charge, devoir que nous ayons. Notre gran­deur est de nous concen­trer sur Dieu, sur Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Nous sommes tout de Lui, nous sommes tout de Dieu, il n’y a rien, pas une infime par­tie de notre être qui ne soit de Dieu. Et si nous avons l’existence, la vie, l’être, l’agir, tout cela nous vient de Dieu. Et dans la juste réponse de tout être humain, et du catho­lique, du bap­ti­sé d’autant plus, c’est d’être cen­tré sur Dieu. Et cela est très méri­toire durant cette vie ter­restre. Dans le Ciel nous ne pour­rons pas faire autre­ment. Cela sera sûre­ment une des grandes dou­leurs des dam­nés, jus­te­ment, d’être conscients d’être tout pour Dieu et d’en être sépa­rés, d’en être sépa­rés défi­ni­ti­ve­ment. Et nous, qui ten­dons à gagner le Ciel et qui vou­lons le gagner ardem­ment, quand nous y serons, il n’y aura pas d’alternative, pas de dis­trac­tion pos­sible : nous serons cen­trés sur Dieu, cela ne pour­ra pas être autre­ment. Et donc la vie ter­restre nous est don­née tout par­ti­cu­liè­re­ment pour nous cen­trer sur le Bon Dieu, pour déve­lop­per en nous cet ardent désir de Le retrou­ver un jour dans le Ciel. 

Et, cher Père Joseph, si vous avez choi­si pour émettre les vœux de reli­gion un ins­ti­tut contem­pla­tif, c’est pour réa­li­ser cette concen­tra­tion la plus intense, la plus vivante que pos­sible dans toute votre vie. Quand, dans l’Evangile, il est dit que quand le Maître vien­dra, Il sou­haite trou­ver son ser­vi­teur vigi­lant, en veille, c’est cette concen­tra­tion sur Dieu, quand le Bon Dieu vien­dra nous prendre, que notre âme, notre esprit, notre cœur dans toute sa force, dans tous son élan, soient tour­nés vers Lui. Donc, c’est un pre­mier but que vous vous pro­po­sez, que vous avez déjà expé­ri­men­té durant le novi­ciat mais que vous allez essayer d’intensifier.

Et puis aus­si, vous vou­lez vous iden­ti­fier à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Vous concen­trer sur le Bon Dieu mais aus­si vous iden­ti­fier avec Notre-​Seigneur Jésus-​Christ . Ne faire plus qu’un avec Lui, l’identification. Et cela, par l’imitation de Jésus-​Christ la plus par­faite que pos­sible. On dit de la vie de saint François, notre Père saint François, qu’il fut en tout conforme au cru­ci­fix. Il fut en tout conforme, en confor­mi­té par­faite avec le cru­ci­fix. Il y a eu iden­ti­fi­ca­tion de saint François avec Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et Notre-​Seigneur Jésus-​Christ cru­ci­fié. Et cette iden­ti­fi­ca­tion par la grâce de Dieu s’est tel­le­ment concré­ti­sée for­te­ment, et même exté­rieu­re­ment, qu’il a été stig­ma­ti­sé. L’identification, c’est qua­si­ment la même iden­ti­té. On ne fait plus qu’un avec l’autre, on s’identifie à lui. Et pour saint François, il a été tel­le­ment iden­ti­fié à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ qu’il en a por­té les stig­mates, cette iden­ti­fi­ca­tion exté­rieure, que nous admi­rons et qui s’est renou­ve­lée, par exemple, chez le Padre Pio. Et même, il y a encore des per­sonnes vivantes, peut-​être par­mi vous mais nous, que nous avons connues, que nous connais­sons encore, qui ont bai­sé les plaies du Padre Pio et qui disaient, après avoir bai­sé les plaies du Padre Pio, même si leurs lèvres n’avaient pas eu de sang sur elles, elles avaient gar­dé le goût du sang dans la bouche, pen­dant plu­sieurs heures voire plu­sieurs jours. Pour mon­trer, même si elles n’avaient pas goû­té le sang, c’est vrai, mais par un miracle, cet aspect tout exté­rieur, intense, qu’a pu pro­duire cette iden­ti­fi­ca­tion avec Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Mais, autant pour saint François que pour le Padre Pio, l’identification inté­rieure était encore plus extra­or­di­naire que cette iden­ti­fi­ca­tion exté­rieure. Et alors, c’est tout le tra­vail. Déjà le sacer­doce nous iden­ti­fie à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ Souverain Prêtre, et c’est pour cela que nous pou­vons agir in per­so­na Christi. Quand nous sommes à l’autel, quand vous célé­bre­rez la messe tout à l’heure, mon Père, nous sommes iden­ti­fiés à Jésus-​Christ Souverain Prêtre et nous repro­dui­sons ce que Lui-​même a fait en tant que prêtre durant sa vie ter­restre. Voilà ce pro­gramme d’identification à Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Et alors, que vont venir faire les vœux de reli­gion par rap­port à tout cela, aus­si bien pour la concen­tra­tion sur le Bon Dieu que pour l’identification envers Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ? Ils vont faci­li­ter cette réa­li­sa­tion de concen­tra­tion et d’identification. Les vœux de reli­gion ne sont pas obli­ga­toires mais ils sont un moyen très effi­cace pour réa­li­ser le plan de Dieu sur nous, de notre sanc­ti­fi­ca­tion, de réa­li­sa­tion de Sa volon­té dans tous les détails de notre vie, ce qui prouve vrai­ment notre cha­ri­té envers Lui.

La contre­par­tie, d’une part, de la pau­vre­té que vous avez déjà connue, expé­ri­men­tée, c’est la confiance en la pater­ni­té de Dieu. Ce qui va carac­té­ri­ser votre vie à tra­vers ces vœux, entre autre chose, c’est la confiance en la pater­ni­té de Dieu. La confiance aus­si bien pour les biens inté­rieurs que pour les biens extérieurs.

Et puis, ce vœu de chas­te­té, que vous avez déjà émis avant votre sacer­doce, va inten­si­fier, va avoir l’aspect de com­plé­men­ta­ri­té pour réa­li­ser la béa­ti­tude des cœurs purs. Donc bien­heu­reux les cœurs purs car ils ver­ront Dieu. Plus nos âmes sont pures, plus nos âmes sont déta­chées des choses ter­restres et plus elles trouvent, elles inten­si­fient, elles enra­cinent une apti­tude à la vision de Dieu dans la vie contem­pla­tive ici-​bas et dans la vie future dans l’éternité. Donc voi­là la béa­ti­tude des cœurs purs.

Et puis l’obéissance. L’obéissance nous aide à gar­der un réa­lisme objec­tif de tous les ins­tants sur nous-​même. Il n’y a pas de moyen plus effi­cace pour ban­nir l’illusion et pour nous gar­der sur la voie de la sanc­ti­fi­ca­tion que l’obéissance. Nous avons tous ten­dance, nous savons bien, à nous faire des illu­sions sur nous-​même et à sor­tir un peu de cette voie que le Bon Dieu a tra­cé pour nous.

Cher Père Joseph, vous allez faire vos vœux de reli­gion le jour de l’Annonciation. Et si même nous avions fêté l’Annonciation le 25 mars, comme ç’eut été nor­mal, vous auriez aus­si émis ces vœux le jour des 25 ans d’anniversaire de la mort de Monseigneur Lefebvre. Et je ne doute pas que ce soit un petit clin d’œil de la Providence, même de Monseigneur Lefebvre du haut du Ciel qui, lui aus­si, avant de fon­der la Fraternité Saint-​Pie X, avait connu l’engagement de la vie reli­gieuse. Il va naître pour vous de cet enga­ge­ment, un petit peu comme Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans son Incarnation. Le Père Philibert de Saint-​Didier, com­pa­gnon du Père Eugène, aimait à dire, c’était à l’occasion de la prise d’habit, com­pa­raît la prise d’habit d’un reli­gieux à la vêture que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ a faite dans le sein de la Très Sainte Vierge Marie. Notre-​Seigneur Jésus-​Christ s’est revê­tu, comme on se revêt d’un habit, s’est revê­tu de notre huma­ni­té. Et donc, vous aviez fait cette vêture il y a un peu plus d’un an.

Mais il va en être un peu de vous, comme vous étiez déjà prêtre dans le che­min de la sanc­ti­fi­ca­tion, le devoir d’être saint, vous avez vou­lu ajou­ter quelque chose de plus. Comme le Bon Dieu, la deuxième per­sonne de la Sainte Trinité, n’avait en aucun cas besoin de l’humanité pour trou­ver, pour avoir, pour se per­fec­tion­ner quelque part. Mais le Bon Dieu l’a vou­lu pour nous. Pour notre bien. Pour nous, il n’y a pas de doute que le fait que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, la deuxième per­sonne de la Sainte Trinité se soit incar­née, c’est un grand plus. Notre-​Seigneur Jésus-​Christ pour­ra dire à Philippe qui lui deman­dait de voir le Père : « Philippe qui Me voit, voit le Père ». Donc, c’est un bien pour nous. Et bien, c’est une com­pa­rai­son qui n’est pas tout à fait radi­cale, et bien il y a un plus pour vous pour res­sem­bler à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Il n’était pas indis­pen­sable, vous pou­viez deve­nir un grand saint sans être reli­gieux. Mais il y a un plus, et puis un plus aus­si pour toutes les âmes à qui vous vou­lez faire du bien. On dit qu’une âme qui s’élève, élève le monde. 

Alors voi­là, cher Père, nous vous sou­hai­tons un ave­nir de capu­cin intense. Si je peux me per­mettre, nous avons, entre autre, saint Laurent de Brindes, qui a vrai­ment carac­té­ri­sé inten­sé­ment l’idéal capu­cin et qui a été en même temps Général de l’Ordre, pas de façon suc­ces­sive mais il a été Général de l’Ordre c’est-à-dire qu’il a gou­ver­né l’Ordre pen­dant des années, et donc à la tête de l’Ordre. Il a été mis­sion­naire extra­or­di­naire, n’hésitant pas à prendre la tête des armées catho­liques pour lut­ter contre les turcs ou les sar­ra­sins. Et quand il pre­nait la tête des armées, saint Laurent de Brindes n’avait comme arme que la croix. Les sar­ra­sins fuyaient parce qu’ils savaient qu’ils seraient bat­tus d’avance. Même si les armées des turcs étaient beau­coup plus impor­tantes que celles des catho­liques. Sa puis­sance, la puis­sance de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans cet homme de Dieu, fai­sait que les armées enne­mies étaient vain­cues d’avance. Cela prouve que le capu­cin est en même temps un contem­pla­tif mais il peut être aus­si un homme d’avant-garde dans les batailles. Et même pour dire com­bien il s’est trou­vé dans des situa­tions dif­fi­ciles, saint Laurent de Brindes, c’est que dans une jour­née où la bataille a fait rage, 5 che­vaux sont morts sous lui et lui est res­té intact, il n’a pas eu de bles­sures. Cela prouve bien. Et lui, ce grand saint capu­cin, a été décla­ré doc­teur de l’Eglise. Cela prouve l’universalité de sa voca­tion : catho­lique, apos­to­lique, évan­gé­lique, sacer­do­tale. Il a rem­pli toutes les mis­sions, je dirais presque pos­sibles et ima­gi­nables, d’un consa­cré à Notre-​Seigneur Jésus-Christ. 

Nous vous sou­hai­tons cela, cher Père et nous prie­rons tout spé­cia­le­ment durant la messe, que vous célé­bre­rez, pour que vous accé­diez à cette sain­te­té capu­cine dont l’Eglise a tout par­ti­cu­liè­re­ment besoin aujourd’hui, besoin de doc­teurs de l’Eglise pour être fidèle à la foi tota­le­ment, com­plè­te­ment, inté­gra­le­ment, sans défaillance ni à droite, ni à gauche. Nous avons besoin de mis­sion­naires qui évan­gé­lisent le plus pos­sible d’âmes pour les rame­ner à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Nous avons besoin de chefs pour voir, pour exer­cer ce rôle dont Notre-​Seigneur Jésus-​Christ nous a don­né l’exemple de conduc­teur d’âmes et de « moti­veurs » d’âmes, je dirais.

Demandons à la Très Sainte Vierge Marie, qui est apte à vous com­mu­ni­quer tous ces biens, en cette fête de l’Annonciation, de vous com­bler de ses grâces.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il. 

Premiers vœux du Révérend Père Joseph d’Avallon, au couvent Saint-​Antoine à Aurenque, le 4 avril 2016, en la fête (repor­tée) de l’Annonciation.

Sermon du Révérend Père Antoine, Père gar­dien du couvent Saint-​François de Morgon.

Capucin de Morgon