Enterrement en l’absence d’un prêtre

Partie I

Des fidèles m’ont remis récem­ment un article d’un quo­ti­dien des Ardennes rela­tant une enter­re­ment fait par des laïcs à Revin, alors que la famille avait expli­ci­te­ment deman­dé la pré­sence d’un prêtre. Ce genre de céré­mo­nies d’ob­sèques se répand dans les dio­cèses et tend à rem­pla­cer les messes d’enterrement.

Le dio­cèse de Reims dis­pose ain­si actuel­le­ment d’une cen­taine d’é­quipes de 3 ou 4 per­sonnes enga­gées dans la « pas­to­rale des funérailles ».

Selon un com­mu­ni­qué de presse du dio­cèse du 25 octobre 2006,

« Loin de se réduire à la seule célé­bra­tion des obsèques, leur rôle consiste à accom­pa­gner les familles endeuillés [sic] tout au long de l’année ».

Il est inté­res­sant d’é­tu­dier les argu­ments avan­cés par le cler­gé en place pour pro­mou­voir de telles céré­mo­nies, d’en exa­mi­ner la cohé­rence interne et les sous-​entendus, ce que nous ferons ce mois-​ci, puis de les confron­ter à la théo­lo­gie catho­lique, ce que nous ferons le moins prochain.

Les argu­ments avan­cés sont au nombre de trois. Ils se trouvent ain­si résu­més par l’Abbé Coqueret, curé de Revin, dans l’ar­ticle signa­lé plus haut. Ecoutons notre homme d’Eglise :

« D’abord on redé­couvre que le temps de prière à l’é­glise est impor­tant. Il est tout à fait judi­cieux qu’il soit pris en compte par la com­mu­nau­té parois­siale et pas seule­ment par le prêtre. Enfin, autre rai­son qui explique ce choix : la crise des voca­tions. Il y a de moins en moins de prêtres. Nous sommes très peu nom­breux à faire beau­coup de choses ».

Les rai­sons d’une telle pra­tique sont donc d’a­bord la volon­té de pro­mou­voir les laïcs et de leur confier des tâches autre­fois réser­vées au prêtre, et d’autre part, la crise des voca­tions - tiens ! elle existe donc ? – qui contraint les prêtres à se déchar­ger d’une par­tie de leur ministère.

La troi­sième rai­son nous est expo­sée éga­le­ment par l’Abbé Coqueret :

« Une célé­bra­tion d’ob­sèques n’est pas for­cé­ment ani­mée par un curé, car, depuis des décen­nies, la célé­bra­tion n’est plus une messe. Il n’y a pas de sacre­ment, pas d’eu­cha­ris­tie, par consé­quent, la pré­sence du curé n’est plus indispensable ».

Cet argu­ment est repris dans d’autres décla­ra­tions des dio­cèses. Brigitte et Chantal expliquent ain­si dans la revue du dio­cèse de Nantes :

« Employées par l’Hôpital, nous sommes envoyées par l’Evêque en expli­quant que les funé­railles ne sont pas un sacre­ment » (Cap Avenir N°4 – 2001 – page 3).

Il est inté­res­sant d’exa­mi­ner le bien fon­dé de ces argu­ments, avant même de les confron­ter à la théo­lo­gie catho­lique et de faire res­sor­tir par leur manque de cohé­rence les motifs véri­tables de ce changement.

Il est bien évident que si les funé­railles ne sont pas un sacre­ment, que si depuis des décen­nies il n’y a plus d” « eucha­ris­tie » pour un enter­re­ment, on se demande pour­quoi l’Eglise confiait cela au prêtre. Une dame caté­chiste aurait pu donc depuis long­temps faire l’affaire.

D’autre part, soit on confie cette charge à des laïcs à cause du manque de prêtres, tout en déplo­rant cet état de fait et en essayant d’y remé­dier, soit on veut pro­mou­voir les laïcs et leur confier de nou­velles charges, auquel cas le manque de voca­tions n’est plus une rai­son véri­table mais plu­tôt un cache-​misère pré­sen­té aux chré­tiens attar­dés qui n’au­raient pas encore per­çu toute la richesse d’une église sans prêtres.

Ainsi donc, ce chan­ge­ment dans la pas­to­rale cache en réa­li­té la volon­té de mettre en avant des laïcs pour des céré­mo­nies que l’on veut litur­giques, de can­ton­ner stric­te­ment le prêtre à un rôle d’a­ni­ma­teur d’é­quipes de pas­to­rale et de faire dis­pa­raître la célé­bra­tion de la messe lors des funé­railles. Des cita­tions de docu­ments offi­ciels du cler­gé en place nous per­met d’é­tayer nos pro­pos. Nous avons ain­si un texte de Xavier Dubreuil dans Cap Avenir, revue du dio­cèse de Nantes (numé­ro cité, page 4) :

« ce n’est pas seule­ment pour gérer la dimi­nu­tion de ses effec­tifs que l’Eglise s’or­ga­nise autre­ment. C’est aus­si parce que le monde change et que l’é­van­gile doit le rejoindre tel qu’il est. [.] C’est encore parce que, Dieu mer­ci, les chré­tiens se sentent de plus en plus res­pon­sables de la vie et de la mis­sion de l’Eglise. Et du coup on peut lire et vivre les chan­ge­ments en cours non pas comme une manière de gérer la pénu­rie mais comme un indice de renouveau ».

C’est Mgr Noyer, alors évêque d’Amiens, qui déclarait :

« le manque de prêtres ne doit pas être consi­dé­ré comme un han­di­cap mais comme une grâce » (Le Courrier Picard , 8 avril 1997, page 17).

Notre Abbé Coqueret, de son côté, recon­naît ingénument :

« Honnêtement, j’en fais moins qu’eux [les laïcs], l’é­quipe pré­pare très bien les choses, la qua­li­té de leur inter­ven­tion est la même voire supérieure ! ».

Apparemment, moins il y a de prêtres, mieux l’Eglise conci­liaire se porte !

Il est d’autre part évident que la messe n’est plus la bien­ve­nue aux céré­mo­nies d’en­ter­re­ment. Traditionnellement, la céré­mo­nie de funé­railles d’un catho­lique com­porte la célé­bra­tion de la messe de Requiem, qui est offerte à l’in­ten­tion de l’âme du défunt.

Ce n’est que depuis une dou­zaine d’an­nées, et non depuis des décen­nies, que des céré­mo­nies laïques sans messe pointent leur nez dans les dif­fé­rents dio­cèses pour s’é­tendre petit à petit ou s’im­po­ser, sui­vant les dio­cèses. Là encore le manque de prêtre n’est qu’un pré­texte qui cache une volon­té déli­bé­rée de désa­cra­li­sa­tion et de sup­pres­sion pro­gres­sive du sacer­doce et de la messe.

L’argument uti­li­sé est par­fois le sui­vant : comme les prêtres ne peuvent plus faire tous les enter­re­ments et qu’il ne faut pas créer de dis­cri­mi­na­tion, tous les enter­re­ments seront pris en charge désor­mais par des laïcs. C’est le nivel­le­ment par le bas qui fait dis­pa­raître les messes de funé­railles. Ainsi, dans Cap Avenir, un article signé L.T. (numé­ro cité, page 3) nous apprend :

« Il n’y a plus d’Eucharistie lors des funé­railles, même lorsque le prêtre est là, pour évi­ter des discriminations. »

C’est comme si un méde­cin sur­char­gé refu­sait toute visite à des malades sous pré­texte de ne pas avoir le temps de visi­ter tous les malades. Même si un prêtre est pré­sent, même s’il est lié au défunt par des liens de famille, il ne pour­ra pas dans cer­tains cas célé­brer de messe : place aux laïcs, exit les prêtres. C’est ce qu’ex­plique doc­te­ment Mgr Noyer (Rencontres, avril 1997, N° 40, page 4) :

« Si nous deman­dons à une équipe d’ac­com­pa­gner les familles en deuil, nous ne pou­vons accep­ter qu’on aille cher­cher un prêtre ailleurs en remer­ciant plus ou moins poli­ment l’é­quipe en res­pon­sa­bi­li­té. Si, par contre, un prêtre vient aux funé­railles pour des rai­sons fami­liales ou ami­cales, il doit être le bien­ve­nu. Il peut être en aube et éven­tuel­le­ment prendre part à l’of­fice, mais en res­pec­tant l’or­ga­ni­sa­tion pré­vue par l’é­quipe paroissiale ».

Ouf ! le prêtre peut quand même entrer dans l’é­glise, à condi­tion de se tenir bien sage et de ne pas gêner l’of­fice en cours. C’est donc le prêtre et la messe qu’il faut éva­cuer.

Pour en ter­mi­ner avec cette ana­lyse des argu­ments avan­cés, nous cite­rons l’Abbé Coqueret qui n’a pas le temps d’en­ter­rer les bap­ti­sés en rai­son de ses lourdes charges pas­to­rales. Jugez plu­tôt : il est aumô­nier dio­cé­sain des Ardennes du CCFD, pré­sident de la com­mis­sion des prêtres et appar­tient au conseil pres­by­té­ral. Voilà un curé qui a le sens des prio­ri­tés. Des trois argu­ments avan­cés, nous pou­vons conclure que le seul véri­table est celui de pro­mou­voir une sorte de minis­tère laïc pour les céré­mo­nies reli­gieuses et d’ins­tal­ler une église sans prêtres et sans messes.

Les enter­re­ments sans prêtre sont une pre­mière étape vers une Eglise sans prêtre. Nous étu­die­rons la pro­chaine fois ce que nous enseigne de son côté la doc­trine catholique.

Partie II

Nous avons ouvert le mois der­nier un débat sur un sujet cru­cial : la mul­ti­pli­ca­tion dans les paroisses des céré­mo­nies d’en­ter­re­ment en l’ab­sence de prêtre.

Les échos ren­con­trés par cet article montrent qu’il s’a­git d’une pra­tique qui choque les popu­la­tions catho­liques, même si cer­tains n’en tirent pas toutes les conclu­sions. Plutôt que de trou­ver des prêtres ayant gar­dé la foi, ils conti­nuent, la mort dans l’âme, de recou­rir à des curés qui n’en ont cure. Après la pro­tes­tan­ti­sa­tion de la messe par la réforme de Paul VI, c’est toute la struc­ture ecclé­siale qui se rap­proche du modèle luthé­rien d’une église de laïcs, sans prêtres et sans sacri­fice, où il ne reste plus que la Parole qui n’est plus bien sou­vent qu’une pauvre bouillie bien trop humaine.

Et tout cela sous la hou­lette des évêques.

Mais voyons main­te­nant en quoi une telle pra­tique s’op­pose à la théo­lo­gie catho­lique concer­nant les fins der­nières, notam­ment l’exis­tence du pur­ga­toire, et l’ef­fi­ca­ci­té du sacri­fice de la messe offert pour les défunts.

Remarquons tout d’a­bord à quel point le dogme de l’exis­tence du pur­ga­toire est pas­sé sous silence. Comme d’ha­bi­tude, il ne s’a­git pas d’une néga­tion claire et abrupte, il s’a­git d’un silence com­plet qui relègue de fait le pur­ga­toire par­mi les curio­si­tés d’une théo­lo­gie hâti­ve­ment qua­li­fiée de médiévale.

Or il s’a­git d’un dogme de notre foi, conte­nu dans l” Ecriture Sainte, expo­sé par les Pères de l’Eglise et ayant fait l’ob­jet de défi­ni­tions dog­ma­tiques. Nous avons ain­si dans le deuxième livre des Machabées (XII, 43 à 46), l’exemple de Judas qui après une bataille fit une col­lecte pour offrir un sacri­fice expia­toire pour les sol­dats tom­bés au com­bat, « afin qu’ils fussent déli­vrés de leurs péchés ».

Une âme en état de grâce doit donc sol­der au pur­ga­toire les peines tem­po­relles dues à ses péchés qu’elle n’a pas expiées sur la terre. Elle ne pour­ra être admise dans la béa­ti­tude que lors­qu’elle aura plei­ne­ment satis­fait à la jus­tice divine. Elle souffre au pur­ga­toire d’une peine du dam pro­vi­soire, c’est-​à-​dire une pri­va­tion tem­po­raire de la vision béa­ti­fique et de la peine du sens, c’est-​à-​dire d’autres peines douloureuses.

Selon la doc­trine com­mune des théo­lo­giens, cette peine du sens consiste dans les tour­ments qu’un feu réel et non seule­ment méta­pho­rique inflige aux âmes elle-​mêmes, mais ce point pré­cis n’a pas fait l’ob­jet d’une défi­ni­tion dog­ma­tique. Il est de foi que les peines subies par les âmes du pur­ga­toire peuvent être allé­gées et adou­cies par les prières offertes pour elles par les membres de l’Eglise mili­tante. Nous pou­vons citer comme texte dog­ma­tique ce qu’en­seigne le second concile de Lyon (1274) :

« Si des hommes vrai­ment repen­tants meurent dans la cha­ri­té avant d’a­voir satis­fait par de dignes fruits de péni­tence pour leurs fautes d’ac­tion ou d’o­mis­sion, leurs âmes sont puri­fiées après la mort par les peines du pur­ga­toire, c’est-​à-​dire puri­fiantes [.] Et pour la déli­vrance de ces peines ils pro­fitent des suf­frages des fidèles vivants, c’est-​à-​dire des messes, prières, aumônes et autres œuvres pies que les fidèles ont cou­tume d’ac­com­plir pour les autres fidèles ».

Le para­dis n’est donc pas la des­ti­na­tion unique et obli­ga­toire de tous les défunts, comme les pré­di­ca­tions moder­nistes le laissent trop sou­vent croire. Ne sont sau­vées que les âmes qui sont en état de grâce au moment de leur mort – prions bien Notre Dame pour ce moment qui décide de l’é­ter­ni­té – et par­mi les âmes ain­si sau­vées, beau­coup doivent expier durant un temps plus ou moins long les peines tem­po­relles de leurs péchés non encore satisfaites.

Les céré­mo­nies d’en­ter­re­ment n’ont donc pas pour but de rap­pe­ler le sou­ve­nir du défunt à tra­vers son poème pré­fé­ré, mais d’ho­no­rer une der­nière fois cette dépouille mor­telle qui fut le temple de la Sainte Trinité et de pré­sen­ter à Dieu nos suf­frages pour la prompte déli­vrance de cette âme.

Autre véri­té soi­gneu­se­ment occul­tée par les néo-​modernistes pro­tes­tan­ti­morphes : l’ef­fi­ca­ci­té du sacri­fice de la messe offert en faveur des fidèles défunts. Il faut rap­pe­ler d’a­bord cet ensei­gne­ment du caté­chisme du concile de Trente :

« Jésus-​Christ a ins­ti­tué l’Eucharistie pour deux rai­sons : la pre­mière afin qu’elle ser­vît à notre âme de nour­ri­ture spi­ri­tuelle pour sou­te­nir et conser­ver en elle la vie de la grâce ; la seconde, afin que l’Eglise pos­sé­dât un sacri­fice per­pé­tuel, capable d’ex­pier nos péchés, et au moyen duquel notre Père céleste, trop sou­vent offen­sé d’une manière grave par nos ini­qui­tés, pût être rame­né de la colère à la misé­ri­corde » (cha­pitre 15, § 7).

La messe est un véri­table sacri­fice pro­pi­tia­toire, offert pour le rachat de nos offenses. Nous savons que c’est là un des points théo­lo­giques qui nous obligent à refu­ser de célé­brer la messe de Paul VI, car celle-​ci jus­te­ment ne men­tionne à aucun moment cette fin du sacri­fice, à l’ins­tar de la cène pro­tes­tante. Et c’est jus­te­ment parce que la sainte messe est un sacri­fice expia­toire qu’elle pro­cure un grand sou­la­ge­ment aux âmes du pur­ga­toire. Celles-​ci ne peuvent plus satis­faire pour leurs péchés et comptent sur nos suf­frages. Mais Dieu dans sa bon­té per­met que les propres satis­fac­tions du Christ puissent leur être appli­quées par l’of­frande de la messe à leurs intentions.

Le caté­chisme de concile de Trente nous expose cette véri­té de manière lumineuse :

« telle est la ver­tu de ce sacri­fice [.] qu’il pro­fite non seule­ment à celui qui l’im­mole et à celui qui y par­ti­cipe, mais encore à tous les fidèles, soit à ceux qui vivent avec nous sur la terre, soit à ceux qui déjà sont morts dans le Seigneur, mais sans avoir suf­fi­sam­ment expié leurs fautes. Car c’est une tra­di­tion très cer­taine des Apôtres que le saint sacri­fice de la Messe s’offre avec autant d’a­van­tage pour les morts, que pour les péchés, les peines, les satis­fac­tions et tous les genres de cala­mi­tés et d’af­flic­tions des vivants » (chap. 15, § 8).

Cet ensei­gne­ment n’est pas une inven­tion baroque mais la pure doc­trine de l’Eglise expo­sée déjà par saint Cyrille de Jérusalem dans ses Catéchèses :

« Supposons qu’un roi exile des sujets qui l’ont offen­sé et qu’en­suite les proches des condam­nés tressent une cou­ronne et l’offrent au roi en faveur de ceux qui ont ain­si encou­ru son châ­ti­ment ; est-​ce qu’il ne leur accor­de­ra pas la grâce de ces peines ? C’est ain­si que nous offrons à Dieu nos prières pour les défunts, ceux-​ci fussent-​ils cou­pables. Et nous ne tres­sons pas une cou­ronne, mais nous offrons le Christ mis à mort pour nos péchés afin d’ob­te­nir pour eux comme pour nous la faveur du Dieu clé­ment » (P.G. 33, 1116).

Les défunts ont donc grand besoin de leur messe d’en­ter­re­ment et de prières nom­breuses offertes pour la déli­vrance de leur âme des flammes du purgatoire.

Mon Dieu, veuillez conver­tir ces hommes d’Eglise qui tra­vaillent à sa des­truc­tion, don­nez leur l’a­mour de la sainte messe et la foi catho­lique, car pour l’ins­tant, c’est grande pitié dans l’Eglise de France.

Extrait de La Sainte Ampoule n° 152 et 153 de mai-​juin 2007