Saint Léon Ier le Grand

45e pape ; de 440 à 461

21 juillet 447

Lettre Quam laudabiliter

À Turribius d'Astorga

Donnée à Rome le 21 juillet 447

Votre lettre fra­ter­nelle que m’a remise votre diacre me prouve le zèle digne d’é­loges avec lequel vous défen­dez la véri­té de la foi catho­lique, et la tendre sol­li­ci­tude avec laquelle vous exer­cez vos devoirs de pas­teur envers le trou­peau que Dieu vous a confié. Ainsi le fléau de l’hé­ré­sie dévaste encore vos contrées ; la sen­tine impure du pris­cil­lia­nisme exhale de nou­veaux miasmes. Il n’est point, en effet, d’im­pié­té mons­trueuse dont ces héré­tiques ne se soient fait une règle de foi ; ils ont fouillé dans la boue de toutes les pen­sées mon­daines pour réunir les plus infâmes, et il n’en est pas un seul qu’ils ne se soient appro­prié. Si l’on jette un regard sur les héré­sies qui ont pris nais­sance avant Priscillien, on n’y trou­ve­ra point une seule erreur dont il n’ait fait usage ; et non content de pro­fi­ter des men­songes de tous ceux qui s’é­loi­gnaient de l’é­van­gile de Jésus Christ, en se cachant sous son divin Nom, il s’est lan­cé dans les ténèbres du paga­nisme, et s’est adon­né à la science mys­té­rieuse de la magie et aux vaines illu­sions des mathé­ma­ti­ciens, au point de pla­cer sous la puis­sance des démons et l’in­fluence des astres la foi et la rai­son des évé­ne­ments. Selon ses dogmes impies, la ver­tu ne rece­vra point de récom­pense, ni le vice de châ­ti­ment. Il n’existe ni lois humaines, ni lois divines ; car quel juge­ment serait-​il pos­sible de por­ter sur les bonnes ou les mau­vaises actions des hommes, si c’est la fata­li­té qui dirige leurs actions et les mou­ve­ments des astres qui com­mandent à leur pen­sée ? C’est cette impié­té qui dans son incom­pré­hen­sible folie a mar­qué des douze signes du ciel le corps entier de l’homme, de telle sorte qu’ils pré­si­dassent à ses diverses par­ties, et que la créa­ture, que Dieu a faite à son image, fût liée aux astres aus­si étroi­te­ment que ses membres le sont entre eux. C’est avec rai­son que nos pères, qui virent naître cette héré­sie cri­mi­nelle, se sont effor­cés par tout l’u­ni­vers de pré­ser­ver les églises du monde de ses fureurs. Quand les princes de la terre ont frap­pé du glaive des lois Priscillien et plu­sieurs de ses dis­ciples, ils avaient bien com­pris que, si les hommes avaient la per­mis­sion de vivre selon leurs prin­cipes, il n’y avait plus ni hon­nê­te­té, ni pudeur, ni fidé­li­té conju­gale, ni res­pect pour les lois divines et humaines. Et cette juste rigueur a été d’un grand secours à la clé­mence de l’Église. Car, bien qu’elle se contente de la dou­ceur des lois ecclé­sias­tiques et qu’elle ne veuille point de san­glantes exé­cu­tions, cepen­dant elle reçoit un grand secours des sévères consti­tu­tions des empe­reurs ; la crainte du sup­plice contraint les héré­tiques à recou­rir au remède de la péni­tence. Mais les pris­cil­lia­nistes ont pro­fi­té de l’in­va­sion des bar­bares dans les pro­vinces, qui fit sus­pendre l’exer­cice des lois au milieu des désordres de la guerre, et mit obs­tacle aux synodes des évêques qui com­men­cèrent dès lors à être peu fré­quents, pour semer en liber­té le poi­son de leurs doc­trines per­fides ; et même un grand nombre de ceux qui devaient s’op­po­ser à leur pro­grès y ont contri­bué de toutes leurs forces. Et quelle par­tie du peuple pour­rait être exempte de ce fléau, comme vous me le dites, lorsque les cœurs des prêtres eux-​mêmes sont en proie à cette mala­die mor­telle, lors­qu’ils sub­sti­tuent eux-​mêmes la doc­trine de Priscillien à l’é­van­gile du Christ, qu’ils cor­rompent le véri­table sens des saintes Écritures par de fausses expli­ca­tions, et que, sous les noms des pro­phètes et des apôtres, ils n’en­seignent pas ce que le saint Esprit nous a révé­lé, mais bien ce que le démon leur ins­pire ? Comme dans votre pieux zèle, vous m’a­vez adres­sé dix-​sept cha­pitres qui contiennent ces erreurs déjà condam­nées autre­fois, je vais y répondre avec beau­coup de soin, afin de faire res­sor­tir jus­qu’à l’é­vi­dence l’im­pié­té de tous ces blasphèmes.

Telles sont, comme vous le mar­quez dans votre pre­mier cha­pitre, leurs croyances impies sur la divine Trinité : ils affirment que le Père, le Fils et le saint Esprit sont une seule et même per­sonne et que ce Dieu unique est tan­tôt appe­lé Père, tan­tôt Fils, tan­tôt saint Esprit ; Celui qui créa, Celui qui fut créé et Celui qui pro­cède de l’Un et de l’Autre ne font qu’un ; c’est une uni­té en trois mots, mais non pas en trois per­sonnes. Ils ont tiré ce blas­phème des sabel­liens, et ils pré­tendent ain­si que le Père a souf­fert la pas­sion. Car, si le Fils est le même que le Père, le Père a été cru­ci­fié comme le Fils ; et toutes les souf­frances que le Fils a éprou­vées sous sa forme d’es­clave, en obéis­sant au Père, le Père Lui-​même les a par­ta­gées. Cette doc­trine est entiè­re­ment oppo­sée à la foi catho­lique qui explique ain­si l’u­ni­té de la Trinité : le Père, le Fils et le saint Esprit, unis sans se confondre, sont coéter­nels et égaux : ce n’est pas une seule et même per­sonne, mais une même nature qui forme l’u­ni­té de la Trinité.

Je vois dans le second cha­pitre qu’ils pré­tendent que Dieu ne pos­sé­da pas cer­taines ver­tus de toute éter­ni­té. Il paraît qu’ils ont adop­té en cela cette erreur d’Arius, qui fait le Père anté­rieur au Fils, et ne Le regardent comme Père que lorsqu’Il eût créé le Fils. L’Église catho­lique les mau­dit, et ceux qui pensent comme eux que Celui qui est de la même essence que Dieu, fut jamais sépa­ré de Lui, comme si Dieu pou­vait chan­ger ou aug­men­ter. Dieu ne serait pas immuable s’Il pou­vait dimi­nuer ou augmenter.

Le troi­sième cha­pitre désigne ces insen­sés qui avancent que Jésus Christ est appe­lé Fils unique de Dieu, parce que seul Il est né d’une vierge ; ce qu’ils n’au­raient pas osé dire s’ils ne s’é­taient ins­pi­rés de Paul de Samosate et de Photinus, qui pré­ten­dirent que notre Seigneur Jésus Christ n’exis­tait pas avant de naître de la Vierge. Ils donnent encore un autre sens à ces paroles ; ils disent que Dieu n’a pas eu un seul Fils, mais plu­sieurs autres et que Jésus, qui seul naquit d’une femme, fut appe­lé unique parce que seul des enfants de Dieu Il naquit de cette manière. De quelque façon qu’ils expliquent leurs paroles, soit qu’ils veuillent que Jésus Christ ait tiré son prin­cipe de sa mère, soit qu’ils nient qu’Il est Fils unique de Dieu le Père, ils sont tom­bés dans l’im­pié­té la plus hor­rible, puisque Jésus Christ, Dieu et Verbe, est né de la vierge Marie, et que le Verbe seul est né de Dieu le Père.

Dans le qua­trième cha­pitre il est dit qu’ils ne fêtent pas comme nous le jour de la nais­sance du Christ, jour que l’Église a consa­cré, parce que Jésus Christ prit à cette époque un corps véri­table, parce que, Verbe, Il S’incarna et habi­ta par­mi nous. Ils jeûnent ce jour-​là, ain­si que le dimanche qui est sanc­ti­fié par la résur­rec­tion du Christ. S’ils en agissent ain­si, c’est qu’à l’exemple des mar­cio­nites, des mani­chéens, leurs alliés, comme nous nous en sommes assu­rés nous-​mêmes, ils ne croient pas que Jésus Christ soit né sous une véri­table forme humaine, mais qu’Il n’en prit que les appa­rences. Ils passent le dimanche, consa­cré par la résur­rec­tion du Sauveur, dans les aus­té­ri­tés du jeûne en l’hon­neur du Soleil, comme nous l’a­vons décou­vert, afin de dif­fé­rer en tout point de nos croyances, et don­ner aux aus­té­ri­tés le jour que nous consa­crons à la joie. Que ces enne­mis de la Croix de Jésus Christ et de sa Résurrection soient donc jugés selon leurs doctrines.

Le cin­quième cha­pitre se réfère à leurs asser­tions selon les­quelles l’âme de l’homme est d’es­sence divine et de même nature que le Créateur. La foi catho­lique condamne cette impié­té tirée de cer­tains phi­lo­sophes et des mani­chéens, car elle sait que rien ne peut être fait d’aus­si grand et aus­si sublime que la nature de Dieu Lui-​même. Il n’y a que le Fils et le saint Esprit qui soient de la même nature que Dieu. Excepté cette Trinité, consub­stan­tielle, coéter­nelle et immuable, toutes les créa­tures dans le prin­cipe ont été tirées du néant. Tout ce qui brille par­mi les créa­tures n’est pas Dieu ; tout ce qui est grand et admi­rable par­mi elles n’est point la Divinité même qui fit toutes ces grandes et admi­rables choses. Aucun homme n’est la Vérité ni la Sagesse, ni la Justice elle-​même ; mais beau­coup par­ti­cipent à la Vérité, à la Sagesse, à la Justice : Dieu seul ne par­ti­cipe à rien ; le Bien n’est pas une de ses Qualités, mais son Essence même. Immuable, Il ne reçoit aucune dimi­nu­tion, aucune aug­men­ta­tion ; Il reste éter­nel­le­ment le même. Immuable, Il crée toutes choses, et rien ne se fait qu’Il n’ait ordon­né. Ils sont donc par trop superbes et par trop aveugles ceux qui disent que l’âme de l’homme est d’es­sence divine ; ils ne com­prennent pas qu’ils attaquent l’im­mu­ta­bi­li­té du Créateur, et abaissent sa Divinité à toutes les infir­mi­tés de la nature de nos âmes.

La sixième remarque indique qu’ils disent que le démon ne fut jamais bon, que Dieu ne le créa point, mais qu’il sort du chaos et des ténèbres : ain­si per­sonne ne l’a créé ; il est le prin­cipe et la sub­stance de tout mal. La foi catho­lique enseigne que la sub­stance de toutes les créa­tures fut bonne, et qu’il n’exis­tait dans le prin­cipe aucune nature du mal. Dieu, qui a créé toutes choses, n’a rien fait que de bon. Le démon serait donc bon, s’il était res­té tel qu’il a été créé. Mais, parce qu’il abu­sa de l’ex­cel­lence de sa nature et s’é­car­ta de la véri­té, il ne chan­gea point de sub­stance, mais il dégé­né­ra du sou­ve­rain bien, comme ces hommes qui de la véri­té se pré­ci­pitent dans l’er­reur, et sont condam­nés pour la per­ver­si­té de leur propre volon­té. Le mal était en eux, mais ne for­mait pas leur nature ; c’é­tait seule­ment une condi­tion de leur nature.

En sep­tième lieu, ils condamnent le mariage et ont hor­reur de la pro­créa­tion des enfants, imi­tant en cela, comme en presque toutes choses, l’im­mo­ra­li­té des mani­chéens. Ils réprouvent ain­si l’u­nion conju­gale, comme leurs mœurs le prouvent, parce qu’ils ne trouvent pas la liber­té du vice, là où la pudeur et l’es­poir de la pro­créa­tion doivent être conservés.

Leur hui­tième erreur est d’at­tri­buer au démon la créa­tion de l’homme et du prin­cipe de la repro­duc­tion ; aus­si ne croient-​ils pas à la résur­rec­tion de la chair, parce que la nature du corps, selon eux, n’est pas conforme à la digni­té de l’âme. Cette erreur est sans doute l’œuvre du démon ; elle tire sa source du poi­son immonde de la doc­trine de Manichée : les catho­liques en ont déjà fait justice.

La neu­vième remarque mani­feste leur asser­tion selon laquelle les pro­phètes sont nés, à la véri­té, des femmes, mais que le saint Esprit les a conçus, pour qu’on ne croie pas qu’une race, sor­tie de la semence de la chair, puisse être ins­pi­rée par Dieu. La foi catho­lique enseigne que le Père de toutes choses a créé la sub­stance de l’âme et du corps et qu’Il anime dans le sein de la mère le corps qui reste sou­mis au péché et à la mort qui nous ont été trans­mis par nos pre­miers parents. Le saint Esprit régé­né­ra les pro­phètes non dans le sein de la mère, mais en ver­tu du bap­tême. C’est pour­quoi David, qui était un pro­phète, dit à Dieu : « Tes Mains m’ont fait et façon­né ». (Ps 118,73 ; Jb 10,8) C’est pour­quoi le Seigneur dit à Jérémie : « Avant que Je t’eusse for­mé dans le ventre de ta mère, Je te connais­sais » (Jr 1,5).

Dans le dixième cha­pitre il est dit qu’ils pré­tendent que les âmes qui sont enfer­mées dans les corps des humains ont péché dans un corps et dans une demeure célestes, et que c’est en puni­tion de ces fautes qu’elles tombent de cette condi­tion sublime dans une infé­rieure. Ils ajoutent que dans les astres et dans les airs elles ont été ren­fer­mées dans des corps sous des condi­tions plus ou moins douces, dans un rang plus ou moins éle­vé, et que l’i­né­ga­li­té des condi­tions et des des­ti­nées des hommes sur cette terre n’est ain­si que la consé­quence de causes pré­cé­dentes. La reli­gion catho­lique, qui est la véri­té, a constam­ment prê­ché que les âmes n’exis­taient pas avant leur intro­duc­tion dans les corps, et n’é­taient incor­po­rées que par l’Œuvre de Dieu, qui est leur Créateur ; et parce que la pré­va­ri­ca­tion du pre­mier homme sou­mit au péché toute la race humaine, on ne peut être libé­ré de la condi­tion du vieil homme que par le sacre­ment du bap­tême ; et l’Apôtre dit : « Vous tous, qui avez été bap­ti­sés en Christ, vous avez revê­tu Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus Christ » (Ga 3, 27–28). Que signi­fient donc le cours des astres et les illu­sions des des­tins ? Qu’importe l’ins­ta­bi­li­té des choses humaines et leur diver­si­té ? Dieu par sa Grâce a ren­du tous les hommes égaux ; et ils ne peuvent être mal­heu­reux ceux qui dans les périls de cette vie res­te­ront fidèles à sa Loi et répé­te­ront dans la ten­ta­tion ces paroles de l’Apôtre : « Qui nous sépa­re­ra de l’Amour de Christ ? Sera-​ce la tri­bu­la­tion, ou l’an­goisse, ou la per­sé­cu­tion, ou la faim, ou la nudi­té, ou le péril, ou l’é­pée ? Selon qu’il est écrit : C’est à cause de Toi qu’on nous met à mort tout le jour, qu’on nous regarde comme des bre­bis des­ti­nées à la bou­che­rie. Mais dans toutes ces choses nous sommes plus que vain­queurs par Celui qui nous a aimés ». (Rm 8, 35–37) Aussi l’Église, qui est le Corps de Jésus Christ, ne redoute rien de l’in­cons­tance des évé­ne­ments, car ses richesses ne sont pas de ce monde. Elle ne craint rien des des­tins contraires, Elle qui gran­dit par sa patience dans les tribulations.

Leur onzième blas­phème est de pen­ser que les corps des hommes sont sou­mis aux influences des astres ; aus­si s’étudient-​ils à se les rendre favo­rables par leurs prières. Ceux qui à l’exemple des païens s’a­donnent à de pareilles folies, ne font point par­tie de l’Église, car ils se sont entiè­re­ment sépa­rés du Corps de Jésus Christ.

En dou­zième lieu, ils divisent les membres des corps en douze par­ties, ain­si que les qua­li­tés de l’âme ; ils placent les pre­mières sous la pro­tec­tion des douze signes du zodiaque, et les secondes en oppo­si­tion sous celle des noms des patriarches. Aussi, confon­dus dans ces inex­tri­cables erreurs, ils n’en­tendent plus ces paroles de l’Apôtre : « Prenez garde que per­sonne ne fasse de vous sa proie par la phi­lo­so­phie et par une vaine trom­pe­rie, s’ap­puyant sur la tra­di­tion des hommes, sur les rudi­ments du monde, et non sur Christ. Car en Lui habite cor­po­rel­le­ment toute la plé­ni­tude de la Divinité. Vous avez tout plei­ne­ment en Lui, qui est le Chef de toute domi­na­tion et de toute auto­ri­té ». (Col 2, 8–10). Ils ne com­prennent pas celles-​ci : « Qu’aucun homme, sous une appa­rence d’hu­mi­li­té et par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course, tan­dis qu’il s’a­ban­donne à ses visions et qu’il est enflé d’un vain orgueil par ses pen­sées char­nelles, sans s’at­ta­cher au Chef, dont tout le Corps, assis­té et soli­de­ment assem­blé par des join­tures et des liens, tire l’ac­crois­se­ment que Dieu donne ». (Col 2, 18–19) Qu’est-​il donc besoin d’ap­prendre ce que la Loi n’a point ensei­gné, ce que les pro­phé­ties n’ont point annon­cé, ce qui ne se trouve ni dans les véri­tés de l’é­van­gile, ni dans la doc­trine apos­to­lique ? Certes, ils ignorent aus­si le sens de cette autre phrase de l’Apôtre : « Car il vien­dra un temps où les hommes ne sup­por­te­ront pas la saine doc­trine ; mais, ayant la déman­geai­son d’en­tendre des choses agréables, ils se don­ne­ront une foule de doc­teurs selon leurs propres dési­rs, détour­ne­ront l’o­reille de la véri­té, et se tour­ne­ront vers les fables ». (2 Tm 4, 3–4) Nous ne devons rien avoir de com­mun avec des gens qui veulent ensei­gner ou croire de sem­blables doc­trines, et qui s’ef­forcent par tous les moyens pos­sibles de per­sua­der que la résur­rec­tion de la chair est un men­songe, et qui rejettent ain­si les bien­faits du mys­tère de l’Incarnation du Christ. Car Il n’au­rait pas revê­tu l’homme tout entier, si l’homme tout entier n’a­vait dû être sauvé.

Treizièmement, ils disent que chaque livre des saintes Écritures doit être pla­cé sous le nom des patriarches, qui sont douze ver­tus qui opèrent la réforme de l’homme inté­rieur, et que, sans la science de ces livres ain­si consa­crés, aucune âme ne peut retour­ner en cette sub­stance dont elle est éma­née, c’est-​à-​dire Dieu Lui-​même. Elle méprise cette vani­té impie, la sagesse chré­tienne qui connaît la Nature invio­lable et incor­rup­tible du vrai Dieu, et qui sait que l’âme, soit dans le corps, soit sépa­ré de lui, est sou­mise à la souf­france ; certes, si elle était de la même nature que le Créateur, elle serait impas­sible comme Lui. Il n’y a aucune com­pa­rai­son à éta­blir entre le Créateur et la créa­ture ; le Créateur est immuable et n’é­prouve par consé­quent jamais aucun chan­ge­ment, mais la créa­ture est muable même quand elle n’é­prouve pas de chan­ge­ment. Car, si elle reste ain­si intacte, ce ne peut être que par la Grâce de Dieu, et non par sa propre nature.

Dans le qua­tor­zième cha­pitre l’on apprend que, comme ils pensent que les actions du corps sont, à cause de la nature ter­restre de celui-​ci, sou­mises à l’in­fluence des astres et des signes du zodiaque, ils pré­tendent avoir trou­vé dans les Livres saints des choses qui ont été écrites par l’homme exté­rieur et ter­restre (c’est-​à-​dire sous l’in­fluence de la chair qui pro­cède du mau­vais prin­cipe, et sous ce pré­texte ils rejettent l’an­cien et une par­tie du nou­veau Testament) ; de telle sorte que dans ces mêmes Écritures on remar­quait une lutte entre la Divinité et l’hu­ma­ni­té, et que le prin­cipe de l’âme était en oppo­si­tion avec le prin­cipe du corps. Ces fables découlent de ce qu’ils croient l’âme d’es­sence divine, et la chair d’une mau­vaise nature ; car selon eux, ce n’est pas Dieu qui a créé le monde, les élé­ments et la chair, c’est l’au­teur du mal, c’est le démon. Pour don­ner quelque appa­rence de véri­té à leurs men­songes sacri­lèges, ils ont don­né de fausses inter­pré­ta­tions aux paroles du saint Évangile.

Le quin­zième cha­pitre dit qu’ils publient de fausses écri­tures à la place des véri­tables, dans des livres apo­cryphes qu’ils font pas­ser pour cano­niques ; des per­sonnes dignes de foi nous ont rap­por­té cette action détes­table et digne du démon ; nous avons plu­sieurs exemples de ces ouvrages. En effet, com­ment pourraient-​ils trom­per les simples d’es­prit s’ils ne se ser­vaient de ce faux titre, s’ils ne frot­taient de miel les bords de la coupe empoi­son­née, de peur qu’on ne s’a­per­çût du venin qui s’y trouve et qui doit don­ner la mort. Il faut donc que les évêques veillent avec le plus grand soin à ce que per­sonne ne se serve de ces fausses écri­tures. Il faut que tous ces livres apo­cryphes, mis sous les noms des apôtres, soient non seule­ment défen­dus, mais encore confis­qués et livrés aux flammes. Quoiqu’il se trouve dans cer­tains d’entre eux des appa­rences de pié­té, ils n’en sont pas moins dan­ge­reux ; le charme des fables qui s’y trouvent glisse dans le cœur à son insu le poi­son mor­tel de l’er­reur. Si donc quelque évêque ne défend pas de conser­ver ces livres, et per­met aux fidèles de lire, comme s’ils étaient cano­niques, ces exem­plaires que Priscillien a fal­si­fiés, il sera jugé comme héré­tique. Celui qui ne s’ef­force pas de tirer les autres de leurs erreurs, fait voir qu’il les partage.

Vous me mar­quez, dans le sei­zième cha­pitre, votre juste cha­grin de voir que les traits écrits par Dictinius, avant sa conver­sion, sui­vant les dogmes de Priscillien, sont lus avec res­pect par une foule de gens qui croient ain­si hono­rer sa mémoire, comme s’ils ne devaient pas admi­rer sa conver­sion de pré­fé­rence à louer sa chute. C’est Priscillien qu’ils lisent et non pas Dictinius ; les doc­trines qu’il ensei­gna dans son erreur ne sont pas celles qu’il pro­fes­sa dans son repen­tir. Mais cette faute ne peut pas res­ter impu­nie ; on ne doit pas tenir pour catho­liques ceux qui se servent de ces livres qui ont été condam­nés non seule­ment par l’Église, mais encore par l’au­teur lui-​même. On doit arra­cher aux méchants leur masque d’hy­po­cri­sie et ne point les lais­ser échap­per à la jus­tice des décrets impé­riaux à l’aide du nom de chré­tien. S’ils se réunissent en appa­rence à l’Église catho­lique tan­dis que leurs cœurs en sont si éloi­gnés, c’est pour rendre leurs com­plices ceux de nos frères qu’ils peuvent cor­rompre, et pour échap­per, en se disant les nôtres, à la sévé­ri­té des lois. C’est ce que font les pris­cil­lia­nistes, c’est ce que font les mani­chéens dont les cœurs sont si étroi­te­ment unis, qu’ils ne dif­fèrent que de nom, et se rendent cou­pables des mêmes sacri­lèges. Les croyances que les pris­cil­lia­nistes feignent de par­ta­ger, les mani­chéens les com­battent, et cepen­dant la même pen­sée les conduit au même but ; ceux-​ci cor­rompent les croyances qu’ils ont feint de rece­voir, et s’ef­forcent de les ébran­ler en les com­bat­tant. Dans leurs mys­tères exé­crables qu’ils tiennent d’au­tant plus secrets qu’ils sont plus immondes, on trouve chez les uns comme chez les autres la même ardeur cri­mi­nelle, la même obs­cé­ni­té, la même tur­pi­tude. Quoique nous rou­gis­sions de honte de par­ler de ces choses, cepen­dant nous avons fait de grands efforts pour décou­vrir ces hideux mys­tères, et nous les avons dévoi­lés au peuple. Les mani­chéens dont nous nous sommes empa­rés, nous les ont confes­sés. Et pour que per­sonne ne puisse dou­ter de notre juge­ment, auquel ont assis­té un grand nombre de prêtres, les pre­miers digni­taires de Rome, une grande par­tie du sénat et du peuple, ceux qui avaient com­mis le crime l’ont décla­ré eux-​mêmes. La lettre que je vous écri­vis alors a dû vous don­ner connais­sance de ces faits. Mais ce crime impur des mani­chéens, on a décou­vert depuis long­temps, et beau­coup de gens le savent que c’est l’une des cou­tumes adul­tères et inces­tueuses des pris­cil­lia­nistes. En effet, ces gens qui pro­fessent les mêmes doc­trines impies pourraient-​ils dif­fé­rer par les céré­mo­nies ? Aussi j’ai répon­du dans cette ins­truc­tion à cha­cune des ques­tions posées dans votre libelle, et j’en ai sui­vi l’ordre avec exac­ti­tude. Comme je le pense, j’ai clai­re­ment expo­sé ma pen­sée sur les sujets que votre fra­ter­ni­té m’a sou­mis ; et j’ai mon­tré qu’il ne fal­lait pas souf­frir que les prêtres du Seigneur par­ta­geassent des erreurs si pro­fanes ; ou, pour par­ler avec moins de sévé­ri­té, se lais­sassent entraî­ner vers elles. Comment osent-​ils récla­mer le res­pect dû à leur rang, ceux qui ne veillent pas sur les âmes qui leur sont confiées ? Les bêtes féroces s’é­lancent vers le ber­cail, et ils n’en ferment point les portes ; les loups dévo­rants rôdent autour de la ber­ge­rie, et ils ne posent pas de sen­ti­nelles pour les éloi­gner ; les mala­dies fondent sur le trou­peau, et ils ne savent leur oppo­ser aucun remède. Bien plus, ils refusent de s’u­nir à ceux qui rem­plissent leurs devoirs avec fidé­li­té. Et ce n’est que par feinte qu’ils ana­thé­ma­tisent par de vaines sous­crip­tions des impié­tés que tout l’u­ni­vers a déjà condam­nées autre­fois ; que veulent-​ils qu’on pense d’eux, si ce n’est qu’ils ne sont point du nombre de nos frères, mais qu’ils com­battent pour nos ennemis ?

Vous m’a­vez annon­cé à la fin de votre lettre que cer­tains catho­liques s’in­quiètent de savoir si la Chair de Jésus Christ était res­tée dans le sépulcre quand Il des­cen­dit aux enfers, comme s’il y avait le moindre doute sur cette ques­tion. De même qu’elle est morte et qu’elle a été ense­ve­lie réel­le­ment, de même elle a été res­sus­ci­tée réel­le­ment le troi­sième jour ; Le Seigneur Lui-​même l’a­vait réso­lu quand Il dit aux Juifs : « Détruisez ce temple et Je le relè­ve­rai en trois jours » ; l’é­van­gile ajoute : « Mais Il par­lait du temple de son Corps ». (Jn 2,21) Le pro­phète David nous avait déjà pré­dit cette véri­té ; il a dit, en par­lant au Nom du Seigneur : « Aussi, ma Chair elle-​même repo­se­ra dans l’es­pé­rance. Car Tu n’a­ban­don­ne­ras pas mon Âme aux enfers, et Tu ne lais­se­ras pas ton Saint voir la cor­rup­tion ». (Ps 15,9) Ces paroles prouvent que la Chair du Seigneur repo­sa réel­le­ment dans le sépulcre et ne put se cor­rompre, car le prompt retour de l’âme la ren­dit à la vie. C’est une impié­té digne des pris­cil­lia­nistes ou des mani­chéens, qui feignent d’a­do­rer le Christ, et nient son Incarnation, sa Mort et sa Résurrection, que de ne pas croire à cette véri­té. Il fau­dra donc convo­quer dans le lieu le plus conve­nable un concile géné­ral auquel assis­te­ront les évêques des pro­vinces voi­sines, afin d’exa­mi­ner avec la plus sérieuse atten­tion si quelques évêques ne se trouvent point souillés de quelques-​unes des héré­sies sur les­quelles je viens de vous faire savoir notre opi­nion. Si l’un d’entre eux en est infec­té, il fau­dra le sépa­rer de notre com­mu­nion, à moins qu’il ne condamne posi­ti­ve­ment toutes les impié­tés de cette secte cri­mi­nelle. Sous aucun pré­texte on ne doit point souf­frir que celui qui a reçu la mis­sion de prê­cher les véri­tés de la foi ose se per­mettre de dis­pu­ter contre l’é­van­gile du Christ, la doc­trine des apôtres et le Symbole de l’Église uni­ver­selle. Quels seraient les dis­ciples de pareils maîtres ? Quelle serait donc la reli­gion du peuple ? Comment obtiendrait-​il son salut s’il sui­vait les lois de ces impies qui, pour la ruine de la socié­té, s’af­fran­chissent des lois de la pudeur qu’ils méprisent ; brisent les liens sacrés du mariage ; défendent la pro­pa­ga­tion de l’es­pèce ; condamnent la nature de la chair, et qui, insul­tant Dieu Lui-​même, rejettent la Trinité comme un men­songe ; confondent la pro­prié­té des Personnes qui la com­posent ; enseignent que l’âme de l’homme est d’es­sence divine, eux qui ont dit que sa chair était sou­mise au démon ; nomment Jésus Christ Fils unique, parce qu’Il est né d’une vierge, et non parce qu’Il est le Fils du Père éter­nel ; et qui, dans leur contra­dic­tion, vont jus­qu’à dire que le Christ n’est point réel­le­ment de la race de Dieu ni de celle d’une vierge ; car ils affirment que sa Passion et sa Mort n’ont été que de trom­peuses appa­rences, et que la résur­rec­tion de la Chair, s’é­lan­çant triom­phante du sépulcre, n’est qu’un vain men­songe ? C’est en vain qu’ils portent le nom de chré­tien ceux qui ne s’op­posent point à ces impié­tés. Il faut y croire pour ne point se sen­tir embra­sé d’un saint zèle au récit de ces infa­mies. En consé­quence, j’ai écrit aux frères et co-​évêques des pro­vinces de Tarragone, de Carthagène, de Lusitanie et de Galice pour les invi­ter à se réunir en concile géné­ral. Je laisse au zèle de votre cha­ri­té le soin de com­mu­ni­quer ma déci­sion aux évêques de ces pro­vinces. Si tou­te­fois quelque obs­tacle s’op­po­sait à cette réunion géné­rale, il fau­drait du moins vous ras­sem­bler avec les évêques de la Galice et nos frères Idacius et Céponius. Vous avi­se­riez ensemble aux moyens les plus prompts à employer pour cica­tri­ser les bles­sures de cette mal­heu­reuse province.

Léon Ier, Pape.

20 décembre 1741
par laquelle il est pourvu à la liberté et à la sauvegarde des Indiens habitant les provinces du Paraguay, du Brésil et sur les rives du fleuve de la Plata
  • Benoît XIV
19 mai 1935
Prononcée à la Messe pontificale solennelle, après l'Evan­gile, le jour de la Canonisation des bienheureux mar­tyrs Jean Fisher et Thomas More
  • Pie XI
2 octobre 1931
Sur la très dure crise économique, sur le lamentable chômage d’une multitude d’ouvriers et sur les préparatifs militaires croissants
  • Pie XI