9 janvier 1622

Bienheureuse Alix le Clerc

Née en 1576 à Remiremont,
et morte le 9 jan­vier 1622 à Nancy.

Alix le Clerc est née en 1576 à Remiremont dans une famille noble : fille unique, belle et riche, elle mena la jeu­nesse de l’aristocratie de la ville, ryth­mée par les plai­sirs et les diver­tis­se­ments. Elle aimait par­ti­cu­liè­re­ment la danse et les fêtes, et ne sem­blait pas pré­dis­po­sée à une sain­te­té par­ti­cu­lière. Plusieurs évé­ne­ments la mar­quèrent cepen­dant et la condui­sirent à une pro­fonde conver­sion : d’une part, sa famille s’installa au vil­lage d’Hymont (près de Mirecourt), c’est-à-dire loin de la ville et de ses plai­sirs ; d’autre part, elle tom­ba gra­ve­ment malade, se mit à réflé­chir à sa vie et lut beau­coup d’ouvrages reli­gieux. Par ailleurs, la Providence avait fait que saint Pierre Fourier avait été nom­mé curé de Mattaincourt, cure dont dépen­dait Hymont : le grand saint devint rapi­de­ment son confes­seur et son direc­teur. Mais c’est une vision de la sainte Vierge, durant une messe, qui chan­gea tout : elle se sen­tit alors appe­lée à la vie reli­gieuse, et se conver­tit tota­le­ment, priant et se mor­ti­fiant, s’abstenant de tous les diver­tis­se­ments qu’elle avait recher­chés, allant même jusqu’à s’habiller comme une pay­sanne… s’attirant ain­si les moque­ries de ses connais­sances et le cour­roux de sa famille. Suite à sa vision, elle émit enfin et sur­tout le sou­hait de fon­der une « mai­son de filles » s’occupant de bonnes œuvres, notam­ment des pauvres et de l’instruction des jeunes filles, fort délais­sées à l’époque.

Saint Pierre Fourier essaya d’abord de tem­pé­rer les ardeurs de cette jeune fille si fou­gueuse, mais rien n’y fit et il lui per­mit donc fina­le­ment de fon­der l’œuvre dont elle rêvait, à Noël 1597, « pour y pra­ti­quer tout le bien qu’on pour­rait » et dans l’esprit du Concile de Trente. Avec quatre amies, elle se consa­cra ce jour à Dieu, en l’église de Mattaincourt, et la fon­da­tion fut ensuite éta­blie à Poussay, auprès du véné­rable et célèbre cha­pitre de Dames Nobles du lieu. En quelques mois, dès 1598 (Alix a alors 22 ans), la pre­mière école gra­tuite pour les petites filles fut ouverte, et connut immé­dia­te­ment un grand suc­cès, fon­dée autant sur la péda­go­gie des sœurs que sur l’alliance entre savoir, humi­li­té et cha­ri­té dont elles rayon­naient. La fon­da­tion fut fina­le­ment dépla­cée à Mattaincourt, ce qui per­mit à saint Pierre Fourier de mieux l’encadrer et la faire croître. Malgré les dif­fi­cul­tés nées du carac­tère très nova­teur de cette œuvre, de nou­velles écoles furent ensuite fon­dées sur le même modèle, par­tout en Lorraine (Nancy, Pont-​à-​Mousson, Port, Verdun, Bar-​leDuc, Mirecourt, Épinal, La Mothe…) puis ailleurs en France et dans le monde : l’idée connut un franc suc­cès et sainte Alix visi­ta régu­liè­re­ment ces écoles afin de les for­ti­fier, met­tant toute sa vie au ser­vice de son œuvre. Elle pla­ça d’autre part ses fon­da­tions sous la pro­tec­tion de la sainte Vierge, et l’œuvre dans sa glo­ba­li­té reçut l’approbation dio­cé­saine du car­di­nal Charles de Lorraine en 1603 comme « Congrégation de la Bienheureuse Vierge Marie »1 En 1617 eut lieu la pre­mière vêture des reli­gieuses, et Alix devint « Mère Thérèse de Jésus ». Cependant, après une vie de pié­té et une grave mala­die, elle mou­rut le 9 jan­vier 1622 à Nancy, dans le monas­tère qu’elle y avait fon­dé en 1617, et qui était le pre­mier de son ordre : la foule lor­raine, y com­pris son duc Henri II, défi­la alors pen­dant trois jours devant la « bonne Mère », morte en odeur de sain­te­té. Des miracles post­humes, notam­ment des gué­ri­sons, confir­mèrent la vox popu­li, mais il fal­lut attendre 1899 pour qu’elle soit décla­rée véné­rable, et 1947 pour sa béa­ti­fi­ca­tion2 ; son pro­cès de cano­ni­sa­tion est d’ailleurs tou­jours en cours.

On per­dit la trace de son tom­beau à la Révolution mais, en 1950, son cer­cueil fut retrou­vé par hasard dans la cave du 9 rue Maurice Barrès à Nancy. Ces reliques, dûment authen­ti­fiées par l’Eglise, ont été trans­la­tées en 2007 à la cathé­drale de Nancy et son cer­cueil (vide) dans la crypte de l’abbatiale de Remiremont.

Grande sainte de la Lorraine moderne, Alix le Clerc est sur­tout connue, hors de notre contrée, pour ses fon­da­tions ensei­gnantes : en 1789, la Congrégation ras­sem­blait 84 monas­tères et 4000 reli­gieuses. Elle se main­tint au XIXe siècle, diri­geant des mai­sons très répu­tées à Paris, tout en ouvrant des mai­sons en Amérique et en Asie. Les sœurs devinrent en 1962 les Chanoinesses de Saint Augustin de la Congrégation Notre-​Dame, et les filles de saint Alix sont aujourd’hui pré­sentes dans une qua­ran­taine de pays des cinq conti­nents3. Pour mon­trer l’ampleur de l’œuvre de sainte Alix le Clerc, citons pour ter­mi­ner Jules Ferry, qui recon­nut que sa fon­da­tion avait mar­qué « la nais­sance de l’ins­truc­tion pri­maire en Lorraine » et « l’acte de nais­sance de l’en­sei­gne­ment des filles en France ».

Sancta Alix, ora pro nobis !

L’ouvrier de saint Pierre

  1. Elle reçut ensuite l’approbation pon­ti­fi­cale en 1628, bien après la mort d’Alix. []
  2. Ses reliques, élé­ment impor­tant (et nor­ma­le­ment néces­saire) du pro­ces­sus, n’avaient en effet pas été retrou­vées mal­gré de nom­breuses fouilles. D’autre part, la cano­ni­sa­tion de saint Pierre Fourier avait été pri­vi­lé­giée. []
  3. On ne peut que d’au­tant plus déplo­rer que la mai­son ori­gi­nelle, à Mattaincourt, ait dis­pa­ru avec ses trois der­nières sœurs en cette année 2017. []