Lambert Péloguin naquit d’une famille noble en 1084 dans le bourg de Bauduen au bord du Verdon au lac de Sainte-Croix, alors dans le diocèse de Riez, mais depuis dans celui de Fréjus-Toulon [1]. Sa mère mourut dans les douleurs de l’enfantement, et l’on employa le fer pour extraire l’enfant. Il en fut si affligé dans la suite, qu’il ne cessa d’expier ce qui lui semblait un crime par des larmes et des œuvres d’une dure pénitence.
Son éducation fut confiée, dès l’âge de douze ans, à l’abbaye de Lérins sous les abbatiats d’Aldebert II, Pons et Pierre 1er, et il devint moine à l’âge de seize ans. Il se concilia leur bienveillance et leur admiration par un naturel excellent et enclin à toutes les vertus. Il aimait le silence et la solitude, et ne sortait de sa cellule que lorsque l’obéissance l’y forçait. Il devint savant sans cesser d’être humble.
Les fidèles de Vence le choisirent pour succéder à leur évêque, Pierre 1er d’Opio, décédé en 1114 ; il fut sacré malgré sa résistance. Dès lors, il est occupé à instruire son peuple et à l’édifier par son exemple. Il restaure la cathédrale de sa cité épiscopale, la Cathédrale de la Nativité-de-Marie de Vence. Il réforme le chapitre cathédral et impose la vie en commun selon la règle de Saint-Augustin aux chanoines.
Il aurait soutenu des serfs contre les féodaux. Pour assurer leur affranchissement, Lambert préconise, du haut de la chaire, l’installation de moulins à eau. Pour soulager les chevaux, il recommande le collier d’épaule à la place du collier de cou.
A plusieurs reprises il pacifie seigneurs et évêques des Alpes-Maritimes, son autorité étant acceptée par tous. Il fonde à Vence le premier hôpital destiné au soin des pauvres.
Il envoya à Bauduen des reliques de saint Véran pour qui il avait une grande dévotion. Il vécut dans la dignité épiscopale avec une simplicité toute monastique. La maigreur de son visage annonçait la continuité de ses jeûnes. Son amour pour la prière était si grand, qu’il récita chaque jour, pendant les trente dernières années de sa vie, le psautier tout entier, avant de prendre aucune nourriture.
Confiants en son pouvoir auprès de Dieu, les malades venaient à lui, demandant ses prières, et le sollicitant de les bénir, assurés d’obtenir par son intercession leur guérison.
Un Vendredi Saint, comme on portait à boire aux clercs, il demanda de l’eau. On lui en présenta ; et il fit dessus le signe de la Croix, comme c’était son habitude. Aussitôt elle fut changée en vin. L’ayant goûté et ayant reconnu que c’était du vin, il fit des reproches au domestique qui l’avait servi, et lui commanda à nouveau de lui apporter de l’eau. Mais pour la seconde fois, sa bénédiction la changea en vin. Il ne voulait pas croire qu’on lui eût vraiment servi de l’eau, et pour éviter toute supercherie, il en fit puiser dans un vase, où, en sa présence, on remplit son verre. Au signe de la Sainte Trinité, cette eau fut encore transformée en vin. Reconnaissant l’effet de l’action divine, il en but, rendant gloire à Dieu, et en fit boire à ses clercs ; plusieurs, dit son historien, vivent encore et témoignent du miracle.
Pendant sa dernière maladie, il ne cessait de prier. Des villes et des châteaux voisins un grand concours se fit auprès de lui, car tous l’aimaient et voulaient le voir encore une fois, se recommander à lui, et profiter de son crédit auprès de Dieu. Une femme, qui demeurait loin de Vence, et qui était aveugle depuis cinq ans, rêva qu’elle était en présence du Saint, qu’il lui imposait les mains et lui rendait la vue. Réveillée, elle se hâta de recourir au médecin que le Ciel lui avait montré. Elle le pria de la bénir, et saisissant sa main elle la baisa ; à l’instant elle fut guérie.
Comme il approchait de la mort, il entendit du bruit dans l’église. Il en demanda la cause, et on lui répondit que c’étaient les préposés aux funérailles, qui taillaient la pierre et préparaient son tombeau. Il voulut alors qu’on le conduisît pour le voir, et il le bénit lui-même du signe de la Croix. Ensuite il retourna se coucher et se reposa un moment ; puis, en présence de Pierre, évêque d’Antibes, et d’Arnaud, évêque de Nice, de son clergé et de son peuple, il fit la disposition de ce qui lui appartenait.
Quelqu’un lui demandant comment il se sentait, il répondit : « Je vais bien, et je crois voir bientôt les biens du Seigneur, dans la terre des vivants ». Ce furent ses dernières paroles ; il rendit son âme à Dieu le 26 mai 1154 [2], et fut enterré dans sa cathédrale par les deux évêques. Son décès fut accompagné de miracles. Sa tombe dans la cathédrale porte l’inscription suivante : « Qu’il soit dit à celui qui ne le sait pas que l’évêque qui repose ici s’appelait Lambert, qu’il a apporté de nombreux bienfaits pendant chacune des quarante années où il gouverna ce siège, il ne s’est jamais laissé élever par les choses flatteuses ni courber par les choses pénibles. Que la source de la piété lui enlève tous ses péchés et que luise pour lui la lumière du perpétuel repos. »
La ville de Vence possède encore les reliques de saint Lambert, dont une partie est conservée dans un buste de bronze doré.
La Vie de saint Lambert [3] a été écrite par un de ses contemporains, témoin de ce qu’il raconte, ou l’ayant appris d’autres témoins. Il relate, entre autres miracles accomplis à son tombeau, qu’au jour anniversaire de son enterrement, il coula de sa tombe une eau abondante, qui fut recueillie, et qui fut un remède efficace contre toute sorte de maux.
Sa maison natale à Bauduen fut transformée en chapelle.
Saint Lambert est invoqué au cours des voyages, selon le dicton : « vouoles béure dins lou désert, trovà sousta dins l’arberc, prega Lambert » : « Si tu veux boire dans le désert, trouver refuge en alpage, prie Lambert ».
A Nice, l’anse St-Lambert tire son nom d’une chapelle St-Lambert qui était sise dans les fortifications du château près de la tour Bellanda. Une autre chapelle dédiée à St-Lambert se trouvait dans le quartier éponyme.
Une Chapelle St-Lambert se trouve aussi près de Vidauban.
Abbé L. Serres-Ponthieu
- Le diocèse de Fréjus l’honore du rite de 3ème classe depuis le code de rubriques de 1962.[↩]
- Anastase IV étant pape, Frédéric Ier Barberousse empereur, et Louis VII roi de France. St Lambert fut remplacé à Vence par Raimond, 1er évêque du nom.[↩]
- L’original existait dans les archives de la cathédrale de Vence ; Barral l’a édité, dans la Chronologie de Lérins, T. I, p. 180.[↩]