28 octobre 2018 – Sermon de M. l’abbé Davide Pagliarani pour le pélerinage du Christ-​Roi à Lourdes


Le style oral a été conservé

Au nom du Père, du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il.

C’est une joie énorme de pou­voir célé­brer la fête du Christ-​Roi dans ce lieu béni où la terre et le Ciel se touchent, où la terre et le Ciel se sont tou­chés il y a 160 ans, et où ils conti­nuent de se tou­cher. Et on va le voir, ces deux véri­tés, ces deux mys­tères, ces deux dogmes de notre foi que nous fêtons aujourd’hui – le Christ-​Roi et l’Immaculée concep­tion -, on va le voir, ont un lien très étroit. De la royau­té de Notre-​Seigneur, on parle très sou­vent dans la sainte Écriture, saint Paul en par­ti­cu­lier en parle plu­sieurs fois. Je vou­drais médi­ter avec vous quelques ins­tants sur un pas­sage en par­ti­cu­lier, où saint Paul nous décrit en détail quelle doit être, quelle est la mis­sion de Notre-​Seigneur main­te­nant, com­ment Notre-​Seigneur veut exer­cer sa royau­té qui est éter­nelle, main­te­nant, avant la fin des temps, dans les temps, dans l’histoire. Saint Paul nous dit que Notre-​Seigneur remet­tra, le jour de la Résurrection, à la fin des temps, Il remet­tra le royaume à son Père, après avoir anéan­ti toutes prin­ci­pau­tés, toutes domi­na­tions, et toutes puis­sances de ce monde. Et il ajoute, saint Paul, il faut qu’Il règne jusqu’à ce qu’Il ait mis tous ses enne­mis sous ses pieds (1 Co 15, 24–25). Voilà donc l’objectif de cette royau­té qui est éter­nelle, mais qui s’exerce main­te­nant dans le temps, dans un sens très spé­ci­fique, très par­ti­cu­lier. C’est une royau­té de conquête, c’est une royau­té mili­tante, guer­rière, celle de Notre-​Seigneur, qui a pour objec­tif de détruire tout ce qui s’oppose au royaume de Dieu. « Et le der­nier enne­mi qui sera détruit sera la mort » (1 Co 15, 26), la mort qui est la consé­quence directe du péché ; dans ce sens-​là, c’est le pre­mier enne­mi de Notre-​Seigneur, Il la détrui­ra pour tou­jours, le jour de la Résurrection des morts. 

Mais saint Paul va quand même plus loin. Pourquoi faut-​il détruire tous ces enne­mis ? Pourquoi ne peut-​on pas vivre ensemble ? Pourquoi ne pas exer­cer cette royau­té – qui est en elle-​même une royau­té de paix – pour­quoi ne pas l’exercer dans la paix, dans l’harmonie avec tout le monde ? Pourquoi ne pas l’exercer dans l’harmonie avec le monde ? Pourquoi cela n’est pas pos­sible ? Saint Paul le dit, il faut détruire tous ces obs­tacles « afin que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15, 28). Voilà résu­mé de façon très simple et très radi­cale – comme tout ce qui est vivant : simple et radi­cal à la fois – le pro­gramme, le but de l’exercice de cette royau­té de Notre-​Seigneur, ici sur terre. Et le fait que Dieu soit tout en tous, peu à peu, dans une conquête pro­gres­sive, inces­sante, c’est la pré­pa­ra­tion du Paradis. La vie éter­nelle n’est autre chose que Dieu dif­fu­sé en tous. Et Dieu, c’est évident, Dieu, par nature, rem­plit tout. Un Dieu qui ne vou­drait pas rem­plir tout, un Dieu qui ne vou­drait pas domi­ner en toute âme, en tout peuple, et dans chaque par­tie de l’âme et de la per­sonne, un Dieu qui ne vou­drait pas rem­plir tout et tout le monde, ne serait pas Dieu. Par nature, Dieu est le Seigneur de tout, Il veut régner sur tout et sur tous. 

Alors, mes bien chers frères, on le voit bien, ce pro­gramme très simple et très radi­cal, qui est le pro­gramme de Notre-​Seigneur, ce man­dat de Notre-​Seigneur qui ter­mi­ne­ra sans que sa royau­té cesse, ce man­dat qui ter­mi­ne­ra à la fin des temps, quand, nous dit saint Paul, Notre-​Seigneur Lui-​même se sou­met­tra au Père, en Lui offrant ce royaume conquis au long de l’histoire ; ce pro­gramme de Notre-​Seigneur, c’est le pro­gramme de l’Église. Notre-​Seigneur ne peut pas aller dans un sens et son Épouse dans un autre. Ce pro­gramme qui résume toute la mis­sion de Notre-​Seigneur, résume aus­si toute la mis­sion de l’Église. Il faut bien le recon­naître, avec tris­tesse, c’est de ce pro­gramme magni­fique que les hommes d’Église se dérobent. Pourquoi se dérobent-​ils ? Parce que ce pro­gramme de conquête est un anéan­tis­se­ment de tout ce qui s’oppose au royaume de Notre-​Seigneur. Ce pro­gramme ne peut pas plaire au monde, c’est impos­sible. Et donc c’est l’esprit du monde qui pénètre dans l’Église. Le moder­nisme n’est pas autre chose. La racine de la crise actuelle, elle est là. Et on peut dire, elle est seule­ment là, uni­que­ment là. De même que Notre-​Seigneur, Roi, a une seule mis­sion, de même l’Église a une seule mis­sion, qui est la même : tout Lui conqué­rir, pour Lui. De même, tous les maux dont souffre l’Église aujourd’hui ont là leur racine. Et donc, ce qu’il fal­lait détruire, essayer de détruire, d’anéantir, cette puis­sance du monde, cet esprit du monde dont parle saint Paul, ne sont plus des enne­mis, mais des amis ; d’où la nais­sance de ce chris­tia­nisme moderne, la géné­ra­tion de cette nou­velle concep­tion de l’Église, de sa mis­sion : un chris­tia­nisme sans croix, sans sacri­fice, sans com­bat, sans désir de conver­tir les âmes, de les conqué­rir à Notre-​Seigneur ; en un mot, un chris­tia­nisme sans le Christ-​Roi. Alors pour bien le connaître, et je dirais là, on com­prend bien, pour­quoi ce dogme de notre foi, cette véri­té de la royau­té de Notre-​Seigneur qui est si pro­fonde, était si chère à Mgr Lefebvre. Il avait bien com­pris que dans cette notion, tout notre com­bat est résu­mé, tout notre com­bat est rap­pe­lé, et tous nos enne­mis sont visés. 

Mais alors, com­ment vivre dans toute son inté­gra­li­té, sa beau­té, cette véri­té au quo­ti­dien ? Il faut que Notre-​Seigneur soit d’abord tout en nous-​mêmes, en cha­cun d’entre nous. Si nous vou­lons recon­qué­rir l’Église par cette véri­té, et le monde, il faut que Notre-​Seigneur soit tout en nous-​mêmes. Et il faut être réa­liste : le démon nous connaît cha­cun, par notre nom et pré­nom, il connaît notre per­son­na­li­té ; il nous étu­die, il connaît nos brèches. Il sait très bien que le même esprit du monde peut péné­trer, même chez nous, même chez nous, même dans nos familles ; en cha­cun d’entre nous – il le sait très bien. Sans renon­cer bien sûr aux prin­cipes de la royau­té de Notre-​Seigneur, mais au quo­ti­dien, avec le temps, avec la fatigue, avec les décep­tions, notre âme, notre volon­té peut s’affaiblir, et cette fête est là pour nous rap­pe­ler que ce com­bat, c’est le com­bat pour le Paradis. La royau­té de Notre-​Seigneur est faite pour pré­pa­rer dans cette val­lée de larmes le Paradis où, pour tou­jours, Notre-​Seigneur sera tout en tous. Tous les enne­mis seront écra­sés pour tou­jours. Alors il faut qu’Il occupe tout en nos per­sonnes : la volon­té, nos pro­jets, le cœur. « Là où sera ton tré­sor, là sera ton cœur » (Lc 21–34) ; et ce tré­sor ne peut être qu’un, ne peut être que Notre-​Seigneur. C’est bien ça la grâce qu’il faut deman­der aujourd’hui à Notre-​Dame, à l’Immaculée : que Notre-​Seigneur soit tout et qu’Il soit le seul amour, le seul objet de notre cœur, de notre volon­té, et que tout le reste s’organise, s’oriente en fonc­tion de cet amour, qui occupe tout l’espace. Revendiquons donc, reven­di­quons ces droits de Notre-​Seigneur d‘abord en nous-mêmes. 

N’ayons pas peur ! N’ayons pas peur de cette guerre de laquelle parle saint Paul, cette bataille de Notre-​Seigneur, de Notre-​Seigneur Roi, est aus­si la nôtre, parce que c’est la bataille de l’Église, et d’autant plus que l’Église d’aujourd’hui, les hommes d’Église d’aujourd’hui, ont aban­don­né cette bataille, d’autant plus nous devons reven­di­quer ces droits abso­lus de Notre-​Seigneur sur nous-​mêmes, sans avoir peur de vivre dans cet état de guerre. Et quel est le moyen pour vaincre ? Quel est le moyen pour ne pas se décou­ra­ger, pour ne pas se trom­per ? Quel est le moyen pour arri­ver jusqu’au bout ? Il n’y en a qu’un, il n’y en a qu’un. Et c’est exac­te­ment le même moyen par lequel Notre-​Seigneur a com­men­cé sa bataille et Il la conti­nue jusqu’à la fin des temps, ce moyen est la Croix. Cette Croix, ces sacri­fices, cet esprit de sacri­fice qui est pro­fon­dé­ment catho­lique, pro­fon­dé­ment chré­tien, et qui n‘existe plus aujourd’hui ; dans cette illu­sion s’est construit, comme on a dit, un nou­veau chris­tia­nisme sans la Croix et sans le sacrifice.

Et nous vivons aujourd’hui, en par­ti­cu­lier ces der­nières années, ces der­niers mois, nous voyons dans le monde entier, dans ce monde apos­tat, où le fait d’avoir aban­don­né cette doc­trine du Christ-​Roi et de la Croix, nous voyons par­fai­te­ment où cela amène : à des lois, à des pro­pos inima­gi­nables, abo­mi­nables, à des idées que nor­ma­le­ment un chré­tien ne sait même pas que puisse exis­ter, qui puisse être conçu, ces lois abo­mi­nables par les­quelles l’homme apos­tat, l’homme moderne apos­tat, pré­tend déci­der ce que seule­ment Dieu peut décider. 

Alors il ne faut pas avoir peur, mais avoir les yeux ouverts. Si nous sommes fidèles à notre foi, si nous sommes fidèles au Christ-​Roi, tôt ou tard, une per­sé­cu­tion pour­rait com­men­cer contre nous, avec des moyens très raf­fi­nés, sans que ce soit for­cé­ment une per­sé­cu­tion san­glante. Le monde d’aujourd’hui a mille moyens, mille moyens à sa dis­po­si­tion, pour nous atta­quer, pour nous décou­ra­ger. Il faut bien com­prendre que Satan sait très bien ce qu’est la royau­té du Christ. Il connaît saint Paul beau­coup mieux que nous. Il sait très bien que la mis­sion de Notre-​Seigneur, que la mis­sion de l’Église, est de tout sou­mettre à cette royau­té, tout sans dis­tinc­tion ; et donc il ne peut pas tolé­rer, il ne peut pas sup­por­ter cette idée, cette déter­mi­na­tion, cette volon­té de tout consa­crer à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Il ne peut pas le supporter. 

Alors, com­ment ne pas se décou­ra­ger, si cela est vrai ? Comment ne pas se décou­ra­ger ? La Providence, comme on disait au départ, fait que nous célé­brons cette fête ici, sous le patro­nage de la très sainte Vierge. C’est par­ti­cu­liè­re­ment signi­fi­ca­tif, parce que la très sainte Vierge, l’Immaculée Conception, est bien cette por­tion du royaume de Notre-​Seigneur où le démon n’est jamais arri­vé à mettre un doigt. C’est cette por­tion choi­sie du royaume de Notre-​Seigneur où le démon n’a jamais eu aucun pou­voir, et jamais il ne l’aura. C’est le modèle par­fait de l’âme toute consa­crée à Notre-​Seigneur, qui vit uni­que­ment pour Notre-​Seigneur, qui est rem­plie uni­que­ment de Lui, de son amour ; en tout, Elle par­tage sa volon­té de la manière la plus par­faite ; d’où tous ses titres, et sur­tout sa mis­sion dans l’Église, sa mis­sion de Mère et Reine. 

Des fidèles deman­daient un jour au Padre Pio pour­quoi il insis­tait tel­le­ment sur la consé­cra­tion à la très sainte Vierge, pour­quoi il ne par­lait plus que de ça. Ils ont deman­dé des expli­ca­tions au Père, et le Père a eu cette réponse très belle et sur­tout très actuelle, il leur a dit : « Viendront des temps abo­mi­nables, avec des lois abo­mi­nables, pires que le temps décrit dans l’Apocalypse ». Nous y sommes ! Peut-​être que nous ne nous en ren­dons pas suf­fi­sam­ment compte, mais dans ces mou­ve­ments de ces der­nières années, il y a bel et bien quelque chose de dia­bo­lique – et d’universel, ce qui est un signe que le démon est der­rière. Eh bien ! le Père avait dit à ces fidèles : « Seuls ceux qui se réfu­gie­ront dans le Cœur de la très sainte Vierge seront capables de sur­vivre, parce que dans ce Cœur, le démon n’a aucun pou­voir et n’a jamais eu aucun pou­voir ». C’est magni­fique ; c’est ter­rible et magni­fique à la fois. 

Cela nous montre que, en par­ti­cu­lier par la très sainte Vierge, jamais nous ne man­que­rons des moyens néces­saires pour ce com­bat, ce com­bat qui se livre au quo­ti­dien en nous-​mêmes, ce com­bat qui n’est rien d’autre que le com­bat de l’Eglise, le com­bat de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Jamais nous ne man­que­rons des moyens néces­saires pour lut­ter comme il faut, et sur­tout pour vaincre et pour triom­pher avec Elle et avec Notre-​Seigneur Jésus-Christ. 

Ainsi soit-​il.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-​Esprit, ain­si soit-il. 

Abbé Davide Pagliarani, Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : La Porte Latine du 15 novembre 2018

Supérieur Général FSSPX

M. l’ab­bé Davide Pagliarani est l’ac­tuel Supérieur Général de la FSSPX élu en 2018 pour un man­dat de 12 ans. Il réside à la Maison Générale de Menzingen, en Suisse.