Les 4 évêques anti modernistes ne sont pas excommuniés

1. La Tradition persécutée.

Depuis le début, c’est-à-dire depuis le 1er juillet 1988 nous avons tou­jours contes­té la vali­di­té des excom­mu­ni­ca­tions infli­gées à nos évêques. En rai­son d’un état de néces­si­té grave dans l’Eglise, Mgr Marcel Lefebvre s’est vu dans l’obligation d’assurer « l’opération sur­vie de la Tradition » en per­pé­tuant un épis­co­pat authen­ti­que­ment catho­lique. Sans évêque Traditionnel impos­sible d’avoir des prêtres fidèles à la volon­té du Christ notam­ment quant à la pré­di­ca­tion inté­grale de la foi et à la mise en garde contre les erreurs. Il a fal­lu pour cela pas­ser outre les menaces des auto­ri­tés moder­nistes en place. Celles-​ci se servent des lois ecclé­sias­tiques ( le droit canon) affir­mant indû­ment que l’on se met en dehors de l’Eglise par le sacre d’un évêque sans l’approbation du Pape. En fait cette inter­pré­ta­tion rigide du droit est fausse. Le droit canon per­met les consé­cra­tions d’évêques sans l’aval du pape en cas de néces­si­té grave. « Prima lex salus ani­ma­rum », « La pre­mière loi c’est d’assurer le salut des âmes ». Aucune des lois conte­nues dans le code, si elle est bien inter­pré­tée, ne peut s’opposer à cette pri­ma lex. Au contraire ces lois ne sont faites que pour favo­ri­ser le salut et si en rai­son des cir­cons­tances elles deviennent un obs­tacle il ne faut pas en tenir compte et agir sans s’en embar­ras­ser. L’état de néces­si­té a été consta­té et recon­nu à plu­sieurs reprises par les papes, même si par ailleurs ils n’arrivent pas à déce­ler les moyens d’en sor­tir. A ce pro­pos la lettre de Mgr Fellay que nous joi­gnons dans ce bul­le­tin exprime bien la dif­fi­cul­té pré­sente. Les papes voient la crise de l’Eglise, ils disent même qu’il y a une crise très grande, cepen­dant ils ne donnent pas expli­ci­te­ment les remèdes. Or la solu­tion pour en sor­tir, la FSSPX et les com­mu­nau­tés amies ne cessent de le répé­ter, c’est de lais­ser la liber­té à la Tradition au lieu de la condam­ner au nom d’un concile aux résul­tats mani­fes­te­ment catastrophiques.

Il faut savoir qu’à l’époque où Mgr Lefebvre a sacré les quatre prêtres de sa Fraternité le moder­nisme domi­nait par­tout, per­met­tait tout sans se sou­cier de sanc­tion­ner les pires scan­dales. En fait, une seule chose était effec­ti­ve­ment inter­dite, pour­chas­sée et condam­née : le main­tien de la pra­tique tra­di­tion­nelle de l’Eglise. Messe, sacre­ments, rituel, pré­di­ca­tion, caté­chisme, doc­trines phi­lo­so­phiques et théo­lo­giques tout cela pou­vait sub­sis­ter pour­vu que ce ne fût pas comme l’Eglise l’avait tou­jours fait avant le concile Vatican II. En résu­mé : les pires aber­ra­tions étaient admises et la Tradition était pros­crite. L’état de néces­si­té était donc mani­feste et l’obligation de sacrer s’imposait à Mgr Lefebvre comme une mis­sion urgente et grave impo­sée par la Providence. Bientôt Dieu allait lui deman­der des comptes sur son épis­co­pat. Il ne vou­lait pas entendre « Toi aus­si tu as contri­bué à détruire l’Eglise avec les autres ».

2. La Tradition sanctionnée injustement.

La suite des évè­ne­ments est connue. L’excommunication a été pro­non­cée contre la Tradition telle que Mgr Lefebvre la défen­dait depuis qu’il est évêque. Il est bon ici de répondre briè­ve­ment à une objec­tion. Il a été dit que Mgr Lefebvre avait une fausse notion de la Tradition ne tenant pas suf­fi­sam­ment compte du carac­tère vivant ou évo­lu­tif de celle-​ci. Sans ren­trer dans le détail de cette ques­tion il est facile de rétor­quer que Mgr Lefebvre ne fait que conser­ver l’enseignement qu’il a reçu au sémi­naire fran­çais de Rome sur toute la doc­trine de l’Eglise et notam­ment celle rela­tive à la Tradition. Il n’a pas chan­gé d’attitude et de doc­trine sous les papes d’avant le concile Vatican II et ceux d’après. C’est une preuve que sa com­pré­hen­sion de la Tradition n’est pas arbi­traire et per­son­nelle comme semble le faire croire le car­di­nal de Paris. En fait l’idée qu’il se fait de la Tradition est clas­sique, catho­lique car elle n’a jamais varié tout au long de sa vie de prêtre et d’évêque. S’il n’a pas été condam­né ou même blâ­mé avant le Concile sur ce sujet (mais au contraire féli­ci­té) c’est que l’Eglise ne jugeait pas qu’il se trom­pait. S’il a été condam­né après, c’est plu­tôt que le concile Vatican II a intro­duit des nou­veau­tés et que la notion de Tradition elle-​même n’est plus com­prise de manière tra­di­tion­nelle. La meilleure preuve c’est que le déve­lop­pe­ment de cette nou­velle Tradition ne se fait plus de manière homo­gène. C’est ce dont-​il faut débattre par des études doc­tri­nales rigou­reuses. La FSSPX dit depuis l’origine de la dis­pute avec les par­ti­sans du concile que celui-​ci a chan­gé nota­ble­ment l’enseignement bimil­lé­naire et a enga­gé une rup­ture de l’Eglise par rap­port à son passé.

Ainsi la plus grave des peines cano­niques, l’excommunication, est tom­bée sur notre évêque car il a vou­lu faire des sacres dans la Tradition et pour la défense de ses droits inalié­nables bafoués par toutes les réformes moder­nistes. La Rome néo-​moderniste escomp­tait par cette sanc­tion une panique géné­rale dans nos rangs et un émiet­te­ment de nos forces. Grâce à Dieu ce plan astu­cieux n’a pas fonctionné.

Cette sanc­tion de 1988 aurait dû nous bri­ser, nous divi­ser, nous anéan­tir. Ce n’est pas le cas. Tout le monde est obli­gé d’admettre qu’après plus de 20 ans, la Fraternité Saint Pie X grâce aux évêques sacrés par Mgr Lefebvre, s’est déve­lop­pée. Dieu aidant et mal­gré les départs nom­breux de prêtres fati­gués du com­bat, nous conti­nuons à gran­dir : les prieu­rés et les cha­pelles s’ouvrent ; les écoles se main­tiennent et se déve­loppent ; les sémi­naires ont tou­jours des voca­tions ; les familles sou­vent nom­breuses se sanc­ti­fient avec la messe, les caté­chismes, les mou­ve­ments de jeunes. Tout cela se fait dans un monde de plus en plus hos­tile à la foi et à l’esprit chré­tien authen­tique. Malgré l’opprobre des inter­dits ecclé­sias­tiques pro­fon­dé­ment injustes, une petite chré­tien­té s’est construite et elle est bien déci­dée à main­te­nir l’étendard de la foi, les droits de Notre Seigneur Jésus-​Christ « adve­niat regnum tuum » « que votre règne vienne sur la terre comme au Ciel. »

3. La Tradition n’est plus excommuniée.

Aujourd’hui cepen­dant les choses changent et il faut com­prendre ce qui arrive. Pendant vingt ans nous avons été les seuls à main­te­nir que nous n’étions pas excom­mu­niés vali­de­ment (les com­mu­nau­tés ral­liées ont pro­fi­té de ce mal­en­ten­du pour déve­lop­per une forme de Tradition ban­cale agréée par Rome car basée sur la sen­si­bi­li­té ou nos­tal­gie mais pas très regar­dante sur les erreurs ou les scan­dales comme Assise ). Pour nous, le motif évident que nous invo­quons depuis le début de cette affaire est un motif de foi. L’Eglise ne peut pas excom­mu­nier 2000 ans de chris­tia­nisme sans se contre­dire, sans s’autodétruire (c’est cela l’auto démo­li­tion de l’Eglise dont par­lait le pape Paul VI dans un bref moment de lucidité)

Depuis le 21 jan­vier 2009 le pape Benoît XVI dit au monde « il n’y a pas d’excommunication ». Surprise géné­rale dans l’Eglise« offi­cielle ». Consternation. « Secousse » dira le car­di­nal de Paris, Mgr Vingt-​Trois. Désormais à cause de cette simple décla­ra­tion du pape même nos pires enne­mis (c’est-à-dire ceux qui ne veulent pas de notre messe saint Pie V, de notre fer­me­té dans la foi anti-​moderniste, de notre croi­sade de cha­pe­lets d’un autre âge) ne peuvent plus affir­mer : « ils ne sont pas dans l’Eglise catho­lique, la preuve : ils sont excom­mu­niés ». Ce pré­texte pou­vait être faci­le­ment uti­li­sé avant le 21 jan­vier 2009 pour impres­sion­ner les catho­liques nor­ma­le­ment dociles à la hié­rar­chie ; ce pré­texte a été uti­li­sé abon­dam­ment pen­dant deux décen­nies d’excommunication injuste (1988–2009) pour nous dia­bo­li­ser ; désor­mais ce pré­texte ne vaut plus à moins de s’opposer mani­fes­te­ment au pape. Il fau­dra à ceux qui nous détestent trou­ver autre chose de plus solide pour s’opposer à nous sans don­ner la mau­vaise impres­sion, par ailleurs, de résis­ter au pape. Et c’est là, chers fidèles, qu’il faut obser­ver leur manœuvre sub­tile. Demandons-​nous un peu, main­te­nant que l’opprobre de l’excommunication ne vaut plus, que vont-​ils inven­ter pour nous exclure mal­gré tout ?

La réponse est : L’unité ecclé­siale ou comme ils disent « la pleine com­mu­nion ». C’est là le nou­vel angle d’attaque des moder­nistes contre une ins­tal­la­tion et un déve­lop­pe­ment durable de la Tradition dans l’Eglise. Ils deman­de­ront un signe visible d’unité ecclé­siale comme l’acceptation totale (ils sont aus­si inté­gristes) du Concile non-​infaillible Vatican II ou l’acceptation des nou­veaux rites modernistes.

4. Vraie et fausse unité ecclésiale.

Aussi il faut savoir que l’unité ecclé­siale est une chose qui existe déjà depuis l’origine du chris­tia­nisme. Nous disons dans le cre­do chaque dimanche : « je crois en l’Eglise une, sainte , catho­lique, apos­to­lique ». Il faut bien com­prendre ce qu’elle est pour ne pas se lais­ser pié­ger par une fausse notion d’unité telle que la veulent les moder­nistes. Elle signi­fie non pas comme on vou­drait nous le faire croire un consen­sus avec des idéo­lo­gies du temps pré­sent que par­tage l’épiscopat actuel au sujet des nou­veau­tés : liber­té reli­gieuse, œcu­mé­nisme. Non car ce serait s’a­gré­ger à l’apos­ta­sie silen­cieuse. En réa­li­té la véri­table « uni­té ecclé­siale » est un refus des erreurs dog­ma­tiques prê­chées par les sectes : pro­tes­tants, ortho­doxes ou fausses reli­gions (ex : judaïsme, islam). Ainsi lorsque Mgr Fellay dans sa lettre dit « Nous sommes prêts à écrire avec notre sang le Credo, à signer le ser­ment anti moder­niste (refus des erreurs) , la pro­fes­sion de foi de Pie IV, nous accep­tons et fai­sons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican I…etc » il donne là le signe d’unité ecclé­siale telle que l’Eglise catho­lique l’a tou­jours com­prise c’est-à-dire l’adhésion à toute la foi de l’Eglise depuis son ori­gine et à tous ses dogmes dûment définis.

5. Un pape pour deux Eglises ?

Alors il ne faut pas se méprendre. Le com­bat de la Fraternité n’est pas ter­mi­né par le retrait de l’excommunication. Nous arri­vons ici à une étape nou­velle de l’histoire de l’Eglise. Il faut l’observer et la com­prendre. La for­mule « un pape pour deux Eglises » sans être rigou­reu­se­ment exacte semble expri­mer assez bien la situa­tion pré­sente. On sait que durant le grand schisme d’occident (1378–1417) l’Eglise a connu une situa­tion bizarre « deux papes pour une seule Eglise ». A cette époque toute la catho­li­ci­té avait la même foi, le même cre­do, la même théo­lo­gie (la liber­té reli­gieuse était incon­nue tout comme l’œcuménisme ce qui démontre que ce sont de pures inven­tions récentes non Traditionnelles ) mais deux papes dif­fé­rents pré­ten­daient exer­cer le sou­ve­rain pon­ti­fi­cat. C’était une bizar­re­rie, n’insistons pas car ce n’est pas le pro­pos. Aujourd’hui, c’est comme l’inverse du grand schisme, deux Eglises (une moder­niste, l’autre tra­di­tion­nelle) s’affrontent (comme Esaü et Jacob ) et le pape favo­rise ou l’une ou l’autre. [Ainsi, contrai­re­ment à ce que pensent les sédé­va­can­tistes il y a un pape, Benoît XVI sinon « les portes de l’enfer ont pré­va­lu » contre l’Eglise. De fait il est impos­sible, comme ils le disent, que depuis qua­rante ans l’Eglise reste sans pape]. Il est indé­niable que le pape approuve (mais pas infailli­ble­ment)les erreurs du Concile Vatican II. Mais en même temps (au moins depuis le 21 jan­vier 2009) il paraît ne plus vou­loir condam­ner l’action de Mgr Lefebvre qui a sacré quatre évêques pour pré­ser­ver la foi des catho­liques des erreurs de Vatican II. Il y a donc contra­dic­tion puisque actuel­le­ment ni l’Eglise Conciliaire, ni l’Eglise Traditionnelle qui s’opposeront tou­jours, ne paraissent plus sanc­tion­nées. On s’en sou­vient, c’est la des­crip­tion que fait Saint Pie X dans son ency­clique Pascendi (1907) en dénon­çant le moder­nisme comme une héré­sie dif­fé­rente des siècles pas­sées. Le moder­nisme s’efforce de demeu­rer aux entrailles c’est-à-dire à l’intérieur de l’Eglise. Il peut y arri­ver plus ou moins selon la vigi­lance et l’énergie des hommes d’Eglise qui peuvent lais­ser faire ou agir fer­me­ment. Aussi ne vous éton­nez donc pas chers fidèles si vous trou­vez des prêtres contre d’autres prêtres, des évêques contre d’autres évêques et des papes en contra­dic­tion avec le pas­sé. Il faut pour ne plus avoir un tel spec­tacle que la véri­té extirpe tota­le­ment l’erreur, il faut anéan­tir le moder­nisme qui se com­plait dans la contra­dic­tion. Mais rassurez-​vous, les évêques de la Fraternité conti­nuent plus que jamais leur mis­sion de sup­pléance que Mgr Lefebvre leur a confié et que le pape vient « d’approuver » en enle­vant la peine injus­te­ment por­tée. Courage, on pro­gresse, la croi­sade de cha­pe­lets n’y est pas pour rien (1 703 000 cha­pe­lets ont été réci­tés). Comme à Lépante et ailleurs, les grandes vic­toires se font avec la Très Sainte Vierge Marie.

Abbé Pierre Barrère †

Extrait du Sainte Anne n° 206 de février 2009