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Les leçons d’une crise
Zenit du 12 mars 2009
ROME, Jeudi 12 mars 2009 (ZENIT.org) – Dans une lettre aux évêques catholiques, humaine, personnelle, équilibrée, traversée par un souffle, qui trace des voies non seulement à l’Eglise mais à la société, le pape indique les raisons de la levée des excommunications. Cinquante jours après la date du décret du 21 janvier dernier, Benoît XVI reconnaît un manque d’explications.
Il confie aussi comment il a vécu la crise qui a suivi, comment il analyse à la fois les erreurs de communication commises, et les points de conversion à vivre dans l’Eglise et dans la Fraternité Saint-Pie X, pour la « paix » de l’Eglise, avec pour référence la « règle suprême de l’amour ».
Il annonce une décision : « Ecclesia Dei » dépendra désormais de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le Saint-Siège publie ce jeudi 12 mars la Lettre de Benoît XVI aux évêques catholiques du monde entier « à propos de la levée de l’excommunication des quatre évêques ordonnés par l’archevêque Lefebvre ». Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi l’a présentée à la presse lors d’un « briefing » aux journalistes accrédités près le Vatican.
La lettre se présente en deux volets principaux : L’affaire Williamson et la levée de l’excommunication, implications, limites ; et la façon dont Benoît XVI gouverne l’Eglise, ses priorités. Il s’agit donc de bien plus qu’une lettre de « sortie de crise ». C’est aussi une feuille de route, et une indication sur le style Benoît XVI.
Pourquoi et quand la lettre a été écrite
Dans sa lettre, le pape indique pourquoi il l’écrite, puis les raisons des « mésaventures » ou « erreurs » (« pannes ») qui ont eu une influence négative sur l’événement : le « cas » Williamson, le manque de clarté de présentation de la signification et des limites de cette mesure. Le pape veut « contribuer à la paix de l’Eglise » après une discussion « d’une véhémence dont on n’avait plus fait l’expérience depuis longtemps ».
Le pape l’a écrite à mi-février (il se réfère à sa visite au Grand séminaire le 20), et elle a été achevée pendant la retraite d’entrée en carême (du 1er au 7 mars).
I – L’affaire Williamson et la levée de l’excommunication, implications, limites
Dans le premier volet de la lettre, le pape rappelle les faits de l’affaire Williamson, qui est venue se « superposer » à la levée de l’excommunication, dont il souligne à la fois les implications et les limites, sons sans préciser que désormais la communication de l’Eglise devra aussi prendre en compte « Internet ».
L’imbroglio Williamson
Il aborde ensuite le cas Williamson – « imprévisible » – et le quiproquo suscité par l’idée que cette levée de l’excommunication « démentait le chemin de réconciliation entre chrétiens et juifs » fait depuis le concile. Le pape « reconnaît une information insuffisante et remercie les ‘amis juifs” qui ont aidé à dépasser le malentendu et à rétablir l’atmosphère de confiance. Le pape considère donc ce chapitre comme « clos » a indiqué le P. Lombardi.
Signification : inviter les quatre évêques au retour
Le pape explique précisément la signification et les limites de la levée de l’excommunication : il rappelle que l’excommunication concerne des personnes et pas des institutions. Or, l’ordination épiscopale sans mandat pontifical signifie un « danger de schisme ». Or, explique le pape, la sanction de l’Eglise a un objectif : la conversion. Les personnes qui procèdent à l’ordination ou qui la reçoivent sont frappées de la peine « la plus dure », l’excommunication, pour les « rappeler à l’unité ». Puisque les intéressés avaient manifesté comme principe la reconnaissance de l’autorité du pape, la levée de l’excommunication visait à nouveau au même but : « inviter les quatre évêques au retour ».
Le P. Lombardi a cité à ce sujet la lettre de Mgr Fellay citée par la Congrégation pour les évêques le 24 janvier.
Limites de la mesure
En revanche, la Fraternité Saint-Pie X, qui est une institution, n’a pas de « statut canonique dans l’Eglise pour des raisons doctrinales ». « Et tant que celles-ci ne sont pas clarifiées, et que la situation demeure, ses ministres n’exercent pas légitimement un ministère dans l’Eglise », souligne le pape.
L’avenir de la Commission « Ecclesia Dei »
Le pape insiste, a souligné le P. Lombardi sur l’aspect « doctrinal » de la question. C’est pourquoi il annonce une nouvelle mesure : les questions à éclaircir étant fondamentalement de caractère doctrinal, la Commission « Ecclesia Dei » passera sous l’autorité de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Les décisions seront discutées par les organes collégiaux de cette dernière, dans leurs réunions, avec la participation de préfets d’autres dicastères et de l’épiscopat. Le P. Lombardi souligne la « collégialité » voulue par le pape dans son fonctionnement.
II – La façon dont Benoît XVI gouverne l’Eglise, ses priorités
Ici s’achève, souligne le P. Lombardi, la première partie de la lettre. Suivent des réflexions sur le pontificat et la façon dont le pape gouverne l’Eglise et pense devoir affronter la question, à commencer par le rappel des « priorités » du pontificat. Sa feuille de route.
Les relations futures avec la Fraternité Saint-Pie X
Les questions en discussion avec la Fraternité Saint-Pie X concernent surtout l’acceptation du concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des papes. Dans leur discussion, il faut garder à l’esprit deux aspects, indique Benoît XVI.
Pour ce qui concerne d’une part la Fraternité Saint-Pie X, « on ne peut geler l’autorité magistérielle de l’Eglise à l’année 1962 », en d’autres termes, à avant le concile Vatican II.
Pour ce qui concerne, d’autre part, ceux qui se considèrent comme « de grands défenseurs du concile », le pape rappelle que « Vatican II porte en lui toute l’histoire doctrinale de l’Eglise », et l’on ne peut « couper les racines dont l’arbre vit ».
A la question : est-ce que la mesure du 21 janvier 2009 était vraiment indispensable ?, le pape répond dans deux passages différents.
D’une part, le pape rappelle les « vraies », et « grandes » priorités de son pontificat, annoncées dès le début.
Premièrement, conduire les hommes vers Dieu, le Dieu qui parle dans la Bible et s’est révélé en Jésus Christ.
Secundo, l’unité de ceux qui croient dans le Christ, l’œcuménisme.
Tertio, le dialogue interreligieux entre ceux qui croient en Dieu, dans la recherche de la paix.
Quarto, le témoignage de l’amour dans la dimension sociale de la foi chrétienne (comme l’indique la première encyclique du pontificat, « Deus Caritas est »)
Ceci dit, le pape rappelle que si l’engagement, difficile, pour la foi, l’espérance et la charité est la vraie priorité, alors également « les réconciliations petites et grandes » en font partie, comme celle qui concerne la Fraternité Saint-Pie X.
Le pape prend acte du fait que « l’humble geste d’une main tendue a été à l’origine d’un grand tapage, devenant ainsi le contraire d’une réconciliation ». Et il pose une série de questions à partir de l’Evangile.
Aussi une question de société
Le pape se réfère au Discours sur la Montagne (Mt 5, 23ss) pour demander : « Etait-il et est-il vraiment erroné d’aller dans ce cas aussi à la rencontre du « frère qui a quelque chose contre toi » et de chercher la réconciliation ? ».
« La société civile aussi, demande encore le pape, ne doit-elle pas tenter de prévenir les radicalisations et de réintégrer – autant que possible – leurs éventuels adhérents dans les grandes forces qui façonnent la vie sociale, pour en éviter la ségrégation avec toutes ses conséquences ? » (il existe des expériences positives de retour de communautés séparées de Rome)
Et il pose donc une question plus précise : « Peut-on rester indifférent et laisser partir à la dérive loin de l’Eglise une communauté aussi nombreuse que la Fraternité Saint-Pie X (chez de nombreux prêtres qui en font partie, il y a certainement des dimensions d’amour du Christ et le désir de l’annoncer).
Benoît XVI ajoute ce quatrième point. En dépit des « défauts » manifestés par la Fraternité (il parle franchement de « suffisance », « présomption », « unilatéralismes »), il faut reconnaître, ajoute le pape, des expressions de la disponibilité aux autres ; et la « grande Eglise » ne devait-elle pas savoir se montrer généreuse, magnanime, consciente de la grande envergure qu’elle possède, et capable de reconnaître les défauts qui sont présents en son sein ?
Le P. Lombardi souligne cette expression de « grande Eglise » et ce que le pape met de « magnanimité » dans cette expression. Le pape veut conduire à un « discernement spirituel ». Le paradoxe est, relève le P. Lombardi, qu” « un acte de réconciliation de générosité » devient une occasion de « tensions ». Par conséquent, demande le pape, « quelles attitudes spirituelles sont en jeu dans cette dynamique de l’intention de réconciliation à une situation de tension » ? Le P. Lombardi lie ce thème à celui de la « conversion du cœur ».
Car « la phrase la plus forte », dit-il, constitue un vrai appel à un examen de conscience (dans l’Eglise et au dehors) à propos du geste du pape et de ses intentions : « Parfois, on a l’impression que notre société a besoin d’un groupe au moins, auquel ne réserver aucune tolérance, contre lequel pouvoir tranquillement se lancer avec haine. Et si quelqu’un ose s’en approcher – dans le cas présent, le pape – il perd lui aussi le droit à la tolérance et peut lui aussi être traité avec haine et sans crainte ni réserve ».
La lettre se conclut par une réflexion sur les paroles de saint Paul dans l’Epître aux Galates (Ga 5, 13–15) – nous sommes dans l’année Saint-Paul – sur l’amour comme accomplissement de la Loi. L’apôtre avertit les Galates de ne pas céder à la tentation de « se mordre » et « se dévorer » les uns les autres, comme expression d’une liberté mal comprise. Cette tentation existe encore aujourd’hui dans l’Eglise, fait observer le pape : il ne faut pas s’en « étonner », mais s’y « opposer » en revenant à la « priorité suprême de l’amour ».
L’Osservatore Romano en italien du 13 mars titre sur l’Epître aux Galates et publie à la Une aussi un fac similé du manuscrit grec de l’épître.