Entretien de Mgr Tissier de Mallerais à La Vie

Note de la rédac­tion de La Porte Latine

Il est de bon ton actuel­le­ment de vou­loir oppo­ser les évêques de la Fraternité, en s’efforçant de démon­trer que l’entente et l’harmonie entre eux ne règne pas, qu’ils ont des posi­tions sou­vent oppo­sées inconciliables.

Pour ceux qui ont quelque expé­rience de la guerre sub­ver­sive, il est bien connu qu’une des tech­niques les plus effi­caces pour détruire et faire implo­ser un groupe est de détruire la confiance en sug­gé­rant et en inven­tant des oppo­si­tions ima­gi­naires. Ces insi­nua­tions men­son­gères et ima­gi­naires, éla­bo­rées sou­vent sur un exa­men super­fi­ciel des textes, finissent par prendre corps et détruisent la confiance.

Nous assis­tons à cette ten­ta­tive aujourd’hui contre la Fraternité : s’efforcer de sus­ci­ter des oppo­si­tions entres les évêques, en fai­sant croire qu’ils ne sont pas d’accord sur le com­bat à mener.

Il faut non seule­ment dénon­cer de telles ten­ta­tives dif­fa­ma­toires mais aus­si ceux qui les pra­tiquent. Or ceux-​là sont ceux qui ne veulent pas que le concile soit remis en ques­tion et ceux qui, déjà schis­ma­tiques dans les faits, ne recon­naissent plus le Pontife Romain, à savoir les moder­nistes et les sédé­va­can­tistes de tout poil. Etrange ren­contre des deux extrêmes dans les méthodes de subversion.

Dans l’interview que nous repro­dui­sons ci-​après, Mgr Tissier se fait l’écho de ce que le Supérieur Général, Mgr Fellay, répé­tait déjà à Saint-​Malo en août 2008 :

- « Après cela (le deuxième préa­lable) nous sommes dis­po­sés à dis­cu­ter, avions-​nous dit. Et nous le disons encore car c’est très impor­tant, nous consi­dé­rons vrai­ment comme essen­tielle cette confron­ta­tion théo­lo­gique qui doit per­mettre de voir si ce qui a été dit au concile et après le concile, est fidèle à la Révélation, à l’enseignement de l’Eglise ».


– « Quand on voit d’une manière si claire ce qui se passe dans l’Eglise – c’est le Bon Dieu qui nous donne cette grâce – il n’y a pas de place pour une négo­cia­tion. D’ailleurs je n’aime pas ce terme, il est faux. Nous ne sommes pas en négo­cia­tion avec Rome. De Rome, nous atten­dons la foi. »

- « C’est la pre­mière chose qui s’est pro­duite à notre bap­tême, cela a été la pre­mière ques­tion : « Que demandez-​vous à l’Eglise ? – La foi ». « Que vous pro­cure la foi ? – La vie éter­nelle ». C’est là le contrat pas­sé au bap­tême. Nous deman­dons à l’Eglise la foi, nous savons qu’il n’y a que l’Eglise qui peut nous la don­ner. Eh bien ! nous main­te­nons cette demande pre­mière du baptême. »

« Jamais nous ne signerons de compromis »
par Joséphine Bataille

Joséphine Bataille : Comment la Fraternité Saint Pie X se prépare-​t-​elle en vue des dis­cus­sions théo­lo­giques qui doivent avoir lieu avec le Vatican ?

Mgr Tissier de Mallerais : « Le supé­rieur géné­ral de la com­mu­nau­té a nom­mé tout récem­ment une com­mis­sion com­po­sée d’une dizaine de prêtres qui sont spé­cia­listes de la doc­trine. Ils ont fait leur théo­lo­gie à Ecône ou sont pro­fes­seurs de sémi­naires ; ils seront capables d’exposer nos reproches au Concile et de répondre aux objec­tions qui nous seraient faites. Les quatre évêques de la Fraternité sont éga­le­ment impli­qués ; ils ont une fonc­tion de supervision. »

JB : Ces dis­cus­sions devraient donc pou­voir s’ouvrir dès que Rome en aura fixé le cadre ?

Mgr : « Non, car il fau­dra d’abord que nous ayons déter­mi­né l’ordre dans lequel nous abor­de­rons les dif­fé­rents sujets ; il faut aller dans un ordre crois­sant de dif­fi­cul­té, et résoudre un point après l’autre. Nous allons émettre nos souhaits. »

JB : Quels sont-ils ?

Mgr : « Il faut com­men­cer par la litur­gie ; ce serait le plus simple, car l’on pour­ra mon­trer la défi­cience du nou­veau rite des ordi­na­tions sacer­do­tales, par exemple. Déficience qui, en revanche, lorsqu’on parle de la nou­velle messe, tient plu­tôt de la contra­dic­tion pure et simple ; car c’est une nou­velle théo­lo­gie qui s’y exprime, donc une autre reli­gion. Ensuite doivent venir l’œcuménisme et de la liber­té reli­gieuse ; des thèmes qui sont beau­coup plus graves, parce qu’ils engagent la foi. La ques­tion de la col­lé­gia­li­té des évêques ne peut venir qu’à la fin car c’est la plus difficile ».

JB : Quand vous par­lez de régler les dis­sen­sions, est-​ce que vous envi­sa­gez la voie du com­pro­mis, qui per­met­trait que coexistent vos posi­tions et celles de Rome ?

Mgr : « Jamais nous ne signe­rons de com­pro­mis ; les dis­cus­sions n’avanceront que si Rome réforme sa manière de voir et recon­naît les erreurs dans les­quelles le Concile a mené l’Eglise. »

JB : En atten­dant la réso­lu­tion des conflits, êtes-​vous ouvert, comme Mgr Fellay dit l’être, à l’adoption d’un sta­tut inter­mé­diaire pour la Fraternité ?

Mgr : La condi­tion sine qua non pour que l’on s’interroge sur le sta­tut à don­ner à la Fraternité Saint Pie X, c’est la réso­lu­tion de nos dis­sen­sions. En atten­dant, nous conser­ve­rons le sta­tut qui est le nôtre actuel­le­ment ; il n’y a aucune urgence à le faire évo­luer, et nous ne chan­ge­rons rien à notre apos­to­lat. Par consé­quent, les dis­cus­sions pour­ront et devront prendre le temps qu’il faudra. »

Propos recueillis à Ecône par Joséphine Bataille - La Vie du 3 juillet 2009

FSSPX Évêque auxiliaire

Mgr Bernard Tissier de Mallerais (1945 – 2024). Il fit par­tie des pre­miers sémi­na­ristes que Mgr Marcel Lefebvre accueillit à Fribourg en octobre 1969 et par­ti­ci­pa à la fon­da­tion de la Fraternité Saint-​Pie X. Il a assu­mé d’im­por­tantes res­pon­sa­bi­li­tés, notam­ment comme direc­teur du sémi­naire d’Ecône. Sacré le 30 juin 1988, il s’est dévoué durant ses 36 années d’é­pis­co­pat à ses fonc­tions d’é­vêque auxi­liaire de la FSSPX. Il fut char­gé de rédi­ger l’ou­vrage Marcel Lefebvre, une vie, bio­gra­phie de réfé­rence du fon­da­teur de la Fraternité.