La sainteté équivaut au choix courageux que le catholique fait de la vérité tout au long de son existence, sans se laisser jamais arrêter par la confrontation avec le monde qui en résultera obligatoirement pour lui.
« De quelle confrontation voulez- vous parler ?»
Il s’agit de la confrontation à laquelle nous assistons, dans l’Évangile, entre le Fils de Dieu qui fait entendre sa doctrine de vérité et de sainteté et le monde qui n’en veut pas. L’eau se sera réconciliée avec le feu avant que l’esprit de l’Évangile ne s’allie avec celui du monde ! Il n’est pas besoin que l’âme chrétienne se mette en quête de combats ; ils arrivent tout seuls et se trouvent déjà là, dans les âmes de ceux qui veulent se sauver !
Combats d’autant plus féroces et plus violents, comme l’illustre la vie des saints, que la fidélité à suivre l’exemple de Notre-Seigneur Jésus- Christ se fait plus parfaite. Ne rêvons pas d’une sainteté chimérique que l’on poursuivrait au fond des boudoirs ou des cocons. La sainteté ne s’obtient jamais ailleurs que sur un champ de bataille et sur la croix du Golgotha, au bout de toutes les intransigeances de la vérité. Sauf à l’avoir falsifiée…
« Évoquez-vous une falsification en particulier ?»
Je veux parler de la plus grande falsification de toute l’histoire de l’Église, celle qui s’est produite pendant le concile Vatican II.
« Encore !»
Oui, encore. Il faut revenir sur ce concile à temps et à contre temps.
« Mais pourquoi donc ?»
Parce que, de même que l’on ne comprend rien à la vie profonde d’un pays si l’on n’a pas connaissance de sa constitution, l’on ne peut rien comprendre de ce dernier demi-siècle de l’histoire de l’Église si l’on ignore qu’il prend sa source dans le Concile. C’est là qu’on y trouve légitimées les racines des maux essentiels dont souffre l’Église. Les vérités catholiques y sont diluées, rendues floues, tronquées. C’est en les tordant que l’on a justement espéré diminuer le risque de confrontation entre l’Église et le monde, que l’on a caressé l’espoir de pouvoir servir deux maîtres, de jouir de l’estime du monde sans pour autant manquer son Ciel…
Si, d’une phrase, il fallait tenter d’expliquer comment une telle falsification a été rendue possible, je citerais celle d’un expert du concile devenu le cardinal Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI et enfin pape démissionnaire : « La fidélité à la vérité d’hier consiste précisément à abandonner celle-ci, en l’assimilant à la vérité d’aujourd’hui. » (Cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique). Que l’on se rassure si l’on a du mal à comprendre ce que signifie cette phrase : cette perplexité indique plutôt la bonne santé d’un esprit.
Cette parole signifie que le changement des circonstances dans lesquelles vivent les hommes d’époques très différentes n’amènera pas seulement comme conséquence que les principes de l’Évangile devront être appliqués d’une autre façon. Non, c’est la vérité elle-même qu’il faudra abandonner au motif qu’elle était celle d’hier et qu’elle n’est donc plus celle d’aujourd’hui. Le principe de la Croisade ou celui de l’Inquisition, la reconnaissance du catholicisme comme religion d’État ou l’affirmation de l’unicité de la religion catholique comme religion vraie sont sans doute de respectables vérités des siècles passés. Elles sont non seulement réputées inapplicables et indicibles mais elles doivent être changées pour s’accommoder à notre temps, à la vérité d’aujourd’hui, laquelle sera elle-même démodée un jour.
Ainsi en va-t-il de la vérité ; ainsi en va-t-il de la sainteté ! Nous allons assister aux canonisations de Jean XXIII et de Jean-Paul II ? Ce qui nous console, c’est qu’elles ne pourront pas prétendre consacrer autre chose, à l’aune de ces nouveaux principes, que la sainteté de ce temps, de notre pauvre époque qui a tronqué la religion catholique. De tels exemples de sainteté se trouveront relégués lorsque la grande falsification de la vérité du catholicisme aura pris fin. Ces canonisations seront récusées ; les autels construits en l’honneur de ces papes seront cassés et leurs statues seront réduites en poussière. Ce ne sont point là des pensées violentes. Les idées ne sont jamais violentes, elles sont ou vraies ou fausses. Il ne s’agit jamais que de savoir si elles sont vraies ou fausses.
Quant à la véritable violence, elle n’est pas là où on le pense. Elle est celle de nos chefs qui nous ont arraché notre messe et notre catéchisme, notre doctrine et notre morale. Plus encore, elle est la brutalité de nos chefs qui ont substitué à notre religion une nouvelle religion, une religion évolutive qui damne ceux qui la suivent. Mais cette violence est par-dessus tout celle de nos chefs qui ont opéré cette falsification en laissant accroire aux catholiques, du haut de leurs chaires de vérité, que c’était toujours le catholicisme qu’ils leur enseignaient. Voilà qui est proprement diabolique.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 218