Nous voici entre la célébration de deux funestes événements. Le pape s’est rendu à Assise le 27 octobre dernier pour la célébration du jubilé d’argent de la première réunion d’Assise, convoquée par Jean-Paul II en 1986. Et voilà qu’arrive déjà la nouvelle année civile, 2012, au cours de laquelle sera fêté le jubilé d’or de l’ouverture du concile Vatican II.
Benoît XVI est-il parfaitement à l’aise de devoir célébrer de tels anniversaires ? Il est bien difficile de répondre précisément à cette question. Nul ne peut prétendre connaître ses intentions et ses sentiments les plus profonds. Dans l’un de ses premiers discours cependant, celui qu’il a adressé à la curie, le 22 décembre 2005, il a exposé son souci que l’Église catholique d’aujourd’hui demeure en harmonie avec celle des siècles passés. Il a dénoncé une certaine « herméneutique de la rupture » qui voudrait s’appuyer sur le concile Vatican II pour aller toujours plus avant dans le sens des nouveautés. Il lui a opposé une « herméneutique de la réforme » qui, au contraire, prend soin d’inscrire le « renouveau dans la continuité de l’unique Sujet-Église ».
À relire ce texte, il est évident que le pape, bien qu’il cherche à manifester cette continuité de l’enseignement du concile Vatican II avec le Magistère antérieur, ressent très fortement les mille et une objections qui se dressent immédiatement contre son idée. Y croit-il encore ou s’y cramponne-t-il comme le naufragé à sa bouée ? En tous les cas, dans ce discours même où il affirme l’herméneutique de la continuité il est symptomatique de compter le nombre de ses aveux pour reconnaître d’abord une « discontinuité apparente » et même la possibilité, dans certains domaines, « de trouver des formes de discontinuité ». Le pape va même jusqu’à admettre que « dans un certain sens, s’était effectivement manifestée une discontinuité » ! On pourrait encore extraire de ce discours plusieurs autres expressions qui vont dans ce sens…
Certes, en fin de compte, le pape s’accroche à son idée de continuité. Mais l’on voit bien que la démonstration est loin d’être évidente. Il doit faire appel à un fort discutable « processus de nouveauté dans la continuité » qui suffirait, comme par magie, à réduire ces contradictions apparentes ou même manifestes, et leur permettre de s’embrasser.
Ce volontarisme, dans l’affirmation d’une continuité si peu évidente, rend la position du pape très inconfortable. Il lui faut, en un premier sens, se placer dans le sillage de Jean-Paul II en poussant le scrupule jusqu’à commémorer l’insoutenable scandale d’Assise. Dans un autre, il va devoir s’évertuer à prouver, à l’occasion du cinquantième anniversaire de Vatican II, que les textes les plus novateurs du Concile s’harmonisent avec le Syllabus et Quanta Cura, quand il crève les yeux qu’ils en disent tout le contraire.
Nous plaignons réellement le pape de devoir prolonger un tel exercice de grand écart et nous ne croyons pas qu’une telle gymnastique pourra indéfiniment perdurer. Il est par trop certain que la voie de la réconciliation entre la foi de toujours et les erreurs de la révolution conciliaire, que la fécondation de la doctrine de l’Église par les erreurs modernes, est une parfaite utopie.
Restons bien fidèles à notre croisade quotidienne du Rosaire pour demander à la très sainte Vierge Marie la grâce que le pape se rende compte de l’impasse conciliaire et qu’il rebrousse chemin.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 205