6 novembre 1964

Septième intervention de Mgr Lefebvre au concile sur les missions

Vénérables Pères,

De nom­breux Pères ont déjà expo­sé les défauts de ce sché­ma : hum­ble­ment, certes, je me trouve en plein accord avec eux.

Tel qu’il est, ce sché­ma ne répond pas à l’importance de son objet, impor­tance bien supé­rieure, me semble-​t-​il, à celle de la ques­tion de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. Bien plus, j’ose dire que la véri­table et fon­da­men­tale réponse aux pro­blèmes de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui se trouve pré­ci­sé­ment dans l’activité mis­sion­naire de l’Eglise.

Chaque jour nous l’avons expé­ri­men­té par­tout en terres de mis­sion. Là où se trouvent la foi et la grâce du Christ, là croissent la paix, la pros­pé­ri­té, la chas­te­té, la joie, c’est-à-dire tous les fruits de l’Esprit-Saint.

Aussi, je vou­drais for­mu­ler deux observations :

1 – Dans le pré­am­bule du sché­ma, il faut résu­mer l’exposé his­to­rique de l’Eminentissime rap­por­teur, sur la vie mis­sion­naire de l’Eglise romaine. Nous ne pou­vons, en effet, pro­gres­ser à l’avenir, sinon appuyés sur la véri­table et l’excellente tra­di­tion de l’Eglise.

Seuls les Pontifes romains, nous ne devons pas l’oublier, suc­ces­seurs de Pierre, ont pu envoyer de fait et donc de droit, dans le monde entier, des mis­sion­naires et des évêques. Ici, dans cette aula, com­bien de Pères ont étu­dié à Rome et ont acquis, ici, dans cette ville, et pour toute leur vie, le sens de l’Eglise catho­lique, puis ont été envoyés par les Souverains pon­tifes dans toutes les par­ties du monde, pour y fon­der de nou­velles Eglises particulières ?

C’est que, de fait, seuls Pierre et ses suc­ces­seurs ont pos­sé­dé ce devoir et ce droit de manière ordi­naire. Les autres apôtres les pos­sé­dèrent seule­ment par pri­vi­lège per­son­nel ; les évêques, leurs suc­ces­seurs, ne furent donc pas héri­tiers de ce privilège.

2 – Au sujet du Conseil inter­na­tio­nal près la Sacrée Congrégation de la Propagande de la Foi, nous devons être d’une extrême prudence.

Certes, sagesse et pru­dence exigent que les auto­ri­tés en fonc­tion forment leur juge­ment après consul­ta­tion des gens d’âge et d’expérience.

Mais l’autorité devien­drait inef­fi­cace si, de quelque façon et en quelque mesure, elle se trou­vait limi­tée par une assem­blée dotée d’une part d’autorité.

Jusqu’à pré­sent et donc de droit, l’autorité dans l’Eglise a été per­son­nelle, atta­chée à une per­sonne phy­sique ; auto­ri­té pater­nelle, don­née et reçue soit par grâce spé­ciale, soit par man­dat ou mis­sion. Telle est la véri­table rai­son fon­da­men­tale de l’efficacité : la pater­ni­té exer­cée avec esprit de foi et l’aide de la grâce.

C’est donc avec pru­dence que nous devons prendre une déci­sion au sujet de ce Conseil près la Sacrée Congrégation de la Propagande.

Enfin et en somme :

Que demandent et réclament tou­jours à leurs supé­rieurs géné­raux les évêques missionnaires ?

Qu’attendent-ils de la Propagande de la Foi et de tous les évêques des anciens diocèses ?

Des coopé­ra­teurs, soit clercs, soit laïques, puis une aide pécu­niaire, rien d’autre.

Je vou­drais donc proposer :

1 – Au sujet des coopérateurs :

a) Autant que pos­sible, qu’ils soient du pays même de la mis­sion. C’est un fait d’expérience que, dans les ter­ri­toires des mis­sions, beau­coup de braves jeunes gens peuvent deve­nir d’excellents coopé­ra­teurs, mais par­viennent dif­fi­ci­le­ment au sacer­doce. Si aujourd’hui, ils pou­vaient d’abord deve­nir aco­lytes, puis, après une assez longue période de pro­ba­tion, diacres non mariés, ils pour­raient aider lar­ge­ment les prêtres dans les paroisses. En quelques années, ils pour­raient être nombreux.

b) Les évêques des anciens dio­cèses ne doivent nul­le­ment craindre d’aider géné­reu­se­ment les voca­tions mis­sion­naires. C’est un fait d’expérience que là où, dans un vil­lage, un seul jeune homme répond à sa voca­tion, il en attire d’autres. La géné­ro­si­té engendre la géné­ro­si­té. Peut-​être, afin d’éviter quelque riva­li­té, pourrait-​on dans cer­taines régions où des voca­tions sont en baisse, ras­sem­bler tous les jeunes gens dans un seul petit sémi­naire, et, la der­nière année seule­ment, en effec­tuer le tri.

2 – Au sujet de l’aide pécu­niaire : J’ai tou­jours eu la convic­tion que cette ques­tion n’est pas inso­luble, du moins jusqu’à un cer­tain point.

Si chaque année, chaque évêque mis­sion­naire pré­sen­tait au Conseil géné­ral de la Propagande de la Foi une requête rai­son­nable, pré­cise et concrète, ce Conseil pour­rait, par l’intermédiaire du pré­sident natio­nal de la Propagande de la Foi, deman­der à un évêque de choi­sir lui-​même une ville ou une paroisse de son dio­cèse pour se char­ger d’une œuvre concrète, selon une juri­dic­tion concrète. Ce serait un hon­neur pour une ville ou une paroisse de fon­der une église ou une école ou quelque autre mai­son, dans les régions pauvres.

Ce sera là, peut-​être, une excel­lente occa­sion pour l’évêque bien­fai­teur et une délé­ga­tion de son dio­cèse, de se rendre au lieu de cette fon­da­tion, par exemple au jour de sa bénédiction.

Il semble tou­te­fois indis­pen­sable que tout se fasse par l’intermédiaire de la Propagande de la Foi à Rome et de l’évêque dio­cé­sain, afin d’éviter les abus et, sur­tout, afin que les évêques mis­sion­naires n’aient plus à par­cou­rir le monde pour obte­nir quelques mil­liers de dol­lars et perdre, en frais de voyages, la presque tota­li­té des sommes récoltées.

En com­plé­ment à tout cela, nous devons ajou­ter l’indispensable secours de la prière. Et, afin d’obtenir ces prières pour les mis­sions, il pour­rait exis­ter une œuvre vouée à sus­ci­ter ces prières et à renou­ve­ler leurs inten­tions. Nul n’ignore, en effet, que tout est pos­sible avec le Christ et, sans Lui, rien.

J’ai dit. [1]

† Marcel Lefebvre

Notes de bas de page
  1. Intervention dépo­sée au Secrétariat géné­ral du concile[]

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.