Tout d’abord, il me semble que le temps accordé à l’étude et à l’approbation de ce « message à tous les hommes » [1] n’est pas assez long ; en effet, ce message est du plus haut intérêt.
En second lieu et à mon humble avis, il considère surtout les biens humains et temporels et trop peu les biens spirituels et éternels ; il tient compte surtout du bien de la cité terrestre et trop peu de la Cité céleste vers laquelle nous tendons et pour laquelle nous sommes sur terre.
Bien que les hommes attendent de nous, par l’exercice de nos vertus chrétiennes, l’amélioration de leur condition temporelle, combien plus cependant ils désirent, sur cette terre déjà, les biens spirituels et surnaturels.
Il pourrait être parlé davantage de ces biens-ci, puisqu’ils sont les vrais biens, essentiels et éternels, dont nous pouvons et devons jouir dès cette vie sur terre.
En ces biens se trouvent essentiellement la paix et la béatitude.
† Marcel Lefebvre
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Annexe : Message du Concile à tous les hommes – 20 octobre 1962
À tous les hommes, à toutes les nations, nous voulons adresser un message de salut, d’amour et de paix que le Christ Jésus, Fils du Dieu vivant, a apporté au monde et confié à son Église. C’est pour cela que, réunis à l’appel de Sa Sainteté le Pape Jean XXIII, « unanimes dans la prière avec Marie, Mère de Jésus », nous, successeurs des Apôtres, sommes ici rassemblés, dans l’unité du Corps apostolique, dont le successeur de Pierre est la tête.
Que brille le visage de Jésus Christ ! Dans cette assemblée, sous la conduite de l’Esprit Saint, nous cherchons comment nous renouveler nous-mêmes pour « nous trouver de plus en plus fidèles à l’Évangile du Christ ». Nous nous appliquerons à présenter aux hommes de ce temps la vérité de Dieu dans son intégrité et dans sa pureté, de telle sorte qu’elle leur soit intelligible et qu’ils y adhèrent de bon cœur.
Pasteurs, nous voulons répondre aux besoins de tous ceux qui cherchent Dieu, « dans l’espoir de le découvrir à tâtons ; et, certes, il n’est pas loin de chacun de nous ». C’est pourquoi, obéissant à la volonté du Christ qui s’est livré à la mort « afin de présenter une Église sans tache ni ride, mais sainte et immaculée », nous nous donnerons tout entiers à cette œuvre de rénovation spirituelle pour que l’Église, aussi bien dans ses chefs que dans ses membres, présente au monde le visage attirant du Christ qui brille dans nos cœurs « pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu ».Dieu a tant aimé le monde
Nous croyons que le Père a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils pour le sauver, nous libérer du péché et de son esclavage, « nous réconcilier avec son Père, établissant la paix par le sang de sa croix », en sorte que nous soyons « fils de Dieu, et de nom et de fait ». Il nous a envoyé de la part du Père son Esprit, afin que nous vivions de sa vie divine dans l’amour pour Dieu et dans l’amour pour nos frères, ne faisant tous ensemble qu’un dans le Christ. Mais, bien loin de nous détourner de nos tâches terrestres, notre adhésion au Christ, dans la foi, l’espérance et l’amour, nous engage tout entiers au service de nos frères, à l’exemple de notre Maître adorable « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir ». C’est pourquoi l’Église n’est pas faite pour dominer, mais pour servir. « Il a donné sa vie pour nous ; nous devons donc à notre tour livrer notre vie pour nos frères. » Nous attendons d’ailleurs des travaux du Concile que, donnant à la lumière de la foi un éclat plus vif, elle procure un renouveau spirituel, et, par répercussion, un heureux élan dont bénéficient les valeurs d’humanité : les découvertes de la science, le progrès technique et la diffusion de la culture.
L’amour du Christ nous presse
Nous apportons avec nous de toutes les parties de la terre les détresses matérielles et spirituelles, les souffrances et les aspirations des peuples qui nous sont confiés. Nous sommes attentifs aux problèmes qui les assaillent. Notre sollicitude veut s’étendre aux plus humbles, aux plus pauvres, aux plus faibles ; comme le Christ, nous nous sentons émus de compassion à la vue de ces foules qui souffrent de la faim, de la misère, de l’ignorance. Nous nous sentons solidaires de tous ceux qui, faute d’une entraide suffisante, n’ont pu encore parvenir à un développement vraiment humain. Aussi, dans nos travaux, donnerons-nous une part importante à tous ces problèmes terrestres qui touchent à la dignité de l’homme et à une authentique communauté des peuples. Car « l’amour du Christ nous presse » : « Si quelqu’un voit son frère dans le besoin et lui ferme son cœur, comment l’amour de Dieu serait-il en lui ? »
Deux projets majeurs
Dans son Message radiophonique du 11 septembre 1962, le Souverain Pontife Jean XXIII a insisté particulièrement sur deux points. D’abord, le problème de la paix entre les peuples. Qui n’a point en horreur la guerre ? Qui n’aspire à la paix de toutes ses forces ? L’Église aussi, plus que personne, parce qu’elle est la mère de tous. Par la voix des papes, elle ne cesse de proclamer son amour de la paix, sa volonté de paix, sa collaboration loyale à tout effort sincère en faveur de la paix. Elle travaille de toutes ses forces au rapprochement entre les peuples, à leur compréhension et à leur estime réciproque. Notre assemblée conciliaire n’est-elle pas elle-même le témoignage vivant, le signe visible d’une communauté d’amour fraternel à travers la diversité des races, des nations et des langues ? Nous affirmons l’unité fraternelle des hommes par-dessus les frontières et les civilisations. En outre, le Souverain Pontife rappelle les exigences de la justice sociale. La doctrine présentée dans l’encyclique Mater et Magistra montre à l’évidence que l’Église est, plus que jamais, nécessaire au monde moderne pour dénoncer les injustices et les inégalités criantes, pour restaurer la vraie hiérarchie des valeurs, rendre la vie plus humaine et plus conforme aux principes de l’Évangile.
La force de l’Esprit
Sans doute, nous n’avons ni moyens économiques ni puissance terrestre, mais nous mettons notre espoir dans la force de l’Esprit que le Seigneur Jésus a promise à son Église. C’est pourquoi, humblement et ardemment, nous faisons appel à nos frères au service de qui nous sommes comme pasteurs, mais aussi à tous nos frères qui croient au Christ et à tous les hommes de bonne volonté « que Dieu veut sauver et conduire à la connaissance de la vérité » : qu’ils s’unissent à nous pour travailler à bâtir eux- mêmes en ce monde une cité plus juste et plus fraternelle. Car tel est bien le dessein de Dieu que, par la charité, d’une certaine façon, brille sur la terre le royaume de Dieu comme une lointaine ébauche de son royaume éternel. Au milieu d’un monde encore si éloigné de la paix qu’il souhaite, angoissé devant les menaces que font peser sur lui les progrès techniques, admirables en eux-mêmes, mais périlleux tant qu’ils sont sans référence à une loi morale supérieure, puisse briller la lumière de la grande espérance en Jésus Christ, l’unique Sauveur.
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