À Rome, des signes de plus en plus nombreux montrent qu’une une réconciliation complète avec la FSSPX pourrait finalement aboutir et qu’elle devrait bientôt avoir sa propre prélature personnelle, qui est à peu près le statut de l’Opus Dei. D’autres disent que les négociations entre le Vatican et la Fraternité ont échoué. Pouvez-vous clarifier cela ?
Le 14 Septembre 2011, le cardinal Levada a présenté à Mgr Fellay, notre supérieur général, un « Préambule doctrinal » dont l’acceptation est la condition pour une reconnaissance canonique de la FSSPX. Nous avons mené de vastes consultations sur ce texte et en sommes venus à la conclusion qu’il n’est pas acceptable. Finalement, le 1er décembre, j’ai moi-même porté à Rome la réponse du supérieur général, et, à la demande romaine, il a fourni une clarification de cette réponse. Maintenant nous attendons avec impatience le résultat de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le pape a dit qu’il n’aurait pas consenti à la levée de l’excommunication de vos quatre évêques s’il avait eu connaissance des déclarations de Mgr WIlliamson. Qu’adviendra-t-il de Mgr Williamson après la réconciliation ?
Je ne suis pas prophète, mais je pense évidemment que, dans les négociations à propos de la structure canonique de notre Fraternité, qui ne se tiendront pas en une seule session, les participants parleront aussi de Mgr WIlliamson. Mais on peut certainement attendre qu’il obéira aux ordres du supérieur général.
On dit de Mgr Lefebvre, le fondateur de la Fraternité, qu’il « adhérait de tout cœur à la Rome éternelle ». Est-ce qu’il ne se serait pas déjà lui-même réconcilié avec ce pape qui lui tend autant la main ?
Ce ne sont pas des choses faciles. Durant la visitation de nos œuvres par le cardinal Gagnon en 1987, Mgr Lefebvre a écrit une lettre au cardinal pour proposer une strcuture canonique à la Fraternité. Dans le même temps, il a clairement montré que l’œcuménisme actuel, sous le symbole du relativisme religieux, la liberté religieuse, fruit du sécularisme contemporain, et la collégialité, qui paralyse complètement la vie de l’Église, étaient inacceptables pour nous. Hélas, encore aujourd’hui, il demeure des divergences sur ce sujet avec le pape régnant.
Quels arguments raisonables la Fraternité a‑t-elle vraiment contre la liberté religieuse dont l’application joue aujourd’hui un rôle clé pour la paix mondiale ?
La liberté religieuse n’est pas, en premier lieu, une question pratique, mais une question de doctrine. La condamnation de la liberté religieuse par les papes n’a jamais impliqué la volonté de forcer les autres à accepter la religion catholique, mais elle implique que l’État, dans lequel la majorité de la population est catholique, doit reconnaître que la religion catholique est la religion révélée par Dieu. Dans le même temps, il peut très bien tolérer d’autres religions et confessions et sanctionner cette tolérance même dans les lois civiles.
Bien sûr, dans notre époque pluraliste, une telle tolérance devrait être largement en usage. Mais, dans le même temps, l’erreur ne sera jamais un droit (naturel). À partir du moment où un homme est capable de reconnaître Dieu à la lumière de la raison et d’être conscient de la vraie religion, alors c’est aussi vrai pour les hommes d’État ; et c’est exactement ce que les papes, jusqu’à Pie XII, ont maintenu en condamnant la liberté religieuse. Tout le reste es, en fin de compte, de l’agnosticisme.
Les papes récents se sont tous engagés dans l’œcuménisme, comme une consolidation des confessions, selon les mots du Christ « Qu’ils soient Un », comme il l’a prié (Jean 17, 21). Vous élevez-vous contre cela ?
Chaque dimanche, les fidèles chantent : « Je crois en l’Église une sainte, catholique et apostolique » ; la prière du Christ ne se réfère au fait qu’ils ont d’abord à devenir un. En réalité, au cours de l’histoire, des groupes ont rompu avec cette Église une , par exemple les Grecs au XIe siècle, et Luther et des disciples, au XVIe siècle. Pour tous les chrétiens sincères, c’est une grande douleur, aussi prions-nous pour le retour de ceux qui se sont séparés de l’Église, de leur maison natale.
Jusqu’à aujourd’huin chaque secte a affirmé, avec une certaine arrogance vis-à-vis de la majorité, qu’elle détenait la vérité. Mgr Lefebvre était différent. Il a beaucoup souffert de la menace de la division et de l’état d’urgence du statut non-résolu de la Fraternité. La Fraternité s’est-elle habituée à cette crise ou prend-elle conscience du danger qu’il y aurait à s’y habituer ?
Un cas d’urgence est un cas d’urgence, il est anormal et on aspire à la normalisation. Mais comment pouvons-nous arriver à un compromis avec les rencontres d’Assise qui, implicitement (pas explicitement !) proclame que toutes les religions sont des chemins de salut ? Une urgence est une situation d’urgence, il est anormal et s’efforce vers la normalisation. Bien sûr, nous souffrons de la situation actuelle, mais nous souffrons mille fois plus à cause de ce relativisme religieux conduit finalement à l’indifférence et l’athéisme, et d’innombrables âmes à la perdition
Le pape a mis en jeu sa réputation (et l’unité de toute l’Église) il y a trois ans pour la réconciliation avec la Fraternité. Qu’est-ce que la Fraternité offre pour se réconcilier avec l’Église ?
Quand elle sera reconnue canoniquement, la Fraternité appportera un grand potientiel religieux et une grande force de foi à l’intérieur de l’Église. Je vois quelques communautés ecclésiastiques qui ont choisi la cause de l’unité parfaite de la doctrine, la liturgie et la spiritualité, et d’en vivre. Nous apportons le grand trésor d’avoir, dès le début, célébré l’ancienne et magnifique liturgie, avec charisme de la foi et la sainteté.
En outre, la Fraternité sera un grand soutien pour le pape contre les chismes latents portés, un peu partout en Europe, par des forces centrifuges, voyez l’Autriche, par exemple. Récemment, un archevêque allemand m’a dit qu’il s’attendait à la séparation de communautés entières.
Ce n’était pas ma question. Je vous rappelle que le pape a tout risqué pour la réconciliation, et je voudrais savoir ce que bous seriez prêts à sacrifier.
Nous allons donner la relative liberté rqui nous a servi pour l’expansion mondiale de notre œuvre et la mettre dans la main du pape. Pour le reste, il ne s’agit pas d’un accord diplomatique mais du bien de l’Église et du salut des âmes. Le problème dans l’Église n’est pas la Fraternité, mais les théologiens modernistes et l’effondrement progressif de la vie ecclésiale depuis le concile Vatican II.
Même les anglicans trouvent un toit dans l’Église catholique. Alors qu’est-ce qui vous a empêché de vous sentir chez dans l’Église jusqu’à présent ?
Fondamentalement les mêmes tendances qui ont poussé les anglicans à fuir vers l’Église catholique se sont emparées de cette même Église depuis le Concile Vatican II, conduisant à une perte dévastatrice de la foi, à un effondrement moral, et à un ravage dans la liturgie. Pensez simplement aux messes-carnavals qui ont pénétrées aujourd’hui toutes les églises. Vous voyez, j’ai ici le discours du pape aux représentants du Comité central des catholiques allemands, le 24 septembre 2011. Dans ce discours, il dit : « la vraie crise de l’Église dans le monde occidental est une crise de la foi. Si nous n’arrivons pas à un véritable renouvellement de la foi, toute la réforme structurelle demeurera inefficace ». Par le Concile, ce n’est tout simplement pas l’Esprit de l’Église qui est entré dans le monde mais, au contraire, l’esprit du monde qui est entré dans l’Église
Je ne vous apprendrais pas qu’une petite partie au sein (ou aux marges) de la Fraternité n’accepte pas une réconciliation avec le pape. Êtes-vous disposé à faire échouer la réconciliation à cause de ce groupe ou êtes-vous prêt à vous séparer de ce groupe ?
Si, pour la reconnaissance canonique de la Fraternité, les autorités ecclésiastiques romaines ne demandent pas quelque chose de contraire à l’enseignement et à la praxis traditionnelles, il n’y aura pas de grand problème pour une régularisation. Si, par contre, Rome devait nous demander de reconnaître sans condition l’ensemble de Vatican II, alors je ne vois pas de possibilité de réconciliation.
Dans le cas d’une réconciliation, comment vous distinguerez-vous de sautre sgroupes qui s eréclament eux-mêmes de la Tradition ? En cas d’accord, qu’aurez-vous que d’autres n’aurons pas ?
Notre charisme spécial est la formation des prêtres et le soin des prêtres. En outre, la Fraternité s’est spécialisée dans la prédication des Exercices spirituels, la direction d’écoles et, tout simplement, le soin des paroisses qui sont aujourd’hui en grand désarroi. Il suffit de penser au Sacrement de Pénitence qui, par exemple ici à Stuttgart, n’est quasiment plus donné dans les paroisses, en dehors de quelques exceptions honorables. Cela fait s’avaporer dans le peuple la conscience du péché, la nécessité pour le salut, tout comme la prière, la réception des sacrements et l’esprit de sacrifice.
Certains replacent le travail du pape en faveur de cette réconciliation dans le cadre plus large de l’œcuménisme. Partagez-vous cette idée ou la craignez-vous ?
Si je ne me trompe pas, cela peut éventuellement s’appliquer à l’orthodoxie, mais en aucun cas aux différents groupes du protestantisme. En ce qui concerne la première, tous le sujet est de reconnaître la primauté de juridiction du pape. Pour les autres, il demeure toujours un écart important avec de dépôt de la foi catholique, autant qu’avec l’enseignement et la pratique des sacrements. Nous ne nous sentons aucunement coupable de cela même si, sur la base de certains arguments doctrinaux, nous devons résister à cerytaine sdirectives, comme l’acceptation de la nouvelle liturgie.
Aucun pape ne vous a plus soutenu que Benoît XVI. Mais il a maintenant bientôt 85 ans. Ne craignez-vous pas que le temps travaille contre vous ?
Il est vrai que nous rencontrons le pape régnant fait preuve d’une certaine bonne volonté à notre égard, et j’espère que nous pourrons trouver une solution au cours de son pontificat. D’un autre côté, la situation de l’Église se fait chaque jour plus dramatique et le pape lui-même parle de la perte de la foi dans de nombreux endroits. Cela n’est-il pas à mettre en relation avec certaines déclarations du Concile et les réformes post-conciliaires ? Chez certains prélats, une lumière semble s’être allumée et plus la crise continue, plus brillante est la lumière. En ce sens, le temps travaille donc pour nous.
Y a‑t-il plus d’espoir que de danger qu’un nouveau schisme entre Rome et la Fraternité soit évité d’ici Pâques ?
La Fraternité a vu de nombreuses crises et en est toujours sortie plus forte. En outre, elle a, et tout se smembres et maisons avec elle, était consacrée à la Vierge le 8 décembre 1984. Je ne crois pas que Dieu laisse tomber une œuvre de sa propre mère.
Abbé Franz Schmidberger, supérieur du district d’Allemagne