19e anniversaire du rappel à Dieu de S. Exc. Mgr Marcel LEFEBVRE

Archevêque de Dakar,
Délégué apos­to­lique pour l’Afrique francophone
Évêque de Tulle
Assistant au Trône pontifical
Supérieur géné­ral de la Congrégation des Pères du Saint Esprit
Fondateur et supé­rieur géné­ral de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X
né à Tourcoing le 29 novembre 1905
décé­dé à Martigny le 25 mars 1991
inhu­mé au sémi­naire inter­na­tio­nal Saint-​Pie X à Écône

« Le soir de la fête de saint Thomas d’Aquin, le 7 mars, Monseigneur célé­brait à Écône, la messe pour les amis et bien­fai­teurs du Valais et leur don­nait ensuite une confé­rence sur la situa­tion de l’Église et sur nos devoirs dans le com­bat et le labeur pour les ins­ti­tu­tions chré­tiennes. Il se plai­gnait de dou­leurs au ventre et ne par­ti­ci­pait pas au repas. Le jour sui­vant, il offrait pour la der­nière fois le Saint Sacrifice de nos autels et mal­gré des dou­leurs sen­sibles, par­tait aus­si­tôt pour Paris à une réunion des res­pon­sables des Cercles de tra­di­tion. En route son état de san­té s’avérait alar­mant. Après avoir pas­sé la pre­mière par­tie de la nuit du ven­dre­di au same­di dans un hôtel, il reve­nait à l’aube à Écône avec M. Borgeat, son chauf­feur. Sur sa propre demande il est hos­pi­ta­li­sé à l’hôpital de Martigny. Les méde­cins sup­po­saient d’abord une infec­tion intes­ti­nale et le met­taient à la diète pres­cri­vant des infusions.

Le lun­di 11 Mars dans l’après-midi, je lui ren­dis visite une der­nière fois. Il était plein d’humour et les dou­leurs avaient dimi­nué un peu. « Je trouve injuste, dit-​il à l’infirmière, que l’on ne me donne rien à man­gé et mal­gré tout je paie le même prix de pen­sion. Vous faites une affaire avec moi ». Et se tour­nant vers moi, il dit avec un sou­rire : « J’ai deman­dé à M. l’abbé Simoulin de bien pré­pa­rer le caveau. Si je pou­vais mou­rir comme ma sœur, Sœur Jeanne, ce serait une belle mort. » Et dans ce contexte, il me disait : « je vous appel­le­rai » – fai­sant sans doute allu­sion à ses der­niers moments -. Je lui don­nais les der­nières nou­velles de la Fraternité qu’il écou­ta avec grand inté­rêt ; c’était avant tout le pro­jet d’une nou­velle mai­son géné­ra­lice que je lui expo­sai avec les rai­sons favo­rables du pro­jet. « Que Dieu bénisse ce pro­jet » fut sa conclu­sion. C’est sur ces paroles que je le quit­tai. Au soir de ce même jour, M. l’abbé Simoulin, sur la demande de Monseigneur lui-​même, lui don­na l’Extrême Onction.

Avec le scan­ner, les méde­cins diag­nos­ti­quèrent, le 15 mars, une tumeur impor­tante ; une opé­ra­tion s’avérait néces­saire. Le dimanche de la Passion il put encore s’unir sacra­men­tel­le­ment, une der­nière fois, à la Victime eucha­ris­tique de nos autels. L’opération se fit dans la mati­née du 18 mars et se dérou­la tout à fait nor­ma­le­ment : trois grands kystes furent enle­vés ; les ana­lyses sub­sé­quentes révé­le­ront leur nature can­cé­reuse. Quelques jours plus tard, des pro­blèmes car­diaques se mani­fes­taient. C’est pour­quoi notre patient fut gar­dé aux soins inten­sifs. Le same­di pré­cé­dant le dimanche des Rameaux il confir­mait à l’abbé Simoulin qu’il offrait ses souf­frances pour la Fraternité et pour l’Église. Ce furent pra­ti­que­ment ses der­nières paroles. Le matin du dimanche des Rameaux, la fièvre mon­tait à 40°. Seuls les anti­bio­tiques les plus forts arri­vaient à la maî­tri­ser. Monseigneur res­tait conscient mais il per­dit, au cours de la jour­née du dimanche, la facul­té de s’exprimer.

Le soir, l’abbé Simoulin le visi­tait encore une fois vers 19 h. Son état était très inquié­tant. Vers 23 h, l’hôpital pré­ve­nait Écône que Monseigneur venait de subir une attaque, pro­ba­ble­ment une embo­lie pul­mo­naire. Toute la com­mu­nau­té du sémi­naire se ras­sem­blait alors à la cha­pelle ; l’abbé Simoulin se ren­dit à l’hôpital et pria au che­vet de Monseigneur les prières des ago­ni­sants. Il était dans le coma. Vers 1 h 15, le lun­di, le télé­phone son­nait à la Maison géné­ra­lice. M. l’abbé Laroche nous annon­çait que Monseigneur était à ses der­niers ins­tants. Tandis que la com­mu­nau­té de la mai­son se ras­sem­blait à la cha­pelle, je par­tis immé­dia­te­ment à Martigny où j’arrivais à 3 h 15. Monseigneur était réani­mé arti­fi­ciel­le­ment, les fonc­tions du corps se mour­raient peu à peu. Vers 3 h 30, le méde­cin consta­tait la mort. Dans un der­nier ser­vice d’amour je fer­mai les yeux à notre Père bien-aimé.

Si nous jetons un regard sur cette vite très riche, on ne peut que la voir dans une pro­fonde et authen­tique imi­ta­tion de Notre Seigneur Jésus Christ dans les der­nières étapes de sa vie, spé­cia­le­ment dans son sacer­doce sou­ve­rain et dans son Sacrifice sur le Calvaire. Les trois minis­tères de l’Homme-Dieu peuvent se résu­mer en trois devises qui ont rayon­né comme des phares sur le che­min de sa vie : « Credidimus Caritati » « nous avons cru à l’Amour » ; « Instaurare omnia in Christo », « tout renou­ve­ler dans le Christ » ; « Accepi quod et tra­di­di vobis », « je vous ai trans­mis ce que j’ai reçu moi-même ».

Abbé Franz Schmidberger ,

Ancien supé­rieur géné­ral de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X