Dans une lettre aux amis et bienfaiteurs de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie‑X (n° 9, datée de la fête de saint Pie X 1975 (*) – lettre largement diffusée –, Mgr Lefebvre écrit :
« Le moment me semble venu de porter à votre connaissance les derniers événements concernant Ecône, et l’attitude qu’en conscience, devant Dieu, nous croyons devoir prendre en ces graves circonstances. »
Dans cette même lettre, il dit ceci :
« C’est parce que nous estimons que toute notre foi est en danger par les réformes et les orientations post conciliaires que nous avons le devoir de désobéir et de garder les traditions. C’est le plus grand service que nous pouvons rendre à l’Eglise catholique, au Successeur de Pierre, au salut des âmes et de notre âme, que de refuser l’Eglise réformée et libérale, car nous croyons en Notre Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu fait homme, ni n’est ni libéral, ni réformable » (**).
La Télévision suisse, dans une émission du 6 novembre dernier, a présenté une émission sur l’intégrisme. Une très large place a été faite aux initiatives liturgiques placées sous le patronage de messes célébrées selon le rite de saint Pie V.
Le journal le Monde, dans son numéro du 27 novembre, donne quelques informations sur le même sujet et publie en particulier la lettre du Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit qui désavoue publiquement les positions de Mgr Lefebvre.
Le journal la Croix, dans son numéro du 27 novembre, sous le titre « Mgr Lefebvre refuse l’obéissance à Paul VI », informe lui aussi ses lecteurs.
En accord avec la Conférence des évêques suisses, nous avons tenu, pour notre part, publier les lettres qui constituent ce nouveau dossier. Quelques commentaires sont nécessaires.
1. II est surprenant que Mgr Lefebvre n’ait pas répondu à la première lettre si claire et si paternelle du Souverain Pontife.
2. II a donc été nécessaire que le Pape écrive de sa main une nouvelle lettre pour que Mgr Lefebvre reconnaisse l’authenticité de la première.
3. Dans sa réponse, Mgr Lefebvre exprime son « attachement sans réserve au Saint-Siège et au Vicaire du Christ ».
4. Cependant, entre cette affirmation et la poursuite de l’activité du séminaire d’Ecône, la fondation de nouveaux Instituts, certaines prises de position contre le IIe Concile du Vatican et la lettre aux amis et bienfaiteurs que nous venons de citer, il y a, à mes yeux, contradiction, puisqu’on y invite au « devoir de désobéir ».
C’est avec une grande tristesse que nous donnons ces informations. Nous avons tant espéré que Mgr Lefebvre accepterait les demandes du Souverain Pontife. Il est plus urgent que jamais d’intensifier nos prières pour que fidéles, prêtres et évêques restent attachés par leurs actes au Successeur de Pierre, car sans attachement et soumission au Pape il n’y a plus d’Eglise catholique.
Nous rappelons :
a) Ce qu’écrivait S. S. le Pape Paul VI à Mgr Lefebvre (lettre du 29 juin 1975) :
« Certes, des problèmes d’un tout autre ordre nous préoccupent également. La superficialité de certaines lectures des documents conciliaires, des initiatives individuelles ou collectives relevant parfois davantage du libre arbitre que de l’adhésion confiante à l’enseignement de l’Ecriture et de la Tradition, des démarches pour lesquelles la foi sert arbitrairement de caution, nous les connaissons, nous en souffrons et nous nous efforçons d’y remédier pour notre part, à temps et à contretemps. Mais comment s’en prévaloir pour s’autoriser à des excès gravement préjudiciables ? Telle n’est pas la voie, puisqu’elle emprunte en définitive un itinéraire comparable à celui qui est dénoncé… »
b) Ce que nous a écrit S. Em, le cardinal Jean Villot, secrétaire d’Etat (lettre du 27 octobre1975) :
« La vigilance en matière doctrinale et liturgique, la clairvoyance dans le discernement des réformes à mettre en œuvre, la patience et le tact dans la conduite du Peuple de Dieu, le souci des vocations sacerdotales et d’une préparation exigeante aux taches du ministère, tout cela est sans nul doute le témoignage le plus efficace qu’un Pasteur puisse donner. »
c) Ce que nous avons écrit (le 7 juin dernier) :
« Nous demeurons cependant tristes (mais confiants), parce que nous avons dû dire publiquement des dissensions dans la famille des enfants de Dieu et des fils de l’Eglise. Nous aurions aimé résoudre nos problèmes entre nous, dans la discrétion et le silence. Nous n’y sommes pas parvenus. Prions beaucoup, afin que la paix et la confiance reviennent. »
Que Dieu nous donne de rester fidèles à la vérité dans une constante charité.
Fribourg, le 6 décembre 1975.
† Pierre MAMIE, évêque.