Jean-Paul II

264e pape ; de 1978 à 2005

23 juin 1993

Déclaration de Balamand (Liban)

L'uniatisme, méthode d'union du passé, et la recherche actuelle de la pleine communion

Table des matières

La pré­sente Déclaration a été adop­tée le 23 juin 1993 au monas­tère Notre-​Dame de Balamand au Liban à l’oc­ca­sion de la VIe Rencontre de la Commission mixte inter­na­tio­nale pour le dia­logue théo­lo­gique entre l’Église catho­lique romaine et l’Église orthodoxe.

Celle-​ci rejette expli­ci­te­ment la recherche de l’u­ni­té par la conver­sion des éga­rés (c’est-​à-​dire la doc­trine de l’Eglise, telle qu’elle se trouve notam­ment dans l’en­cy­clique Mortalium ani­mos). Ceux qui ne recon­naissent pas la juri­dic­tion suprême du pape ne sont plus consi­dé­rés comme des éga­rés. La recon­nais­sance du pape régnant comme étant chef suprême de l’Eglise est consi­dé­ré comme un élé­ment facul­ta­tif du chris­tia­nisme, ce qui est tota­le­ment contraire à la consti­tu­tion même de l’Eglise. Jean-​Paul II a, à l’oc­ca­sion, approu­vé la pré­sente décla­ra­tion dans son dis­cours du 29 juin sui­vant, auprès d’une délé­ga­tion du patriar­cat schis­ma­tique de Constantinople.

Balamand (Liban), 23 juin 1993

Introduction

1. À la demande de l’Église ortho­doxe, la pro­gres­sion nor­male du dia­logue théo­lo­gique avec l’Église catho­lique a été inter­rom­pue pour que soit immé­dia­te­ment abor­dée la ques­tion qui est appe­lée « uniatisme ». 

2. Au sujet de la méthode qui a été appe­lée « unia­tisme », il a été décla­ré à Freising (juin 1990) que « nous la reje­tons comme méthode de recherche d’unité parce qu’opposée à la tra­di­tion com­mune de nos Églises ». 

3. En ce qui concerne les Églises orien­tales catho­liques, il est clair qu’elles ont, comme par­tie de la Communion catho­lique, le droit d’exister et d’agir pour répondre aux besoins spi­ri­tuels de leurs fidèles. 

4. Le docu­ment éla­bo­ré à Ariccia par le comi­té mixte de coor­di­na­tion (juin 1991) et ache­vé à Balamand (juin 1993) indique la méthode qui est la nôtre dans l’actuelle recherche de la pleine com­mu­nion, don­nant ain­si les rai­sons de l’exclusion de l’«uniatisme » comme méthode. 

5. Ce docu­ment com­prend deux parties :

  1. prin­cipes ecclé­sio­lo­giques et
  2. règles pra­tiques. 

Principes ecclésiologiques 

6. La divi­sion entre les Églises d’Orient et d’Occident non seule­ment n’a jamais étouf­fé le désir de l’unité vou­lue par le Christ, mais sou­vent cette situa­tion contraire à la nature de l’Église a été pour beau­coup l’occasion de prendre une conscience plus vive de la néces­si­té de réa­li­ser cette uni­té pour être fidèle au com­man­de­ment du Seigneur. 

7. Au cours des siècles diverses ten­ta­tives ont été faites pour réta­blir l’unité. Elles ont cher­ché à atteindre ce but par des voies variées, par­fois conci­liaires, selon la situa­tion poli­tique, his­to­rique, théo­lo­gique et spi­ri­tuelle de chaque époque. Malheureusement, aucun de ces efforts n’a réus­si à réta­blir la pleine com­mu­nion entre l’Église d’Occident et l’Église d’Orient, et par­fois même ils ont dur­ci les oppositions. 

8. Durant les quatre der­niers siècles, en diverses régions de l’Orient, des ini­tia­tives ont été prises, de l’intérieur de cer­taines Églises et sous l’impulsion d’éléments exté­rieurs, pour réta­blir la com­mu­nion entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident. Ces ini­tia­tives ont conduit à l’union de cer­taines com­mu­nau­tés avec le Siège de Rome et ont entraî­né, comme consé­quence, la rup­ture de la com­mu­nion avec leurs Églises-​mères d’Orient. Cela se pro­dui­sit non sans l’intervention d’intérêts extra-​ecclésiaux. Ainsi sont nées des Églises orien­tales catho­liques et s’est créée une situa­tion qui est deve­nue source de conflit et de souf­frances d’abord pour les ortho­doxes mais aus­si pour les catholiques. 

9. Quoi qu’il en soit de l’intention et de l’autenticité de la volon­té d’être fidèle au com­man­de­ment du Christ : « que tous soient un », expri­mées dans ces unions par­tielles avec le Siège de Rome, on doit consta­ter que le réta­blis­se­ment de l’unité entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident n’a pas été atteint et que la divi­sion per­siste, enve­ni­mée par ces tentatives. 

10. La situa­tion ain­si créée engen­dra en effet ten­sions et oppositions.

Progressivement, dans les décen­nies qui sui­virent ces unions, l’action mis­sion­naire ten­dit à ins­crire par­mi ses prio­ri­tés l’effort de conver­sion des autres chré­tiens, indi­vi­duel­le­ment ou en groupe, pour les faire « retour­ner » à sa propre Église. Pour légi­ti­mer cette ten­dance, source de pro­sé­ly­tisme, l’Église catho­lique déve­lop­pa la vision théo­lo­gique selon laquelle elle se pré­sen­tait elle-​même comme l’unique dépo­si­taire de salut. Par réac­tion, l’Église ortho­doxe, à son tour, en vint à épou­ser la même vision selon laquelle chez elle seule se trou­vait le salut. Pour assu­rer le salut des « frères sépa­rés », il arri­vait même qu’on rebap­ti­sât des chré­tiens, et qu’on oubliât les exi­gences de la liber­té reli­gieuse des per­sonnes et de leur acte de foi, pers­pec­tive à laquelle l’époque était peu sensible. 

11. D’un autre côté, cer­taines auto­ri­tés civiles ont fait des ten­ta­tives pour rame­ner des catho­liques orien­taux dans l’Église de leurs pères. À cette fin, elles n’hésitaient pas, si l’occasion s’en pré­sen­tait, à uti­li­ser des moyens inacceptables. 

12. À cause de la manière dont catho­liques et ortho­doxes se consi­dèrent à nou­veau dans leur rap­port au mys­tère de l’Église et se redé­couvrent comme Églises sœurs, cette forme « d’apostolat mis­sion­naire », décrite ci-​dessus, et qui a été appe­lée « unia­tisme », ne peut plus être accep­tée ni en tant que méthode à suivre, ni en tant que modèle de l’unité recher­chée par nos l’Églises. 

13. En effet, sur­tout depuis les confé­rences pan-​orthodoxes et le deuxième Concile du Vatican, la redé­cou­verte et la remise en valeur tant par les ortho­doxes que par les catho­liques, de l’Église comme com­mu­nion, ont chan­gé radi­ca­le­ment les pers­pec­tives et donc les attitudes.

De part et d’autre, on recon­naît que ce que le Christ a confié à son Église — pro­fes­sion de la foi apos­to­lique, par­ti­ci­pa­tion aux mêmes sacre­ments, sur­tout à l’unique sacer­doce célé­brant l’unique sacri­fice du Christ, suc­ces­sion apos­to­lique des évêques — ne peut être consi­dé­ré comme la pro­prié­té exclu­sive d’une de nos Églises. Dans ce contexte, il est évident que tout re-​baptême est exclu. 

14. C’est la rai­son pour laquelle l’Église catho­lique et l’Église ortho­doxe se recon­naissent mutuel­le­ment comme Églises sœurs, res­pon­sables ensemble du main­tien de l’Église de Dieu dans la fidé­li­té au des­sein divin, tout spé­cia­le­ment en ce qui concerne l’unité. Selon les paroles du Pape Jean-​Paul II, l’effort œcu­mé­nique des Églises sœurs d’Orient et d’Occident, fon­dé dans le dia­logue et la prière, recherche une com­mu­nion par­faite et totale qui ne soit ni absorp­tion ni fusion, mais ren­contre dans la véri­té et l’amour (cf. Slavorum Apostoli, n. 27). 

15. Restant ferme l’inviolable liber­té des per­sonnes et l’obligation uni­ver­selle de suivre les exi­gences de la conscience, dans l’effort pour réta­blir l’unité il ne s’agit pas de recher­cher la conver­sion des per­sonnes d’une Église à l’autre pour assu­rer leur salut. Il s’agit de réa­li­ser ensemble la volon­té du Christ pour les siens et le des­sein de Dieu sur son Église par une com­mune recherche entre Églises, d’un plein accord sur le conte­nu de la foi et ses impli­ca­tions. Cet effort est pour­sui­vi dans le dia­logue théo­lo­gique en cours. Le pré­sent docu­ment est une étape neces­saire dans ce dialogue. 

16. Les Églises orien­tales catho­liques qui ont vou­lu réta­blir la pleine com­mu­nion avec le Siège de Rome et y sont res­tées fidèles, ont les droits et obli­ga­tions qui sont liés à cette Communion dont elles font par­tie. Elles ont comme prin­cipes réglant leur atti­tude vis-​à-​vis des Églises ortho­doxes ceux qui ont été affir­més par le deuxième Concile du Vatican et ont été mis en œuvre par les Papes qui en ont pré­ci­sé les consé­quences pra­tiques en divers docu­ments publiés depuis lors. Il faut donc que ces Églises soient inté­grées, tant au niveau local qu’au niveau uni­ver­sel, au dia­logue de la cha­ri­té dans le res­pect mutuel et la confiance réci­proque retrou­vée, et qu’elles entrent dans le dia­logue théo­lo­gique avec toutes ses impli­ca­tions pratiques. 

17. Dans cette atmo­sphère, les consi­dé­ra­tions qui pré­cèdent et les règles pra­tiques qui vont suivre, dans la mesure où elles seront effec­ti­ve­ment reçues et fidè­le­ment obser­vées, sont de nature à mener à une solu­tion juste et défi­ni­tive des dif­fi­cul­tés posés par ces Églises orien­tales catho­liques à l’Église orthodoxe. 

18. À ce pro­pos, le Pape Paul VI avait affir­mé dans son dis­cours au Phanar en juillet 1967, « que c’est aux chefs des Églises, à leur hié­rar­chie, qu’il incombe de mener les Églises sur la voie qui conduit à la pleine com­mu­nion retrou­vée. Ils doivent le faire en se recon­nais­sant et en se res­pec­tant comme pas­teurs de la par­tie du trou­peau du Christ qui leur est confiée, en pre­nant soin de la cohé­sion et de la crois­sance du peuple de Dieu et en évi­tant tout ce qui pour­rait le dis­per­ser ou mettre de la confu­sion dans ses rangs » (Tomos Agapis, n° 172). Dans cet esprit, le Pape Jean-​Paul II et le Patriarche œcu­mé­nique Dimitrios Ier ont pré­ci­sé ensemble : « Nous reje­tons toute forme de pro­sé­ly­tisme, toute atti­tude qui serait ou pour­rait être per­çue comme un manque de res­pect » (7 décembre 1987) 

Règles pratiques 

19. Le res­pect mutuel entre les Églises qui se trouvent dans des situa­tions dif­fi­ciles, gran­di­ra sen­si­ble­ment dans la mesure où elles sui­vront les règles pra­tiques ci-après. 

20. Ces règles ne résou­dront pas les pro­blèmes qui nous pré­oc­cupent s’il n’y a pas d’abord dans cha­cune des par­ties une volon­té de par­don, fon­dé sur l’Évangile, et, au sein d’un effort constant de renou­veau, le désir sans cesse avi­vé de retrou­ver la pleine com­mu­nion qui a exis­té durant plus d’un mil­lé­naire entre nos Églises. C’est ici que doit inter­ve­nir avec une inten­si­té et une per­sé­vé­rance tou­jours renou­ve­lées le dia­logue de l’amour qui seul peut sur­mon­ter l’incompréhension réci­proque et qui est le cli­mat néces­saire à l’approfondissement du dia­logue théo­lo­gique qui per­met­tra de par­ve­nir à la pleine communion. 

21. La pre­mière démarche à faire est de mettre un terme à tout ce qui peut entre­te­nir la dis­corde, le mépris et la haine entre les Églises. Les auto­ri­tés de l’Église catho­lique aide­ront pour cela les Églises orien­tales catho­liques et leurs com­mu­nau­tés à pré­pa­rer elles aus­si la pleine com­mu­nion entre les Églises catho­lique et ortho­doxe. Les auto­ri­tés de l’Église ortho­doxe agi­ront d’une manière ana­logue vis-​à-​vis de leurs fidèles. Ainsi pour­ra être gérée, à la fois dans la cha­ri­té et la jus­tice, la situa­tion extrê­me­ment com­plexe qui s’est créé en Europe cen­trale et orien­tale, tant pour les catho­liques que pour les orthodoxes. 

22. L’action pas­to­rale de l’Église catho­lique tant latine qu’orientale ne tend plus à faire pas­ser les fidèles d’une Église à l’autre ; c’est-à-dire ne vise plus au pro­sé­ly­tisme par­mi les ortho­doxes. Elle vise à répondre aux besoins spi­ri­tuels de ses propres fidèles et n’a aucune volon­té d’expansion aux dépens de l’Église ortho­doxe. Dans ces pers­pec­tives, pour qu’il n’y ait plus place pour la méfiance et la sus­pi­cion, il est néces­saire qu’il y ait une infor­ma­tion réci­proque sur les divers pro­jets pas­to­raux et qu’ainsi puisse s’amorcer et se déve­lop­per une col­la­bo­ra­tion entre les évêques et tous les res­pon­sables de nos Églises. 

23. L’histoire des rela­tions entre l’Église ortho­doxe et les Églises orien­tales catho­liques a été mar­quée par des per­sé­cu­tions et des souf­frances. Quelles qu’aient été ces souf­frances et leurs causes, elles ne jus­ti­fient aucun triom­pha­lisme ; nul ne peut s’en glo­ri­fier ou en tirer argu­ment pour accu­ser ou déni­grer l’autre Église. Dieu seul connaît ses vrais témoins. Quel qu’ait été le pas­sé, il doit être lais­sé à la misé­ri­corde de Dieu, et toutes les éner­gies des Églises doivent être ten­dues à faire que le pré­sent et l’avenir soient plus conformes à la volon­té du Christ sur les siens. 

24. Il fau­dra aus­si — et cela de part et d’autre — que les évêques et tous les res­pon­sables tiennent compte scru­pu­leu­se­ment de la liber­té reli­gieuse des fidèles. Ceux-​ci doivent pou­voir expri­mer libre­ment leur opi­nion en étant consul­tés et en s’organisant à cette fin. La liber­té reli­gieuse demande, en effet, que, en par­ti­cu­lier dans les situa­tions de conflit, les fidèles puissent for­mu­ler leur option et déci­der sans pres­sion de l’extérieur s’ils veulent être en com­mu­nion soit avec l’Église ortho­doxe, soit avec l’Église catho­lique. La liber­té reli­gieuse serait vio­lée lorsque sous le cou­vert de l’aide finan­cière on atti­re­rait à soi les fidèles de l’autre Église en leur pro­met­tant, par exemple, l’éducation et les avan­tages maté­riels qui man­que­raient dans leur propre Église. Dans ce contexte, il fau­dra que l’aide sociale soit orga­ni­sée d’un com­mun accord ain­si que toute acti­vi­té phi­lan­thro­pique pour évi­ter que naissent de nou­velles suspicions. 

25. Par ailleurs, le res­pect néces­saire de la liber­té chré­tienne — l’un des dons les plus pré­cieux reçus dans le Christ — ne sau­rait deve­nir une occa­sion pour mettre en œuvre, sans consul­ta­tion préa­lable avec les diri­geants de ces Églises, un pro­jet pas­to­ral qui concerne aus­si les fidèles de ces Églises. Non seule­ment toute pres­sion, de quelque sorte qu’elle soit, est à exclure, mais le res­pect des consciences, mues par un authen­tique motif de foi, est l’un des prin­cipes gui­dant le sou­ci pas­to­ral des res­pon­sables des deux Églises et doit faire l’objet de leur consul­ta­tion (cf. Gal 5, 13). 

26. C’est pour­quoi il faut recher­cher et enga­ger un dia­logue ouvert en pre­mier lieu entre ceux qui, sur le ter­rain, ont la res­pon­sa­bi­li­té des l’Èglises. Les diri­geants de cha­cune des com­mu­nau­tés concer­nées crée­ront des com­mis­sions pari­taires locales ou ren­dront effi­caces celles qui existent pour trou­ver les solu­tions aux pro­blèmes concrets et pour faire appli­quer ces solu­tions dans la véri­té et l’amour, la jus­tice et la paix. Si l’on n’arrive pas à se mettre d’accord au niveau local, il fau­dra por­ter la ques­tion devant les ins­tances supé­rieures consti­tuées en com­mis­sions mixtes. 

27. La méfiance dis­pa­raî­trait plus faci­le­ment si les deux par­ties condam­naient la vio­lence là où des com­mu­nau­tés l’exercent contre des com­mu­nau­tés d’une Église sœur. Comme le demande Sa Sainteté le Pape Jean-​Paul II dans sa lettre du 31 mai 1991, il faut évi­ter abso­lu­ment toute vio­lence et toute espèce de pres­sion afin que soit res­pec­tée la liber­té de conscience. Il appar­tient aux diri­geants des com­mu­nau­tés d’aider leurs fidèles à appro­fon­dir leur loyau­té envers leur propre Église et envers sa tra­di­tion et de leur ensei­gner d’éviter non seule­ment la vio­lence, qu’elle soit phy­sique, ver­bale ou morale, mais tout ce qui peut mener à un mépris des autres chré­tiens et à un contre-​témoignage, bafouant l’œuvre du salut qui est récon­ci­lia­tion dans le Christ. 

28. La foi dans la réa­li­té sacra­men­telle implique que l’on res­pecte toutes les célé­bra­tions litur­giques des autres Églises. L’usage de la vio­lence pour s’emparer d’un lieu de culte contre­dit cette convic­tion. Celle-​ci, au contraire, veut qu’en cer­taines cir­cons­tances on faci­lite la célé­bra­tion des autres Églises en met­tant sa propre église à leur dis­po­si­tion par un accord per­met­tant de célé­brer alter­na­ti­ve­ment à des temps dif­fé­rents dans le même édi­fice. Plus encore l’éthique évan­gé­lique demande que l’on s’abstienne de décla­ra­tions ou de mani­fes­ta­tions sus­cep­tibles de per­pé­tuer un état conflic­tuel et de nuire au dia­logue. Saint Paul ne nous exhorte-​t-​il pas à être accueillants les uns pour les autres, comme le Christ le fut pour nous à la gloire de Dieu (cf. Rm 15, 7)? 

29. Les évêques et les prêtres ont devant Dieu le devoir de res­pec­ter l’autorité que l’Esprit Saint a don­née aux évêques et aux prêtres de l’autre Église et pour cela d’éviter de s’ingérer dans la vie spi­ri­tuelle des fidèles de cette Église. Lorsqu’une col­la­bo­ra­tion devient néces­saire pour le bien de ceux-​ci, il est alors requis que les res­pon­sables se concertent, éta­blissent pour cette entraide des bases claires, connues de tous, et agissent ensuite dans la fran­chise et la clar­té, en res­pec­tant la dis­ci­pline sacra­men­telle de l’autre Église.

Dans ce contexte, pour évi­ter tout mal­en­ten­du et pour déve­lop­per la confiance entre les deux Églises, il est néces­saire que les évêques catho­liques et ortho­doxes d’un même ter­ri­toire se consultent avant la réa­li­sa­tion de pro­jets pas­to­raux catho­liques impli­quant la créa­tion de nou­velles struc­tures dans des région rele­vant tra­di­tion­nel­le­ment de la juri­dic­tion de l’Église ortho­doxe et cela afin d’éviter des acti­vi­tés pas­to­rales paral­lèles qui ris­que­raient de deve­nir rapi­de­ment concur­rentes ou même conflictuelles. 

30. Pour pré­pa­rer l’avenir des rela­tions entre les deux Églises, en dépas­sant l’ecclésiologie péri­mée du retour à l’Église catho­lique qui a été liée au pro­blème qui fait l’objet de ce docu­ment, on don­ne­ra une atten­tion spé­ciale à la pré­pa­ra­tion des futurs prêtres et de tous ceux qui sont de quelque façon impli­qués dans une acti­vi­té apos­to­lique exer­cée là où l’autre Église est tra­di­tion­nel­le­ment enra­ci­née. Leur édu­ca­tion doit être objec­ti­ve­ment posi­tive à l’égard de l’autre Église. Tous doivent d’abord être infor­més de la suc­ces­sion apos­to­lique de l’autre Église et de l’authenticité de sa vie sacra­men­telle. De même on doit offrir à tous une pré­sen­ta­tion hon­nête et glo­bale de l’histoire, ten­dant à une his­to­rio­gra­phie concor­dante ou même com­mune des deux Églises. On aide­ra ain­si à dis­si­per les pré­ju­gés et on évi­te­ra que l’histoire soit uti­li­sée de manière polé­mique. Cette pré­sen­ta­tion fera prendre conscience que les torts de la sépa­ra­tion ont été par­ta­gés, lais­sant de part et d’autre de pro­fondes blessures. 

31. On se sou­vien­dra de la moni­tion de l’Apôtre Paul aux Corinthiens (1 Cor 6, 1–7) recom­man­dant aux chré­tiens de résoudre entre eux leurs dif­fé­rends au moyen d’un dia­logue fra­ter­nel, évi­tant ain­si de confier à l’intervention des auto­ri­tés civiles la solu­tion pra­tique des pro­blèmes qui se posent entre Églises ou com­mu­nau­tés locales. Ceci vaut en par­ti­cu­lier pour la pos­ses­sion ou la res­ti­tu­tion des biens ecclé­sias­tiques. Elles ne doivent pas être fon­dées seule­ment sur des situa­tions pas­sées ou s’appuyer uni­que­ment sur des prin­cipes juri­diques géné­raux, mais doivent aus­si tenir compte de la com­plexi­té des réa­li­tés pas­to­rales pré­sentes et des cir­cons­tances locales. 

32. C’est dans cet esprit que pour­ra être affron­tée en com­mun la ré-​évangélisation de notre monde sécu­la­ri­sé. On s’efforcera de don­ner aux mass-​media des nou­velles objec­tives, spé­cia­le­ment à la presse reli­gieuse, afin que soient évi­tées les infor­ma­tions inexactes ou tendancieuses. 

33. Il est néces­saire que les Églises s’associent pour mani­fes­ter recon­nais­sance et res­pect à tous ceux, connus et incon­nus, évêques, prêtres ou fidèles, ortho­doxes, catho­liques orien­taux ou latins — qui ont souf­fert, confes­sé leur foi et témoi­gné leur fidé­li­té à l’Église, et, en géné­ral, à tous les chré­tiens sans dis­cri­mi­na­tion qui ont subi la per­sé­cu­tion. Leurs souf­frances nous appellent à l’unité et à don­ner, à notre tour, un témoi­gnage com­mun pour répondre à la prière du Christ « que tous soient un afin que le monde croie » (Jn 17, 21).

34. La com­mis­sion mixte inter­na­tio­nale pour le dia­logue théo­lo­gique entre l’Église catho­lique et l’Église ortho­doxe, en réunion plé­nière à Balamand, recom­mande for­te­ment que ces règles pra­tiques soient mises en œuvre par nos Églises, y com­pris les Églises orien­tales catho­liques appe­lées à prendre part à ce dia­logue qui devra être pour­sui­vi dans l’atmosphère sereine néces­saire à son pro­grès, vers le réta­blis­se­ment de la pleine communion. 

35. En excluant pour l’avenir tout pro­sé­ly­tisme et toute volon­té d’expansion des catho­liques aux dépens de l’Église ortho­doxe, la com­mis­sion espère qu’elle a sup­pri­mé l’obstacle qui a pous­sé cer­taines Églises auto­cé­phales à sus­pendre leur par­ti­ci­pa­tion au dia­logue théo­lo­gique et que l’Église ortho­doxe pour­ra se retrou­ver au com­plet pour conti­nuer le tra­vail théo­lo­gique si heu­reu­se­ment commencé. 

6 août 2000
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