Entretien avec Don Pierpaolo Petrucci : le développement de la FSSPX en Italie


Don Pierpaolo Petrucci,
Supérieur du District d’Italie

Nous avons pu réa­li­ser cet inter­view de l’ab­bé Pierpaolo Maria Petrucci, qui depuis près d’un an et demi est le Supérieur du District ita­lien de la FSSPX. Nous le remer­cions de sa dis­po­ni­bi­li­té et pas­sons immé­dia­te­ment aux questions.

Q. 1 – La vie du District d’Italie a, au cours de cette période, été mar­quée par de nom­breux évè­ne­ments très posi­tifs. Je sou­hai­te­rais par­ler en pre­mier lieu du pré-​séminaire ita­lien, qui repré­sente une struc­ture direc­te­ment liée au but prin­ci­pal de la Fraternité, à savoir la for­ma­tion de nou­veaux prêtres. Que pouvez-​vous nous dire à ce sujet ?

R. – La pre­mière année d’ac­ti­vi­té du pré-​séminaire a été très posi­tive : nous avons eu la pré­sence de plu­sieurs jeunes, et l’un d’entre eux entre­ra en sep­tembre pro­chain au sémi­naire de Flavigny. Pour cette année qui va com­men­cer, nous avons un nombre encore plus grand de demandes que nous allons exa­mi­ner dans les semaines à venir. L’activité de for­ma­tion com­men­ce­ra le pre­mier octobre.

Q. 2 – Pourriez-​vous nous décrire briè­ve­ment l’or­ga­ni­sa­tion de la vie au sein de ce pré-​séminaire ? Que devrait faire un jeune qui se trou­ve­rait inté­res­sé d’y entrer ?

R. – Le pré-​séminaire a deux buts essen­tiels : tout d’a­bord, véri­fier la voca­tion des jeunes aspi­rants, mais éga­le­ment, pour ceux qui décou­vri­raient qu’ils ne sont pas appe­lés au sacer­doce, leur four­nir une for­ma­tion chré­tienne, théo­lo­gique et spi­ri­tuelle, qui leur ser­vi­ra à chaque moment de leur vie. Parce qu’il est impor­tant effec­ti­ve­ment que les futurs pères de famille soient eux aus­si des chré­tiens mili­tants et des com­bat­tants pour le Règne Social de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Au pré-​séminaire, la journée-​type se déroule comme suit : le matin ont lieu des cours sur la Doctrine chré­tienne, une Introduction à la Philosophie et à la Théologie, des notions de Liturgie et de Spiritualité catho­lique et l’é­tude des Actes du Magistère des Papes. Ces cours nous per­mettent entre autre d’ex­pli­quer la posi­tion de la FSSPX face à la crise actuelle de l’Église ; cette posi­tion cor­res­pond du reste à celle qu’a constam­ment expri­mée le Magistère, et ce jus­qu’au Concile Vatican II. L’emploi du temps de l’après-​midi pré­voit le tra­vail indi­vi­duel ain­si que des acti­vi­tés manuelles. Auxquelles s’a­joutent des visites de la ville de Rome. La prière en com­mun de cer­taines par­ties de l’Office divin et du Chapelet rythment les jour­nées dont le cœur est la célé­bra­tion de la Sainte Messe. 

Q. 3 – Les jeunes gens qui s’a­dressent au pré-​séminaire arrivent géné­ra­le­ment d’autres expé­riences de sémi­naires ou bien ils arrivent-​ils direc­te­ment à la FSSPX ?

R. – Je dirais qu’en fait nous ren­con­trons les deux cas : cer­tains arrivent chez nous démo­ra­li­sés et scan­da­li­sés d’ex­pé­riences anté­rieures néga­tives ; d’autres, qui sont au cou­rant de la situa­tion actuelle dans les sémi­naires modernes, s’a­dressent direc­te­ment à nous et nous demandent une for­ma­tion tra­di­tion­nelle. Et de manière géné­rale, ceux qui sou­haitent suivre ces cours peuvent s’a­dres­ser à nos Prieurés et en par­ti­cu­lier à celui d’Albano.

Q. 4 – Parlons à pré­sent d’autres réa­li­sa­tions en cours dans le District. Et notam­ment la nais­sance du nou­veau Prieuré de Vénétie, qui est un évé­ne­ment impor­tant. Car en fait la fon­da­tion du der­nier Prieuré en Italie est celle de Rimini, et il y a trente ans de cela. Or il semble qu’a­près tant de péri­pé­ties, le pro­ces­sus d’ex­pan­sion soit main­te­nant en train de se remettre en marche. Pourriez-​vous nous dire com­ment ce nou­veau Prieuré est né ?

R. – Depuis des années le Prieuré de Rimini envoyait chaque semaine un prêtre pour célé­brer la Messe à Lanzago di Silea où nous avons une petite cha­pelle avec un ter­rain atte­nant. Le pro­jet est venu avec le temps de trans­for­mer cette struc­ture en un Prieuré. Nous avions dans un pre­mier temps eu l’i­dée de construire un nou­veau bâti­ment, mais nous avons été frei­nés par des com­pli­ca­tions bureau­cra­tiques. Et puis, la Providence nous a fait trou­ver une grande mai­son mise en vente juste côté de notre pro­prié­té. À pré­sent, celle-​ci a sim­ple­ment besoin d’un léger réamé­na­ge­ment et juste après, si Dieu le veut, nous pour­rons inau­gu­rer le nou­veau Prieuré.

Q. 5 – D’autres pro­jets sont éga­le­ment en cours à Seregno et San Damiano di Piacenza. De quoi s’agit-il ?

R. – À Seregno, qui est un centre où nous avons un bon nombre de fidèles, nous avons ache­té un bâti­ment indus­triel que nous avons l’in­ten­tion de trans­for­mer en église. À l’a­ve­nir, ce grand espace pour­rait lui aus­si deve­nir un nou­veau Prieuré. Nous espé­rons com­men­cer les tra­vaux de trans­for­ma­tion au cours de ce mois de sep­tembre. À San Damiano aus­si il existe un bâti­ment, géré par le District suisse, qui orga­nise des pèle­ri­nages. Ce District a déci­dé de réamé­na­ger la mai­son et il sera pro­ba­ble­ment pos­sible de construire une nou­velle chapelle.

Q. 6 – C’est l’an­née der­nière aus­si que la pre­mière école pri­maire ita­lienne de la FSSPX a été lan­cée. Que repré­sente cette initiative ? 

R. – Il s’a­git d’une petite école reliée au Prieuré de Rimini. Pour l’ins­tant, il n’y a que cinq élèves. Mais nous comp­tons bien pour­suivre sur cette voie en fon­dant de nou­velles écoles, voire des col­lèges et des lycées. Le com­bat pour l’é­cole catho­lique est fon­da­men­tal pour l’Église, sur­tout actuel­le­ment où des lois de plus en plus contraires même au droit natu­rel sont en train d’être mises en place, lois dont les réper­cus­sions seront très néga­tives au niveau de l’en­sei­gne­ment. Peut-​être qu’en Italie cette néces­si­té ne se fai­sait pas sen­tir avec autant d’a­cui­té que dans les autres pays, car dans ce pays l’i­dée qui domine c’est que l’é­cole publique, qui pré­voit l’en­sei­gne­ment de la Religion, n’est pas à pro­pre­ment par­ler une ins­ti­tu­tion laïque. Malheureusement c’est tout le contraire qui se passe, à savoir que toute la concep­tion de l’é­cole moderne est fon­dée sur le concept de base que l’exis­tence de Dieu et les devoirs de l’Homme envers Dieu sont des consi­dé­ra­tions facul­ta­tives et que par consé­quent cha­cun en fait ce qu’il veut. L’Église a tou­jours ensei­gné aux Catholiques de don­ner à leurs enfants une for­ma­tion vrai­ment chré­tienne et de les pré­ser­ver de l’é­cole laïque. En France, les Catholiques sont depuis des années habi­tués à lut­ter contre l’é­cole athée d’État. La Fraternité Saint Pie X a pu réa­li­ser dans ce pays de nom­breuses écoles. Et nous espé­rons en faire autant en Italie.

Q. 7 – À la dif­fé­rence des autres pays, la Fraternité en Italie semble avoir plus de contacts avec le cler­gé dio­cé­sain et peut-​être même avec quelques évêques. Vous confir­mez cette impression ? 

R. – Disons que par prin­cipe nous nous effor­çons d’a­voir des contacts avec les prêtres, les curés ain­si qu’a­vec les évêques. C’est impor­tant aus­si pour faire recu­ler cer­tains pré­ju­gés nous concer­nant. Nous orga­ni­sons régu­liè­re­ment des ren­contres et des exer­cices spi­ri­tuels pour les prêtres. Même lorsque les posi­tions de cer­tains ne concordent pas avec les nôtres , nous ne refu­sons jamais une franche confron­ta­tion qui sert à mieux faire com­prendre notre posi­tion. Et puis il est vrai que depuis la pro­mul­ga­tion du Motu Proprio « Summorum Pontificum », de nom­breux prêtres ita­liens ont recom­men­cé à célé­brer la messe tra­di­tion­nelle. Ceux-​là ont été très nom­breux à s’a­dres­ser à la Fraternité Saint Pie X, nous deman­dant des textes, des mis­sels, une for­ma­tion litur­gique, voire même une for­ma­tion doc­tri­nale. Le fait de se remettre à célé­brer la Sainte Messe tra­di­tion­nelle est très sou­vent un pre­mier pas pour retrou­ver la saine Théologie et décou­vrir ain­si la crise pro­fonde que l’Église tra­verse de nos jours.

Q. 8 – D’après vous de quoi l’Église aurait-​elle le plus besoin dans le contexte actuel ? 

R. – Je pense que l’Église a besoin de prêtres cou­ra­geux, ani­més d’un esprit sur­na­tu­rel, des prêtres qui vivent à la lumière de la Foi et qui, à la lumière de la Doctrine immuable, aient le cou­rage de dénon­cer sans ambages les erreurs du monde moderne. Prenons ne serait-​ce que cette hor­rible loi qui vient tout récem­ment d’être approu­vée en France sur le mariage homo­sexuel, et que la hié­rar­chie a pra­ti­que­ment pas­sée sous silence. Les tra­di­tio­na­listes ont été les seuls à se mobi­li­ser avec beau­coup d’énergie. 

Q. 9 – Peut-​être qu’en Italie on ren­con­tre­ra plus de cou­rage auprès des laïcs catholiques ?

R. – Je pense que oui et cela me semble être un signe très posi­tif, mais ce n’est pas suf­fi­sant. L’amour de la véri­té doit aus­si nous pous­ser à pla­cer les repré­sen­tants de la hié­rar­chie face à leurs propres res­pon­sa­bi­li­tés de pas­teurs. Cela fait aus­si par­tie des devoirs des fidèles que de signa­ler les erreurs à leurs supé­rieurs, avec bien enten­du tout le res­pect et la consi­dé­ra­tion dus à leur rôle. Je suis convain­cu que si, en plus des laïcs, les membres de la hié­rar­chie ecclé­sias­tique qui se rendent compte de la crise pro­fonde que nous sommes en train de vivre au sein de l’Église avaient le cou­rage de se faire connaître, les choses pour­raient bien avan­cer dans le bon sens. C’est là, je crois, la condi­tion essen­tielle pour enta­mer une véri­table res­tau­ra­tion au sein de l’Église.

Q. 10 – Souhaiteriez-​vous ajou­ter encore quelques mots en conclusion ?

R. – Je vou­drais encore sou­li­gner le rôle fon­da­men­tal de la famille dans la pro­pa­ga­tion de la Foi. Nous avons besoin de familles authen­ti­que­ment catho­liques qui sachent accueillir avec géné­ro­si­té les enfants qui naissent comme étant un don de Dieu. Les familles nom­breuses sont tou­jours une béné­dic­tion pour la socié­té chré­tienne. Et puis, il est impor­tant de pou­voir comp­ter sur des laïcs pré­pa­rés qui soient capables de sou­te­nir les Prêtres dans le com­bat cultu­rel contre l’es­prit du monde. En Italie nous en avons déjà un bon nombre, mais je vou­drais qu’ils soient encore plus nom­breux, et qu’ils sachent s’u­nir et s’or­ga­ni­ser pour agir effi­ca­ce­ment afin d’œu­vrer à la res­tau­ra­tion de l’ordre social et poli­tique, selon les prin­cipes de l’Église.

Entretien réa­li­sé par Marco Bongi, le 3 sep­tembre 2013, en la fête de saint Pie X, patron de la FSSPX

Sources : /​LPL – Traduction O. C‑R pour La Porte Latine