Le vendredi 21 décembre 2007, en présence des membres de la curie romaine à qui il présentait ses vœux pour Noël, le pape Benoît XVI a prononcé un discours, comme à l’accoutumée.
Cette année, il a expliqué, entre autres, ce qu’il entend par « évangélisation ».
Ce texte met bien en lumière les conceptions du Souverain Pontife sur l’œcuménisme.
L’évangélisation est-elle encore de mise ?
Après avoir cité le document élaboré à Apparecida, lors de sa visite au Brésil, où on affirme que le disciple du Christ doit être missionnaire, le Pape se pose la question :
« Est-il encore licite aujourd’hui d’évangéliser ? Toutes les religions et les conceptions du monde ne devraient-elles pas plutôt coexister pacifiquement et chercher à réaliser ensemble le meilleur pour l’humanité, chacune à sa manière ? »
La question est capitale car, depuis Jean Paul II, Rome a souvent parlé de l’importance d’une nouvelle évangélisation et l’on peut se demander comment celle-ci se concilie avec l’œcuménisme prôné également par le Vatican depuis le dernier concile.
Dans sa réponse, Benoît XVI nous dit tout d’abord qu’il n’est pas question de renoncer à l’esprit d’Assise qui affirme le respect et donc la valeur de toutes les religions dans le mystère du salut.
« Il est indiscutable- nous dit-il -, que nous devons tous coexister et coopérer dans la tolérance et dans le respect réciproques. L’Église catholique s’engage en ce sens avec une grande énergie et, avec les deux rencontres d’Assise, elle a aussi laissé des indications claires dans ce sens, des indications que nous avons à nouveau repris dans la rencontre de Naples de cette année. »
Cette démarche œcuménique est voulue même en direction des religions non chrétiennes : Benoît XVI mentionne une lettre que lui ont adressée, le 13 octobre 2007, 138 responsables religieux musulmans pour
« témoigner de leur engagement commun dans la promotion de la paix dans le monde. » Il leur a répondu, dit-il, « avec joie », leur exprimant son « adhésion sincère à ces nobles intentions et en soulignant dans le même temps l’urgence d’un engagement commun au service de la protection des valeurs du respect réciproque, du dialogue et de la collaboration. La reconnaissance commune de l’existence d’un Dieu unique, Créateur providentiel et Juge universel du comportement de chacun, constitue la prémisse d’une action commune en défense du respect effectif de la dignité de chaque personne humaine pour l’édification d’une société plus juste et solidaire. »
La mission
En quoi consiste donc l’évangélisation ? Comment le disciple du Christ doit-il être missionnaire ?
Le Pape répond en disant que nous devons
« transmettre le message de Jésus Christ » et « proposer aux hommes et au monde cet appel et l’espérance qui en découle » parce que« celui qui a reconnu une grande vérité, qui a trouvé une grande joie, doit la transmettre, il ne peut absolument pas la garder pour lui. Des dons si grands ne sont jamais destinés à une seule personne. En Jésus Christ est née pour nous une grande lumière, la grande Lumière : nous ne pouvons pas la mettre sous le boisseau, mais nous devons l’élever sur le lampadaire, pour qu’elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison (cf. Mt. 5, 15).»
La prédication, l’annonce de l’Évangile n’est plus considérée comme une nécessité capitale pour le salut des âmes. Elle consiste uniquement à faire participer les autres à une grande joie et à coopérer avec eux à la construction d’un monde meilleur, pour parvenir ainsi à l’achèvement de l’histoire.
« Saint Paul, continue le Pape, se sentait soumis à une sorte de « nécessité » d’annoncer l’Évangile (cf. 1 Co 9, 16) – non tant du fait d’une préoccupation pour le salut de la personne non baptisée, qui n’avait pas encore été touchée par l’Évangile, que parce qu’il était conscient que l’histoire dans son ensemble ne pouvait pas arriver à son achèvement tant que la totalité (pléroma) des peuples n’aurait pas été touchée par l’Evangile (cf. Rm 11, 25). »
Pour un monde meilleur ou pour le salut des âmes ?
Dans ces affirmations nous retrouvons sous-jacente, la théologie de la Rédemption universelle, ébauchée par ce texte du concile :
« Le Fils de l’homme par son incarnation s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, N° 22).
Puisque Jésus s’est uni en quelque sorte à tout homme, tout homme est donc déjà sauvé, qu’il soit chrétien, bouddhiste, musulman, athée… L’incarnation est la manifestation de la divinisation de l’humanité.
La mission de l’Église ne consiste qu’à communiquer cette joie, à faire prendre conscience à tout homme – en qui il faut voir un chrétien qui s’ignore… – qu’il est sauvé par Jésus Christ.
Cette fin dernière étant considérée comme assurée pour l’humanité entière, il ne reste donc plus qu’à travailler à « l’édification d’une société plus juste et solidaire » dans le respect et avec la collaboration de toutes les religions.
Nous sommes aux antipodes de la doctrine traditionnelle qui affirme la nécessité de la foi pour le salut et donc le devoir de prédication de l’Église, car « celui qui ne croira pas sera condamné ».
Tout en respectant l’autorité et priant pour elle, nous ne pouvons pas accepter un tel enseignement, ni nous taire, sans manquer gravement à notre devoir de fidélité à l’enseignement de Notre Seigneur et de l’Eglise qui ne peut changer.
Abbé Pierpaolo Maria Petrucci , prieur-doyen de Nantes