Donné à Rome, à Sainte-Marie Majeure, le 9 janvier 1765
CLÉMENT, ÉVÊQUE, SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,À tous les fidèles Chrétiens,
Salut et Bénédiction Apostolique.
Jésus-Christ Notre-Seigneur ayant chargé le bienheureux apôtre saint Pierre et le pontife romain son successeur de l’obligation de paître son troupeau, obligation qu’aucune circonstance de temps ni de lieu, aucune considération humaine, rien en un mot ne doit borner ; il est du devoir de celui qui est assis sur la chaire de saint Pierre de donner son attention à toutes les fonctions différentes de la charge que Jésus-Christ lui a confiée sans en omettre ou négliger aucune, et d’étendre sa vigilance à tous les besoins de l’Église.
Une des principales fonctions de cette charge est de prendre sous sa protection les ordres religieux approuvés par le saint-siège, de donner une nouvelle activité au zèle de ceux qui, s’étant dévoués par un serment solennel à la profession religieuse, travaillent avec un courage soutenu par la piété à défendre la religion catholique, à l’étendre, à cultiver le champ du Seigneur ; d’inspirer de l’ardeur et de donner des forces à ceux qui parmi eux seraient languissants et faibles, de consoler ceux que l’affliction pourrait abattre, et surtout d’écarter de l’Église confiée à sa vigilance tous les scandales qui chaque jour naissent en son sein et dont l’effet est la perte des âmes. L’institut de la compagnie de Jésus, qui a pour auteur un homme auquel l’Église universelle a déféré le culte et l’honneur qu’elle rend aux saints ; que plusieurs de nos prédécesseurs d’heureuse mémoire, Paul III, Jules III, Paul IV, Grégoire XIII et Grégoire XIV, Paul V, out approuvé et confirmé plus d’une fois après l’avoir soigneusement examiné, qui a reçu d’eux et de plusieurs autres de nos prédécesseurs, au nombre de dix-neuf, des faveurs et des grâces particulières ; que les évêques, non-seulement de nos jours, mais des siècles précédents, ont loué hautement comme étant très-avantageux, très-utile et très-propre à accroître le culte, l’honneur et la gloire de Dieu, et à procurer le salut des âmes ; que les rois les plus puissants comme les plus pieux, et les princes les plus distingués dans la république chrétienne, ont toujours pris sous leur protection, dont les règles ont formé neuf hommes mis au rang des saints ou des bienheureux, parmi lesquels trois ont reçu la couronne du martyre ; qui a été honoré des éloges de plusieurs personnages célèbres par leur sainteté, que nous savons jouir dans le ciel de la gloire éternelle ; que l’Église universelle a nourri avec affection dans son sein depuis deux siècles, confiant constamment à ceux qui le professent les principales fonctions du saint ministère qu’ils ont toujours remplies au grand avantage des fidèles, et qui enfin a été déclaré pieux par l’Église universelle assemblée à Trente.
Ce même institut, il s’est trouvé récemment des hommes qui, après l’avoir défiguré par des interprétations fausses et malignes, n’ont pas craint de le qualifier d’irréligieux, d’impie, tant dans les conversations particulières que dans des écrits imprimés, répandus dans le public, de le déchirer par des imputations les plus injurieuses, de le couvrir d’opprobre et d’ignominie, et en sont venus au point que, non contents de l’idée particulière qu’ils s’en sont faite à eux-mêmes, ils ont entrepris par toute sorte d’artifices de faire circuler le poison de contrée en contrée, de le répandre de toute part, et ne cessent encore aujourd’hui de faire usage de toutes les ruses imaginables pour faire goûter leurs discours empoisonnés à ceux des fidèles qui ne seraient point assez sur leurs gardes ; insultant ainsi de la manière la plus outrageante l’Église de Dieu, qu’ils accusent équivalemment de s’être trompée jusqu’à juger et déclarer solennellement pieux et agréable à Dieu ce qui en soi était irréligieux et impie, et d’être ainsi tombée dans une erreur d’autant plus criminelle, qu’elle aurait souffert pendant plus longtemps durant l’espace même de plus de deux cents ans, qu’au très-grand préjudice des âmes, son sein restât souillé d’une tache aussi flétrissante. A un mal si grand qui jette des racines d’autant plus profondes et acquiert chaque jour des forces d’autant plus grandes qu’il a été dissimulé plus longtemps, différer encore d’apporter remède, ce serait nous refuser et à la justice qui nous ordonne d’assurer à chacun ses droits et de les soutenir avec vigueur, et aux mouvements de la sollicitude pastorale que nous avons pour le bien de l’Église.
Pour repousser donc l’injure atroce faite tout à la fois à l’Église que Dieu lui-même a commise à nos soins, et au saint-siège sur lequel nous sommes assis ; pour arrêter par notre autorité apostolique le progrès de tant de discours impies contraires à toute raison comme à toute équité, qui, se répandant de tout côté, portent avec eux la séduction et le danger prochain de la perte des âmes ; pour assurer l’état des clercs réguliers de la compagnie de Jésus qui nous demandent cette justice, et pour lui donner une consistance plus ferme par le poids de notre autorité, pour apporter quelque soulagement à leurs peines dans le grand désastre qui les afflige ; enfin pour déférer aux justes vœux de nos vénérables frères les évêques de toutes les parties du monde catholique qui, dans les lettres qu’ils nous ont adressées, font les plus grands éloges de cette compagnie, dont ils nous assurent qu’ils tirent de très-grands services chacun dans leur diocèse ; de notre propre mouvement et certaine science, usant de la plénitude de la puissance apostolique, marchant sur les traces de tous nos prédécesseurs, par notre présente constitution qui doit valoir à perpétuité, disons et déclarons dans la même forme et de la même manière qu’ils ont dit et déclaré, que l’institut de la compagnie de Jésus respire au plus haut point la piété et la sainteté, soit dans la fin principale qu’il a continuellement en vue, et qui n’est autre que la défense et la propagation de la religion catholique, soit dans les moyens qu’il emploie pour parvenir à cette fin ; c’est ce que l’expérience nous a appris jusqu’à présent.
C’est cette expérience qui nous a appris combien le régime de cette compagnie a formé jusqu’à nos jours de défenseurs de la foi orthodoxe et de zélés missionnaires qui, animés d’un courage invincible, se sont exposés à mille dangers sur la terre et sur mer pour porter la lumière de la doctrine évangélique à des nations féroces et barbares ; nous voyons que tous ceux qui professent ce louable institut sont occupés à des fonctions saintes, les uns à former la jeunesse à la vertu et aux sciences, les autres à donner les exercices spirituels, une partie à administrer avec assiduité les sacrements surtout de la pénitence et de l’eucharistie, et à presser dans leurs discours les fidèles d’en faire un usage fréquent, une autre partie à porter la parole de l’Évangile aux habitants de la campagne ; c’est pourquoi, à l’exemple de nos prédécesseurs, nous approuvons ce même institut que la providence divine a suscité pour opérer de si grandes choses, et nous confirmons par notre autorité apostolique les approbations qui lui ont été données ; nous déclarons que les vœux par lesquels les clercs réguliers de la compagnie de Jésus se consacrent à Dieu selon ledit institut, sont purs et agréables à ses yeux ; nous approuvons et louons particulièrement, comme très-propres à réformer les mœurs, à inspirer et fortifier la piété, les exercices spirituels que les mêmes clercs réguliers de la compagnie de Jésus donnent aux fidèles qui, éloignés du tumulte du monde, passent quelques jours dans la retraite à s’occuper sérieusement et uniquement de leur salut éternel.
De plus, nous approuvons les congrégations ou sodalités érigées sous l’invocation de la bienheureuse Marie, ou sous tout autre titre, non-seulement celles qui sont formées de jeunes gens qui fréquentent les écoles de la compagnie de Jésus, mais aussi toutes les autres, soit qu’elles soient seulement composées d’étudiants ou seulement des autres fidèles de Jésus-Christ, soit qu’elles réunissent les uns et les autres ; et nous ne donnons pas moins notre approbation à tous les pieux exercices qui s’y pratiquent avec ferveur ; et nous recommandons extrêmement la dévotion toute particulière qu’on s’attache à cultiver et à augmenter dans ces sodalités envers la bienheureuse mère de Dieu Marie toujours vierge. Nous confirmons par notre autorité apostolique les bulles par lesquelles nos prédécesseurs d’heureuse mémoire, Grégoire XIII, Sixte V, Grégoire XV et Benoît XIV ont approuvé lesdites sodalités ; de même par notre présente constitution nous approuvons de toute l’autorité que Dieu nous a donnée et de la force de notre confirmation apostolique toutes les autres constitutions faites par les pontifes romains nos prédécesseurs, pour approuver et louer les fonctions du même institut de la compagnie de Jésus, chacune desquelles constitutions nous voulons qu’on regarde comme insérée dans celle-ci, voulant et ordonnant, si besoin est, qu’elles soient censées faites de nouveau et mises au jour par nous-même.
Qu’il ne soit donc permis à personne de donner atteinte à notre présente constitution approbative et confirmative, ni d’être assez téméraire pour oser y contrevenir ; que si quelqu’un avait la présomption d’enfreindre cette défense, qu’il sache qu’il encourra l’indignation de Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.
Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l’an de l’Incarnation de Notre-Seigneur 1764, le 7e des ides de janvier, la 7e année de notre pontificat (9 janvier 1765).
CLEMENT XIII, Pape.