Apparitions de Notre-​Dame du Laus à partir de mai 1664

Les ori­gines. Le fer­tile val­lon du Laus, qui tient son nom d’un lac aujourd’­hui des­sé­ché, s’é­tend sur le ter­ri­toire de Saint-​Etienne-​d’Avançon, non loin de Gap. C’est dans ce hameau des Alpes , où quelques familles à peine vivaient au XVIIe siècle, que naquit Benoîte Rencurel, le 29 sep­tembre 1647. Ses parents de pauvres et bonnes gens, lui ensei­gnèrent tout ce qu’ils pos­sé­daient comme science : le Pater et l’Ave Maria. Il n’en fal­lait pas plus à l’en­fant qui réci­tait son Rosaire avec les Anges et qui, toute petite, voyait la Vierge Marie se pen­cher sur elle et sur ses compagnes.

En mai 1664, au des­sus du vil­lage de Saint-​Etienne d’Avançon, une Belle Dame appa­raît à la jeune ber­gère illet­trée de 17 ans. Cette Belle Dame lui déclare : « je suis Dame Marie ». En sep­tembre, la Belle Dame appa­raît de nou­veau à Benoîte au lieu-​dit Pindreau et lui dit : « ma fille, allez au Laus, vous y trou­ve­rez une cha­pelle recon­nais­sable à ses bonnes odeurs. C’est là que désor­mais vous me ver­rez et par­le­rez. » Ainsi, c’est au Laus, dans la cha­pelle de « Bon Rencontre », que Marie conti­nue la for­ma­tion spi­ri­tuelle de Benoîte et lui dévoile son des­sein : « je veux bâtir ici une église en l’hon­neur de mon Cher Fils. Beaucoup de pécheurs s’y conver­ti­ront ». Grâce aux dons des pauvres, l’é­glise a été bâtie en 3 ans, de 1666 à 1669. Durant 54 ans, Benoîte, en lien étroit avec les prêtres du Laus, accueille, éclaire récon­forte les pèle­rins et les conduit aus­si jus­qu’au sacre­ment de récon­ci­lia­tion. Benoîte s’é­teint le 28 décembre 1718, dans sa mai­son à l’en­trée du hameau. Depuis lors, le sanc­tuaire Notre-​Dame du Laus pour­suit la mis­sion de conver­sion des pécheurs qui lui a été confiée par la Mère du Christ.

Historique

La pau­vre­té des Rencurel devint une pro­fonde misère à la mort du père de famille. Benoîte, troi­sième enfant, avait alors sept ans ; chas­sée avec les siens du logis où elle avait pas­sé ses pre­mières années, elle dut bien­tôt gagner son pain comme gar­dienne de trou­peaux.
Chez Jean Roland, culti­va­teur bru­tal que sa dou­ceur conver­tit et chez Louis Astier, homme de bien, que la fillette ser­vait à la fois ; et ses deux maîtres, à tour de rôle, lui four­nis­saient le pain noir pour sa nourriture.

En mai 1664, Benoîte condui­sait ses chèvres le long d’un bois, sur la mon­tagne de Saint-​Maurice quand un vieillards s’ap­pro­cha d’elle : il se révé­la comme étant Saint Maurice lui-​même et annon­ça à la ber­gère qu’elle ver­rait la Mère de Dieu dans un val­lon voisin.

Confiante et simple, comme elle devait l’être toute sa vie, l’en­fant gui­da dès lors son trou­peau dans une autre val­lée, s’ar­rê­tant dans la grotte dite « des fours » pour y réci­ter son cha­pe­let. C’en en ce lieu que la Vierge Marie lui appa­rut, un jour, son Fils dans les bras. Quatre mois durant, la mer­veilleuse appa­ri­tion se renou­ve­la, lais­sant chaque fois Benoîte dans l’ex­tase. En sep­tembre, la Mère de Dieu ordon­na à la ber­gère ber­gère de cher­cher au Laus une petite cha­pelle, où flot­taient de suaves odeurs, et de venir l’y prier.

Benoîte, quelques semaines plus tard, décou­vrait sur la col­line du Laus, située de l’autre côté de la Vance, un ora­toire cou­vert de chaume, dédié à Notre-​Dame de Bonne-​Rencontre, et dont il ne res­tait guère que des ruines. De mer­veilleux par­fums s’y fai­saient sen­tir. Et voi­ci que la Vierge appa­rut sur l’au­tel déla­bré que cou­vrait une couche de pous­sière. Le geste qu’eut la ber­gère, à cette vue, est exquis de naï­ve­té : « Permettez que je mette mon tablier sous vos pieds » dit-​elle à celle qu’elle appe­lait sa Bonne mère ; « il est tout blanc de les­sive ». La Vierge, en refu­sant, lui sou­rit, puis lui annon­ça qu’une grande église serait bâtie, en ce lieu des­ti­né à la conver­sion des pécheurs.

Dès lors les appa­ri­tions se suc­cé­dèrent pour Benoîte, durant cinquante-​trois années, et sur la foi de ses dires, les pèle­rins affluèrent au Laus, vite encou­ra­gés par des grâces extraordinaires.

Les témoi­gnages. Le bruit de ses faveurs divines s’é­tant répan­du alen­tour, les magis­trats et les théo­lo­giens vou­lurent consta­ter leur exac­ti­tude. Ainsi s’en vint au Laus, à plu­sieurs reprises, l’a­vo­cat Grimaud, juge de paix de la baron­nie d’Avançon : il ne décou­vrit ni super­che­rie ni illu­sion, dans les mer­veille de la petite cha­pelle. Bien mieux, sa rela­tion, tenue pen­dant les deux pre­mières années du pèle­ri­nage, signale soixante gué­ri­sons miraculeuses.

Messire Pierre Gaillad, doc­teur en théo­lo­gie, conseiller et aumô­nier du Roi, qui rem­plis­sait à Gap les fonc­tions d’ar­chi­diacre, rédi­gea pen­dant quarante-​trois ans un jour­nal consa­cré à ces faits ; chaque nou­veau récit était sou­mis à Benoîte, deve­nue soeur Benoîte dans le Tiers-​Ordre, domi­ni­cain, afin qu’au­cune erreur ne put s’y glis­ser. L’abbé Peythieu, qui fut vingt ans durant atta­ché au pèle­ri­nage, le Frère Aubin, ermite de Notre-​Dame de l’Érable, notèrent ain­si les évé­ne­ments du Laus, du vivant de la bergère.

L’autorité dio­cé­saine d’embrun ne pou­vait man­quer d’é­ta­blir une enquête ; cette enquête, fait avec une extrême rigueur, constate à trois reprises des pro­diges indé­niables. C’est d’a­bord M. Antoine Lambert, admi­nis­tra­teur du dio­cèse, qui, en sep­tembre 1665, se rend au Laus, accom­pa­gné du P. André Gérard, plus tard grand péni­ten­cier à Rome. Après un inter­ro­ga­toire au cours duquel Benoîte ne peut être trou­vée en défaut, l’é­cla­tante gué­ri­son de Catherine Vial donne lieu à la consta­ta­tion juri­dique du 18 sep­tembre 1665, actuel­le­ment conser­vée aux archives du Laus. Le suc­ces­seur de M. Lambert, M. Javelli fait plus tard venir Benoîte à Embrun et la tient au secret pen­dant les quinze jours d’in­ter­ro­ga­toire. Chose inouïe : on s’a­per­çoit que la ber­gère ne prend aucune nour­ri­ture pen­dant cette réclu­sion, sans en paraître aucu­ne­ment souffrir.

L’Archevêque Charles de Genlis, enfin, par­tit au Laus après sa nomi­na­tion à Embrun en 1672 ; net­te­ment incré­dule avant ce voyage, il fut, sur place, émer­veillé, tant par la soli­di­té des réponses obte­nues de Benoîte que par la pro­tec­tion vrai­ment mira­cu­leuse accor­dée à un domes­tique au cours d’un ter­rible acci­dent. Il revint plu­sieurs fois et obtint par lettres patentes du roi, enre­gis­trées le 19 Décembre 1679, d’é­ta­blir au Laus un séminaire.

Histoire des apparitions

Le Laus est à peine à 80 km de la Salette, Le vil­lage de St.-Étienne d’Avançon fait par­tie, actuel­le­ment du dio­cèse de Gap. À l’é­poque des appa­ri­tions, il appar­te­nait au dio­cèse d’Embrun. Les guerres de Religion, au 16e siècle entre catho­liques et pro­tes­tants cal­vi­nistes laissent inuti­li­sables 120 des 190 églises du dio­cèse de Gap.

Pendant quatre mois, début juin à la fin août 1664, presque tous les jours, la Mère et l’en­fant Jésus ren­contrent Benoîte Rencurel au Vallon des Fours.

Nous savons que pen­dant les deux pre­miers mois c’est le silence com­plet de la part de la Dame. Malgré ce silence, l’é­vé­ne­ment pro­cure à Benoîte une paix qui la comble au-​delà de ses attentes. Les deux mois sui­vants sont consa­crés à la for­ma­tion de la jeune ber­gère ; il lui faut apprendre à prier, à deve­nir patiente, à être détachée.

Au sujet du déta­che­ment, par exemple, la Dame dit à Benoîte : « Me donneriez-​vous un mou­ton et cette chèvre ? »

« Belle Dame ! pour le mou­ton, je le compterai(paierai) sur mes gages, pour la chèvre, non ! Elle me fait besoin, me porte pour pas­ser la rivière quand elle est grosse ; vous ne l’au­rez pas pour 30 écus ».

La Dame lui dit qu’elle aimait trop sa chèvre, lui don­nant du pain et des rai­sins ; il vau­drait mieux don­ner aux pauvres ce qu’on lui donne.

Le len­de­main, Benoîte refuse encore une fois de don­ner sa chèvre. La Dame lui dit qu’elle ne la deman­de­ra plus, puisque cela te » fache « . Benoîte apprend ain­si de la Dame, les lita­nies de Notre-​Dame de Lorette qu’elle enseigne ensuite aux jeunes filles de Saint-​Étienne qui viennent, à chaque soir, les chan­ter à l’é­glise comme l’a deman­dé à ses dio­cé­sains l’é­vêque d’Embrun, Mgr Aubusson de la Feuillade.

28 août 1664 ‑La Dame demande à Benoîte d’in­vi­ter les filles de Saint-​Étienne à venir au Vallon des Fours le len­de­main, fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste.

Devant la pié­té qui se mani­feste depuis quelque temps, le curé de la paroisse, l’ab­bé Jean Fraise invite non seule­ment les jeunes filles à la pro­ces­sion mais aus­si tous les hommes, les femmes et les enfants. C’est vers midi que tout le monde arrive devant la grotte, en priant et en chan­tant. Un homme s’est joint aux gens du vil­lage, Monsieur François Grimaud. Il est juge de paix de la baron­nie d’Avançon ; per­son­nage offi­ciel, homme de prière et de juge­ment qui joue­ra un grand rôle dans l’his­toire du Laus. De par sa fonc­tion de res­pon­sable de l’ordre public, il est au cou­rant d’au moins une fausse appa­ri­tion dans la région. Il arrive donc ici en homme d’ex­pé­rience. Il raconte lui-​même : « Je ne man­quai point de m’y rendre pour voir s’il arri­ve­rait quelque chose de sin­gu­lier, qui nous fit connaître que Dieu prend plai­sir que la Sainte-​Vierge fût hono­rée en ce lieu ».

Jusqu’ici les appa­ri­tions se sont dérou­lées, soit à Saint-​Étienne d’Avançon, soit au Vallon des Fours, tous les deux situés sur la rive gauche de la rivière Avance et éloi­gnés l’un de l’autre d’en­vi­ron un kilo­mètre. Depuis que la Dame Marie s’est iden­ti­fiée, Benoîte connaît une période de « soli­tude et de deuil ». Depuis un mois, la Vierge ne vient plus la ren­con­trer comme elle le lui avait dit lors de l’ap­pa­ri­tion du 29 août 1664.

La ber­gère est incon­so­lable. « Vers la fin sep­tembre 1664 » nous fit Pierre Gaillard, vicaire géné­ral du dio­cèse de Gap, Benoîte est intri­guée par une lumière plus étin­ce­lante que les rayons du soleil. Cette lumière frappe la col­line plan­tée de vignes, droit devant elle. Elle doit être secrè­te­ment heu­reuse de ne pas avoir don­né sa chèvre à Dame Marie, car pour se rendre au Pindreau, c’est le nom de la col­line, elle doit tra­ver­ser la petite rivière Avance qui est toute gon­flée en ce temps de l’an­née : « le pont étant rom­pu, ne pou­vant pas pas­ser la rivière, Benoîte monte sur sa grosse chèvre ».

Benoîte recon­naît sa Dame à qui elle reproche presque d’a­voir été si long­temps absente. « Quand vous me vou­drez voir dès lors vous le pour­rez dans la cha­pelle qui est au lieu du Laus où elle sen­ti­ra bon ». Elle dis­pa­raît après avoir indi­qué le che­min au Pindreau. Pourtant du vivant même de Benoîte, avant 1710, les gens y ont édi­fié un tout petit oratoire.

Le Laus est un hameau de 7 à 8 chau­mières ; il fait par­tie de la paroisse Saint-​Étienne d’Avançon située à trois milles. Dès 1640, les gens du Laus avaient bâti une petite cha­pelle afin de pou­voir prier, lorsque la crue des eaux les empê­che­rait de se rendre à Saint-​Étienne. C’est cette cha­pelle aban­don­née que la Vierge a dési­gnée comme point de rendez-​vous pour les années qui vont suivre. Une cha­pelle qui « sent bon » mal­gré la pous­sière accu­mu­lée au long de ses 24 années d’exis­tence. Les gens du Laus avaient mis la cha­pelle sous la pro­tec­tion de « Notre-​Dame de Bon-​Rencontre » une dési­gna­tion qui s’est per­pé­tuée jus­qu’à nos jours.

Dès le len­de­main, notre ber­gère part de Saint-​Étienne de grand matin et se rend au bas de la col­line du Laus où elle laisse son trou­peau de mou­tons ; puis elle gra­vit péni­ble­ment la col­line à la recherche du Laus.

Les 7 à 8 mai­sons du hameau ne sont pas néces­sai­re­ment très rap­pro­chées les unes des autres. La petite cha­pelle de 1640 res­semble plus à une mai­sons pri­vée qu’à une église parois­siale. Benoîte n’a qu’une indi­ca­tion pour trou­ver la cha­pelle de Bon-​Rencontre :
Dame Marie a pré­ci­sé : « là où elle sent bon ».

Voilà donc cette jeune fille de 17 ans qui fait du porte à porte. Au sens le plus strict du mot, elle va « sen­tir » à chaque mai­son. Écoutons le récit qu’en fait P.Gaillard. « Elle y monte, cherche et sent à toutes les portes des mai­sons pour trou­ver la cha­pelle où elle sen­ti­ra bon ».

Après avoir par­cou­ru toutes les mai­sons, elle l’a­per­çoit, com­mence à sen­tir bon et la trouve à demi-​ouverte. Elle voit la divine Marie sur l’au­tel nu « [pas de nappes sur l’au­tel, la pierre d’au­tel est à nu], qui lui dit qu’elle l’a­vait bien cher­chée, mais le fal­lait faire sans pleu­rer ; qu’elle lui avait fait plai­sir de ne pas s’impatienter ».

Benoîte trouve incon­ce­vable que Marie soit debout dans la pous­sière qui recouvre l’au­tel de plâtre et lui offre de mettre son tablier propre sous ses pieds. Les dis­po­si­tions de la ber­gère sont très louables, mais Dame Marie refuse et lui dit : « Dans peu de temps il n’y man­que­ra rien, qu’elle y ver­rait linges, cierges et autres orne­ments… qu’elle veut faire bâtir là une église en l’hon­neur de son très cher Fils…beaucoup de pécheurs et de péche­resses s’y convertiront ».

Lorsque, le len­de­main de l’ap­pa­ri­tion au Pindreau, Benoîte se rend au Laus, elle y trouve une toute petite cha­pelle qui des­ser­vait 7 à 8 familles. Nous pou­vons sup­po­ser que cette église pou­vait accueillir une tren­taine de per­sonnes. Mais déjà à l’é­té 1665, des pro­ces­sions arrivent des paroisses envi­ron­nantes et la messe est dite presque régu­liè­re­ment en pleine nature, sous les arbres.

Après l’en­quête de sep­tembre 1665, Antoine Lambert recom­mande d’a­gran­dir la cha­pelle de 1640, afin de pou­voir abri­ter les foules qui se pré­sentent de plus en plus nom­breuses ; on réa­lise aus­si le vœu expri­mé par la Vierge à Benoîte dès la pre­mière appa­ri­tion au Laus, fin sep­tembre 1664. Gaillard nous dit : « Elle y veut faire bâtir une église à l’hon­neur de son cher Fils et d’elle, où beau­coup de pécheurs et de péche­resses se conver­ti­ront et c’est là où elle la ver­ra très souvent ».

Les tra­vaux de construc­tion vont de 1666 à 1669 .Encore une fois, ce sont sur­tout les petits et les pauvres qui pous­sés par Marie vont rele­ver ce nou­veau défi dou­ble­ment com­pli­qué par des routes sou­vent impra­ti­cables et la pau­vre­té des gens de la région : cha­cun trans­por­tant une pierre à l’oc­ca­sion d’un pèle­ri­nage. Le coût des ouvriers spé­cia­li­sés et des maté­riaux de construc­tion est assu­ré par le denier du pauvre . Un des grands mérites des res­pon­sables fut de construire la nou­velle église par-​dessus la cha­pelle pri­mi­tive. Aujourd’hui encore, nous pou­vons voir dans le chœur, la petite cha­pelle « où il sen­tait bon ».

Nous savons que Benoîte a recon­nu le lieu du rendez-​vous avec « Dame Marie » par l’o­deur des par­fums. François Grimaud nous dit qu’au temps pas­cal 1666 : « je sen­tais une odeur si suave pen­dant un demi quart d’heure, que de ma vie je n’ai rien sen­ti de pareil ». C’est pour avoir sen­ti cette « suave odeur » que le sculp­teur Honoré Pela, de Gap, éta­bli à Gênes depuis 1680, fit don en 1716, d’une belle sta­tue en marbre de Garrare repré­sen­tant la Vierge et l’en­fant. Cette sta­tue domine encore l’au­tel prin­ci­pal du sanctuaire.

Ce phé­no­mène des par­fums est véri­fié occa­sion­nel­le­ment par des pèle­rins de toutes condi­tions : des jeunes, des vieux, des pay­sans, des cita­dins, des gens d’Église. On raconte même que du 24 mars à la fin mai 1690, l’é­glise du Laus était si embau­mée de par­fum que tous les pèle­rins en étaient témoins. Signalons que pour évi­ter toute trom­pe­rie, les fleurs sont ordi­nai­re­ment ban­nies du sanctuaire.

Depuis le 23 juin 1666, des gué­ri­sons sont rap­por­tées après avoir fait usage de l’huile pro­ve­nant de la lampe du sanc­tuaire. C’est Marie elle-​même qui encou­rage à cette dévo­tion comme le rap­porte le texte de Gaillard : « La bonne Mère dit à Benoîte, au com­men­ce­ment de la dévo­tion, que « l’huile de la lampe de la cha­pelle, si on en prend et qu’on s’en applique, et si on recours à son inter­ces­sion et qu’on ait la Foi, qu’on guérira ».

Benoîte Rencurel a d’a­bord connu des années dif­fi­ciles, mais rem­plies de joies spi­ri­tuelles. Dès 1665, des prêtres excep­tion­nels s’in­té­ressent à la vie pas­to­rale du Laus nais­sant : l’ab­bé Jean Peytieu y pas­se­ra les 24 années (1665–1689) d’un sacer­doce com­plè­te­ment don­né au bien des âmes ; Pierre Gaillard exer­ce­ra un minis­tère exem­plaire pen­dant 50 ans (1665–1715); Barthélemy Hermitte, moins connu, il y consa­cre­ra de son côté, 28 années de sa vie jus­qu’à son décès en 1693.

En juillet 1692, le duc de Savoie, Victor Amédée II, enva­hit la région avec 40.000 hommes. C’est la catas­trophe ; presque tout est détruit sur son pas­sage. Heureusement, Benoîte aver­tie par la Vierge met les biens pré­cieux en sécu­ri­té et se réfu­gie à Marseille avec le per­son­nel du Laus. L’exil va durer du 2 août au 20 sep­tembre 1692.

Au retour c’est la déso­la­tion maté­rielle qui va se com­pli­quer d’une déso­la­tion spi­ri­tuelle. Les abbés Peytieu et Hermitte sont décé­dés. En l’ab­sence de Mgr de Gentis, de nou­veaux aumô­niers sont nom­més par le vicaire géné­ral d’Embrun, Gabriel Biola. Ces nou­veaux pas­teurs sont oppo­sés au pèle­ri­nage du Laus et placent Benoîte dans une posi­tion inconfortable.

Pendant 15 ans (1697–1712) elle sera en rési­dence sur­veillée dans son petit logis du Laus qu’elle habite depuis 1672. Défense lui est faite de par­ler aux pèle­rins et elle ne peut assis­ter à la messe que le dimanche. Durant toutes ces années, Benoîte souffre en silence et reste fidèle à l’Église. Comme il arrive sou­vent à l’oc­ca­sion d’une appa­ri­tion de la Sainte Vierge, une épi­dé­mie de voyants se déclare dans la région. Cela se pro­dui­ra aus­si à Lourdes en 1858. Les enne­mis du Laus font rejaillir sur Benoîte le ridi­cule de ces sup­po­sées appa­ri­tions, plus gro­tesques les unes que les autres.

Mgr de Malissoles, évêque de Gap, inter­vient auprès de Mgr de Genlis, évêque d’Embrun. Il est en mesure d’é­clai­rer son confrère puisque Gap est plus près du Laus que ne l’est Embrun et que lui-​même chaque année, à pied se rend en pèle­ri­nage au Laus. Enfin, le 2 sep­tembre 1712, Mgr de Genlis confie le sanc­tuaire du Laus à une com­mu­nau­té nou­vel­le­ment fon­dée, les Missionnaires de la Sainte-​Garde.
Tout rede­vient nor­mal et Benoîte pour­ra mou­rir en paix le 28 décembre 1718.

Elle mou­rut le jour de la fête des Saints-​Innocents, comme pré­dit par le ciel et col­por­tés pas elle. Depuis la Saint – André, elle ne quit­tait plus le lit. Noël, cette année-​là, 1718, tom­ba un dimanche. Sachant qu’elle n’a­vait plus que trois nuits à pas­ser sur la terre, elle deman­da le via­tique et les saintes huiles, fit ses recom­man­da­tions der­nières. Elle conser­va sa connais­sance jus­qu’au bout et n’eut point d’a­go­nie. On s’a­per­çut qu’elle venait de s’é­teindre au sou­rire qui se des­si­na sou­dain sur ses lèvres.

Les prodiges

Les fait mira­cu­leux qui impres­sion­nèrent si fort les contem­po­rains de Benoîte Rencurel se pro­dui­saient en sa faveur comme en faveur des pèle­rins. Mais si la vision­naire obte­nait des gué­ri­sons et des bien­faits de toutes sortes pour les autres, elle ne deman­dait pour elle-​même que des épreuves.

En juillet 1673, elle avait eu la vision de Notre-​Seigneur fixé à la Croix et elle s’é­tait sen­tie inon­dée de son sang. Depuis lors, Benoîte se trou­vait brus­que­ment rai­die, chaque semaine dans la pose de cru­ci­fiée et y demeu­rait du jeu­di au same­di, sans pou­voir faire un geste.

Elle s’ef­fa­ra, dans son humi­li­té, de l’at­ten­tion géné­rale qu’at­ti­rait sur elle ce pro­dige et deman­da que d’autres souf­frances, moins visibles, lui fussent accordées.

Torturée alors par le démon, elle vécut des années ter­ribles, conso­lée seule­ment par ses appa­ri­tions. Le 15 Août 1698, la Vierge lui appa­rut entou­rée par des Anges qui empor­tèrent jus­qu’au ciel l’humble fille et la rap­por­tèrent ensuite dans son hameau.

Favorisée des dons du ciel, Benoîte était consul­tée en toute cir­cons­tance. Elle savait d’a­vance si telle ou telle gué­ri­son pou­vait être obtenue.

Un ange l’a­ver­tit de l’ar­ri­vée dans le pays des armées du duc de Savoie en lui ordon­nant de sau­ver le mobi­lier de la cha­pelle et de par­tir pour Marseille, ce qu’elle fit. Le moment du retour lui fut de même indi­qué par une voie merveilleuse.

Lisant dans les âmes, elle rame­nait au bien les pêcheurs en leur disant le nombre et la gra­vi­té de fautes qu’ils croyaient igno­rées de tous. A Marseille, elle mon­tra à M. de Coulonge, alors vicaire-​général, qu’elle connais­sait sa pen­sée et le doute qu’il gar­dait en l’é­cou­tant. En Provence comme au Laus, elle a lais­sé la répu­ta­tion d’une sainte dont la vie entou­rée de faits merveilleux.