Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Cher Monsieur le Supérieur du District, chers Messieurs les abbés, chères sœurs, bien chers fidèles,
A l’occasion de cette messe, nous voulons exprimer au bon Dieu notre action de grâce pour les 40 ans d’existence de la Fraternité en France, mais aussi nous souvenir déjà du quart de siècle du départ vers le Ciel de notre vénéré fondateur, de celui sans qui cette œuvre n’existerait pas et en même temps, bien sûr, c’est à l’occasion de ces journées de la Tradition que nous célébrons cette messe qu’on voit comme une expression concrète des fruits de ce bon combat. Cet héritage qui continue à se développer et que nous devons à Mgr Lefebvre.
Il me semble que l’on peut résumer la raison de notre action de grâce ou de ses fruits avec un mot que l’on peut développer sur deux points de vue différents, principaux. Et ce mot, c’est le mot fidèle.
Sur le premier point, ce mot fidélité, fidèle, nous l’attribuons à nous-mêmes, c’est-à-dire de notre côté. Fidèle, c’est le titre qu’on vous donne, c’est votre titre, on peut dire, d’honneur, de gloire, comme catholiques. On vous appelle fidèles. D’abord, on vous appelle fidèles parce que vous professez la foi. En latin, le mot foi ça se dit fides. Et donc, fideles, les fides, ce sont ceux qui professent la foi car, sans cette foi, il est impossible d’être catholique. Toute première question du baptême, lorsqu’une âme veut s’approcher de l’Église, qu’est-ce que vous demandez à l’Église ? Et la réponse est : la foi. C’est vraiment le fondement de tout l’édifice chrétien, de toute l’Église, de toute la vie de la grâce, c’est la foi. Et précisément, cette œuvre de la Tradition, la Fraternité, elle est basée sur la foi. Et cette foi, nous la voulons, nous la demandons à l’Église.
Cette première question du baptême, c’est un contrat, un contrat qui s’établit avec l’Église Que demandez-vous à l’Église ? La foi. Et l’Église s’engage à donner la foi. C’est un contrat. Le fidèle qui devient membre de l’Église, il a le droit, de par ce contrat, de recevoir de l’Église, la foi. Et que vous procure la foi ? La vie éternelle. Pourquoi la foi ? Parce que c’est le seul chemin pour aller au Ciel, pour arriver à la vie éternelle.
Eh bien oui, cette œuvre, elle est basée sur la foi. Foi que vous professez, et vous voyez vous-même que ce mot fidèle trouve une autre acception. En fait, il se base encore une fois sur le mot foi mais pris sous un autre sens, et c’est celui de la promesse donnée. Un homme de foi, c’est aussi un homme qui tient sa promesse et qui, par là, est fidèle. Si vous êtes appelés fidèles, c’est aussi à ce nom-là. L’Église exige de vous cette fidélité et c’est elle qui explique cette œuvre de la Tradition. Si elle existe quarante ans après, c’est parce que nous avons été fidèles.
C’est saint Paul qui le dit. Du ministre, on attend qu’il soit fidèle, dans ce sens du « garde le dépôt ». Ce sont des paroles de l’Écriture sainte, donc c’est le bon Dieu qui nous parle. Dans l’Église, et on peut dire vraiment que cette œuvre de la Tradition fait vraiment partie de l’Église, a reçu ce dépôt, ce dépôt de l’Église. Et si nous y sommes aujourd’hui, c’est parce que ce dépôt a été conservé, et fidèlement. Et si nous espérons, si nous voulons que ce dépôt continue, que cette œuvre continue, ça ne peut être que dans cette fidélité. Nous n’avons pas le droit de galvauder, de dissiper cet héritage. Nous voulons qu’il soit fructifié, qu’il grandisse, eh bien, ça ne peut être que dans la fidélité.
Il est intéressant de voir que ce mot fidèle comporte lui-même deux aspects. Le premier c’est de conserver, conserver ce trésor. Mais il y a un deuxième sens et c’est celui de transmettre. Il ne suffit pas de conserver, il faut transmettre. Et Notre-Seigneur est formel. Il dit à ses apôtres que la lumière, on ne la laisse pas sous le boisseau. Ce trésor que nous avons, ce trésor de l’Église, c’est une lumière, et cette lumière, nous n’avons pas le droit de la cacher. C’est un réflexe, c’est un réflexe qui est tout-à-fait normal, qui est raisonnable devant l’ennemi – parce que nous sommes dans un combat pour conserver ce trésor – que de le cacher. En fait c’est la crainte, c’est la crainte qui fait cacher. Regardez les apôtres. Pourquoi les apôtres se cachent ? C’est parce qu’ils ont peur. Et Notre-Seigneur de dire, cette lumière il ne faut pas la cacher. Il faut la conserver et c’est vrai que, on peut dire, au plus profond de la persécution, il y a certains moments où il faut cacher, où il faut se cacher. Mais ça n’est pas le principe, ce n’est pas un principe qui nous conduit.
D’un côté, conserver, dans ce sens-là, si vous voulez, cacher, conserver jalousement, et de l’autre côté, si nous voulons que cette œuvre continue, il faut la transmettre. Et des deux côtés, qu’il s’agisse de la conservation ou de la transmission, le mot qui qualifie tout cela, c’est la fidélité. Cette transmission, pour qu’elle soit valable, elle doit être fidèle.
Et si cette œuvre, encore une fois, est là aujourd’hui, et si nous pouvons fêter ces 40 ans, c’est à cause de cette fidélité, aussi, dans la transmission. Ceux qui ont conservé ces trésors de l’Église, au début, dans les années 60, 70, la plupart d’entre eux nous ont déjà quittés mais précisément, grâce à leur transmission fidèle, les générations suivantes sont elles-mêmes ces héritières qui, elles aussi ayant reçu, doivent continuer à transmettre, et toujours dans la fidélité.
Quand nous lisons cela, quand nous voyons cette magnifique œuvre, il ne s’agit pas de nous glorifier mais il s’agit certainement d’admirer, d’admirer l’œuvre de Dieu. Il y a un psaume, c’est celui du dimanche matin à prime, qui nous fait dire : quad admirabilis, que c’est admirable que cette œuvre ! Et en voyant la Tradition, la Fraternité, au milieu de ce siècle tant bouleversé, où l’on voit l’Église massacrée de tous les côtés, eh bien, de voir cette œuvre se maintenir, ça doit forcer notre admiration, pas sur nous-mêmes. Pas sur nous-mêmes. Cette œuvre, c’est l’œuvre de Dieu. Si nous nous réjouissons, ce n’est pas pour nous-mêmes. Nous nous réjouissons de l’œuvre de Dieu, de cette action de Dieu.
Et ça c’est le deuxième point que nous aimerions souligner ici. Si nous fêtons aujourd’hui ces quarante ans, le premier à qui il faut dire merci, c’est le bon Dieu. Et là aussi, c’est encore le même terme qu’il nous faut utiliser : fidèle.
Dieu est fidèle.
Nous avons tout juste chanter dans l’Alleluia d’aujourd’hui cette fidélité de Dieu, c’est-à-dire de Dieu qui tient ses promesses. C’est le fondement de l’une des vertus les plus oubliées et les plus nécessaires aujourd’hui, l’espérance. L’espérance chrétienne est fondée sur la promesse de Dieu, une promesse que nous savons, que nous croyons de toutes nos forces être garantie, gardée par Dieu. Dieu est fidèle, Dieu ne peut pas manquer à sa parole. Mais c’est plus que ça. Nous avons besoin de Dieu. Nous avons besoin de ce secours. Et on n’y pense pas assez. On sait très bien que si nous nous ne faisons rien, rien ne se passera. Donc, il faut nous secouer, il faut faire tout ce que nous pouvons. Mais si Dieu n’est pas là, toute cette œuvre ne vaut rien. Et on l’oublie, et on l’oublie beaucoup trop. On oublie que Dieu n’est pas un simple accompagnateur. On oublie que tout, TOUT le succès d’une œuvre dépend de Dieu. Si d’un côté, nous devons affirmer que si nous ne faisons rien, rien ne se passera, c’est vrai, cependant le résultat dépend absolument et totalement de Dieu. Il ne faut pas oublier cela.
Un Dieu fidèle, et quand nous regardons ce combat pour la Tradition, ce combat pour la foi, maintenir cette vie de l’Église, aujourd’hui, dans ce monde complètement en rébellion contre Dieu, eh bien encore une fois, nous voyons cette fidélité de Dieu envers nous. Nous ne faisons pas assez confiance au bon Dieu. Nous ne basons pas assez notre action sur Dieu. Nous sommes comme fascinés par le Mal, par les déficiences, par tout ce qui va de travers dans le monde, dans l’Église, et ça nous crispe parce qu’on n’a pas suffisamment ce regard sur le bon Dieu. Nous venons de le dire, c’est dans l’Introït d’aujourd’hui, « vous êtes le Seigneur de toutes choses, vous êtes le Maître, absolu, de toutes choses ». Il faut le dire, il faut le maintenir cela. Mais la collecte d’aujourd’hui nous y amène beaucoup plus profondément. Voyez-vous, très souvent, ces derniers dimanches, l’Église nous fait prier dans la collecte, pour l’Église On prie le bon Dieu pour son Église, ecclesiam tuam, votre Église. Figurez-vous qu’aujourd’hui, c’est un autre terme qu’on va utiliser, et c’est celui de famille, votre famille, et on parle de l’Église. Pensez un peu, l’Église ose dire au bon Dieu, nous, nous l’Église, nous sommes votre famille. Il y a – excusez-moi l’expression – une familiarité dans cette parole, touchante. S’il vous plaît, rentrez dans cette pensée : vous êtes de la famille de Dieu. Ça n’est pas un vain mot que d’appeler Dieu, Père. Notre Père, ça ne doit pas rester abstrait cela. Ça doit rentrer dans notre être. Nous appelons Dieu notre Père. Et aujourd’hui, l’Église nous rappelle, nous sommes votre famille. Et l’Église de dire, mais gardez-la, protégez-la cette famille, dans l’adversité. Ce n’est pas seulement une supplication de l’Église. L’Église sait, elle sait que Dieu protège sa famille. Et quand on dit sa famille, il faut dire chacun d’entre nous. Il faut que cette confiance dans le bon Dieu soit quelque chose d’enraciné jusqu’à la moelle de notre être. Le bon Dieu veut cela, Il veut cette intimité avec nous. Parce que quand on parle de l’Église, quand on parle de Dieu, encore une fois, ça ne doit pas rester des notions abstraites. Trop souvent, on laisse la religion à ce niveau-là. Comme une espèce de science, oui je crois en Dieu, et ça reste dans les nébuleuses. Ça ne rentre pas assez profondément dans notre vie. Chaque instant de notre vie doit se passer avec Dieu. Même, en Dieu.
Saint Paul, et ce n’est pas seulement l’apanage de saint Paul, ce n’est pas réservé à saint Paul, lorsqu’il dit : « je vis… non, non, ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus qui vit en moi ». C’est vrai de tout chrétien depuis le baptême et pour autant qu’il est en état de grâce. On n’est pas assez conscient de cela. Combien Dieu peut être proche de nous. Même le mot proche, ce n’est pas suffisant puisque lorsqu’on dit proximité, on laisse encore une certaine distance. Il veut être en nous. Les paroles qu’Il utilise lorsqu’Il parle soit de la communion, soit de la charité, c’est « Moi en vous – on comprend la communion – mais en même temps, vous en Moi ». Moi en vous, vous en Moi. Mes bien chers fidèles, ce sont des vérités absolument fondamentales de la vie chrétienne. Dans toute notre vie, dans toutes nos occupations, ici-bas sur terre, nous ne sommes jamais seuls. Jamais. Il peut nous arriver toutes sortes de malheurs, toutes sortes de contradictions. On peut voir devant nous, toutes sortes d’ennemis, on peut voir toutes sortes de malheurs. Et alors, on oublie l’essentiel, c’est que Dieu est avec nous. On oublie ce qui doit nous donner la paix. Ce qui doit nous donner la force de continuer. Dieu est fidèle. Il n’abandonne pas ceux qui veulent Lui être fidèles.
Quoi qu’il arrive dans le monde, qu’il y ait les plus grosses calamités, les guerres, les famines, les tremblements de terre, tout ce que vous voulez, Dieu n’abandonne pas ceux qui Le cherchent. Ceux qui veulent cette fidélité au bon Dieu ne seront jamais abandonnés de Dieu. Ça va même beaucoup plus loin. Dieu, divine providence, infaillible, n’hésite pas à changer le cours de l’histoire, le cours des hommes pour même une âme. Vous voulez être fidèles, vous voulez le bon Dieu, le bon Dieu ne nous lâchera pas. Vous n’avez pas le droit d’en douter. C’est déjà offenser Dieu que de mettre cette fidélité de Dieu en doute. Nous n’avons pas le droit de douter de cette assistance du bon Dieu.
Vraiment, je vous en supplie, encore une fois, c’est un des fondements de l’Église Nous sommes dans un combat. Ce combat, c’est le combat de l’Église militante. Et encore une fois, humainement et raisonnablement, c’est-à-dire lorsque nous raisonnons, lorsque nous regardons les choses avec notre raison, il y a mille raisons de craindre, d’avoir peur, de se cacher, c’est vrai. Mais ça ne doit pas être le dernier mot. Le dernier mot doit venir du côté du bon Dieu. Voyez-vous, lorsque saint Michel, lorsque donc les anges s’engagent dans ce combat encore bien plus grand – l’épître nous dit aujourd’hui, c’est un combat qui n’est pas contre la chair, c’est un combat qui est contre les esprits -, eh bien lorsque saint Michel, le prince des milices célestes, s’engage dans ce combat contre les anges, qu’est-ce qu’il dit, quelle est la parole qui abat le mal ? C’est simplement Qui est comme Dieu ? C’est ce rappel de Dieu, c’est tout, ça suffit. Ça aplatit tout, tous les ennemis. C’est la même chose pour nous. C’est pour ça que saint Jean n’hésite pas à dire : voilà la victoire qui $ le monde, c’est la foi. Et la foi, elle nous dit Dieu fidèle, vous êtes vainqueur, vainqueur de ce monde. Peut-être qu’il vous coupera la tête, ce n’est pas impossible. Mais précisément, et même jusque-là, vous serez encore vainqueur. Si on vous coupe la tête, vous irez tout droit au Ciel. On ne peut pas vous désirer mieux. Évidemment, ça vous fait peur. Mais il faut compter sur le bon Dieu, encore une fois.
Si seulement, de toutes ces paroles que je vous ai dites, vous pouviez garder celle-là : Dieu est fidèle.
Donc, pour terminer, nous nous tournons vers la Vierge, fidèle elle aussi. Fidèle des deux côtés. Fidèle envers Dieu et si elle est fidèle c’est qu’elle a conservé cette fidélité de tous les instants, mais fidèle envers nous aussi. Elle aussi est notre Mère, nous la saluons de ce titre. Elle aussi tient à nous garder. Et j’ose vous dire, elle veut plus que nous notre salut. Elle comprend mieux que nous ce que c’est que la Vie éternelle. Elle a payé plus que nous pour cela. Allons vers elle, allons vers cette Mère que Dieu nous donne, qui est Sa Mère, qui doit être notre notre Mère. Allons vers elle, demandons-lui ses grâces. Elle est tellement proche de nous. Demandons à cette bienveillance maternelle qu’elle nous garantisse, nous protège chaque instant, qu’elle nous garde dans cette fidélité, qu’elle la fasse grandir, pour que ses œuvres non seulement retrouvent leur place dans l’Église mais que vraiment l’Église assume ce trésor qui est son propre, sans lequel elle n’est pas l’Église Parce que c’est vraiment le trésor de l’Église Ça doit être notre souci, vraiment que cette Tradition grandisse, croisse. C’est comme un soleil, c’est comme la lumière. Le soleil, ça brille. Le soleil ne regarde pas si celui-ci m’aime ou ne m’aime pas. Il brille c’est tout. Ainsi doit être la Tradition.
Demandons à la Sainte Vierge toutes ses grâces tout en remerciant pour tout ce qu’elle nous a donné jusqu’ici, toutes ses grâces de fidélité, demandons-lui ses grâces pour le futur, pour nous, pour nos familles, pour les générations futures, afin que Dieu soit glorifié en tout cela et nous et beaucoup d’âmes sauvés.
Ainsi soit-il.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu.
Source : Transcription d’Y.B. pour La Porte Latine