M. l’abbé GHELA de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Rapport de notre infirmière en chef, Mademoiselle Yolly Gamutan,
depuis Tacloban, île de Leyte, en date du 30 novembre 2013
Il est des endroits de Tacloban où règne toujours une odeur nauséabonde, et comme l’enlèvement des décombres se poursuit, on découvre encore des corps en décomposition. Une forte puanteur est ressentie dans le quartier juste devant le pont de San Juanico. La fondation bouddhiste Tzu Chi a donné sur ses fonds 500 pesos (12 $US) par jour à un grand nombre de résidents pour nettoyer la ville dans le cadre d’un programme de travail. Ceux qui ont été engagés dans ce programme s’estiment très heureux de recevoir un salaire pour nettoyer leur ville. Des missions médicales protestantes étrangères sont déjà en train de monter leurs tentes. Progressivement, les décombres laissent la place à des abris sous tentes.
Hier, j’ai rendu visite à un village dans la région de Samar également touché par le typhon et je pense que ce serait un endroit idéal pour une mission secondaire d’une journée car c’est juste à une heure de Tacloban en passant par le pont de San Juanico. Là nous avons donné un sac de riz à de la famille d’Ate Inday Aseo. Ate Inday a dirigé, à plusieurs reprises, des visites de catéchisme dans sa famille dont quelques membres ont assisté à la sainte messe avec elle à Tacloban dans le temps. Un membre de ce clan est un Barangay (1) Kagawad (conseiller de quartier) qui peut certainement nous aider à préparer le village à une mission médicale.
Ils sont très atteints : pauvre avant le passage du typhon, la population du village est désormais réduite à la pire des pauvretés. Beaucoup ont perdu leur maison, ils sont désormais regroupés dans la l’école élémentaire en partie détruite, certains dans l’unique couvent religieux du secteur, également touché. Leur église paroissiale a perdu son autel et tout le mur derrière
Les gens auxquels j’ai parlé ne parlent que de leur peur de la pluie qui s’est développée après le typhon. Ils sont tous traumatisés, ils souhaitent tous partir quelque temps à Manille, Cebu ou Negros ou n’importe où en dehors de la zone touchée par le typhon. Un couple de personnes âgées a dit comment il s’est battu lorsque la pluie est venue parce que l’épouse est devenue très irritable et le mari l’a réprimandée sévèrement, essayant de lui faire entendre que ce n’est une solution de s’énerver lorsque l’on fait face à des problèmes de survie essentiels. L’épouse pleurait, me disant qu’elle ne pouvait se contrôler, ne voulait pas être nerveuse et inutile, que c’était involontaire. Le mari ne parvenait pas à se faire à la faiblesse de sa femme. Il avait eu récemment une attaque et avait quelque faiblesse dans les membres mais, au cours du typhon, avait été contraint de réunir toute son énergie pour fracasser une fenêtre et plonger dans les eaux furieuses pour sauver sa femme et son père grabataire qui se trouvait dans une maison fermée en train d’être rapidement engloutie par l’eau. Lorsque la pluie tomba du ciel, un jeune garçon cria les noms de tous les membres de sa famille, leur annonçant que l’eau revenait puis courut se cacher, tremblant, ne voulant pas voir la pluie.
Un vieil homme me dit qu’il avait connu de nombreuses tempêtes dans sa vie mais que la dernière ne ressemblait en rien aux précédentes et, les larmes aux yeux, ajouta qu’il demandait à Dieu de lui épargner une nouvelle expérience comme celle-là. Les personnes auxquelles j’ai parlé m’ont dit prier alors que les vent et la mer les fouettait mais qu’étant trop nerveuses elles ne purent réciter le « Je vous salue Marie » correctement tandis qu’elles nageaient dans des eaux déchaînées, se battant pour rejoindre un sol dur.
Seules 4 personnes du village sont mortes, 3 corps ont été retrouvés, il en manque 1. Il est étonnant de constater comment ils ont pu être épargnés car les maisons ici sont pauvres, il n’y a que 2 maisons à étage et l’école, où beaucoup se sont réfugiés, était basse et très proche de la mer. Les deux premières interventions humanitaires qui les ont secourus après la tempête furent un largage de nourriture par hélicoptère que seules les personnes les plus vaillantes purent récupérer. La troisième fut distribuée par les autorités locales, donc mieux organisé et donc plus équitablement répartie. Ces personnes paraissent humbles et ne désirent pas une grande aide matérielle, elles souhaitent disposer de simples accessoires de la vie quotidienne pour pouvoir s’en sortir malgré leur peur permanente d’un autre typhon. Comme nous sortions les sacs de riz pour la distribution aux familles visitées, les voisins observaient calmement à distance, ne demandant pas si eux aussi recevraient quelque chose. C’était une scène touchante. Il n’y eut pas de foule tapageuse exigeante comme nous l’avions craint en visitant des zones frappées par le désastre. Ils étaient pauvres mais restaient à leur place, attendant, priant sans doute pour que la même bénédiction leur arrive
J’ai parlé à l’abbé Ghela du village ; il m’a dit que ce serait une bonne idée d’avoir une mission de proximité ici. ABS CDN (plus grand réseau de diffusion et multimédia des Philippines) et la Croix Rouge ont déjà réalisé une mission médicale sur place après le typhon mais je pense qu’en janvier il y aura besoin d’une nouvelle mission médicale ici, car la vie est très dure pour cette population, et que les soins médicaux ne sont pas à la portée de leur bourse. Au cours des jours précédents, j’ai visité d’autres villages dévastés par le typhon et parlé aux survivant sur place. Le village visité hier est différent car il n’a pas de voisins proches, et si ce que j’ai vu hier peut être cru, nous pourrons réaliser une mission calme et paisible dans ce lieu.
Pour résumer :
- La mission, comme proposée par l’abbé Ghela, se fera à Barangay Sagkahan à Tacloban , où se trouve notre chapelle. Nous pouvons organiser des missions d’une journée à Osmena, Marbut et Samar.
- Je vais rencontrer le Responsable santé de Tacloban, le Docteur Gloria Fabriga, vers le 15 décembre pour lui présenter les documents exigés et le programme de la mission. Si Dieu le veut, je commencerai alors l’approvisionnement logistique.
De retour à Tacloban, hôtels et hôpitaux sont en cours de réparation, l’e au et l’électricité ne sont pas encore disponibles. Seules quelques maisons chanceuses ont l’eau, et seule la mairie a l’électricité. Aucun éclairage de toute la nuit. Je ne sais pas pourquoi il n’y a pas de lampes à éclairage solaire autonomes dans la ville comme à Cagayan de Oro, après le typhon Sendong (2011). La mairie elle-même n’a pas d’eau pour les toilettes (stupéfiant !). Les détritus sont en train d’être retirés des trottoirs et des zones résidentielles. Tous les restaurants et les chaînes de restauration rapide sont fermés. La mascotte de Jollibee (chaîne de restauration rapide philippine) sourit devant les ruines vides. La pizzeria la plus proche est à deux heures de Tacloban, et n’assure pas de service à domicile.
Des missions médicales étrangères sont déjà là, mais les volontaires restent sous la tente et il pleut pratiquement chaque jour ici, c’est difficile mais l’on n’espère pas plus de soleil car lorsque le soleil luit trop ardemment, l’odeur de décomposition dans certaines zones devient trop forte.
Très probablement, en janvier, les équipes des missions médicales actuellement au travail seront alors épuisées et une équipe fraîche comme la nôtre sera la bienvenue.
Bien à vous, par Marie Immaculée, Rosa Mystica, Yolly Gamutan. (2)
(1) Un barangay est l’unité administrative la plus petite aux Philippines. La réalité est variable, le terme s’appliquant aussi bien à un village, un district ou un quartier. Les communes et les villes sont composées de barangays. Historiquement, un barangay est une communauté assez petite, composée de 50 à 100 familles. (Source Wikipédia)
(2) Traduction par l’Association Missions
Pour venir en aide aux victimes
L’aide caritative se poursuit. Dans un premier temps, la Fraternité Saint-Pie X a pu acheminer 1,5 tonne de riz sur place. La mission médicale Rosa Mystica se rendra à Tacloban du 19 au 25 janvier. L’association Missions a déjà adressé 6 000 €. Merci de votre aide généreuse !
I – chèques libellés à l’ordre de MISSIONS (en mentionnant « Philippines ») à adresser à
MISSIONS
60 avenue du Général Leclerc
78230 Le Pecq
IBAN : FR76 3000 3018 6000 0372 7114 114 – BIC : SOGEFRPP
Reçu fiscal sur demande
II – Chèque au nom de « ACIM », adressé à :
Docteur Jean-Pierre Dickès
2, route d’Equilhen
62360 Saint Etienne au Mont
Reçu fiscal fiscal sur demande