11e Opération Rosa Mystica sur l’île de Mindanao – N° 07 : mardi 21 février 2017


Nos infir­miers ont rapi­de­ment du tra­vail car la file des patients gros­sit vite

Grosse jour­née pour tout le monde. Les volon­taires sont par­ta­gés en deux groupes : une par­tie reste sur place pour accueillir tout un groupe d’handicapés, et les autres partent à l’extérieur pour une mis­sion éclair au baran­guay Tagansule, à une bonne heure de route. 

Asmah, que nous avons déjà évo­quée pré­cé­dem­ment, s’occupe depuis quelques années des han­di­ca­pés de la région. Ils sont nom­breux, et leurs parents les cachent chez eux par peur du regard des autres. Du coup, ils ne sont pas soi­gnés, et leur mal s’aggrave ; cer­tains n’ont même pas de vrai fau­teuil rou­lant : une chaise en plas­tic mon­tée sur roues en tient lieu. Asmah a donc créé le Department Organisation Health, et orga­nise des jour­nées dans des sites publics où sont conviés tous les parents qui ont des enfants à fort han­di­cap ; des pro­fes­sion­nels de la san­té sont là pour leur don­ner des conseils médi­caux et psychologiques. 

Comme ils sont très nom­breux à la réunion pré­vue ce jour, Asmah a eu l’idée de nous en ame­ner quelques-​uns. Ils fai­saient vrai­ment pitié à voir, nous n’avons pas osé trop les pho­to­gra­phier tant leur han­di­cap dépasse l’imagination : par­fois pri­vés de deux membres, des bras d’à peine 3cm de dia­mètre à six ans, six doigts à chaque main, deux yeux minus­cules au-​dessus d’un nez dif­forme, pas de nez et des yeux énormes exor­bi­tés, un corps dis­pro­por­tion­né, etc. Beaucoup de gens qui viennent arrivent des bidon­villes à plu­sieurs kilo­mètres de là, ils mettent tout leur espoir dans cette réunion. Une femme n’a pu écrire que la pre­mière lettre de son nom pour signer la feuille de soin, et une autre ne savait même pas écrire. C’est vous dire le niveau de vie de ces pauvres parents. 

Il y a eu deux cas graves à gérer : un enfant a fait une longue crise d’épilepsie, impres­sion­nante pour tous ceux qui étaient autour ; et une petite fille a per­du connais­sance, les bat­te­ments de son cœur se ralen­tis­saient de façon inquié­tante, il a fal­lu un long mas­sage car­diaque du doc­teur Viray pour la tirer d’affaire. Pendant ce temps, les reli­gieuses fai­saient prier tout le monde autour.

Avant la messe en fin d’après-midi, une qua­ran­taine de nou­veaux enfants han­di­ca­pés arrivent encore pour consul­ter. Dure jour­née pour les méde­cins et les phar­ma­ciennes pédiatres. Au moins huit médi­ca­ments pour chaque enfant. A la fin de la jour­née, Dr Viray confie qu’elle offre le labeur de cette jour­née dans le cadre de la Croisade du Rosaire. Cette femme n’a pas fini de nous éton­ner par sa grande générosité ! 

Rendez-​vous fixé à 5h du matin. Les Philippins sont mati­naux …et fan­tai­sistes ! Parfois, ils sont là en avance, et par­fois très en retard. En fait, ils fixent un horaire, puis se rendent compte que le temps de tra­jet sera moins long que pré­vu, alors ils viennent plus tard sans pré­ve­nir per­sonne. Tout cela pour dire que nous par­tons vers 6h30 dans les véhi­cules de l’armée. Difficile de finir sa nuit, en rang d’oignon sur des bancs raides, bal­lot­tés sur les routes sinueuses de mon­tagne. Mais tel­le­ment plus exo­tique que les wagons nau­séa­bonds du métro !

Nous arri­vons bien à l’heure pour ins­tal­ler les tables de méde­cins et phar­ma­ciens. Nos infir­miers ont rapi­de­ment du tra­vail car la file des patients gros­sit vite. Avant de com­men­cer, mon­sieur l’abbé fait une courte pro­ces­sion pour mettre cette jour­née sous le signe de la Vierge : il est impor­tant que les gens com­prennent le sens de cette mis­sion ; les soins que nous pro­cu­rons à leur corps ne sont qu’un reflet de la cha­ri­té qui nous fait sou­hai­ter le salut de leur âme.

Docteur Dichard constate les mala­dies habi­tuelles : dia­bète, hyper­ten­sion, asthme, bron­chite. Elles viennent de la mau­vaise hygiène de vie ; il ne fau­drait pas grand-​chose pour les évi­ter, mais les bonnes habi­tudes sont dif­fi­ciles à prendre. Côté pédia­trie, doc­teur Loan Phan, notre viet­na­mienne si fidèle, soigne quelques enfants très faibles, toute une famille infes­tée par la gale, et pres­crit beau­coup de vita­mines qui font trop sou­vent défaut dans l’alimentation.

Un enfant de 13 ans se pré­sente dans l’après-midi : il en paraît 7 ou 8, a un œil fer­mé dont la cris­pa­tion lui déforme le visage, et ne tient pas sur ses deux jambes. Quand le doc­teur com­mence à lui par­ler et à tâter les muscles de ses cuisses, son visage s’anime, sou­rit, il se met à par­ler. Bien sûr qu’il veut mar­cher : accro­ché à la taille du méde­cin, il se déplace tant bien que mal et saute presque de joie face aux applau­dis­se­ments des spec­ta­teurs atten­dris ! Quand vient le moment de lui essayer des lunettes, c’est à nou­veau l’excitation : il recon­naît son papa à plu­sieurs mètres !

Dans le même temps, à l’autre bout du gym­nase, mon­sieur l’abbé Péron donne l’Extrême-onction à un vieil homme malade, dont la ten­sion est tel­le­ment faible qu’on ne peut le conduire à l’hôpital : il ne sur­vi­vrait pas aux secousses du voyage. C’est un moment émou­vant pour tous ceux qui y assistent. L’homme est assis, très recueilli, il joint les mains de lui-​même et semble concen­trer toute son éner­gie pour faire un signe de croix. Ainsi, la vie et la mort se côtoient, dans une atmo­sphère sereine et religieuse.

Nous quit­tons la place vers 18h, après d’innombrables pho­tos pour se rap­pe­ler du pas­sage des mis­sion­naires. La joie d’avoir été secou­ru, et d’avoir secou­ru, se lit sur tous les visages.

Deo gratias ! 

Jeanne de Vençay, envoyée spé­ciale de La Porte Latine aux Philippines

Suite des reportages de la Mission Acim Asia 2017

11° Opération Rosa Mystica sur l’île de Mindanao – N° 08, fin de la mis­sion 2017

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Association d'aide médicale aux Philippines