Abbé Chad Kinney, sermon des funérailles de Laure Gardère
21 janvier 2006
Chers Fidèles,
D’après les médecins, on peut enregistrer les battements du cœur d’un enfant très tôt après sa conception, et ce cœur va battre des centaines, des millions, des milliards de fois. Dieu seul le sait ! Et il ne viendrait à l’idée de personne d’exiger de vivre 80 ans : on ne décide pas du jour de sa mort car on n’est maître ni de sa vie, ni de sa mort.
Par la Foi, nous savons que le Bon Dieu crée chaque âme ; il confie aux parents le cœur de leur enfant pour que celui-ci batte à l’unisson du Sacré-Cœur de Jésus et puisse aller au Ciel le jour de sa mort.
Mais comment cet enfant, qui naît avec les chaînes du péché originel, pourra-t-il s’élever jusqu’à Dieu ? Il faut que les parents demandent à l’Église, au prêtre de baptiser le plus tôt possible ce petit être : par le seul contact de l’eau baptismale, le bébé devient enfant de Dieu et héritier du ciel. Dès l’âge de raison, aidé de la grâce, il pourra mériter l’intimité éternelle avec la Sainte Trinité.
Dans le cas de Laure Gardère, on peut se demander pourquoi la messe d’enterrement est célébrée en noir, une messe de Requiem. Elle a six ans quatre mois et dix jours, mais elle a montré une maturité suffisante pour pouvoir lutter contre ses défauts, se confesser et faire sa Première Communion. Elle a donc ce qu’on appelle l’âge de raison, âge à partir duquel on peut offenser légèrement ou gravement le Bon Dieu, mais âge aussi où l’offrande des moindres actions et souffrances mérite d’immenses grâces de salut.
La petite Laure a reçu l’Extrême-onction et la Confirmation : ce dernier sacrement fait de l’enfant un soldat du Christ, armé pour le combat. On peut dire qu’elle n’avait pas l’air d’un soldat, cette toute petite fille, frêle et menue dans son lit d’hôpital ! Et pourtant. Elle a offert ses souffrances, ses piqûres, ses innombrables médicaments pour obtenir la conversion du voisin de son grand-père : ce monsieur, à 400 kilomètres de distance, se mourait sans vouloir regretter ses fautes et prier, éloigné de l’Église et des sacrements depuis plusieurs dizaines d’années. Quand cet homme apprend la maladie incurable de la petite Laure, il se met à prier pour elle. Il précise qu’il ne prie pas pour lui mais seulement pour l’enfant. Et Laure, qui le sait, continue, avec persévérance, à offrir ses misères d’enfant cardiaque : une petite vie au ralenti, sans pouvoir sortir de sa maison ni courir (elle avait quitté l’école St Georges à Pâques car elle était toujours malade), une quantité de médicaments à ingurgiter chaque jour pour stimuler le cœur, le moindre repas qu’il faut avaler demande de gros efforts.
Le pécheur ne soupçonne pas encore l’étendue de la Miséricorde de Dieu : ce fleuve coule du Cœur de Jésus depuis le Vendredi Saint et lave nos péchés, notre indifférence. Entre la petite fille pure, confiante et ce monsieur, un échange miraculeux s’opère : lui qui ne parlait qu’au téléphone avec le grand-père de Laure, le fait appeler à son chevet et lui demande un prêtre comme ceux qu’il a connus quand il était enfant. Une heure après, un prêtre de Notre-Dame du Pointet entend sa confession. Il meurt quelques jours après, purifié et content, offrant sa mort en réparation des désordres de sa vie passée : acte de charité parfaite pour lequel l’Église accorde une indulgence plénière, acte auquel Laure et son grand-père n’étaient pas étrangers.
La petite fille n’a pas terminé « sa mission ». Sur le conseil de ses parents, elle peut offrir encore quelques souffrances pour que son « protégé » ne reste pas longtemps en Purgatoire.
Sa mère la trouvant faible, l’emmène en consul Après une douloureuse agonie, lucide jusqu’à la fin, ayant pu embrasser son frère et sa soeur rentrés de leur pension en urgence, Laure s’éteint le jeudi 19 janvier à 1h 30. Elle qui n’a jamais pu courir avec les enfants de son âge, elle remporte une victoire qui fait pâlir toutes les réussites humaines : aidée de ses parents et grands-parents, elle a ramené le cœur du Bon Pasteur à une brebis perdue.
N’oublions pas de prier pour elle : si elle devait passer par le Purgatoire, que nos prières l’en délivrent bientôt. Prions aussi pour sa chère famille.
Que Notre-Dame de Lourdes console les siens et accueille maternellement cette courageuse petite fille.
Sermon pour la messe de funérailles de Laure Gardère,
le 21 janvier 2006, par M. l’abbé Kinney