Article du Monde du 29 Juillet 2007
Le cardinal italien Carlo Maria Martini, qui a déjà pris plusieurs fois ses distances avec les positions conservatrices de Benoît XVI, joue une nouvelle fois les francs-tireurs dimanche en annonçant qu’il ne célèbrera pas la messe en latin libéralisée par le pape.
Dans un article publié par le supplément dominical du journal économique Il Sole 24 Ore, le vieux cardinal, âgé de 80 ans comme le pape, prend également la défense du concile Vatican II, qui « a ouvert les portes et les fenêtres à une vie chrétienne plus ouverte et plus humaine ».
Le cardinal Martini était généralement présenté par les vaticanistes comme le rival du cardinal Joseph Ratzinger avant le conclave qui a élu ce dernier comme successeur de Jean Paul II en avril 2005.
Trois semaines après le « motu proprio » (décret) de Benoît XVI autorisant sans restrictions l’usage du rite antérieur à Vatican II comme le réclamaient les traditionalistes, le prélat italien souligne qu’il n’aurait « aucune difficulté » à célébrer la messe et même à prêcher en latin, une langue qu’il aime et qu’il a vu tomber en décadence « avec amertume ».
« Mais je ne le ferai pas », écrit-il.
Il relève que le concile Vatican II, dont le rite actuel est issu, a « fait faire un grand pas en avant dans la compréhension de la liturgie » par les fidèles. Il ajoute que les « abus » de la liturgie moderne souvent dénoncés par le pape « ne (lui) paraissent pas si nombreux ».
Comme il est d’usage lorsqu’un haut prélat prend ses distances avec une décision du chef de l’Eglise catholique, le cardinal Martini tempère ses critiques par un hommage à « l’immense bienveillance du pape qui veut permettre à chacun de louer Dieu avec les formes anciennes et nouvelles ».
Mais l’ancien archevêque de Milan exprime son désaccord sur ce sujet aussi :
« j’ai vu comme évêque l’importance d’une communion (entre fidèles) dans les formes de prière liturgique qui expriment en un seul langage l’adhésion de tous au très haut mystère », écrit-il, et en outre « un évêque ne peut pas demander à ses prêtres de satisfaire toutes les exigences individuelles ».
Ces derniers mois, le cardinal Martini, qui n’a plus aucune responsabilité à la Curie, a pris publiquement ses distances avec l’intransigeance du Vatican sur la famille, l’avortement et l’euthanasie, en plaidant sur ces sujets pour « plus d’attention pastorale ».
Cette fois-ci, le désaccord porte sur l’interprétation du concile Vatican II (1962–1965) dont le prélat italien souligne le caractère novateur alors que Benoît XVI en donne une vision conservatrice en insistant sur la « continuité » avec l’Eglise du passé.
Le cardinal Martini écrit dimanche qu’avant cet évènement qui a « ouvert les portes et les fenêtres » de l’Eglise, « l’ensemble de l’existence chrétienne manquait de cette petite graine de moutarde qui donne plus de saveur au quotidien ».