Mgr Henri Brincard, évêque du Puy – Quelques propos au sujet d’une pièce de théâtre

Mgr Brincard, évêque du Puy-​en-​Velay, pro­pose un éclai­rage à pro­pos des évè­ne­ments et des réac­tions qui ont mar­qués la pré­sen­ta­tion de la pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Roméo Castellucci à Paris.

Il n’est point néces­saire d’avoir vu la pièce de Roméo Castellucci pour dire que sa seule lec­ture amène à s’interroger sur la notion de culture et, par­tant, sur ce qu’il faut entendre par « liber­té artistique ».

Pour ma part j’estime que la pièce de Castellucci est – et je pèse mes mots – vio­lente, pénible et inuti­le­ment provocante.

Pour un croyant – et c’est une évi­dence – Jésus n’est certes pas un « concept » mais le « Témoin fidèle, le Premier né d’entres les morts, le Chef des rois de la terre » (Apocalypse 1). C’est dire que la rela­tion per­son­nelle avec Jésus est notam­ment celle de la foi, de l’adoration aimante, du ser­vice des plus petits et des plus pauvres en les­quels « le Témoin fidèle » veut être ser­vi avec pré­di­lec­tion. Comment ne pas être pro­fon­dé­ment atteint par une pièce de théâtre dont cer­taines scènes dépassent l’entendement et, par voie de consé­quence, le sup­por­table ? Pour atté­nuer le scan­dale il ne suf­fit pas de dire que les inten­tions de l’auteur sont bonnes ni même que cer­taines clés de com­pré­hen­sion per­mettent de faire des décou­vertes apai­santes. L’art véri­table est un lan­gage dont la clar­té rend le beau acces­sible à tous. L’art qui aide l’homme à être plus conscient de sa digni­té est un art au ser­vice de la splen­deur du vrai et de la beau­té du bien. Lorsqu’il est chré­tien, un tel art sait mon­trer com­ment en Jésus, Dieu tire d’un drame « un effet sublime d’amour ».

Faut-​il le rap­pe­ler, il y a des liber­tés « liber­ti­cides »… l’art n’y trouve certes pas son compte. Par ailleurs, affir­mer que « foi et culture » ont des liens pro­fonds et néces­saires relève de l’évidence. Ces liens font l’objet d’heureux appro­fon­dis­se­ments, en par­ti­cu­lier par des ensei­gne­ments magis­té­riels d’une grande richesse. Il arrive aus­si – et je ne suis pas le seul à le déplo­rer – que la rela­tion intrin­sèque entre foi et culture donne par­fois lieu à des déve­lop­pe­ments hasar­deux jus­ti­fiant par des argu­ments spé­cieux l’injustifiable.

Je pose à pré­sent deux questions :

  • La pièce de Castellucci fait-​elle par­tie d’une culture qui élève l’homme et donc nous humanise ?
  • Cette pièce de Castellucci aide-​t-​elle le croyant chré­tien à avoir un regard plus pro­fond sur « Celui qui nous aime et nous a lavés de son sang » ?

Même après avoir lu les décla­ra­tions de Catellucci, je ne par­viens pas à répondre posi­ti­ve­ment à ces deux ques­tions.

A pré­sent, un mot au sujet des jeunes qui ont mani­fes­té à l’occasion des repré­sen­ta­tions à Paris de la pièce inti­tu­lée « Sur le concept du visage du Fils de Dieu ».

La plus élé­men­taire objec­ti­vi­té exige de dis­tin­guer entre ce qui s’est pas­sé à l’intérieur du théâtre et ce qui s’est pas­sé à l’extérieur. Le temps m’étant mesu­ré je ne par­le­rais que des mani­fes­ta­tions dans la rue.

En m’appuyant sur de nom­breux témoi­gnages et sur les obser­va­tions d’une jour­na­liste appar­te­nant à l’équipe d’un grand jour­nal pari­sien, je ferai les remarques sui­vantes :

C’est aller trop vite en besogne de pen­ser que les mani­fes­tants dans leur ensemble appar­te­nait à des groupes de fana­tiques ou à des groupes ayant des rela­tions tumul­tueuses avec l’Église de Dieu qui est en France. En réa­li­té, un nombre non négli­geable de mani­fes­tants appar­te­naient aux réseaux nés des « Journées Mondiales de la Jeunesse ». Dans la rue, à quelques excep­tions près, les jeunes ont mani­fes­té pai­si­ble­ment. Beaucoup d’entre eux ont même adop­té des atti­tudes de prière expri­mant leur peine, leur « désar­roi inté­rieur », leur angoisse et enfin leur espé­rance. Alors je pose la ques­tion : « Depuis quand dans un État de droit, de telles mani­fes­ta­tions sont-​elles inter­dites ? » Quant à l’Église, ain­si que nous l’a dit le pré­sident de notre confé­rence : « Il faut entendre les ques­tions des jeunes ».

D’importantes forces de l’ordre ont été mobi­li­sées pour répri­mer une mani­fes­ta­tion paci­fique. Pourquoi tant de forces de l’ordre ? Pourquoi tant de gardes-​à- vue dont cer­taines ont duré près de 48h ? Un avo­cat a dres­sé une liste impres­sion­nante d’illégalités com­mises au cours de ces gardes-​à-​vue. Cette liste est-​elle exacte ? Quoiqu’il en soit, plu­sieurs poli­ciers et CRS se sont éton­nés d’avoir été mobi­li­sés en si grand nombre.

Ma conclu­sion sera celle-​ci : ras­sem­blés devant un théâtre pari­sien au cœur d’un dou­lou­reux pro­blème, ces jeunes m’ont fait pen­ser à un « trou­peau sans pas­teur », un trou­peau ayant le sen­ti­ment d’être lais­sé à lui-​même, voire aban­don­né. Ce constat m’interroge per­son­nel­le­ment : « Comment gui­der ces jeunes par de sages conseils ? » « Comment les apai­ser ? » « Comment éclai­rer leur cou­rage par de judi­cieux accompagnements ? »

Une chose est cer­taine : les « swee­ping sta­te­ments », comme on dit en anglais, ne sont d’aucune uti­li­té. Autrement dit, des amal­games regret­tables ont par­mi leurs effets nui­sibles celui d’engager les jeunes sur des che­mins semés de périls.

+ Henri BRINCARD 
Evêque du Puy-en-Velay

Source : Diocèse du Puy-en-Velay