Extrait des Gloires de Marie de saint Alphonse de Liguori : méditation sur l’Assomption de Marie.
Si l’intelligence humaine, au dire de l’Apôtre, est incapable de comprendre la gloire immense que Dieu a préparée dans le ciel pour ceux qui l’auront aimé sur la terre, « quel est l’homme, demande saint Bernard, qui comprendra jamais celle qu’il a préparée pour sa Mère ? » Marie l’a aimé pendant sa vie plus que tous les hommes, et même, dès le premier instant de son existence, elle l’aimait déjà plus que tous les hommes et les anges ensemble. L’Eglise a donc raison de chanter La sainte Mère de Dieu a été exaltée au-dessus de tous les chœurs des anges dans le royaume céleste. [1]. « Oui, dit l’abbé Guerric, au-dessus de tous les chœurs des anges, de sorte qu’elle ne voit au-dessus d’elle que son Fils qui est le Fils unique de Dieu. » (…)

« Et de même, ajoute saint Antonin, qu’il n’y a pas de comparaison entre une reine et ses serviteurs, ainsi la gloire de Marie est incomparablement supérieure à celle des anges [2]. » Au surplus, pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler la parole de David : La Reine se tient à votre droite. « Quelle est cette Reine ainsi placée à la droite de Dieu ? C’est Marie », déclare saint Athanase[3].
Il est certain que les œuvres de Marie ont incomparablement surpassé en mérites celles de tous les saints. Incomparablement aussi, conclut saint Ildephonse, la récompense et la gloire qu’elles lui ont méritées surpassent encore celles que tous les saints ont pu acquérir[4]. Il est certain encore que Dieu proportionne la récompense au mérite, comme le déclare saint Paul : Le Seigneur rendra à chacun selon ses œuvres[5]. Si donc Marie surpassa les hommes et les anges en mérite, elle devait les surpasser par la sublimité de son exaltation. C’est le raisonnement de saint Thomas : La Vierge, dit-il, possédant les mérites de tous les hommes et de tous les anges et même bien davantage, il était donc juste qu’elle fût élevée au-dessus de toutes les hiérarchies célestes[6]. En un mot, conclut saint Bernard, « que l’on mesure quel insigne degré de grâce elle s’est acquise sur la terre et l’on pourra mesurer ensuite à quel degré éminent de gloire elle est élevée dans le ciel. »
Un savant auteur, le Père de la Colombière[7], observe que la gloire de Marie, à la différence de celle des autres saints, est une gloire pleine, une gloire complète. Sans doute, les saints jouissent dans le ciel d’une paix parfaite, d’un plein contentement. Néanmoins, il sera toujours vrai qu’aucun d’eux ne possède la gloire qu’il aurait méritée s’il avait servi et aimé Dieu avec une fidélité plus grande. Si donc les saints ne désirent rien de plus que ce qu’ils ont, ils pourraient encore avoir quelque chose à désirer. Sans doute encore, les bienheureux ne souffrent plus des péchés qu’ils ont commis et du temps qu’ils ont perdu pendant leur vie. Il n’en est pas moins vrai qu’au ciel, on goûte d’autant plus de bonheur qu’on a fait plus de bien sur terre, qu’on a mieux conservé son innocence et mieux employé le temps. Marie, elle, ne désire rien et n’a rien à désirer.
Quel est le bienheureux, demande saint Augustin, qui, interrogé s’il a péché sur la terre, pourrait répondre non, si ce n’est Marie ?
De Natura et Gratia, cap. XXXVI
Le concile de Trente l’a déclaré[8] : la sainte Vierge n’a jamais commis la moindre faute, la moindre imperfection. Non seulement elle ne perdit jamais la divine grâce, ni n’en ternit jamais l’éclat, mais jamais non plus elle ne la laissa inactive. Elle ne fit pas une action qui ne fût méritoire, elle ne dit pas une parole, n’eut pas une pensée, ne poussa pas un soupir qu’elle ne rapporta à la plus grande gloire de Dieu. En un mot, dans son ascension à Dieu, jamais elle ne ralentit son ardeur, ni n’arrêta ses pas, ni ne laissa échapper une occasion de progresser davantage. Correspondant à la grâce de toutes ses forces, elle aima Dieu autant qu’elle pouvait l’aimer. Dans le ciel, elle est en droit de dire : Seigneur, si je ne vous ai pas aimé autant que vous le méritez, du moins vous ai-je aimé autant que cela m’a été possible.
