Les Chrétiens sont persécutés depuis 10 ans en Irak, et souffrent depuis 3 ans en Syrie,
sans que cela ait provoqué le moindre engagement militaire d’un quelconque pays occidental
« Quam pulchrum ut, cum agmina captivorum ab Ecclesia redimuntur, dicatur : Hos Christus redemit ! – Qu’il est beau, quand une foule de captifs est délivrée par l’Eglise, de dire : c’est le Christ qui les a rachetés ! » (St Ambroise, De officiis, 2, ch 28, n°138.)
Nous vous livrons ici le témoignage d’une famille chrétienne d’Irak, que nous avons pu sauver de l’enfer grâce à des associations et l’investissement de fidèles.
Le prieuré (1) a mis en place un collectif paroissial pour les prendre en charge entièrement (condition sine qua non de l’acceptation du dossier par le consulat), les intégrer et leur apporter toute l’aide spirituelle attendue. Purement factuel, ce témoignage doit être répandu pour comprendre ce qui se passe quand un pays n’arrive plus à gérer l’influence islamique.
C’est surtout notre prière qui monte, suppliante, vers le Ciel : Que Jésus-Christ, « Prince de la Paix » soit remis comme chef et roi de tous les peuples. Que tous ces chrétiens persécutés soient assistés et protégés. Que les catholiques occidentaux soient des héros de cette charité qui convertit les cœurs à notre Seigneur !
Septembre 2008 : terreur contre les chrétiens
« Dès le mois de septembre, nous sommes menacés de mort car nous sommes chrétiens : les djihadistes ont glissé sous la porte de nos bureaux à l’Université de Mossoul (nous sommes tous deux professeurs d’Université), une demande de rançon de 20.000 $. Pour ne pas entrer dans leur système, nous n’avons pas payé. Mais nous avons alors dû quitter notre ville de Mossoul pour arriver dans un des villages chrétiens, du nom de Telskuf, le 10 octobre 2008.
A cette époque, ont commencé les persécutions des chrétiens à Mossoul. Tués devant leur porte ! A Bagdad, le gouvernement était au courant, ainsi qu’à Mossoul. Les gouvernements de ces deux villes ont protégé les chrétiens durant deux mois en faisant stationner des cars de militaires devant les maisons de chrétiens à Mossoul.
De septembre 2008 à 2014, Mossoul était le théâtre de la guerre ; tous les jours il y avait des bombes djihadistes détruisant les maisons, les églises et faisant beaucoup de morts.
Juillet 2014 : le début de la fin
Alors que nous vivions dans la ville de Mossoul en Irak depuis des années, nous avons été les victimes directes de l’avancée des djihadistes, les combattants extrémistes de ce qu’on appellera Daech. Ceux-ci ont pris le contrôle de notre cité le 10 juin 2014.
Nous nous sommes enfuis de nouveau pour arriver au village chrétien du nom de Tell Keff. Nous sommes retournés à Mossoul le 15 juillet 2014 – comme beaucoup de familles chrétiennes, car Daech ne faisait pas de mal aux familles avant le 18 juillet 2014.
Le 17 juillet 2014, vers 23 H 30, nous avons entendu du bruit dans la rue de notre quartier. Nous habitions notre maison neuve (que nous avions fait construire), depuis seulement le 17 mai, et ce n’était que du bonheur, car j’attendais aussi un bébé. Nous avons écouté depuis l’étage, en regardant dehors – toutes les fenêtres étaient ouvertes à cause de la chaleur. Ce bruit venait de chez nos voisins ; nous avons vu une camionnette d’où sont sortis huit hommes armés, en uniforme. Leur visage était masqué ; ils portaient la barbe longue et les cheveux longs. Ils avaient le même accent que nous : celui de Mossoul !
En Irak, il y a deux groupes : celui des « sunni » (sunnites) et celui des « chi’a » (chiites). Nos voisins sont des chi’a du Sud, et Daech sont des sunni, tout comme la majorité des habitants de Mossoul. Ils venaient donc arrêter des chi’a. Mais notre voisine de gauche leur a dit : « pourquoi voulez-vous nous arrêter alors que nous sommes musulmans ? Allez plutôt chez nos voisins, ils sont chrétiens… »
Ils les ont donc laissés et sont venus à notre maison. Ils ont frappé, alors mon mari leur a ouvert la porte du garage en même temps qu’ils l’ont violemment poussée, le renversant à terre. A cet instant j’étais dans la maison avec mon fils qui dormait. Mon mari m’a vite rejointe, mais Daech s’est introduit dans notre maison de tous côtés. Ils ont pris toutes nos statues et objets religieux, les ont violemment brisés sous nos yeux, se moquant de notre foi, pendant que trois de ces personnes nous menaçaient de leurs armes. Tout ce bruit réveilla notre fils – 6 ans – qui s’est mis à hurler de terreur. Je suis donc allé vers lui, mais un des hommes m’a poussée et mon fils a couru vers moi.
Les hommes se sont alors mis à tout casser autour de nous… ils nous ont attachés à des chaises et nous giflaient.
Ils nous ont demandé : « Où peut-on trouver le grand prêtre chrétien ? » mais nous n’avons pas dénoncé ce religieux, d’autant plus que nous n’avions pas son adresse. Sur ce ils nous ont prévenu que nous devions faire un choix :
- 1° soit nous convertir à l’islam ;
– 2° soit payer une lourde djizya mensuelle ;
– 3° soit la mort par le glaive.
Ils m’ont torturée car ils voulaient prendre mes bijoux et n’arrivaient pas à les détacher. Alors avec un couteau, ils m’ont fait des entailles sur le bras droit, ainsi que sur la poitrine… m’ayant détachée de la chaise, ils m’ont tirée par les cheveux en me traînant au sol. Ne voulant pas les suivre dans le camion, je faisais tout pour résister, mais ils me menacèrent de viol, tout en m’ordonnant de me convertir à l’islam… !
A ce moment-là je leur ai dit que j’attendais un bébé, et leur ai supplié de me laisser aller. Mais ils m’ont frappée au visage, me giflaient, et me donnaient des coups de pied violents dans le ventre. J’en eus alors de fortes douleurs et je commençais à saigner. Dans le même temps, mon mari a été jeté violemment hors de la maison, avec notre petit garçon terrorisé. Agacé par ses pleurs, un des hommes lui a donné un grand coup de poing dans le nez, le faisant tomber à la renverse ; son crâne heurta le ciment et il ne s’arrêtait plus de hurler.
Nous étions alors hors de chez nous, dans la rue. Sous nos yeux, ils bloquèrent la porte à l’aide d’une chaîne fermée par un cadenas. Puis ils écrirent « chrétiens » (ن) sur le mur. Me voyant saigner, ils partirent. Nous étions seuls dans la rue, dans le noir, le petit pleurait, je gémissais de douleur. Nous étions atterrés… nous étions sous le choc !…
A ce moment-là, l’autre voisine regardant dans la rue, est venue à notre aide. Elle a pris sa voiture et nous a amenés tous à l’hôpital. La femme médecin, en m’auscultant, m’annonça que notre bébé était mort !!!… En ce qui concerne mon mari, qui fut roué de coups de poings, ils voulaient le contraindre à se convertir à l’islam, en exerçant leur violence sur moi. Ce fut pour lui une véritable contrainte psychologique… Il a pu contacter son frère en lui expliquant la situation, mais il a alors reçu le message suivant, venant de la mosquée : « les chrétiens, hors de Mossoul ! » En entendant ceci, le médecin, craignant Daech, nous a dit de quitter l’hôpital immédiatement, alors qu’elle venait juste de me faire une césarienne. Heureusement ce médecin m’avait auparavant soignée de mes blessures, et avant que je parte, m’a fait une injection.
Forcés de partir
Notre voisine nous a gardés dans sa voiture le reste de la nuit, et ce jusqu’à 11 H 00 du matin. Puis elle nous a proposé de nous amener hors de Mossoul. Très vite la voiture fut arrêtée au premier poste de contrôle de l’Etat islamique. Me voyant couchée à l’arrière de la voiture, ils ont cru que je cachais quelque chose, mais mon mari leur a expliqué mon état. Malgré cela, ils m’ont brutalement jetée sur le sol de la route en me disant : « marche ! ». « Vous chrétiens, ne rêvez même pas de revenir à Mossoul ! Jamais ! Si vous revenez on vous tuera par le glaive. »
Ils nous ont alors pris nos dernières affaires. Il ne nous restait sur la peau que le strict minimum…Nous avons donc marché vers le nord. En nous arrêtant très souvent, car j’étais mal en point et la chaleur était accablante, 55°c ! Heureusement quelques bonnes personnes nous ont secourus en nous prenant dans leur voiture jusqu’à Dohuk (dans le Kurdistan irakien).
Arrivés en cette ville, j’ai été immédiatement hospitalisée car j’avais une forte fièvre, une infection s’étant développée…Nous avons alors réalisé de manière plus aiguë l’état dramatique de notre situation. Imaginez le nombre de chocs que nous venions de subir en quelques jours. Le choc physique, moral, économique et psychologique. Nous n’avons plus rien. Plus de maison, plus de travail, tous nos biens ont été confisqués par l’Etat islamique, notre bébé a été tué violemment, nous avons été battus, torturés devant notre fils, et nous n’avons plus d’avenir dans notre propre ville, notre patrie, si ce n’est la mort.
Nous avons alors pu loger dans une chambre d’étudiant pendant cinq mois. Puis nous avons habité avec trois autres familles catholiques dans un appartement vide de 125 m².
Une lueur d’espoir brisée
En janvier 2015, le ministère de l’Education à Bagdad a ordonné au président de l’Université de Mossoul d’ouvrir des facultés de toutes branches professionnelles. Le président m’a alors choisie comme vice-doyenne de la faculté des sciences informatiques et mathématiques de l’Université de Mossoul à Dohuk et Kirkuk. J’ai ainsi pu à nouveau travailler.
Mais récemment, à cause de mes fonctions et du fait que nous sommes chrétiens, nous avons été menacés de mort. Les bandes armées ont inclus mon nom sur la liste des personnes recherchées pour les assassiner. Cette liste était affichée sur les murs universitaires ; ils ont juré de nous tuer où que nous soyons en Irak. Cet avis de recherche et cette condamnation à mort publics furent un nouveau choc psychologique… nous redoutons vraiment cette menace… car l’horreur des 17 et 18 juillet 2014 est toujours présente à nos esprits.
Il fallait nous cacher ! Nous avons alors décidé, par prudence, d’arrêter de travailler. Nous sommes restés cinq mois à attendre, reclus, dans cet appartement avec les trois autres familles, attendant et espérant un exil, désormais tant souhaité.
Nous avons tout perdu !
Tout perdu… Sauf Jésus ! »
Source : La Porte Latine du 19 janvier 2017
(1) Par mesure de sécurité nous taironsles noms et les lieux français.