Toujours découronné, abbé Patrick de La Rocque – Mai 2015

Au regard de l’his­toire, le dimanche des Rameaux est la plus antique fête du Christ-​Roi. Ainsi l’a­vait pré­dit le pro­phète Malachie : « Voici que ton roi vient à toi, juste et sau­veur ; il est pauvre, mon­té sur une ânesse » (Mal 9, 9). Son royaume n’é­tant pas de ce monde, il avait certes refu­sé l’ac­cla­ma­tion trop humaine d’une foule aux vues sim­ple­ment tem­po­relles (Jn 6, 15). Mais en ce jour, il orga­nise lui-​même et réclame les hom­mages de son peuple. Car roi, il l’est plus que jamais en sa Passion, qu’il vou­lut souf­frir en notre nom, lui, tête de son corps mys­tique qu’est l’Église. Celle-​ci est son royaume, auquel il légua sa paix par sa Passion rédemp­trice. C’est cette royau­té que célèbrent les Rameaux, c’est cette royau­té que nous avons recon­nue et véné­rée lors de la magni­fique litur­gie intro­duc­tive à la Semaine Sainte. Notre roi par sa croix a fra­cas­sé les portes de la mort, il a ouvert les portes du Ciel. À sa suite nous avons fran­chi le seuil de l’é­glise, per­sua­dés qu’à sa suite nous fran­chi­rons celui du Ciel.

Tandis que, habi­tés de joie vous viviez en votre paroisse ces moments aus­si beaux qu’in­tenses, d’autres évé­ne­ments se dérou­laient à Rome, au cœur de la chré­tien­té. Place Saint-​Pierre, le pape François fai­sait réson­ner les paroles d’une hymne à la paix qu’il venait de com­po­ser, inter­pré­tée par un « artiste » de ses amis.

À coups de bat­te­rie et d’élec­tro­nique, les pre­mières paroles s’é­le­vèrent : « Ce mes­sage est de lumière et d’es­pé­rance, lumière qui tra­verse l’obs­cu­ri­té ». Pour qui, par miracle, ferait abs­trac­tion du tin­ta­marre faus­se­ment appe­lé musique, une espé­rance peut-​être se levait, ces mots étant une évo­ca­tion loin­taine du magni­fique can­tique du Benedictus (Lc 1, 68–79). Il n’en fut rien, tout au contraire. Plutôt que de chan­ter avec Zacharie l’au­rore du salut appor­té par le Messie, le pape François n’a­li­gnait que pla­ti­tudes : « Ne laisse jamais le pas­sé déter­mi­ner ta vie, regarde tou­jours en avant. L’avenir est dans ton esprit, dans tes mains, dans ton cœur ». Et son refrain disait suf­fi­sam­ment à la gloire de qui il chan­tait : « Pour que tous soient Un, les murs ont dis­pa­ru, seule­ment la valeur de la ren­contre qui est le pont vers la paix ». En cette com­po­si­tion, aucune allu­sion au Christ ni à Dieu, mais simple évo­ca­tion d’une « pan­re­li­gion » du sen­ti­ment, entiè­re­ment cen­trée sur l’homme : « Quand tu te trouves face à la dou­leur, tu dois faire ce que le cœur demande parce que les gestes les plus authen­tiques sont les seuls qui conviennent, etc. ».

À lui seul, ce ter­rible contraste dit suf­fi­sam­ment l’a­bîme qui sépare la Rome actuelle de la Tradition catho­lique. L’enjeu n’est point seule­ment celui de la litur­gie. Il relève de la foi comme de l’es­pé­rance. Leur foi concrète n’est plus dans le Christ unique sau­veur, qu’ils conti­nuent jour après jour de décou­ron­ner ; leur espé­rance n’est plus chré­tienne, mais seule­ment humaine.

Cette foi dans l’Homme, nous refu­sons de la par­ta­ger ; de même que leur illu­soire espé­rance dans la valeur de la ren­contre, vécue à coup d’œ­cu­mé­nisme et de rela­ti­visme. En tout cela, nous ne ver­rions que niai­se­rie, s’il n’y avait blas­phème impli­cite envers Notre Seigneur Jésus-Christ.

Pour nous, nous ne pou­vons vivre la ren­contre aux dépens du bien de la foi, dussions-​nous pour cela subir l’in­jus­tice. Coûte que coûte, nous ne vou­lons ces­ser de pro­cla­mer cette pri­mau­té abso­lue de Jésus-​Christ, quitte à être condam­nés à sa suite par d’in­justes juges (1 Pe 2, 23).

Garder, dans notre vie per­son­nelle comme dans notre com­bat, la pre­mière place à ce roi pauvre, Prince de la Paix, là est notre victoire.

Abbé Patrick de LA ROCQUE, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Source : Le Chardonnet n° 308 de mai 2015

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.