Au regard de l’histoire, le dimanche des Rameaux est la plus antique fête du Christ-Roi. Ainsi l’avait prédit le prophète Malachie : « Voici que ton roi vient à toi, juste et sauveur ; il est pauvre, monté sur une ânesse » (Mal 9, 9). Son royaume n’étant pas de ce monde, il avait certes refusé l’acclamation trop humaine d’une foule aux vues simplement temporelles (Jn 6, 15). Mais en ce jour, il organise lui-même et réclame les hommages de son peuple. Car roi, il l’est plus que jamais en sa Passion, qu’il voulut souffrir en notre nom, lui, tête de son corps mystique qu’est l’Église. Celle-ci est son royaume, auquel il légua sa paix par sa Passion rédemptrice. C’est cette royauté que célèbrent les Rameaux, c’est cette royauté que nous avons reconnue et vénérée lors de la magnifique liturgie introductive à la Semaine Sainte. Notre roi par sa croix a fracassé les portes de la mort, il a ouvert les portes du Ciel. À sa suite nous avons franchi le seuil de l’église, persuadés qu’à sa suite nous franchirons celui du Ciel.
Tandis que, habités de joie vous viviez en votre paroisse ces moments aussi beaux qu’intenses, d’autres événements se déroulaient à Rome, au cœur de la chrétienté. Place Saint-Pierre, le pape François faisait résonner les paroles d’une hymne à la paix qu’il venait de composer, interprétée par un « artiste » de ses amis.
À coups de batterie et d’électronique, les premières paroles s’élevèrent : « Ce message est de lumière et d’espérance, lumière qui traverse l’obscurité ». Pour qui, par miracle, ferait abstraction du tintamarre faussement appelé musique, une espérance peut-être se levait, ces mots étant une évocation lointaine du magnifique cantique du Benedictus (Lc 1, 68–79). Il n’en fut rien, tout au contraire. Plutôt que de chanter avec Zacharie l’aurore du salut apporté par le Messie, le pape François n’alignait que platitudes : « Ne laisse jamais le passé déterminer ta vie, regarde toujours en avant. L’avenir est dans ton esprit, dans tes mains, dans ton cœur ». Et son refrain disait suffisamment à la gloire de qui il chantait : « Pour que tous soient Un, les murs ont disparu, seulement la valeur de la rencontre qui est le pont vers la paix ». En cette composition, aucune allusion au Christ ni à Dieu, mais simple évocation d’une « panreligion » du sentiment, entièrement centrée sur l’homme : « Quand tu te trouves face à la douleur, tu dois faire ce que le cœur demande parce que les gestes les plus authentiques sont les seuls qui conviennent, etc. ».
À lui seul, ce terrible contraste dit suffisamment l’abîme qui sépare la Rome actuelle de la Tradition catholique. L’enjeu n’est point seulement celui de la liturgie. Il relève de la foi comme de l’espérance. Leur foi concrète n’est plus dans le Christ unique sauveur, qu’ils continuent jour après jour de découronner ; leur espérance n’est plus chrétienne, mais seulement humaine.
Cette foi dans l’Homme, nous refusons de la partager ; de même que leur illusoire espérance dans la valeur de la rencontre, vécue à coup d’œcuménisme et de relativisme. En tout cela, nous ne verrions que niaiserie, s’il n’y avait blasphème implicite envers Notre Seigneur Jésus-Christ.
Pour nous, nous ne pouvons vivre la rencontre aux dépens du bien de la foi, dussions-nous pour cela subir l’injustice. Coûte que coûte, nous ne voulons cesser de proclamer cette primauté absolue de Jésus-Christ, quitte à être condamnés à sa suite par d’injustes juges (1 Pe 2, 23).
Garder, dans notre vie personnelle comme dans notre combat, la première place à ce roi pauvre, Prince de la Paix, là est notre victoire.
Abbé Patrick de LA ROCQUE, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : Le Chardonnet n° 308 de mai 2015