François

266e pape ; élu le 13 mars 2013

15 août 2016

Instruction Ad resurgendum cum Christo

Au sujet de la crémation et la sépulture des défunts

A tra­vers les siècles, l’Eglise n’a jamais admis la pra­tique de la cré­ma­tion sauf en cas de graves épi­dé­mies. Elle a tou­jours condam­né fer­me­ment ces pra­tiques, intro­duites et favo­ri­sées par les offi­cines Franc-​Maçonnes. Le pré­sent décret, que nous ne pou­vons que déplo­rer, encadre davan­tage cette pra­tique qui s’est répan­due de plus en plus après une pre­mière per­mis­sion don­née sous Paul VI, qui avait déjà auto­ri­sé ce que l’Eglise a tou­jours jugé bar­bare. Voir le dos­sier consa­cré à la pra­tique de l’in­ci­né­ra­tion.

Pour res­sus­ci­ter avec le Christ, il faut mou­rir avec le Christ, il faut « quit­ter ce corps pour aller demeu­rer auprès du Seigneur » (2 Co 5, 8). Dans son Instruction Piam et constan­tem du 5 juillet 1963, le Saint-​Office avait deman­dé de « main­te­nir fidè­le­ment la cou­tume d’ensevelir les corps des fidèles », pré­ci­sant tou­te­fois que la cré­ma­tion n’est pas « contraire en soi à la reli­gion chré­tienne » et qu’on ne devait plus refu­ser les sacre­ments et les obsèques à ceux qui deman­daient la cré­ma­tion, à condi­tion qu’un tel choix ne soit pas moti­vé par « une néga­tion des dogmes chré­tiens, dans un esprit sec­taire, ou par haine contre la reli­gion catho­lique ou l’Église » [1]. Ce chan­ge­ment de la dis­ci­pline ecclé­sias­tique a été ensuite insé­ré dans le Code de droit cano­nique (1983) et le Code des Canons des Églises orien­tales (1990).

Depuis lors, la pra­tique de la cré­ma­tion s’est sen­si­ble­ment répan­due dans de nom­breuses nations, mais, dans le même temps, se sont aus­si dif­fu­sées de nou­velles idées en contra­dic­tion avec la foi de l’Église. Après avoir dûment consul­té la Congrégation pour le culte divin et la dis­ci­pline des sacre­ments, le Conseil pon­ti­fi­cal pour les textes légis­la­tifs et de nom­breuses Conférences épis­co­pales et Synodes des évêques des Églises orien­tales, la Congrégation pour la doc­trine de la foi a jugé oppor­tun de publier une nou­velle Instruction pour réaf­fir­mer les rai­sons doc­tri­nales et pas­to­rales de la pré­fé­rence pour l’inhumation des corps ; elle vou­drait aus­si éta­blir des normes por­tant sur la conser­va­tion des cendres en cas de crémation.

2. La résur­rec­tion de Jésus est la véri­té suprême de la foi chré­tienne, prê­chée comme une par­tie essen­tielle du mys­tère pas­cal depuis les ori­gines du chris­tia­nisme : « Je vous ai donc trans­mis en pre­mier lieu ce que j’avais moi-​même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tom­beau, qu’il est res­sus­ci­té le troi­sième jour selon les Écritures, et qu’il est appa­ru à Céphas, puis aux Douze » (1 Co 15, 3–4).

Par sa mort et sa résur­rec­tion, le Christ nous a libé­rés du péché et nous a ouvert l’accès à une nou­velle vie : « Le Christ est res­sus­ci­té des morts par la gloire du Père, afin que nous vivions nous aus­si d’une vie nou­velle » (Rm 6, 4). En outre, le Christ res­sus­ci­té est le prin­cipe et la source de notre résur­rec­tion future : « Le Christ est res­sus­ci­té d’entre les morts, pré­mices de ceux qui se sont endor­mis. (…) De même, en effet, que tous meurent en Adam, ain­si tous revi­vront dans le Christ » (1 Co 15, 20–22).

S’il est vrai que le Christ nous res­sus­ci­te­ra « au der­nier jour », il est vrai aus­si que, d’une cer­taine façon, nous sommes déjà res­sus­ci­tés avec lui. En effet, par le bap­tême, nous sommes plon­gés dans la mort et la résur­rec­tion du Christ, et assi­mi­lés à lui sacra­men­tel­le­ment : « Ensevelis avec lui lors du bap­tême, vous êtes aus­si res­sus­ci­tés avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a res­sus­ci­té des morts » (Col 2, 12). Unis au Christ par le bap­tême, nous par­ti­ci­pons déjà réel­le­ment à la vie du Christ res­sus­ci­té (cf. Ep 2, 6).

Grâce au Christ, la mort chré­tienne a un sens posi­tif. Dans la litur­gie, l’Église prie ain­si : « Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite, elle est trans­for­mée ; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont déjà une demeure éter­nelle dans les cieux » [2]. Par la mort, l’âme est sépa­rée du corps, mais, dans la résur­rec­tion, Dieu ren­dra la vie incor­rup­tible à notre corps trans­for­mé, en le réunis­sant à notre âme. Même de nos jours, l’Église est appe­lée à pro­cla­mer la foi en la résur­rec­tion : « La foi des chré­tiens, c’est la résur­rec­tion des morts : y croire, c’est res­sus­ci­ter » [3].

3. Suivant la tra­di­tion chré­tienne immé­mo­riale, l’Église recom­mande avec insis­tance que les corps des défunts soient ense­ve­lis dans un cime­tière ou en un lieu sacré [4]. En sou­ve­nir de la mort, de la sépul­ture et de la résur­rec­tion du Seigneur, mys­tère à la lumière duquel se mani­feste le sens chré­tien de la mort [5], l’inhumation est d’abord et avant tout la forme la plus idoine pour expri­mer la foi et l’espérance dans la résur­rec­tion du corps [6]. Comme mère, l’Église accom­pagne le chré­tien lors de son pèle­ri­nage ter­restre ; dans le Christ, elle offre au Père le fils de sa grâce et remet sa dépouille mor­telle à la terre, dans l’espérance qu’il res­sus­ci­te­ra dans la gloire [7].

En ense­ve­lis­sant les corps des fidèles, l’Église confirme la foi en la résur­rec­tion de la chair [8] et veut mettre l’accent sur la grande digni­té du corps humain, en tant que par­tie inté­grante de la per­sonne, dont le corps par­tage l’histoire [9]. Elle ne peut donc tolé­rer des atti­tudes et des rites impli­quant des concep­tions erro­nées de la mort, consi­dé­rée soit comme l’anéantissement défi­ni­tif de la per­sonne, soit comme un moment de sa fusion avec la Mère-​nature ou avec l’univers, soit comme une étape dans le pro­ces­sus de réin­car­na­tion, ou encore comme la libé­ra­tion défi­ni­tive de la « pri­son » du corps.

En outre, la sépul­ture dans les cime­tières ou dans d’autres lieux sacrés répond de manière adé­quate à la pié­té ain­si qu’au res­pect dus aux corps des fidèles défunts qui, par le bap­tême, sont deve­nus temple de l’Esprit Saint et qui ont été « comme les ins­tru­ments et les vases dont l’Esprit s’est sain­te­ment ser­vi pour opé­rer tant de bonnes œuvres » [10]. Tobie, le juste, est loué pour les mérites acquis devant Dieu en ense­ve­lis­sant les morts [11], un acte que l’Église consi­dère comme une œuvre de misé­ri­corde cor­po­relle [12].

Enfin, la sépul­ture des corps des fidèles défunts dans les cime­tières ou autres lieux sacrés favo­rise le sou­ve­nir ain­si que la prière de la famille et de toute la com­mu­nau­té chré­tienne pour les défunts, sans oublier la véné­ra­tion des mar­tyrs et des saints. Grâce à la sépul­ture des corps dans les cime­tières, dans les églises ou les espaces réser­vés à cet usage, la tra­di­tion chré­tienne a pré­ser­vé la com­mu­nion entre les vivants et les morts, et s’est oppo­sée à la ten­dance à dis­si­mu­ler ou à pri­va­ti­ser l’événement de la mort ain­si que la signi­fi­ca­tion qu’il revêt pour les chrétiens.

4. Là où des rai­sons de type hygié­nique, éco­no­mique ou social poussent à choi­sir la cré­ma­tion – choix qui ne doit pas être contraire à la volon­té expresse ou rai­son­na­ble­ment pré­su­mée du fidèle défunt –, l’Église ne voit pas de rai­sons doc­tri­nales pour pro­hi­ber cette pra­tique. En effet, la cré­ma­tion du cadavre ne touche pas à l’âme et n’empêche pas la toute-​puissance divine de res­sus­ci­ter le corps ; elle ne contient donc pas, en soi, la néga­tion objec­tive de la doc­trine chré­tienne sur l’immortalité de l’âme et la résur­rec­tion des corps [13].

L’Église conti­nue d’accorder la pré­fé­rence à l’inhumation des corps, car celle-​ci témoigne d’une plus grande estime pour les défunts ; tou­te­fois, la cré­ma­tion n’est pas inter­dite, « à moins qu’elle n’ait été choi­sie pour des rai­sons contraires à la doc­trine chré­tienne » [14]. Lorsqu’il n’existe pas de moti­va­tions contraires à la doc­trine chré­tienne, l’Église accom­pagne, après la célé­bra­tion des obsèques, le choix de la cré­ma­tion avec d’opportunes direc­tives litur­giques et pas­to­rales, en veillant sur­tout à évi­ter toute forme de scan­dale ou d’indifférentisme religieux.

5. Si, pour des rai­sons légi­times, l’on opte pour la cré­ma­tion du cadavre, les cendres du défunt doivent être conser­vées nor­ma­le­ment dans un lieu sacré, à savoir le cime­tière ou, le cas échéant, une église ou un espace spé­cia­le­ment dédié à cet effet par l’autorité ecclé­sias­tique com­pé­tente. Dès l’origine, les chré­tiens ont dési­ré que leurs défunts fissent l’objet de l’intercession et du sou­ve­nir de la com­mu­nau­té chré­tienne. Leurs tombes sont deve­nues des lieux de prière, de mémoire et de réflexion. Les fidèles défunts font par­tie de l’Église qui croit en la com­mu­nion « de ceux qui sont pèle­rins sur la terre, des défunts qui achèvent leur puri­fi­ca­tion, des bien­heu­reux du ciel, tous ensemble for­mant une seule Église » [15].

La conser­va­tion des cendres dans un lieu sacré peut contri­buer à réduire le risque de sous­traire les défunts à la prière et au sou­ve­nir de leur famille et de la com­mu­nau­té chré­tienne. De la sorte, on évite éga­le­ment d’éventuels oublis et manques de res­pect qui peuvent adve­nir sur­tout après la dis­pa­ri­tion de la pre­mière géné­ra­tion, ain­si que des pra­tiques incon­ve­nantes ou superstitieuses.

6. Pour les motifs énu­mé­rés ci-​dessus, la conser­va­tion des cendres dans l’habitation domes­tique n’est pas auto­ri­sée. C’est seule­ment en cas de cir­cons­tances graves et excep­tion­nelles liées à des condi­tions cultu­relles à carac­tère local que l’Ordinaire, en accord avec la Conférence épis­co­pale ou le Synode des évêques des Églises orien­tales, peut concé­der l’autorisation de conser­ver des cendres dans l’habitation domes­tique. Toutefois, les cendres ne peuvent être dis­tri­buées entre les dif­fé­rents cercles fami­liaux, et l’on veille­ra tou­jours à leur assu­rer des condi­tions res­pec­tueuses et adé­quates de conservation.

7. Pour évi­ter tout mal­en­ten­du de type pan­théiste, natu­ra­liste ou nihi­liste, la dis­per­sion des cendres dans l’air, sur terre, dans l’eau ou de toute autre manière, n’est pas per­mise ; il en est de même de la conser­va­tion des cendres issues de la cré­ma­tion dans des sou­ve­nirs, des bijoux ou d’autres objets. En effet, les rai­sons hygié­niques, sociales ou éco­no­miques qui peuvent moti­ver le choix de la cré­ma­tion ne s’appliquent pas à ces procédés.

8. Dans le cas où le défunt aurait, de manière notoire, requis la cré­ma­tion et la dis­per­sion de ses cendres dans la nature pour des rai­sons contraires à la foi chré­tienne, on doit lui refu­ser les obsèques, confor­mé­ment aux dis­po­si­tions du droit [16].

Au cours de l’audience accor­dée le 18 mars 2016 au car­di­nal Préfet de la Congrégation pour la doc­trine de la foi, le Souverain Pontife François a approu­vé la pré­sente Instruction, déci­dée lors de la Session ordi­naire de ce dicas­tère en date du 2 mars 2016, et il en a ordon­né la publication.

Donnée à Rome, au siège de la Congrégation pour la doc­trine de la foi, le 15 août 2016, Solennité de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie.

Gerhard Card. Müller, Préfet

Luis F. Ladaria, S.I.., Archevêque titu­laire de Thibica, Secrétaire

Notes de bas de page
  1. Sacrée congré­ga­tion suprême du Saint-​Office, Instruction Piam et constan­tem (5 juillet 1963) : AAS 56 (1964), 822–823 ; La Documentation catho­lique 61 (1964), col. 1712.[]
  2. Missel romain, Préface des défunts, 1.[]
  3. Tertullien, De resur­rec­tione car­nis, 1, 1 : CCL 2, 921.[]
  4. cf. CIC, can. 1176, § 3 ; can. 1205 ; CCEO, can. 876, § 3 ; can. 868.[]
  5. cf. Catéchisme de l’Église catho­lique, n. 1681.[]
  6. cf. Catéchisme de l’Église catho­lique, n. 2300.[]
  7. cf. 1 Co 15, 42–44 ; Catéchisme de l’Église catho­lique, n. 1683.[]
  8. cf. Saint Augustin, De cura pro mor­tuis geren­da, 3, 5 : CSEL 41, 628.[]
  9. cf. Conc. œcum. Vatican II, Const. past. Gaudium et spes, 14.[]
  10. cf. Saint Augustin, De cura pro mor­tuis geren­da, 3, 5 : CSEL 41, 627.[]
  11. cf. Tb 2, 9 ; 12, 12.[]
  12. cf. Catéchisme de l’Église catho­lique, n. 2300.[]
  13. cf. Sacrée congré­ga­tion suprême du Saint-​Office, Instruction Piam et constan­tem (5 juillet 1963) : AAS 56 (1964), 822 ; La Documentation catho­lique, 61 (1964), col. 1712.[]
  14. CIC, can. 1176, § 3 ; cf. CCEO, can. 876, § 3.[]
  15. Catéchisme de l’Église catho­lique, n. 962.[]
  16. CIC, can. 1184 ; CCEO, can. 876, § 3.[]