Christus Imperat du 28 janvier 2009


Sauf avis contraire, les articles ou confé­rences qui n’é­manent pas des
membres de la FSSPX ne peuvent être consi­dé­rés comme reflé­tant
la posi­tion offi­cielle de la Fraternité Saint-​Pie X

La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, par la voie de son Supérieur Général, Mgr Bernard Fellay, deman­dait à Rome, pour enga­ger des dis­cus­sions doc­tri­nales, afin de réta­blir un cli­mat de confiance, l’octroie de deux préa­lables :
– la liber­té pour tous les prêtres de dire la messe tri­den­tine,
– le retrait du décret d’excommunication.

Ces deux préa­lables avaient un triple objec­tif :
– réta­blir la jus­tice lésée
– offrir une cer­taine liber­té à la Tradition
– éta­blir un cli­mat de confiance. 

Ces préa­lables ont-​ils vrai­ment été obte­nus, et leurs objec­tifs ont-​ils été atteints ? 

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Par le motu pro­prio Sommorum Pontificum, le pape Benoît XVI affirme que la messe tri­den­tine n’a jamais été abro­gée, appor­tant ain­si un démen­ti for­mel au motu pro­prio Ecclesia Dei Afflicta de son pré­dé­ces­seur qui en restrei­gnait l’usage au bon vou­loir des évêques. Mais sur­tout, il était enfin affir­mé la liber­té du rite de saint Pie V après plus de trente années d’interdiction effective. 

Il est juste de recon­naître que ce motu pro­prio, mal­gré ses défauts et ses insuf­fi­sances, réta­blit la jus­tice en recon­nais­sant le droit de la messe de saint Pie V et offre une cer­taine liber­té litur­gique à la Tradition en recon­nais­sant à tout prêtre la facul­té libre et entière de la célébrer. 

Il est bon de se sou­ve­nir de l’opposition farouche des évêques à tra­vers le monde pour ne pas oublier que cet acte fut un acte cou­ra­geux posé de façon uni­la­té­rale. Ce fut le pre­mier pas concret qui per­mit à une cer­taine confiance de s’installer dans le cœur des prêtres et des fidèles de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X. 

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Puis, ce 24 jan­vier 2009, par un décret en date du 21 jan­vier 2009 de la Congrégation pour les Evêques signé de son pré­sident, le Cardinal Giovanni Batista Re, les excom­mu­ni­ca­tions pro­non­cées par la même congré­ga­tion vingt années plu­tôt contre Mgr Lefebvre et les quatre évêques sacrés par lui étaient décla­rées pri­vées d’effets juridiques. 

Afin que jus­tice fut ren­due, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X avait bien deman­dé le retrait du décret d’excommunication, ce qui signi­fiait l’inexistence réelle de la sanc­tion, et non pas la levée des excom­mu­ni­ca­tions qui aurait été la recon­nais­sance au moins impli­cite de celles-ci. 

Doit-​on par­ler aujourd’hui de retrait ou de levée ? 

Il semble que pour répondre il faille consi­dé­rer deux élé­ments que sont les cir­cons­tances et ses acteurs, et les termes uti­li­sés dans le décret romain. 

La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X reven­dique aujourd’hui, comme en 1988 l’état de néces­si­té qui a jus­ti­fié les sacres. Comme en 1988, elle reven­dique haut et fort cet acte cou­ra­geux de Mgr Lefebvre. Comme en 1988, elle conti­nue de dénon­cer avec vigueur et fer­me­té les erreurs conte­nues dans le concile Vatican II. Et comme en 1988, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X garde pré­cieu­se­ment cette foi si dif­fi­ci­le­ment trans­mise, cet amour indé­fec­tible au Saint Siège et au Vicaire du Christ. Rien n’a varié dans ses posi­tions et sa doc­trine, rien dans ce qui avait por­té Rome à vou­loir infli­ger la sanc­tion de l’excommunication n’a été modi­fié ou ame­nui­sé, le décret lui-​même le recon­nais­sant en par­lant de « com­mu­nion impar­faite ». C’est donc bien que le désac­cord persiste. 

Si mal­gré cela, Rome a don­né sans effet son décret d’il y a vingt ans, c’est que dans les faits il s’agit bien effec­ti­ve­ment d’un retrait pur et simple de la sanc­tion, une déci­sion abso­lu­ment uni­la­té­rale sans aucune contre partie. 

Cependant, si on regarde les termes employés dans le décret du 21 jan­vier, on peut y lire que le pré­fet de la Congrégation pour les Evêques remet la peine d’excommunication. Et s’il y a rémis­sion, c’est qu’il y a eu par­don, ce qui n’est pas le cas. De plus, le décret de condam­na­tion se trouve pri­vé d’effets juri­diques en date du nou­veau décret. C’est donc que les effets anté­rieurs à cette date res­tent recon­nus et que le décret de condam­na­tion n’est pas pure­ment et sim­ple­ment retiré. 

Nous sommes donc dans une situa­tion ambigüe : la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, du fait qu’elle n’ait rien concé­dé, peut affir­mer en consé­quence et avec plus de force que les excom­mu­ni­ca­tions n’avaient pas de valeur ni de rai­son d’être, et le Saint Siège, par les termes employés, peut de son coté accé­der à la demande des évêques concer­nés de ne plus subir cette opprobre sans pour autant perdre la face et se désavouer. 

Les objec­tifs n’ont donc été, en ce domaine, que par­tiel­le­ment atteints :
– la jus­tice est réta­blie de façon par­tielle seule­ment, car n’étant pas dans les termes uti­li­sés, un retrait pur, Mgr Lefebvre n’est pas réha­bi­li­té expli­ci­te­ment.
– le cor­don sani­taire des sanc­tions, qui per­met­taient aux enne­mis de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X de la conspuer, n’existe plus désor­mais. Ses détrac­teurs se trouvent doré­na­vant sans argu­ments solides afin de dis­sua­der les fidèles de se confier à l’apostolat de la Fraternité. Cette nou­velle situa­tion redonne une grande liber­té à la Tradition. 

Considérant ces deux actes pon­ti­fi­caux, avec le regard que porte sur eux le Supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, il appa­rait aujourd’hui que Benoit XVI a bien rem­pli les deux préa­lables deman­dés et que ceux-​ci ont, dans la glo­ba­li­té, atteint l’objectif qui leur étaient assignés. 

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Et main­te­nant, quel dérou­le­ment attendre de part et d’autre ?

« Dans ce nou­veau cli­mat, nous avons la ferme espé­rance d’arriver bien­tôt à la recon­nais­sance des droits de la Tradition catho­lique. » Mgr Fellay.

« […]pater­nel­le­ment sen­sible au malaise spi­ri­tuel mani­fes­té par les inté­res­sés à cause de la sanc­tion d’excommunication et confiant dans l’engagement qu’ils ont expri­mé dans la lettre citée aupa­ra­vant de ne pas ména­ger leurs efforts pour appro­fon­dir les ques­tions encore ouvertes, dans les échanges néces­saires avec les auto­ri­tés du Saint-​Siège, afin de pou­voir atteindre bien­tôt une solu­tion pleine et satis­fai­sante au pro­blème qui s’est posé aux ori­gines […] » Cardinal Giovanni Battista Re.

Il est clair que doré­na­vant, les pro­blèmes à l’origine du désac­cord, à savoir les nou­veau­tés intro­duites à l’occasion du Concile, vont être plei­ne­ment posés sur la table. Il y a une volon­té de part et d’autre de résoudre le problème. 

Naturellement, le Vatican et la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X n’ont pas le même point de vu. Mais un élé­ment est très impor­tant : le constat com­mun de la ruine de l’Eglise. Le car­di­nal Ratzinger le consta­tait avec effa­re­ment quelques mois seule­ment avant son élec­tion au sou­ve­rain pontificat. 

D’une part, Rome reste très atta­chée au concile Vatican II et consi­dère que les effets désas­treux pro­viennent de sa mau­vaise inter­pré­ta­tion ou de sa mau­vaise appli­ca­tion. C’est toute la thèse de l’herméneutique de la continuité. 

D’autre part, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X consi­dère le deuxième concile du Vatican, comme les pères de ce Concile l’ont défi­ni eux-​mêmes, sans aucune auto­ri­té dog­ma­tique et à por­tée pure­ment pas­to­rale. C’est ain­si qu’elle refuse avec droit les doc­trines nou­velles intro­duites par ce Concile et qui mani­fes­te­ment, et à plu­sieurs endroits, que sont notam­ment l’œcuménisme, la liber­té reli­gieuse et la col­lé­gia­li­té, vont contre la doc­trine tra­di­tion­nelle de l’Eglise.

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Aujourd’hui les lignes se sont dépla­cées : il y a vingt ans, la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X était prête à accep­ter le concile Vatican II à la lumière de la tra­di­tion, Rome en fai­sant le sym­bole d’un bou­le­ver­se­ment, de « l’aggiornamento ». Aujourd’hui, c’est Rome qui cherche à sau­ver le Concile en essayant de prou­ver qu’il peut être vu à la lumière de la tra­di­tion, qu’il n’est pas en rup­ture avec le pas­sé de l’Eglise, tan­dis que la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X veut le remettre en cause direc­te­ment, veut en dénon­cer les nou­veau­tés comme étant incom­pa­tibles avec le magis­tère infaillible de l’Eglise.

Les rap­ports qui s’engagent aujourd’hui entre Rome et la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X partent sur des bases solides, de confiance et de liber­té pour la Tradition. Le pro­blème de fond va être posé, avec une volon­té sérieuse et affir­mée de chaque coté de résoudre le problème. 

Rome, en réa­li­sant les deux gestes forts et cou­ra­geux, a mon­tré sa volon­té de résoudre vrai­ment le pro­blème et un pro­fond sou­ci du bien de l’Eglise.
La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, en accep­tant les opprobres et en mon­trant indé­fec­ti­ble­ment son atta­che­ment au sou­ve­rain pon­tife, a mon­tré que son action était com­man­dée par amour de l’Eglise.

Le champ est défri­ché. Reste aujourd’hui à poser des fon­da­tions solides sur les­quelles l’Eglise pour­ra se recons­truire. Ces fon­da­tions ne sont autres que sa tra­di­tion dog­ma­tique et litur­gique, exclusivement. 

Austremoine de