Hommage national à sainte Jeanne d’Arc – Résister et attaquer

Ces deux actes de la ver­tu de force seront au cœur de l’Hommage natio­nal à Sainte Jeanne d’Arc. Pour un catho­lique fran­çais, ce rendez-​vous du 8 mai n’est pas facultatif.

Le mythe laïque d’une saine laï­ci­té est pré­sen­té par­tout comme la condi­tion du « vivre ensemble » ren­du néces­saire par le triomphe de l’individualisme et du per­son­na­lisme. Face à ce défi lan­cé à la nature sociale de l’homme, nous allons mettre notre com­bat pour une socié­té chré­tienne par ses ins­ti­tu­tions et ses lois sous la pro­tec­tion de la ber­gère de Domrémy. En elle, nous trou­vons cette magna­ni­mi­té des humbles choi­sis par Dieu pour conti­nuer à nous com­mu­ni­quer une force inépui­sable en face d’un mal dif­fi­cile à vaincre.

Jeanne nous appa­raît comme une sainte guer­rière, vêtue de la cui­rasse, l’épée au côté, l’étendard dans la main, prête au com­bat. Nous sui­vons une jeune fille, habillée en guer­rier et condui­sant des hommes démo­ra­li­sés à une bataille vic­to­rieuse. « Je suis chef de guerre » écrit-​elle aux Anglais en leur ordon­nant de quit­ter le royaume. Les Anglais, elle les aime, mais chez eux. Elle détes­tait la guerre mais elle pen­sait, elle par­lait, elle agis­sait en guer­rière. Cependant, elle est « toute prête à faire la paix » si le roi d’Angleterre rend les clefs des bonnes villes de France qu’il a prise.

La paix demande la recon­nais­sance de la légi­ti­mi­té du roi et de son auto­ri­té par le sacre. Obéissance et fidé­li­té seront la marque de sa mis­sion. Dieu l’appelle et il conti­nue d’appeler pour une France, phare de la civi­li­sa­tion chré­tienne. Dans la France enva­hie, humi­liée, bri­sée, rom­pue au XVème comme au XXI siècle, Dieu répète à cha­cun de nous les paroles adres­sées par saint Michel à Jeanne : « Va ! Va ! Hardiment ».

Ses sol­dats, elle les veut chré­tiens, elle réforme les mœurs de la guerre, chasse les dames de mau­vaise vie, inter­dit les jeux, les jurons. Le péché mor­tel fait perdre les batailles. Elle veut des sol­dats qui partent au com­bat s’étant confes­sé et ayant com­mu­nié. Faute de quoi, ils devront trou­ver un autre chef.

Là où la foi est reje­tée, l’avenir du pays est sacri­fié. Or la foi n’est pas seule­ment une affaire pri­vée entre Dieu et l’homme, elle est une néces­si­té sociale, l’homme n’est pas un indi­vi­du isolé.

L’épopée de Jeanne prouve l’absence de fata­li­té en poli­tique, chaque fois que le Providence du Dieu ren­contre des hommes dési­reux d’accomplir sa volon­té. C’est la condi­tion du cou­rage et de la per­sé­vé­rance dans notre sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle et dans le com­bat politique.

Jeanne est choi­sie en pre­mier pour le salut de la France ; Jeanne est vic­to­rieuse sur les champs de bataille et dans l’accomplissement de son action poli­tique, Jeanne est vic­time, c’est le sceau de son amour pour Dieu et pour le pays.

Lorsque Dieu la désigne comme « Fille de France », la puis­sance de l’ennemi annon­çait la fin de la monar­chie fran­çaise. Il y a bien des obs­tacles à sur­mon­ter, la peur habi­tant un dau­phin dou­tant de sa légi­ti­mi­té, entou­ré d’une cour défai­tiste. Jeanne va écar­ter pro­gres­si­ve­ment les obs­tacles para­ly­sant les volon­tés. Elle ne connaît pas cette crainte qui nous fait si sou­vent battre en retraite devant l’adversaire. Soutenir le choc de ces dif­fi­cul­tés en répri­mant la crainte mais aus­si atta­quer, Ste Jeanne nous le montre pour assu­rer l’avenir de la nation assiégée.

Trop sou­vent, nous n’arrivons pas à chas­ser de nos âmes un sen­ti­ment d’impuissance, nous avons du mal à nous tenir immo­bile au milieu des dan­gers. Il peut être plus pénible de res­ter long­temps ferme dans le dan­ger alors que nous nous sen­tons prêt à atta­quer. L’acte prin­ci­pal de la ver­tu de force est de résis­ter, mais la force ne consiste pas seule­ment à la défen­sive. Elle donne une puis­sance pour sup­por­ter l’épreuve à cause d’un bien supé­rieur, le bien com­mun de la cité et le bien com­mun uni­ver­sel qui est Dieu.

Nous endu­rons le mal non par pas­si­vi­té mais en sachant que secon­dai­re­ment mais néces­sai­re­ment la force implique l’attaque. Résister puis se rendre vic­to­rieux au mal pour par­ve­nir au bien. Nous avons devant nous un libé­ra­lisme où la ver­tu de force est exclue et un libé­ra­lisme reli­gieux qui tolère toutes ces atteintes aux lois divines. La fonc­tion pre­mière de la socié­té poli­tique et de l’Eglise est de renon­cer à toutes les formes du mal.

Nous sommes repliés sur nous-​même, enfon­cés dans notre égoïsme, axés sur notre bien par­ti­cu­lier, igno­rant du bien com­mun au cœur du désordre. Un réflexe de légi­time défense devient une ten­ta­tion de faire pas­ser notre bien par­ti­cu­lier au-​dessus du bien com­mun. Il en découle fai­blesse et lâche­té. Or le choix des mar­tyres entre l’abjuration de la foi et la mort est d’actualité. Diffusons le témoi­gnage de Joseph Fadelle : « Le prix à payer » et nous com­pren­drons mieux com­bien dans l’état d’affaiblissement géné­ral où nous vivons la ver­tu de force nous est nécessaire.

Nous lais­sons les médias et la publi­ci­té enva­hir nos vies et en consé­quence nous décla­rons notre impuis­sance face au mal. Les attaques contre la nation fran­çaise ont pous­sé Dieu à inter­ve­nir par Sainte Jeanne d’Arc. Elles n’ont pas ces­sé, notre sainte disait : « Plus il y aura de sang fran­çais ensemble, en véri­té, mieux il vau­dra ». Paroles éloi­gnées d’une dis­so­lu­tion informe dans l’Europe ou le mondialisme.

La mis­sion de Jeanne d’Arc met un terme à la sub­ver­sion et à la vio­lence détrui­sant le royaume. Elle réta­blit l’ordre de la socié­té poli­tique à tra­vers la vic­toire mili­taire chas­sant les Anglais et par un réta­blis­se­ment spi­ri­tuel de l’ordre poli­tique dans la céré­mo­nie du sacre.

Demandons à Jeanne la fidé­li­té au devoir d’état, elle nous habi­tue à ne pas céder au décou­ra­ge­ment. Le ser­vice de la patrie appar­tient aux exi­gences du devoir d’état. Nous sommes catho­liques, nous appar­te­nons à la nation fran­çaise. Le devoir d’état a un lien concret avec le bien com­mun. Il s’agit de tra­vailler ensemble, de nous épau­ler dans la résis­tance, de nous pré­pa­rer au jour assi­gné pour la délivrance.

Le bien propre de Jeanne d’Arc était de res­ter avec ses parents, de gar­der ses trou­peaux à l’ombre de son clo­cher. Mais, il y a « grand pitié au royaume de France » lui disent ses voix. Le bien com­mun s’impose à elle, jusqu’au sacri­fice de sa vie.

« Sustinere et aggre­di ». Résister et atta­quer. Pas d’illusionnisme, d’utopie, de rêves mal­sains, de construc­tions ima­gi­na­tives. Le temps presse, le temps n’est plus de déli­bé­rer mais d’agir. La mis­sion de Jeanne est bien pré­cise, le sacre à Reims du Roi, lieu­te­nant du « Roi des Cieux qui est Roi de France ». C’est la che­vau­chée cou­ron­née de suc­cès devant Orléans. Là-​même où les chefs mili­taires ont échoué, elle va de vic­toire en vic­toire. Elle assiste hum­ble­ment au sacre de Reims. Son armure cache l’actiondivine. Dieu com­bat pour elle, mais avec elle. Jeanne a don­né sa vie, elle ne craint pas les flèches mais le péché. Elle a pitié des âmes, c’est la rai­son de son com­bat, de notre com­bat. « Si Dieu est pour nous, à quoi bon les gens d’armes ?» à cette ques­tion insi­dieuse d’un doc­teur, notre héroïne répond : « En nom Dieu… les gens d’armes com­battent et Dieu don­ne­ra la vic­toire » Mais pour Jeanne, du sacre triom­phal elle passe à l’humidité des cachots, sa mis­sion s’achève dans un calice d’amertume. Les hommes vont faire d’elle une sor­cière et une héré­tique. Elle connaît l’abandon des siens, les pres­sions du tri­bu­nal de haine pré­si­dé par un évêque, rené­gat de sa patrie. L’issue, c’est le bûcher de Rouen, Jeanne est au milieu des flammes, ser­rant dans ses mains un petit cru­ci­fix de bois et pro­non­çant le nom de Jésus. Ses enne­mis se croient vic­to­rieux mais un secré­taire du roi d’Angleterre ne peut s’empêcher de dire : « Nous sommes per­dus, nous avons fait mou­rir une sainte ».

Il reste au pal­ma­rès de Jeanne :

  • la vic­toire de la France, déli­vrée de ses ennemis
  • la vic­toire de la Foi : les accu­sa­teurs d’hier la trai­tant de schis­ma­tique et de mécréante vont bien­tôt se sépa­rer de l’Eglise
  • la vic­toire de Jeanne, l’Eglise dans son pro­cès de cano­ni­sa­tion, l’atteste. En son temps, Jeanne a sau­vé l’identité fran­çaise et catho­lique. Nous l’aimons et nous vou­lons mettre nos pas dans les siens. L’amour de Dieu et l’amour de la patrie sont inséparables.

Notre hom­mage natio­nal à Sainte Jeanne d’Arc ne doit pas être un feu de paille allu­mé le huit mai. Il nous est deman­dé de nous enga­ger et de mar­cher dans le com­bat de la foi et dans le com­bat poli­tique. L’enjeu est celui d’une socié­té fon­dée sur le bien com­mun tem­po­rel condui­sant, par l’Eglise, à la béa­ti­tude du ciel.

Abbé Bruno Schaeffer