« Revenir » – Communiqué de Mgr Jean-​Paul Jaeger, Evêque d’Arras

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« Revenir »

Les sol­li­ci­ta­tions des médias, les nom­breuses ques­tions qui me sont posées dans l’Eglise et hors de l’Eglise depuis quelques jours confirment une cer­ti­tude qui s’est ancrée en moi au fil des années : Depuis long­temps, bien avant Vatican II, la socié­té fran­çaise s’est affran­chie de la tutelle du chris­tia­nisme et du clé­ri­ca­lisme qui en fut, par­fois, la défor­ma­tion ins­ti­tu­tion­nelle. Elle n’a peut-​être pas reje­té tout le sys­tème de valeurs héri­té de la foi chré­tienne, mais elle entend bien l’u­ti­li­ser à sa guise et sur­tout ne s’en rien lais­ser dic­ter par une auto­ri­té exté­rieure à elle-même.

Sans ava­li­ser cette situa­tion, nous ne pou­vons pas l’i­gno­rer, y com­pris lorsque à l’ap­pel du Christ, nous nous effor­çons de semer au cour des hommes de ce temps le bon grain de l’Evangile.

Les récents évé­ne­ments consti­tuent une redou­table illus­tra­tion de ce pro­pos. Dans les réac­tions, nul ne s’est embar­ras­sé des sub­ti­li­tés d’un droit cano­nique dont la majo­ri­té des Français, et pro­ba­ble­ment des croyants, ignorent l’exis­tence. Seuls quelques spé­cia­listes peuvent com­prendre que la levée d’une excom­mu­ni­ca­tion – mais de quoi s’agit-​il donc pour le com­mun des mor­tels ? – ne vaut pas réha­bi­li­ta­tion et ouvre seule­ment une voie. A cet égard, la démarche a souf­fert d’un gros manque de com­mu­ni­ca­tion et d’explication.

Il faut être entré au cour même de l’Evangile, avoir per­çu la fine pointe de l’at­ti­tude du Christ qui s’a­baisse jus­qu’à la mort pour com­prendre l’at­ti­tude misé­ri­cor­dieuse et pater­nelle du pape. Le seul juge­ment humain le taxe immé­dia­te­ment d’in­cons­cience ou de par­tia­li­té et lui prête injus­te­ment de bien méchantes intentions.

Il est inutile et sté­rile de repro­cher à notre socié­té son incom­pré­hen­sion et ses griefs : elle n’est plus spon­ta­né­ment ajus­tée à la pré­di­ca­tion évan­gé­lique, à la mis­sion de l’Eglise et de ses ministres. Il nous faut la mettre en situa­tion d’ou­vrir les yeux, les oreilles et le cour au mes­sage évan­gé­lique. Passer outre cette réa­li­té ne peut qu’é­lar­gir le fos­sé entre l’Eglise et la socié­té fran­çaise et sté­ri­li­ser nos plus beaux élans missionnaires.

L’avenir dira quel but a fina­le­ment atteint la levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion des quatre évêques consa­crés par Monseigneur Lefebvre. La révé­la­tion conco­mi­tante de l’ou­tra­geant néga­tion­nisme de l’un d’entre eux a consi­dé­ra­ble­ment hypo­thé­qué le résul­tat escomp­té. Certes, avec Saint Paul, et à coup sûr avec Benoît XVI, nous vou­lons croire que l’a­mour « excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. » Mais en 2009, en France, et pro­ba­ble­ment ailleurs dans le monde, il ne suf­fit pas de le dire comme si tout le monde devait le savoir et le croire, il est urgent de le faire voir.

Nous vou­lons bien assu­mer, avec d’autres, le rôle ingrat du fils aîné de l’Evangile et recon­naître que sommes peu accueillants au frère cadet qui a offen­sé notre père et nous a bles­sés. Nous accep­tons de recon­naître que nous avons tou­jours à remettre sur le chan­tier notre lec­ture, nos inter­pré­ta­tions, nos mises en ouvre du Magistère, Vatican II compris.

Cependant, si nous avons bonne mémoire, le petit frère recon­naît hum­ble­ment et pau­vre­ment qu’il a péché contre son père et il fait amende hono­rable. Nous aimons aus­si entendre le père nous redire que nous avons tou­jours été avec lui et qu’il a tou­jours été avec nous.

Non, le Peuple de Dieu n’est pas dans l’er­reur quand il se laisse conduire – même au prix de quelques faux pas – là où l’Esprit Saint et l’Eglise le mènent. Non, il n’est pas pos­sible de remettre en ques­tion des don­nées du magis­tère au simple motif qu’un groupe par­ti­cu­lier les récuse. Non, quatre évêques rele­vés de l’ex­com­mu­ni­ca­tion ne seront jamais les redres­seurs de torts dans une Eglise pré­ten­du­ment four­voyée et éga­rée dans les allées incer­taines et trom­peuses de Vatican II et de sa liturgie !

Dans l’Evangile, la Miséricorde du père dépasse la rai­son elle-​même, mais c’est bien le fils qui revient chez le père et non l’inverse !

+ Jean-​Paul JAEGER , évêque d’Arras