Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

29 juin 1881

Lettre encyclique Diuturnum Illud

Sur l'origine du pouvoir civil

Table des matières

Donné à Rome, à Saint-​Pierre, le 29 juin 1881

À tous Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques du monde catho­lique, en grâce et com­mu­nion avec le Siège Apostolique.

Léon XIII, pape

Vénérables Frères Salut et Bénédiction Apostolique.

La guerre redou­table, depuis long­temps entre­prise contre la divine auto­ri­té de l’Église, a eu l’issue qu’elle devait avoir : elle a mis en péril la socié­té en géné­ral, et tout spé­cia­le­ment le pou­voir civil, qui est le prin­ci­pal sou­tien du bien public.

Notre époque, plus que toute autre, four­nit cette démons­tra­tion par les faits. Elle Nous montre les pas­sions popu­laires plus har­dies que jamais à repous­ser toute auto­ri­té, et la licence si géné­rale, les sédi­tions et les troubles si fré­quents que ceux qui gou­vernent, après s’être vu refu­ser l’obéissance, ne trouvent même plus dans leur puis­sance la garan­tie de leur sécu­ri­té per­son­nelle. On a tra­vaillé de longue main à faire d’eux un objet de haine et de mépris pour le peuple ; l’incendie, ain­si fomen­té, a écla­té enfin, et l’on a vu en peu de temps la vie des plus grands sou­ve­rains en butte à de téné­breux com­plots ou à des atten­tats d’une cri­mi­nelle audace. L’Europe entière, naguère encore, fré­mis­sait d’horreur à la nou­velle du meurtre affreux d’un puis­sant Empereur ; au len­de­main d’un si grand for­fait, quand la stu­peur qu’il a cau­sé oppresse encore toutes les âmes, des scé­lé­rats ne craignent pas de jeter publi­que­ment l’intimidation et la menace à la face des autres sou­ve­rains de l’Europe.

Ces grands périls publics, qui frappent tous les yeux, qui mettent en ques­tion à chaque heure la vie des princes, la tran­quilli­té des États, le salut des peuples, nous jettent dans de cruelles angoisses.

Et pour­tant la reli­gion chré­tienne, à peine avait-​elle péné­tré les mœurs et les ins­ti­tu­tions des socié­tés, leur avait pré­pa­ré par sa divine ver­tu de pré­cieuses garan­ties d’ordre public et de stabilité.

Parmi les pre­miers et les plus grands de ses bien­faits, il faut pla­cer ce juste et sage tem­pé­ra­ment de droits et de devoirs qu’elle a su déter­mi­ner entre les sou­ve­rains et les peuples. – C’est qu’en effet, les pré­ceptes et les exemples du Christ ont une effi­ca­ci­té mer­veilleuse pour conte­nir dans le devoir aus­si bien ceux qui obéissent que ceux qui com­mandent, et pour pro­duire entre eux cette har­mo­nie, ce concert des volon­tés qui est conforme aux lois de la nature et qui assure le cours pai­sible et régu­lier des choses publiques.

C’est pour­quoi, Dieu ayant vou­lu Nous confier le gou­ver­ne­ment de l’Église catho­lique, gar­dienne et inter­prète de la doc­trine de Jésus-​Christ, Nous esti­mons, Vénérables Frères, qu’il Nous appar­tient, en cette qua­li­té, de rap­pe­ler publi­que­ment les obli­ga­tions que la morale catho­lique impose à cha­cun dans cet ordre de devoirs ; de cet expo­sé doc­tri­nal res­sor­ti­ront, par voie de consé­quence, les moyens qu’il faut employer pour conju­rer tant de périls redou­tables et assu­rer le salut de tous.

Source de l’autorité

C’est en vain que, ins­pi­ré par l’orgueil et l’esprit de rébel­lion, l’homme cherche à se sous­traire à toute auto­ri­té ; à aucune époque il n’a pu réus­sir à ne dépendre de per­sonne. À toute asso­cia­tion, à tout groupe d’hommes, il faut des chefs, c’est une néces­si­té impé­rieuse, à peine, pour chaque socié­té, de se dis­soudre et de man­quer le but en vue duquel elle a été for­mée. – Mais, à défaut d’une des­truc­tion totale de l’autorité poli­tique dans les États, des­truc­tion qui eût été impos­sible, on s’est appli­qué du moins par tous les moyens à en éner­ver la vigueur, à en amoin­drir la majes­té. C’est ce qui s’est fait sur­tout au XVIe siècle, alors que tant d’esprits se lais­sèrent éga­rer par un funeste cou­rant d’idées nou­velles. Depuis lors, on vit la mul­ti­tude, non seule­ment reven­di­quer une part exces­sive de liber­té, mais entre­prendre de don­ner à la socié­té humaine, avec des ori­gines fic­tives, une base et une consti­tu­tion arbi­traires. Aujourd’hui, on va plus loin ; bon nombre de Nos contem­po­rains, mar­chant sur les traces de ceux qui, au siècle der­nier, se sont décer­né le titre de phi­lo­sophes, pré­tendent que tout pou­voir vient du peuple ; que, par suite, l’autorité n’appartient pas en propre à ceux qui l’exercent, mais à titre de man­dat popu­laire, et sous cette réserve que la volon­té du peuple peut tou­jours reti­rer à ses man­da­taires la puis­sance qu’elle leur a déléguée.

C’est en quoi les catho­liques se séparent de ces nou­veaux maîtres ; ils vont cher­cher en Dieu le droit de com­man­der et le font déri­ver de là comme de sa source natu­relle et de son néces­saire principe.

Toutefois, il importe de remar­quer ici que, s’il s’agit de dési­gner ceux qui doivent gou­ver­ner la chose publique, cette dési­gna­tion pour­ra dans cer­tains cas être lais­sée au choix et aux pré­fé­rences du grand nombre, sans que la doc­trine catho­lique y fasse le moindre obs­tacle. Ce choix, en effet, déter­mine la per­sonne du sou­ve­rain, il ne confère pas les droits de la sou­ve­rai­ne­té ; ce n’est pas l’autorité que l’on consti­tue, on décide par qui elle devra être exer­cée. Il n’est pas ques­tion davan­tage des dif­fé­rents régimes poli­tiques : rien n’empêche que l’Église n’approuve le gou­ver­ne­ment d’un seul ou celui de plu­sieurs, pour­vu que ce gou­ver­ne­ment soit juste et appli­qué au bien com­mun. Aussi, réserve faite des droits acquis, il n’est point inter­dit aux peuples de se don­ner telle forme poli­tique qui s’adaptera mieux ou à leur génie propre, ou à leurs tra­di­tions et à leurs coutumes.

Que si l’on veut déter­mi­ner la source du pou­voir dans l’État, l’Église enseigne avec rai­son qu’il la faut cher­cher en Dieu. C’est ce qu’elle a trou­vé expri­mé avec évi­dence dans les saintes Lettres et dans les monu­ments de l’antiquité chré­tienne. On ne sau­rait d’ailleurs ima­gi­ner une doc­trine plus conforme à la rai­son, plus favo­rable aux inté­rêts des sou­ve­rains et des peuples.

Cette ori­gine divine de l’autorité humaine est attes­tée de la façon la plus claire en maints pas­sages de l’ancien Testament : « C’est par moi que règnent les rois, par moi que les sou­ve­rains com­mandent, que les arbitres des peuples rendent la jus­tice . » [1] Ailleurs : « Prêtez l’oreille, vous qui gou­ver­nez les nations, parce que c’est par Dieu que vous a été don­née la puis­sance ; l’autorité vous vient du Très-​Haut . » [2] Le livre de l’Ecclésiastique four­nit le même ensei­gne­ment : « C’est Dieu qui a pré­po­sé un chef au gou­ver­ne­ment de chaque nation . » [3] Les hommes tou­te­fois, sous l’influence des fausses reli­gions, oublièrent peu à peu ces divines leçons ; le paga­nisme, qui avait alté­ré tant de véri­tés et faus­sé tant d’idées, ne man­qua pas de cor­rompre aus­si la vraie notion du pou­voir et d’en défi­gu­rer la beau­té. C’est plus tard, quand la clar­té de l’Évangile se leva sur le monde, que la véri­té reprit ses droits et qu’on vit repa­raître dans tout son éclat le prin­cipe noble et divin d’où pro­cède toute auto­ri­té. – Quand le gou­ver­neur romain se vante devant Notre Seigneur Jésus-​Christ du pou­voir qu’il a de l’acquitter ou de le condam­ner, le Sauveur lui répond : « Tu n’aurais sur moi aucune puis­sance si celle que tu pos­sèdes ne t’avait été don­née d’en haut . » [4] Saint Augustin, expli­quant ce pas­sage, s’écrie : « Apprenons ici de la bouche du Maître ce qu’il enseigne ailleurs par son Apôtre : c’est qu’il n’y a de pou­voir que celui qui vient de Dieu. » Et, en effet, la doc­trine et la morale de Jésus-​Christ ont trou­vé un écho fidèle dans la pré­di­ca­tion des Apôtres. On connaît l’enseignement sublime et déci­sif que saint Paul don­nait aux Romains, bien qu’ils fussent sou­mis à des empe­reurs païens. « Il n’y a de pou­voir que celui qui vient de Dieu . » [5] D’où l’Apôtre déduit, comme une consé­quence, que « le sou­ve­rain est le ministre de Dieu . » [6]

Les Pères de l’Église ont mis tous leurs soins à repro­duire et à répandre cet ensei­gne­ment dont ils avaient été nour­ris. « N’accordons à per­sonne, dit saint Augustin, le droit de don­ner la sou­ve­rai­ne­té et l’empire, sinon au seul vrai Dieu . » [7] Saint Jean Chrysostome s’exprime ain­si sur le même sujet : » Qu’il y ait des auto­ri­tés éta­blies, que les uns com­mandent, les autres obéissent ; qu’ainsi tout dans la socié­té ne soit pas livré au hasard, c’est là, je l’affirme, l’œuvre de la divine Sagesse. » [8] Saint Grégoire le Grand rend le même témoi­gnage : « Nous recon­nais­sons, dit-​il, que la puis­sance a été don­née d’en haut aux empe­reurs et aux rois . » [9] Les mêmes saints Docteurs se sont encore atta­chés à éclai­rer cette doc­trine par le rai­son­ne­ment, afin de la faire accep­ter comme juste et vraie de ceux-​là mêmes qui n’ont d’autre guide que la rai­son natu­relle. – Et, en effet, ce qui réunit les hommes pour les faire vivre en socié­té, c’est la loi de la nature ; ou, plus exac­te­ment, la volon­té de Dieu auteur de la nature ; c’est ce que prouvent avec évi­dence et le don du lan­gage, ins­tru­ment prin­ci­pal des rela­tions qui fondent la socié­té, et tant de dési­rs qui naissent avec nous, et tant de besoins de pre­mier ordre qui res­te­raient sans objet dans l’état d’isolement, mais qui trouvent leur satis­fac­tion dès que les hommes se rap­prochent et s’associent entre eux. D’autre part, cette socié­té ne peut ni sub­sis­ter ni même se conce­voir s’il ne s’y ren­contre un modé­ra­teur pour tenir la balance entre les volon­tés indi­vi­duelles, rame­ner à l’unité ces ten­dances diverses et les faire concou­rir aus­si par leur har­mo­nie à l’utilité com­mune. D’où il suit que Dieu a cer­tai­ne­ment vou­lu dans la socié­té civile une auto­ri­té qui gou­ver­nât la mul­ti­tude. – Mais, voi­ci une autre consi­dé­ra­tion d’un grand poids : ceux qui admi­nistrent la chose publique doivent pou­voir exi­ger l’obéissance dans des condi­tions telles que le refus de sou­mis­sion soit pour les sujets un péché. Or, il n’est pas un homme qui ait en soi ou de soi ce qu’il faut pour enchaî­ner par un lien de conscience le libre vou­loir de ses sem­blables. Dieu seul, en tant que créa­teur et légis­la­teur uni­ver­sel, pos­sède une telle puis­sance ; ceux qui l’exercent ont besoin de la rece­voir de lui et de l’exercer en son nom. « Il n’y a qu’un seul légis­la­teur et un seul juge qui puisse condam­ner et absoudre . » [10] Ceci est vrai de toutes les formes du pou­voir. Pour ce qui est de l’autorité sacer­do­tale, il est si évident qu’elle vient de Dieu que, chez tous les peuples, ceux qui en sont inves­tis sont appe­lés les ministres de Dieu et trai­tés comme tels. De même, dans la famille, la puis­sance pater­nelle porte l’empreinte et comme la vivante image de l’autorité qui est en ce Dieu « de qui toute pater­ni­té, au ciel et sur la terre, emprunte son nom . » [11] Et par là, les pou­voirs les plus divers se rap­prochent dans une mer­veilleuse res­sem­blance : par­tout où l’on retrouve un com­man­de­ment, une auto­ri­té quel­conque, c’est à la même source, en Dieu, seul arti­san et seul maître du monde, qu’il en faut cher­cher le principe.

Le contrat social

Ceux qui font sor­tir la socié­té civile d’un libre contrat doivent assi­gner à l’autorité la même ori­gine ; ils disent alors que chaque par­ti­cu­lier a cédé de son droit et que tous se sont volon­tai­re­ment pla­cés sous la puis­sance de celui en qui se sont concen­trés tous les droits indi­vi­duels. Mais l’erreur consi­dé­rable de ces phi­lo­sophes consiste à ne pas voir ce qui est pour­tant évident ; c’est que les hommes ne consti­tuent pas une race sau­vage et soli­taire ; c’est qu’avant toute réso­lu­tion de leur volon­té, leur condi­tion natu­relle est de vivre en société.

Ajoutez à cela que le pacte dont on se pré­vaut est une inven­tion et une chi­mère ; et que, fût-​il réel, il ne don­ne­rait jamais à la sou­ve­rai­ne­té poli­tique la mesure de force, de digni­té, de sta­bi­li­té que réclament et la sûre­té de l’État et les inté­rêts des citoyens. Le pou­voir n’aura cet éclat et cette soli­di­té qu’autant que Dieu appa­raî­tra comme la source auguste et sacrée d’où il émane.

Cette doc­trine n’est pas seule­ment la plus véri­table, elle est la plus salu­taire qui se puisse conce­voir. Si, en effet, l’autorité de ceux qui gou­vernent est une déri­va­tion du pou­voir de Dieu même, aus­si­tôt et par là même, elle acquiert une digni­té plus qu’humaine ; ce n’est pas, sans doute, cette gran­deur faite d’absurdité et d’impiété que rêvaient les empe­reurs païens quand ils reven­di­quaient pour eux-​mêmes les hon­neurs divins ; mais une gran­deur vraie, solide, et com­mu­ni­quée à l’homme à titre de don et de libé­ra­li­té céleste. Dès lors, les sujets devront obéir aux princes comme à Dieu même, moins par la crainte du châ­ti­ment que par le res­pect de la majes­té, non dans un sen­ti­ment de ser­vi­li­té, mais sous l’inspiration de la conscience. Et l’autorité fixée à sa vraie place, s’en trou­ve­ra gran­de­ment affer­mie ; car les citoyens, se sen­tant pres­sés par le devoir, devront néces­sai­re­ment s’interdire l’indocilité et la révolte, per­sua­dés d’après les vrais prin­cipes, que résis­ter au pou­voir de l’État, c’est s’opposer à la volon­té divine, que refu­ser l’honneur aux sou­ve­rains, c’est le refu­ser à Dieu.

L’obéissance au pouvoir

C’est l’enseignement for­mel que l’apôtre saint Paul adres­sait spé­cia­le­ment aux Romains, lorsque, les ins­trui­sant sur le res­pect dû aux princes, il écri­vait ces graves paroles dont l’autorité et l’importance ne sau­raient être dépas­sées : « Que tout homme vivant soit sou­mis aux puis­sances sou­ve­raines ; car il n’y a de pou­voir que celui qui vient de Dieu, et les auto­ri­tés qui existent tiennent de Dieu leur ins­ti­tu­tion. C’est pour­quoi celui qui résiste au pou­voir résiste à l’institution divine. Et ceux qui résistent de la sorte attirent sur eux-​mêmes la condam­na­tion… Soyez donc sou­mis, cela est néces­saire, non seule­ment parce que le châ­ti­ment vous menace, mais parce que la conscience l’exige . » [12] Et le prince des Apôtres, saint Pierre, confirme cette leçon dans ce célèbre pas­sage : « Soyez sou­mis à toute créa­ture humaine à cause de Dieu : au roi parce qu’il est le pre­mier en digni­té ; aux autres chefs, parce que Dieu les a envoyés pour le châ­ti­ment des méchants et l’honneur des bons ; telle est, en effet, la volon­té de Dieu . » [13]

Il n’existe qu’une seule rai­son valable de refu­ser l’obéissance ; c’est le cas d’un pré­cepte mani­fes­te­ment contraire au droit natu­rel ou divin, car là où il s’agirait d’enfreindre soit la loi natu­relle, soit la volon­té de Dieu, le com­man­de­ment et l’exécution seraient éga­le­ment cri­mi­nels. Si donc on se trou­vait réduit à cette alter­na­tive de vio­ler ou les ordres de Dieu ou ceux des gou­ver­nants, il fau­drait suivre le pré­cepte de Jésus-​Christ qui veut « qu’on rende à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » [14], et, à l’exemple des Apôtres, on devrait répondre : « Il faut obéir à Dieu plu­tôt qu’aux hommes. » [15] Et il ne serait pas juste d’accuser ceux qui agissent ain­si, de mécon­naître le devoir de la sou­mis­sion ; car les princes dont la volon­té est en oppo­si­tion avec la volon­té et les lois de Dieu, dépassent en cela les limites de leur pou­voir et ren­versent l’ordre de la jus­tice ; dès lors, leur auto­ri­té perd sa force, car où il n’y a plus de jus­tice, il n’y a plus d’autorité.

Mais pour que la jus­tice pré­side tou­jours à l’exercice du pou­voir, il importe avant tout que les chefs des États com­prennent bien que la puis­sance poli­tique n’est faite pour ser­vir l’intérêt pri­vé de per­sonne, et que les fonc­tions publiques doivent être rem­plies pour l’avantage non de ceux qui gou­vernent, mais de ceux qui sont gou­ver­nés. Que les princes prennent modèle sur le Dieu Très-​Haut de qui ils tiennent leur pou­voir ; et que, se pro­po­sant son exemple dans l’administration de la chose publique, ils se montrent équi­tables et intègres dans le com­man­de­ment et ajoutent à une sévé­ri­té néces­saire une pater­nelle affec­tion. C’est pour cela que les Saintes Lettres les aver­tissent qu’ils auront un compte à rendre « au Roi des rois, au Maître des domi­na­teurs » et que s’ils se sous­traient au devoir, ils n’échapperont par aucun moyen aux sévé­ri­tés de Dieu. « Le Très-​Haut inter­ro­ge­ra vos actions et son­de­ra vos pen­sées ; parce que, aux jours où vous étiez les ministres de sa royau­té, vous n’avez pas jugé selon la jus­tice… son appa­ri­tion sou­daine vous gla­ce­ra d’effroi ; car ceux qui gou­vernent doivent s’attendre à un juge­ment plein de rigueur… Dieu ne fera aucune accep­tion de per­sonne, il n’aura d’égard pour aucune gran­deur : c’est lui qui a fait les petits et les grands, et il prend le même soin de tous les hommes. Seulement aux plus puis­sants il réserve un sup­plice plus redou­table. » [16]

Dans un État qui s’abrite sous ces prin­cipes tuté­laires, il n’y a plus de pré­texte pour moti­ver les sédi­tions, plus de pas­sion pour les allu­mer : tout est en sûre­té, l’honneur et la vie des chefs, la paix et la pros­pé­ri­té des cités. La digni­té des citoyens trouve là éga­le­ment sa plus sûre garan­tie, car ils doivent à l’élévation de leurs doc­trines de conser­ver jusque dans l’obéissance cette juste fier­té qui convient à la gran­deur de la nature humaine. Ils com­prennent que, au juge­ment de Dieu, il n’y a pas à dis­tin­guer l’esclave de l’homme libre ; que tous ont un même Maître « libé­ral envers ceux qui l’invoquent », [17] et que si les sujets sont tenus d’obéir et de se sou­mettre aux sou­ve­rains, c’est que ceux-​ci repré­sentent en quelque manière le Dieu dont il est dit que « le ser­vir, c’est régner. »

L’obéissance au pouvoir non-chrétien

Or, l’Église a tou­jours tra­vaillé à ce que ce type chré­tien du pou­voir poli­tique ne péné­trât pas seule­ment dans les esprits, mais mar­quât encore de son empreinte la vie publique et les moeurs des peuples. L’erreur reli­gieuse empê­chait les empe­reurs païens de s’élever jusqu’à cet idéal du pou­voir que nous avons retra­cé. Tant que les rênes du gou­ver­ne­ment furent entre leurs mains, l’Église a dû se bor­ner à insi­nuer dans l’esprit des popu­la­tions une doc­trine qui pût deve­nir la règle de leur vie le jour où elles adop­te­raient les ins­ti­tu­tions chrétiennes.

Aussi les pas­teurs des âmes, renou­ve­lant les exemples de l’Apôtre saint Paul, s’attachaient-ils avec le plus grand soin à prê­cher « la sou­mis­sion aux princes et aux puis­sances » [18] ; la prière offerte à Dieu pour tous les hommes, mais nom­mé­ment « pour les rois et pour les per­sonnes consti­tuées en digni­té, selon qu’il est agréable au Dieu Notre Sauveur. » [19] Les pre­miers chré­tiens nous ont don­né à cet égard d’admirables leçons : tour­men­tés avec autant de cruau­té que d’injustice par les empe­reurs païens, ils n’ont jamais failli au devoir de l’obéissance et du res­pect, à ce point qu’une lutte sem­blait enga­gée entre la bar­ba­rie des uns et la sou­mis­sion des autres. Une si grande modes­tie, une réso­lu­tion si arrê­tée de demeu­rer fidèles à leurs devoirs de sujets, défiaient la calom­nie et se fai­saient par­tout recon­naître en dépit de la malice de leurs ennemis.

Aussi ceux qui entre­pre­naient auprès des Empereurs, l’apologie publique du chris­tia­nisme, n’avaient pas de meilleur argu­ment, pour éta­blir l’iniquité des mesures légis­la­tives prises contre les chré­tiens, que de mettre sous les yeux de tous leur vie exem­plaire et leur res­pect des lois. Marc-​Aurèle et son fils Commode enten­daient Athénagore leur adres­ser har­di­ment cette apos­trophe : « Nous qui ne fai­sons rien de mal, nous qui de tous vos sujets sommes les pre­miers hommes à rem­plir et envers Dieu et envers votre auto­ri­té suprême les devoirs de la pié­té et de la sou­mis­sion, c’est nous que vous lais­sez pour­suivre, dépouiller, dis­per­ser. » [20] Tertullien, à son tour, fai­sait ouver­te­ment aux chré­tiens un mérite d’être pour l’empire les meilleurs et les plus sûrs des amis : « Le chré­tien n’est l’ennemi de per­sonne ; com­ment le serait-​il de l’Empereur qu’il sait éta­bli par Dieu, qu’il a pour cela le devoir d’aimer, de révé­rer, d’honorer, dont enfin il doit sou­hai­ter la pros­pé­ri­té avec celle de tout l’empire ? » [21] Le même auteur ne crai­gnait pas d’affirmer que dans toute l’étendue de l’empire romain on voyait dimi­nuer le nombre des enne­mis de l’État dans la mesure où s’accroissait le nombre des chré­tiens : « Si main­te­nant, disait-​il, vous avez moins d’ennemis, c’est à cause de la mul­ti­pli­ca­tion des chré­tiens ; car vous comp­tez aujourd’hui dans la plu­part des cités presque autant de chré­tiens que de citoyens. » [22] On trouve enfin une remar­quable confir­ma­tion de ce témoi­gnage dans l’Épître à Diognète, qui atteste qu’à cette époque les chré­tiens non seule­ment se mon­traient tou­jours obser­va­teurs des lois, mais dépas­saient spon­ta­né­ment, et en per­fec­tion et en éten­due, les obli­ga­tions légales dans tous les ordres de devoirs. « Les chré­tiens obéissent aux lois éta­blies et, par le mérite de leur vie, ils vont plus loin que les lois mêmes. »

La ques­tion était tout autre quand les empe­reurs par leurs édits, ou les pré­teurs par leurs menaces, vou­laient les contraindre d’abjurer la foi chré­tienne ou de tra­hir quelque autre devoir : alors sans hési­ta­tion ils aimaient mieux déplaire aux hommes qu’à Dieu. Et cepen­dant, même en ces conjec­tures, bien loin de faire aucun acte sédi­tieux ou inju­rieux pour la majes­té impé­riale, ils ne reven­di­quaient qu’un seul droit : celui de se décla­rer chré­tiens et de repous­ser toute apos­ta­sie ; du reste, aucune pen­sée de résis­tance ; tran­quille­ment, joyeu­se­ment, ils allaient au-​devant des sup­plices, et la gran­deur de leur cou­rage l’emportait sur la gran­deur des tour­ments. – Le même esprit dans le même temps fit admi­rer jusque sous les dra­peaux la force des ins­ti­tu­tions chré­tiennes. Le propre du sol­dat chré­tien était d’allier la plus grande vaillance au res­pect le plus abso­lu de la dis­ci­pline, de joindre à l’élévation des sen­ti­ments une invio­lable fidé­li­té envers le prince. Que s’il rece­vait un ordre immo­ral, comme de fou­ler aux pieds la loi de Dieu ou de tour­ner son épée contre d’innocents ado­ra­teurs de Jésus-​Christ, alors seule­ment il refu­sait d’obéir ; mais alors aus­si il pré­fé­rait dépo­ser les armes et subir la mort pour sa reli­gion plu­tôt que de don­ner à sa résis­tance le carac­tère d’une sédi­tion ou d’une attaque à l’autorité publique.

L’autorité chrétienne

Mais lorsque les États eurent à leur tête des princes chré­tiens, l’Église redou­bla de soins pour faire com­prendre par sa pré­di­ca­tion tout ce qu’il y a de sacré dans le pou­voir de ceux qui gou­vernent ; l’effet salu­taire de cet ensei­gne­ment devait être de confondre, dans l’esprit des peuples, l’image même de la sou­ve­rai­ne­té avec une appa­ri­tion de majes­té reli­gieuse qui ne pou­vait qu’augmenter le res­pect et l’amour des sujets envers leurs princes. Et c’est pour cette rai­son pleine de sagesse que l’Église ins­ti­tua le sacre solen­nel des rois, que Dieu même avait pres­crit dans l’Ancien Testament. L’époque où la socié­té, sor­tie des ruines de l’empire romain, reprit une vie nou­velle et ouvrit à la civi­li­sa­tion chré­tienne des hori­zons pleins de gran­deur, fut aus­si celle où les Pontifes Romains don­nèrent au pou­voir poli­tique, par l’institution du Saint Empire, une consé­cra­tion par­ti­cu­lière. Il en résul­ta pour la sou­ve­rai­ne­té tem­po­relle un grand accrois­se­ment de digni­té ; et il n’est pas dou­teux que les deux socié­tés reli­gieuse et civile n’eussent conti­nué à en reti­rer les plus heu­reux fruits, si la fin que l’Église avait en vue dans cette ins­ti­tu­tion eût été pareille­ment celle que se pro­po­saient les princes et les peuples. Et de fait, toutes les fois que l’union régna entre les deux pou­voirs, on vit fleu­rir la paix et la pros­pé­ri­té. Quelque trouble s’élevait-il par­mi les peuples ? l’Église était là, média­trice de concorde, prête à rap­pe­ler cha­cun à son devoir et capable de modé­rer, par un mélange de dou­ceur et d’autorité, les pas­sions les plus vio­lentes. Les princes, d’autre part, tombaient-​ils dans quelque excès de pou­voir ? l’Église savait les inter­pel­ler, et en leur rap­pe­lant les droits, les besoins, les justes dési­rs des peuples, leur don­ner des conseils d’équité, de clé­mence, de bon­té. Une sem­blable inter­ven­tion réus­sit plus d’une fois à pré­ve­nir des sou­lè­ve­ments et des guerres civiles.

Erreurs sur le pouvoir politique

Tout au contraire, les théo­ries modernes sur le pou­voir poli­tique ont déjà cau­sé de grands maux, et il est à craindre que ces maux, dans l’avenir, n’aillent jusqu’aux pires extré­mi­tés. En effet, refu­ser de rap­por­ter à Dieu comme à sa source le droit de com­man­der aux hommes, c’est vou­loir ôter à la puis­sance publique et tout son éclat et toute sa vigueur. En la fai­sant dépendre de la volon­té du peuple, on com­met d’abord une erreur de prin­cipe, et en outre on ne donne à l’autorité qu’un fon­de­ment fra­gile et sans consis­tance. De telles opi­nions sont comme un sti­mu­lant per­pé­tuel aux pas­sions popu­laires, qu’on ver­ra croître chaque jour en audace et pré­pa­rer la ruine publique en frayant la voie aux conspi­ra­tions secrètes ou aux sédi­tions ouvertes. Déjà dans le pas­sé, le mou­ve­ment qu’on appelle la Réforme eut pour auxi­liaires et pour chefs des hommes qui, par leurs doc­trines, ren­ver­saient de fond en comble les deux pou­voirs spi­ri­tuel et tem­po­rel ; des troubles sou­dains, des révoltes auda­cieuses, prin­ci­pa­le­ment en Allemagne, firent suite à ces nou­veau­tés, et la guerre civile et le meurtre sévirent avec tant de vio­lence, qu’il n’y eut presque pas une seule contrée qui ne fût livrée aux agi­ta­tions et aux mas­sacres.- C’est de cette héré­sie que naquirent, au siècle der­nier, et la fausse phi­lo­so­phie, et ce qu’on appelle le droit moderne, et la sou­ve­rai­ne­té du peuple, et cette licence sans frein en dehors de laquelle beau­coup ne savent plus voir de vraie liber­té. De là on s’est avan­cé jusqu’aux der­nières erreurs, le com­mu­nisme, le socia­lisme, le nihi­lisme, monstres effroyables qui sont la honte de la socié­té et qui menacent d’être sa mort. Et cepen­dant il ne se trouve que trop de pro­pa­ga­teurs pour répandre ces prin­cipes funestes ; le désir d’améliorer le sort de la mul­ti­tude a déjà ser­vi de pré­texte pour allu­mer de vastes incen­dies et pré­pa­rer de nou­velles cala­mi­tés. Ce que nous rap­pe­lons ici n’est que trop connu et trop rap­pro­ché de nous.

Et ce qu’il y a de plus grave, c’est que, au milieu de tant de périls, les chefs des États ne dis­posent d’aucun remède propre à remettre l’ordre dans la socié­té, la paix dans les esprits. On les voit s’armer de la puis­sance des lois et sévir avec vigueur contre les per­tur­ba­teurs du repos public ; certes, rien n’est plus juste, et pour­tant ils feraient bien de consi­dé­rer qu’un sys­tème de péna­li­tés, qu’elle qu’en soit la force, ne suf­fi­ra jamais à sau­ver les nations. « La crainte, comme l’enseigne excel­lem­ment saint Thomas, est un fon­de­ment infirme ; vienne l’occasion qui per­met d’espérer l’impunité, ceux que la crainte seule a sou­mis se sou­lèvent avec d’autant plus de pas­sions contre leurs chefs que la ter­reur qui les conte­nait jusque là avait fait subir à leur volon­té plus de vio­lence. D’ailleurs, trop d’intimidation jette sou­vent les hommes dans le déses­poir, et le déses­poir leur ins­pire l’audace et les entraîne aux atten­tats les plus mons­trueux. » [23] Tout cela est la véri­té même, et l’expérience ne nous l’a que trop prou­vé. Il faut donc invo­quer un motif plus éle­vé et plus effi­cace pour obte­nir l’obéissance, et se bien per­sua­der que la sévé­ri­té des lois demeu­re­ra sans effet, tant que le sen­ti­ment du devoir et la crainte de Dieu ne por­te­ront pas les hommes à la sou­mis­sion. C’est à quoi la reli­gion, mieux que toute autre puis­sance sociale, peut les ame­ner par l’action qu’elle exerce sur les esprits, par le secret qu’elle pos­sède d’incliner les volon­tés mêmes ; par là seule­ment les sujets en vien­dront à contrac­ter avec ceux qui les gou­vernent des liens, non plus seule­ment de défé­rence, mais d’affection, ce qui est, pour toute col­lec­tion d’hommes, le meilleur gage de sécurité.

Vigilance des papes

Il faut donc recon­naître que les Pontifes Romains ont ren­du un ser­vice écla­tant à la socié­té par leur vigi­lance à répri­mer l’orgueil des Novateurs, à déjouer leurs des­seins, à les signa­ler sans cesse comme les plus dan­ge­reux enne­mis des États. Clément VII nous a lais­sé à ce sujet un ensei­gne­ment digne de mémoire, dans une lettre qu’il écri­vait à Ferdinand, roi de Bohême et de Hongrie : « La cause de la foi, disait-​il, est aus­si pour vous, pour tous les sou­ve­rains, celle de votre digni­té et de votre inté­rêt ; car on ne peut déra­ci­ner la foi sans ébran­ler tout ce qui vous touche ; c’est ce qui s’est vu très clai­re­ment dans ces contrées. » – Des cir­cons­tances sem­blables ont mis en lumière la pré­voyance et le cou­rage de nos autres pré­dé­ces­seurs, notam­ment de Clément XII, Benoît XIV, et de Léon XII, qui, voyant se pro­pa­ger la conta­gion des mau­vaises doc­trines et gran­dir l’audace des sectes, ont mis en œuvre toute leur auto­ri­té pour leur bar­rer le pas­sage. ‑Nous-​même, Nous avons dénon­cé à plu­sieurs reprises la gra­vi­té des périls et Nous avons indi­qué les meilleurs moyens de les conjurer.

Aux princes et aux autres chefs des États, Nous avons offert le concours de la reli­gion ; aux peuples Nous avons adres­sé un pres­sant appel pour qu’ils se hâtent d’user des res­sources pré­cieuses que l’Église met à leur por­tée. Ce que Nous fai­sons en ce moment n’a pas d’autre signi­fi­ca­tion ; les sou­ve­rains com­pren­dront que Nous leur pro­po­sons ici de nou­veau le plus ferme des sou­tiens. Puissent-​ils se rendre à Nos ardentes sol­li­ci­ta­tions, rede­ve­nir les pro­tec­teurs de la reli­gion, et dans l’intérêt même de l’État, lais­ser à l’Église cette liber­té dont la vio­la­tion est une injus­tice et un mal­heur public. Assurément, l’Église de Jésus-​Christ ne peut être ni sus­pecte aux princes, ni odieuse aux peuples. Si elle rap­pelle aux princes l’obligation de res­pec­ter tous les droits et de rem­plir tous les devoirs, en même temps elle for­ti­fie et seconde leur auto­ri­té de mille manières. Elle recon­naît et pro­clame leur juri­dic­tion et leur sou­ve­rai­ne­té sur tout ce qui appar­tient à l’ordre civil ; et là où, sous des aspects divers, les deux devoirs reli­gieux et poli­tique ont cha­cun des droits à pré­tendre, elle veut qu’il s’établisse un accord pour pré­ve­nir des conflits funestes à l’un et à l’autre. Quant aux peuples, l’Église, se sou­ve­nant qu’elle est ins­ti­tuée pour le salut de tous, leur a tou­jours témoi­gné une affec­tion mater­nelle. C’est elle qui, se fai­sant pré­cé­der des œuvres de sa cha­ri­té, a fait entrer la dou­ceur dans les âmes, l’humanité dans les mœurs, l’équité dans les lois ; jamais on ne l’a vue enne­mie d’une hon­nête liber­té ; tou­jours elle a détes­té la tyran­nie. C’est à ce tem­pé­ra­ment bien­fai­sant de l’Église que saint Augustin a ren­du hom­mage par ces belles paroles : « Elle dit aux rois de se dévouer aux peuples, elle dit aux peuples de se sou­mettre aux rois, mon­trant ain­si que tous les hommes n’ont pas tous les droits, mais que la cha­ri­té est due à tous et l’injustice à per­sonne. » [24]

Vous voyez par là, Vénérables Frères, quelle grande tâche, quelle salu­taire mis­sion est la Vôtre : elle consiste à mettre en com­mun avec Nous toutes Vos indus­tries, tous les moyens d’ac­tion que la bon­té de Dieu a pla­cés dans Vos mains, pour écar­ter les dan­gers et les maux qui menacent la socié­té. Redoublez de soins et d’ef­forts pour faire péné­trer dans les esprits, pour faire pas­ser dans la conduite et dans les œuvres de tous les hommes les prin­cipes de l’Église catho­lique sur l’au­to­ri­té et l’o­béis­sance. Soyez pour les peuples des maîtres et des conseillers fidèles, qui les pressent de fuir les sectes condam­nées, d’a­voir hor­reur des com­plots, de s’in­ter­dire toute menée sédi­tieuse ; faites-​leur com­prendre que quand c’est pour Dieu qu’on obéit, la sou­mis­sion est rai­son­nable, l’o­béis­sance pleine d’honneur.

Mais, parce que c’est Dieu qui « sauve les rois » [25], qui donne aux peuples « de se repo­ser par­mi les splen­deurs de la paix, sous les tentes de la confiance et dans les richesses de la concorde » (26), c’est Lui qu’il faut sup­plier pour qu’il ramène les âmes au devoir et à la véri­té, qu’il désarme les haines et rende à la terre la tran­quilli­té et la paix qui lui manquent depuis si longtemps.

Pour être plus sûrs d’être exau­cés, pre­nons pour inter­ces­seurs et pour avo­cats la Vierge Marie, Mère de Dieu, secours des chré­tiens, tutrice du genre humain ; saint Joseph, son chaste époux, dont l’Église uni­ver­selle invoque avec tant de confiance le patro­nage ; saint Pierre et saint Paul, princes des apôtres, gar­diens et défen­seurs de l’hon­neur du nom chrétien.

En atten­dant, comme gage des dons divins et de Notre ten­dresse, Nous Vous don­nons à Vous tous, Vénérables Frères, au Clergé et au peuple confié à votre sol­li­ci­tude, la Bénédiction Apostolique dans le Seigneur.

Donné à Rome, à Saint-​Pierre, le 29 juin 1881, la qua­trième année de notre Pontificat.

LÉON XIII, Pape.

Notes de bas de page
  1. Prov., 8, 15–16[]
  2. Sap., 6, 3–4[]
  3. Eccli., 17, 14[]
  4. Joan., 19, 11[]
  5. Tract. 116 in Joan., n.5[]
  6. Ad. Rom., 13, 1, 4[]
  7. De Civ. Dei, lib. 5. cap. 21[]
  8. In epist. ad Rom. homil. 23, n. 1[]
  9. In epist. lib. 2, epist. 61[]
  10. Jac., 4, 12[]
  11. Ad Ephes., 3, 15[]
  12. Ad Rom. 13, 1, 2, 5[]
  13. I Petr. 2, 13–15[]
  14. Matth. 22, 21[]
  15. Act. 5, 29[]
  16. Sap. 6, 4, 5, 6, 8, 9[]
  17. Ad Rom., 10, 12[]
  18. Ad Tit, 3, 1[]
  19. I Thimoth, 3, 1, 3[]
  20. Legat. pro Christianis[]
  21. Apolog., n. 35[]
  22. Apolog., n. 37[]
  23. De Regim. Princip., I. I, cap. 10[]
  24. De morib. Eccl., lib. l, cap. 30[]
  25. Psalm. 142, 11[]