Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

8 septembre 1957

Lettre encyclique Miranda Prorsus

Sur les Médias : cinéma, radio et télévision

Table des matières

Donné à Rome, près de Saint Pierre, le 8 sep­tembre,
en la fête de la Nativité de la Vierge Marie, l’an 1957

A nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires en paix et com­mu­nion avec le Siège Apostolique.

Vénérables Frères, Salut et Bénédiction apostolique.

Introduction

Préambule

Les mer­veilleux pro­grès tech­niques dont se glo­ri­fie notre époque sont assu­ré­ment les fruits du génie et du tra­vail de l’homme, mais ils sont d’a­bord des dons de Dieu, notre Créateur, de qui dérive toute œuvre bonne. « non seule­ment en effet Il a sus­ci­té la créa­ture, mais Il la pro­tège encore et la sou­tient » [1].

Quelques unes de ces inven­tions servent à mul­ti­plier les forces et les res­sources phy­siques de l’homme, d’autres à amé­lio­rer ses condi­tions de vie ; d’autres encore – et celles-​là concernent de plus près la vie de l’es­prit – touchent les foules direc­te­ment, ou par l’ex­pres­sion artis­tique de l’i­mage et du son, et leur offrent avec la plus grande faci­li­té, des infor­ma­tions, des idées et un ensei­gne­ment qui nour­rissent leur esprit, même durant les heures de détente et de repos.

Parmi les tech­niques appar­te­nant à cette der­nière caté­go­rie, le ciné­ma, la radio, et la télé­vi­sion ont pris, à notre époque, un déve­lop­pe­ment extraordinaire.

Motifs qu’a l’Église de s’y intéresser

A peine furent-​elles mises en œuvre que l’Église les reçut non seule­ment avec une joie par­ti­cu­lière, mais aus­si avec la pru­dence vigi­lante d’une Mère, afin de pro­té­ger de tout péril ses fils enga­gés sur la voie du progrès.

Cette sol­li­ci­tude dérive de la mis­sion même que lui a confiée le Divin Rédempteur, car les tech­niques nou­velles ont, comme il est clair, une puis­sante influence sur la manière de pen­ser et d’a­gir des indi­vi­dus et des communautés.

Il est aus­si une autre rai­son pour laquelle l’Église leur porte un inté­rêt spé­cial : c’est qu’elle a Elle-​même, pour des motifs plus impé­rieux que tous les autres, un mes­sage à trans­mettre aux hommes, le mes­sage du salut éter­nel, mes­sage d’une richesse et d’une force incom­pa­rables, mes­sage enfin que les hommes de toute nation et de toute époque doivent rece­voir et accep­ter selon les paroles de l’Apôtre des nations : « A moi, le plus petit de tous les saints a été confiée cette grâce d’an­non­cer aux Gentils les inson­dables richesses du Christ et de mon­trer à tous le déve­lop­pe­ment du mys­tère enfer­mé depuis l’o­ri­gine en Dieu qui a tout créé » [2].

Précédents de l’encyclique

Personne ne pour­ra donc s’é­ton­ner que le zèle pour le salut éter­nel des âmes acquises non « par l’argent et l’or péris­sables … mais par le pré­cieux Sang du Christ, Agneau imma­cu­lé » , ait déjà pous­sé la Suprême Autorité de l’Église à trai­ter cette ques­tion et à exa­mi­ner avec soin les pro­blèmes que le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion posent aujourd’­hui à la conscience chrétienne.

Plus de vingt-​cinq ans se sont écou­lés depuis le jour où Notre Prédécesseur de sainte mémoire a adres­sé pour la pre­mière fois, en se ser­vant « de la mer­veilleuse inven­tion de Marconi », un mes­sage radio­pho­nique « à toutes les nations et à toute créa­tures » [3].

Le même Pontife don­nait peu d’an­nées après au Vénérable Épiscopat des États-​Unis, par l’ad­mi­rable Encyclique Vigilanti cura [4], des ensei­gne­ments très sages sur le bon usage du ciné­ma et conformes aux néces­si­tés modernes en décla­rant « néces­saire et urgent de veiller à ce que les pro­grès de l’art et de la science et de la tech­nique, véri­table dons de Dieu, soient ordon­nés à la gloire divine, au salut des âmes, et servent à l’ex­ten­sion du Règne de Jésus-​Christ sur la terre afin que nous puis­sions tous deman­der, comme l’Église nous enseigne, la grâce d’u­ti­li­ser les biens tem­po­rels de façon à ne pas perdre les biens éter­nels » [5].

Nous-​même durant Notre Pontificat avons à diverses reprises rap­pe­lé aux Pasteurs, aux diverses branches de l’Action Catholique et aux édu­ca­teurs chré­tiens, les direc­tives oppor­tunes à ce sujet. Nous avons en outre volon­tiers admis en Notre pré­sence les diverses caté­go­ries pro­fes­sion­nelles du monde du ciné­ma, de la radio et de la télé­vi­sion afin de leur expri­mer Notre admi­ra­tion pour les pro­grès éton­nants de ces arts dont ils sont les pro­mo­teurs, pour leur rap­pe­ler leurs res­pon­sa­bi­li­tés, rele­ver les mérites, pré­ve­nir les dan­gers dans les­quels ils peuvent aisé­ment tom­ber, indi­quer l’i­déal éle­vé qui doit éclai­rer leur esprit et gou­ver­ner leur volonté.

Ce fut éga­le­ment Notre pré­oc­cu­pa­tion, vous le savez, de créer dans la Curie Romaine une Commission per­ma­nente [6], char­gée d’é­tu­dier les pro­blèmes du ciné­ma, de la radio et de la télé­vi­sion qui ont rap­port avec la foi et la morale, et à laquelle les Évêques et tous les inté­res­sés puissent deman­der des direc­tives opportunes.

Nous-​même pro­fi­tons sou­vent des moyens modernes admi­rables qui Nous offrent la pos­si­bi­li­té d’u­nir le trou­peau entier avec le Pasteur Suprême, afin que Notre voix tra­ver­sant avec sûre­té les éten­dues de la mer et de la terre et les agi­ta­tions des esprits, puissent tou­cher l’âme des hommes et les influen­cer pour le bien, comme le demande la charge apos­to­lique suprême qui Nous est confiée et s’é­tend aujourd’­hui presque à l’in­fi­ni [7].

Les fruits de l’enseignement pontifical

C’est pour Nous une grande conso­la­tion de savoir que les exhor­ta­tions répé­tées de Notre Prédécesseur d’heu­reuse mémoire et les Nôtres ont contri­bué beau­coup à orien­ter le ciné­ma, la radio, et la télé­vi­sion vers les fins de la gloire de Dieu et de la per­fec­tion des hommes eux-mêmes.

Sous votre conduite vigi­lante et votre impul­sion zélée, Vénérables Frères, des acti­vi­tés et des œuvres ont été déve­lop­pées sur le plan dio­cé­sain, natio­nal et inter­na­tio­nal en vue d’un utile apos­to­lat sur ce terrain.

De nom­breux diri­geants de la vie publique, des repré­sen­tants du monde indus­triel et artis­tique, et de larges cercles de spec­ta­teurs catho­liques, et même non-​catholiques de bonne volon­té, ont don­né des preuves appré­ciables du sens de leurs res­pon­sa­bi­li­tés en cette matière, en accom­plis­sant de louables efforts, sou­vent au prix de sacri­fices consi­dé­rables, pour que fussent évi­tées les inci­ta­tions au mal et res­pec­tés les Commandements de Dieu et la digni­té de la per­sonne humaine.

Malheureusement tou­te­fois Nous devons répé­ter avec S. Paul : « tous n’o­béissent pas à l’Évangile » [8], car dans ce domaine éga­le­ment le Magistère de l’Église a par­fois ren­con­tré de l’in­com­pré­hen­sion, quand ce n’a pas été une oppo­si­tion vio­lente de la part d’in­di­vi­dus pous­sés par un appé­tit désor­don­né du lucre, ou vic­times d’i­dées erro­nées sur la digni­té et la liber­té humaine et sur la concep­tion de l’art.

Si l’at­ti­tude de ces per­sonnes Nous rem­plit l’âme d’a­mer­tume. Nous ne pou­vons cepen­dant Nous écar­ter de Notre devoir, espé­rant qu’on Nous réser­ve­ra à Nous aus­si le témoi­gnage ren­du à Jésus par ses enne­mis : « Nous savons que tu es véri­dique, que tu enseignes la loi de Dieu selon la véri­té, et que tu ne fais pas accep­tion des per­sonnes » [9].

Motifs de l’encyclique

Des pro­grès tech­niques qui ont été réa­li­sés et conti­nuent à se réa­li­ser dans les sec­teurs du ciné­ma, de la radio et de la télé­vi­sion peuvent naître de grands avan­tages mais mal­heu­reu­se­ment aus­si de redou­tables dangers.

Ces moyens tech­niques – qui sont, peut-​on dire, à por­tée de la main de cha­cun – exercent sur l’homme un pou­voir extra­or­di­naire, condui­sant aus­si bien dans le royaume de la lumière, de la noblesse, de la beau­té, que dans le domaine des ténèbres et de la dépra­va­tion, à la mer­ci d’ins­tincts effré­nés selon que le spec­tacle pro­pose aux sens des objets hon­nêtes ou mal­sains [10].

De même que dans le déve­lop­pe­ment des tech­niques indus­trielles du siècle der­nier on n’a pas tou­jours su évi­ter l’as­ser­vis­se­ment de l’homme à la machine qui était des­ti­née à le ser­vir, ain­si aujourd’­hui encore si le déve­lop­pe­ment des tech­niques de dif­fu­sion n’est pas sou­mis au joug suave [11] de la loi du Christ, il risque d’être la cause de maux infi­nis, d’au­tant plus graves qu’il s’a­git d’as­ser­vir non seule­ment les forces maté­rielles mais aus­si les forces spi­ri­tuelles, pri­vant les décou­vertes de l’homme des grands avan­tages qui en étaient ]e but pro­vi­den­tiel [12].

Suivant de jour en jour, avec une sol­li­ci­tude pater­nelle, les déve­lop­pe­ments de ce grave pro­blème et consi­dé­rant les fruits salu­taires qu’a por­tés dans le domaine du ciné­ma, durant les vingt der­nières années l’Encyclique Vigilanti cura, Nous avons accueilli avec bien­veillance les demandes qui Nous sont par­ve­nues de Pasteurs très zélés et de laïcs com­pé­tents en ces tech­niques, et dési­rons don­ner par la pré­sente Lettre Encyclique des ensei­gne­ments et des direc­tives sur la radio et la télévision.

Après avoir invo­qué par d’ins­tantes prières, et par l’in­ter­ces­sion de la Très Sainte Vierge, l’as­sis­tance du Tout-​Puissant, Nous vou­lons donc Nous adres­ser à vous, Vénérables Frères, dont Nous connais­sons les sol­li­ci­tudes pas­to­rales, non seule­ment pour mettre en pleine lumière la doc­trine chré­tienne en cette matière, mais aus­si pour recom­man­der les mesures néces­saires, et Nous dési­rons vous exhor­ter de toutes nos forces à défendre le trou­peau confié à vos soins, et à le pré­mu­nir contre les erreurs et les dom­mages que pour­raient cau­ser l’u­sage de ces moyens audiovisuels.

Partie Générale

La « diffusion » dans la doctrine chrétienne

Avant de vous entre­te­nir sépa­ré­ment des ques­tions rela­tives aux trois moyens de dif­fu­sion le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion – et Nous savons bien que cha­cun d’eux consti­tue un fait cultu­rel à part, com­por­tant ses propres pro­blèmes artis­tiques, tech­niques et éco­no­miques – il Nous semble oppor­tun d’ex­po­ser les prin­cipes qui doivent régler la dif­fu­sion, enten­due dans le sens de com­mu­ni­ca­tion, faite sur une vaste échelle, des biens des­ti­nés à la com­mu­nau­té et à cha­cun des individus.

LA DIFFUSION DU BIEN

Dieu, Bien Suprême, accorde inces­sam­ment ses dons aux hommes, qu’il entoure d’une sol­li­ci­tude par­ti­cu­lière ; par­mi ces bien­faits, les uns s’a­dressent à l’âme, d’autres concernent la vie ter­restre et sont subor­don­nés aux autres, comme le corps doit être sou­mis à l’âme, à laquelle, avant de se com­mu­ni­quer Lui-​même dans la vision béa­ti­fique, Il se com­mu­nique dans la foi et dans la cha­ri­té qui « est répan­due dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été don­né » [13].

Désireux de retrou­ver en l’homme le reflet de ses propres per­fec­tions [14], Dieu l’a asso­cié à son œuvre de dona­tion des valeurs spi­ri­tuelles en l’ap­pe­lant à en être por­teur et dis­pen­sa­teur, pour le per­fec­tion­ne­ment des indi­vi­dus et de la socié­té. En ver­tu de sa nature même, l’homme depuis les ori­gines a appris à com­mu­ni­quer ses biens spi­ri­tuels aux autres au moyen de signes trou­vés dans les choses maté­rielles et qu’il s’est effor­cé d’a­me­ner à une per­fec­tion tou­jours plus grande. Depuis les des­seins et les écrits des temps les plus recu­lés jus­qu’aux tech­niques actuelles, tous les ins­tru­ments qui servent à éta­blir des rela­tions entre les hommes doivent tendre à ce but éle­vé que ces der­niers y soient en quelque sorte les ministres de Dieu.

Et afin que la réa­li­sa­tion du plan divin à tra­vers l’homme fût plus sûre et plus effi­cace, par Notre Autorité Apostolique, Nous avons décla­ré l’Archange Saint Gabriel « qui a por­té au genre humain … l’an­nonce tant dési­rée de la Rédemption, Patron céleste » [15] du télé­graphe, du télé­phone, de la radio et de la télé­vi­sion [16]. Nous enten­dions ain­si atti­rer sur la noblesse de leur voca­tion l’at­ten­tion de tous ceux qui ont entre leur mains les ins­tru­ments bien­fai­sants qui per­mettent de répandre dans le monde les grands tré­sors de Dieu, comme de bonnes semences des­ti­nées à por­ter au cen­tuple le fruit de la véri­té et du bien et à rap­pe­ler à cha­cun la noblesse de la tâche qui lui est confiée.

LA DIFFUSION DU MAL

Considérant les buts si hauts et si nobles des tech­niques de dif­fu­sion, Nous Nous deman­dons sou­vent com­ment elles peuvent par­fois ser­vir aus­si de véhi­cule au mal : « D’où vient donc la ziza­nie ? » [17]

Le mal moral, certes, ne peut pro­ve­nir de Dieu, per­fec­tion abso­lue, ni des tech­niques elles-​mêmes qui sont ses dons pré­cieux, mais seule­ment de l’a­bus qu’en fait l’homme, doué de liber­té, en per­pé­trant et en dif­fu­sant le mal, et en s’as­so­ciant ain­si avec le prince des ténèbres et l’en­ne­mi de Dieu : « C’est l’en­ne­mi qui a fait cela » [18]. Aussi la vraie liber­té consiste-​t-​elle dans l’u­sage et la dif­fu­sion des valeurs qui contri­buent à la ver­tu et au per­fec­tion­ne­ment de notre nature.

L’Église, dépo­si­taire de la doc­trine du salut et des moyens de sanc­ti­fi­ca­tion, a le droit inalié­nable de com­mu­ni­quer les richesses qui lui ont été confiées par dis­po­si­tion divine. A un tel droit doit cor­res­pondre le devoir des pou­voirs publics de lui rendre pos­sible l’ac­cès aux tech­niques qui lui per­met­tront de pro­pa­ger la véri­té et la vertu.

Les fils de l’Église qui sont sin­cères et actifs et connaissent l’i­nes­ti­mable don de la Rédemption doivent dans la mesure de leurs forces faire que l’Église puisse pro­fi­ter de ces inven­tions et s’en ser­vir pour la sanc­ti­fi­ca­tion des âmes.

En affir­mant les droits de l’Église, Nous ne vou­lons certes pas refu­ser à la socié­té civile le droit de dif­fu­ser les nou­velles et les infor­ma­tions qui sont néces­saires ou utiles au bien com­mun de la socié­té elle-même.

Il fau­dra aus­si que soit assu­rée aux par­ti­cu­liers, selon l’op­por­tu­ni­té et les cir­cons­tances, tout en sau­ve­gar­dant le bien com­mun, la pos­si­bi­li­té de contri­buer à leur enri­chis­se­ment cultu­rel et spi­ri­tuel propre et à celui des autres par le moyen de ces techniques.

Les erreurs au sujet de la liberté de diffusion

Mais il est contraire à la doc­trine chré­tienne et aux fins supé­rieures des tech­niques de dif­fu­sion de pré­tendre en réser­ver l’u­sage exclu­sif à des buts poli­tiques et de pro­pa­gande, ou de consi­dé­rer une si noble chose comme une pure affaire économique.

On ne peut non plus accep­ter la théo­rie de ceux qui, mal­gré les ruines morales et maté­rielle évi­dentes cau­sées dans le pas­sé par de sem­blables doc­trines, défendent la « liber­té d’ex­pres­sion » non pas dans le sens véri­table que Nous avons indi­qué ci-​dessus, mais comme la liber­té de dif­fu­ser sans aucun contrôle tout ce que l’on veut, fût-​ce immo­ral et dan­ge­reux pour les âmes.

L’Église, qui pro­tège et appuie le déve­lop­pe­ment de toutes les vraies valeurs spi­ri­tuelles, – aus­si bien les sciences que les arts l’ont eue pour Patronne et pour Mère –, ne peut per­mettre que l’on attente aux valeurs qui ordonnent l’homme vers Dieu, sa fin der­nière. Personne ne doit donc s’é­ton­ner que dans cette matière qui demande, elle aus­si, beau­coup de pru­dence, Elle prenne une atti­tude de vigi­lance, conforme à la recom­man­da­tion de l’Apôtre : « Éprouvez toutes choses ; rete­nez ce qui est bon ; abstenez-​vous de toute appa­rence de mal » [19].

Il faut donc condam­ner ceux qui osent affir­mer qu’une forme déter­mi­née de dif­fu­sion peut être exploi­tée, mise en valeur et exal­tée, même si elle manque gra­ve­ment à l’ordre moral, pour­vu qu’elle ait une valeur artis­tique et tech­nique. « Il est vrai que l’art – comme Nous l’a­vons rap­pe­lé à l’oc­ca­sion du 5e cen­te­naire de la mort de l’Angelico – pour être tel, ne doit pas néces­sai­re­ment rem­plir une mis­sion éthique ou reli­gieuse expli­cite, mais si le lan­gage artis­tique s’a­dap­tait, dans ses paroles et ses cadences, à des esprits faux, vides et troubles, c’est-​à-​dire s’é­car­tant du des­sein du Créateur, si, au lieu d’é­le­ver l’es­prit et le cœur à de nobles sen­ti­ments, il exci­tait les pas­sions les plus vul­gaires, il trou­ve­rait le plus sou­vent un accueil favo­rable, ne fût-​ce qu’en ver­tu de la nou­veau­té, qui n’est pas tou­jours une valeur, et de la faible part de réel que tout lan­gage contient ; mais un tel art se dégra­de­rait, en reniant son aspect pri­mor­dial et essen­tiel, et il ne serait pas uni­ver­sel et éter­nel comme l’es­prit humain auquel il s’a­dresse » [20].

DEVOIRS DES POUVOIRS PUBLICS ET DES GROUPES PROFESSIONNELS

L’autorité civile est gra­ve­ment tenue de veiller sur ces nou­velles tech­niques ; mais cette atten­tion ne peut se limi­ter à la défense des inté­rêts poli­tiques elle doit aus­si sau­ve­gar­der la morale publique basée sur la loi natu­relle qui, selon le Sainte Écriture, est écrite dans tous les cœurs [21].

Cette même vigi­lance de l’État ne peut être consi­dé­rée comme une injuste oppres­sion de la liber­té indi­vi­duelle, car elle concerne non les per­sonnes mais avant tout la socié­té à laquelle ces tech­niques s’adressent.

« Il est bien vrai que l’es­prit de notre temps – comme Nous l’a­vons dit dans une autre occa­sion – sus­cep­tible plus qu’il ne convient au sujet de l’in­ter­ven­tion des pou­voirs publics, pré­fé­re­rait une défense qui par­tît direc­te­ment de la col­lec­ti­vi­té » [22] ; mais cette inter­ven­tion sous forme de contrôle exer­cé par les groupes pro­fes­sion­nels inté­res­sés eux-​mêmes, ne sup­prime pas le devoir de vigi­lance de la part des auto­ri­tés com­pé­tentes, même s’il peut heu­reu­se­ment pré­ve­nir leur inter­ven­tion et évi­ter des incon­vé­nients d’ordre moral.

C’est pour­quoi, sans pré­ju­ger de la com­pé­tence de l’État, Notre Prédécesseur d’heu­reuse mémoire et Nous-​même avons encou­ra­gé l’ac­tion pré­ser­va­tive des groupes professionnels.

Seul un inté­rêt posi­tif et soli­daire pour les tech­niques de dif­fu­sion et leur bon usage, aus­si bien de la part de l’Église que de celle de l’État et de la pro­fes­sion, per­met­tra aux tech­niques elles-​mêmes de deve­nir des ins­tru­ments construc­tifs de for­ma­tion pour la per­son­na­li­té de qui en use, tan­dis que si elles sont lais­sées sans contrôle ou direc­tion pré­cise, elles favo­ri­se­ront l’a­bais­se­ment du niveau cultu­rel et moral des masses.

CARACTÉRISTIQUES DE LA « DIFFUSION » AU MOYEN DES TECHNIQUES AUDIO-VISUELLES

Parmi les dif­fé­rentes tech­niques de dif­fu­sion, les tech­niques audio­vi­suelles occupent aujourd’­hui une place de par­ti­cu­lière impor­tance, ain­si que Nous l’a­vons dit, car elles per­mettent de com­mu­ni­quer un mes­sage sur une vaste échelle au moyen de l’i­mage et du son.

Une telle forme de dif­fu­sion, qui sert éga­le­ment les valeurs spi­ri­tuelles, est par­fai­te­ment conforme à la nature de l’homme : « Il est natu­rel à l’homme d’ar­ri­ver à la connais­sance intel­lec­tuelle par la connais­sance sen­sible, car toute notre connais­sance a son ori­gine dans les sens » [23]. Et même le sens de la vue étant plus noble et plus digne que les autres [24], conduit plus faci­le­ment à la connais­sance des réa­li­tés spirituelles.

Les trois prin­ci­pales tech­niques audio­vi­suelles de diffusion/​le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion, ne sont donc pas sim­ple­ment des moyens de récréa­tion et de détente (même si une grande par­tie des audi­teurs et des spec­ta­teurs les consi­dèrent avant tout sous cet aspect) mais ils trans­mettent des valeurs sur­tout cultu­relles et morales qui peuvent gran­de­ment contri­buer au bien de la socié­té moderne.

Plus que le livre, les tech­niques audio­vi­suelles offrent la pos­si­bi­li­té de col­la­bo­ra­tion et d’é­change, et l’Église, qui par man­dat s’in­té­resse à toute l’hu­ma­ni­té, désire qu’elles servent à la dif­fu­sion du bien.

Pour réa­li­ser ce but, le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion doivent ser­vir la véri­té et le bien.

Au service de la vérité et du bien

Elles doivent ser­vir la véri­té en res­ser­rant davan­tage les liens entre les peuples, la com­pré­hen­sion mutuelle, la soli­da­ri­té dans les épreuves, la col­la­bo­ra­tion entre les pou­voirs publics et les citoyens. Servir la véri­té sup­pose de la part de tous non seule­ment de se tenir éloi­gnés de l’er­reur, du men­songe et de la trom­pe­rie, mais aus­si d’é­vi­ter toute atti­tude ten­dan­cieuse et par­tiale qui pour­rait favo­ri­ser dans le public des concep­tions erro­nées de la vie et du com­por­te­ment humain.

Il faut avant tout consi­dé­rer comme sacrée la véri­té révé­lée par Dieu. Ne serait-​ce pas même la plus haute voca­tion des tech­niques de dif­fu­sion de faire connaître à tous l’en­sei­gne­ment de Dieu et de son Fils Jésus Christ, « cette foi chré­tienne qui, seule, peut don­ner à des mil­lions d’hommes la force de sup­por­ter avec séré­ni­té et cou­rage les indi­cibles épreuves et les angoisses de l’heure pré­sente » ? [25]

Au devoir de ser­vir la véri­té doit s’u­nir l’ef­fort pour contri­buer au per­fec­tion­ne­ment moral de l’homme. Les tech­niques audio­vi­suelles peuvent four­nir une telle contri­bu­tion dans trois sec­teurs impor­tants : infor­ma­tion, ensei­gne­ment, spectacle.

INFORMATION

Toute infor­ma­tion, si objec­tive soit-​elle, a un cer­tain aspect moral : « l’as­pect moral de toute nou­velle jetée dans le public ne doit jamais être négli­gé, car le rap­port le plus objec­tif implique des juge­ments de valeur et sug­gère des déci­sions. L’informateur digne de ce nom doit n’ac­ca­bler per­sonne, mais cher­cher à com­prendre et à faire com­prendre les échecs, même les fautes com­mises. Expliquer n’est pas néces­sai­re­ment excu­ser, mais c’est déjà sug­gé­rer le remède, et faire par consé­quent une œuvre posi­tive et construc­trice » [26].

Enseignement

A plus forte rai­son peut-​on dire la même chose de l’en­sei­gne­ment, auquel le film didac­tique, la radio, et plus encore la télé­vi­sion sco­laire, offrent de nou­veaux secours, non seule­ment pour les jeunes mais aus­si pour les adultes. Toutefois il faut à tout prix veiller à ce qu’ils ne s’op­posent ni aux com­man­de­ments ni aux droits impres­crip­tibles de l’Église, ni à la bonne édu­ca­tion de la jeu­nesse au foyer familial.

Nous vou­drions espé­rer éga­le­ment que ces nou­velles tech­niques de dif­fu­sion, qu’elles soient aux mains de l’État ou confiées aux ini­tia­tives pri­vées, ne dis­tri­bue­ront pas un ensei­gne­ment sans Dieu et mécon­nais­sant la loi divine.

Nous savons mal­heu­reu­se­ment qu’en cer­taines nations, domi­nées par le com­mu­nisme athée, les moyens audio­vi­suels sont exploi­tés jusque dans les classes pour arra­cher la reli­gion des âmes. Tout esprit serein et exempt de pré­ju­gés se ren­dra compte qu’en agis­sant de la sorte on tyran­nise les consciences des jeunes, car on les empêche de connaître la véri­té divi­ne­ment révé­lée qui, selon l’af­fir­ma­tion du Rédempteur, nous libère [27]. Il s’a­git là d’une forme sour­noise et nou­velle de per­sé­cu­tion religieuse.

Nous dési­rons vive­ment, Vénérables Frères, que les moyens audio­vi­suels soient sur­tout uti­li­sés pour com­plé­ter la for­ma­tion cultu­relle et pro­fes­sion­nelle, et sur­tout « la for­ma­tion chré­tienne, base fon­da­men­tale de tout pro­grès authen­tique » [28]. Aussi voulons-​Nous expri­mer Notre satis­fac­tion à tous ceux, édu­ca­teurs et ensei­gnants, qui uti­lisent sage­ment le film, la radio et la télé­vi­sion dans un but aus­si noble.

Spectacle

Le troi­sième sec­teur enfin dans lequel les tech­niques audio­vi­suelles de dif­fu­sion peuvent puis­sam­ment ser­vir la cause du bien est celui du spectacle.

Le spec­tacle com­prend géné­ra­le­ment non seule­ment une source de plai­sir mais aus­si des élé­ments d’in­for­ma­tion et d’ins­truc­tion. Notre Prédécesseur d’heu­reuse mémoire n’a pas hési­té à appe­ler le ciné­ma « une leçon de choses » [29]. En effet, le spec­tacle com­porte une pré­sen­ta­tion figu­ra­tive et sonore et une trame qui s’a­dresse non seule­ment à l’in­tel­li­gence mais à tout l’homme, sub­ju­guant ses facul­tés émo­tives et l’in­vi­tant à par­ti­ci­per per­son­nel­le­ment à l’ac­tion pré­sen­tée. Tout en uti­li­sant les dif­fé­rents genres de spec­tacles jus­qu’i­ci connus, le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion offrent cha­cun de nou­velles pos­si­bi­li­tés d’ex­pres­sion artis­tique et à cause de cela éga­le­ment un genre spé­ci­fique de spec­tacle, qui n’est plus des­ti­né à un groupe choi­si de spec­ta­teurs mais à des mil­lions d’hommes, dif­fé­rents par l’âge, le milieu et la culture.

ÉDUCATION DES MASSES

Pour que dans ces condi­tions le spec­tacle puisse rem­plir sa fonc­tion, il faut un effort édu­ca­tif qui pré­pare le spec­ta­teur à com­prendre le lan­gage propre à cha­cune de ces tech­niques et à se for­mer une conscience exacte qui per­mette de juger avec matu­ri­té les divers élé­ments offerts par l’é­cran et par le haut-​parleur, afin de n’a­voir pas – comme il arrive sou­vent – à subir pas­si­ve­ment leur influence. Ni une saine récréa­tion, « deve­nue désor­mais – comme disait Notre Prédécesseur d’heu­reuse mémoire – une néces­si­té pour des gens acca­pa­rés par les affaires et les sou­cis de la vie » [30], ni le pro­grès cultu­rel, ne peuvent être plei­ne­ment assu­rés, sinon par cette œuvre édu­ca­tive, éclai­rée par les prin­cipes chrétiens.

La néces­si­té de don­ner une telle édu­ca­tion au spec­ta­teur a été vive­ment res­sen­tie par les catho­liques durant ces der­nières années et nom­breuses sont aujourd’­hui les ini­tia­tives qui visent à pré­pa­rer aus­si bien les adultes que la jeu­nesse à mieux appré­cier les côtés posi­tifs et néga­tifs du spectacle.

Cette pré­pa­ra­tion ne peut certes ser­vir de pré­texte à voir des spec­tacles immo­raux, mais elle doit au contraire ensei­gner à choi­sir les pro­grammes en confor­mi­té avec la doc­trine de l’Église et avec les indi­ca­tions don­nées par les ser­vices Ecclésiastiques com­pé­tents sur leur valeur morale et religieuse.

Ces direc­tives, si elles suivent les lois de l’é­du­ca­tion chré­tienne et sont don­nées avec une com­pé­tence didac­tique et cultu­relle, non seule­ment méritent Notre appro­ba­tion mais Nous sou­hai­tons vive­ment qu’on les intro­duise et les déve­loppe dans les écoles et dans les uni­ver­si­tés, dans les Associations Catholiques et dans les paroisses.

La bonne for­ma­tion des spec­ta­teurs dimi­nue­ra les dan­gers moraux, tan­dis qu’elle per­met­tra au chré­tien de pro­fi­ter de toutes les nou­velles connais­sances qu’il acquer­ra pour éle­ver son esprit vers la médi­ta­tion des grandes véri­tés de Dieu.

Nous vou­lons adres­ser un témoi­gnage de satis­fac­tion par­ti­cu­lière aux mis­sion­naires qui, conscients du devoir de sau­ve­gar­der l’in­té­gri­té du riche patri­moine moral des peuples pour le bien des­quels ils se sacri­fient, cherchent à ini­tier les fidèles au bon usage du ciné­ma, de la radio et de la télé­vi­sion, fai­sant ain­si connaître pra­ti­que­ment les vraies conquêtes de la civi­li­sa­tion. Nous dési­rons vive­ment que leur effort dans ce sec­teur soit appuyé aus­si bien par les auto­ri­tés ecclé­sias­tiques com­pé­tentes que par les auto­ri­tés gouvernementales.

Spectacles pour la jeunesse

L’œuvre d’é­du­ca­tion n’est pas d’ailleurs à elle seule suf­fi­sante. Il faut que les spec­tacles soient adap­tés au degré de déve­lop­pe­ment intel­lec­tuel, émo­tif et moral des divers âges. Ce pro­blème est deve­nu par­ti­cu­liè­re­ment urgent quand, avec la radio et sur­tout la télé­vi­sion, le spec­tacle a péné­tré dans le foyer fami­lial lui-​même, mena­çant les digues salu­taires grâce aux­quelles la saine édu­ca­tion pro­tège l’âge tendre des enfants afin qu’ils puissent acqué­rir la ver­tu néces­saire avant d’af­fron­ter les tem­pêtes de la vie. A ce sujet Nous écri­vions il y a trois ans aux Évêques d’Italie : « com­ment ne pas fré­mir à la pen­sée que, par le moyen de la télé­vi­sion peut s’in­tro­duire dans les familles elles-​mêmes l’at­mo­sphère empoi­son­née de maté­ria­lisme, de fatui­té et d’hé­do­nisme que l’on res­pire trop sou­vent dans tant de salles de ciné­ma ? » [31].

Nous connais­sons les ini­tia­tives des auto­ri­tés com­pé­tentes et des orga­nismes édu­ca­tifs pour pré­ser­ver les jeunes de la per­ni­cieuse influence des spec­tacles trop fré­quents ou peu adap­tés à leur âge. Tout effort accom­pli dans ce domaine mérite encou­ra­ge­ment, pour­vu que l’on tienne compte que les dan­gers moraux aux­quels sont sou­mis les jeunes âmes sont bien plus graves que d’é­ven­tuels troubles phy­sio­lo­giques et psy­cho­lo­giques ; ces dangers-​là en effet, s’ils ne sont pré­ve­nus à temps, consti­tuent une véri­table menace pour la socié­té. Aux jeunes s’a­dresse Notre pater­nel et confiant aver­tis­se­ment de s’exer­cer, en ce qui regarde l’as­sis­tance aux spec­tacles, à la pru­dence et à la tem­pé­rance chré­tiennes. Ils doivent domi­ner l’ap­pé­tit déré­glé du plai­sir et conser­ver leur cœur libre pour les vraies joies de l’esprit.

OEUVRE DE L’ÉGLISE. OFFICES NATIONAUX

En face d’aus­si grandes pos­si­bi­li­tés et d’aus­si graves dan­gers des tech­niques audio­vi­suelles de dif­fu­sion, l’Église entend accom­plir plei­ne­ment Sa Mission, qui n’est pas direc­te­ment d’ordre cultu­rel, mais pas­to­ral et reli­gieux [32].

Ce fut pour répondre à ce but que Pie XI, de véné­rée mémoire, recom­man­dait aux Évêques de consti­tuer dans toutes les nations un « Office natio­nal per­ma­nent de révi­sion qui puisse pro­mou­voir les bons films, clas­ser les autres et faire par­ve­nir ce juge­ment aux prêtres et aux fidèles » [33], et orien­ter en même temps toutes les acti­vi­tés des catho­liques dans le domaine du cinéma.

En divers pays les Évêques ont ins­ti­tué en outre, de façon très oppor­tune, des Offices ana­logues pour la coor­di­na­tion des acti­vi­tés des catho­liques dans les domaines de la radio et de la télévision.

Ayant pour Notre part mûre­ment consi­dé­ré les pers­pec­tives apos­to­liques qu’offrent ces tech­niques et la néces­si­té de pro­té­ger la morale du peuple chré­tien mal­heu­reu­se­ment encore trop sou­vent mena­cé par le spec­tacle cor­rup­teur, Nous dési­rons que dans tous les pays où ces Offices n’existent pas encore ils soient créés sans retard et soient confiés à des per­sonnes com­pé­tentes sous la conduite d’un prêtre choi­si par l’Évêque.

Nous vous recom­man­dons en outre, Vénérables Frères, que dans chaque nation les Offices res­pec­tifs pour le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion – quand ils ne dépendent pas d’un Organisme unique – col­la­borent entre eux ; et que les fidèles et sur­tout les membres des Associations Catholiques, soient ins­truits comme il faut de la néces­si­té d’as­su­rer par leur appui com­mun le fonc­tion­ne­ment effi­cace de ces Offices.

Et parce que de nom­breux pro­blèmes qui doivent être affron­tés ne pour­ront trou­ver en chaque pays une solu­tion adé­quate, il sera tout à fait utile que les Offices natio­naux donnent leur adhé­sion à une grande Organisation inter­na­tio­nale sus­cep­tible d’être approu­vée par le Saint Siège.

Nous ne dou­tons pas que les nou­veaux sacri­fices exi­gés par l’exé­cu­tion des dis­po­si­tions que Nous pre­nons ne soient com­pen­sés par des fruits copieux, à condi­tion que soient obser­vés les recom­man­da­tions que Nous dési­rons encore don­ner sépa­ré­ment pour le ciné­ma, pour la radio et pour la télévision.

Partie spéciale

Le cinéma

Le ciné­ma, soixante ans après sa décou­verte, est deve­nu un des plus impor­tants moyens d’ex­pres­sion de notre temps. Nous avons déjà eu dans le pas­sé l’oc­ca­sion de par­ler des diverses étapes de son déve­lop­pe­ment et des rai­sons pour les­quelles il exerce une telle fas­ci­na­tion sur l’es­prit de l’homme moderne [34]. Ce déve­lop­pe­ment, qui s’est réa­li­sé par­ti­cu­liè­re­ment dans le domaine du film à sujet, a fait gran­dir une indus­trie impor­tante, condi­tion­née non seule­ment par la col­la­bo­ra­tion de nom­breux artistes et tech­ni­ciens de diverses com­pé­tences, mais aus­si par des pro­blèmes éco­no­miques et sociaux com­plexes, qui pour­raient dif­fi­ci­le­ment être abor­dés et réso­lus par des per­sonnes isolées.

Il ne sera donc pas pos­sible de faire du ciné­ma « un ins­tru­ment posi­tif d’é­lé­va­tion, d’é­du­ca­tion et d’a­mé­lio­ra­tion » [35], sans la conscien­cieuse col­la­bo­ra­tion de tous ceux qui ont une part de res­pon­sa­bi­li­té dans la pro­duc­tion et la dif­fu­sion des spec­tacles cinématographiques.

Nous avons déjà expli­qué plus d’une fois à tous ceux qui s’in­té­ressent au « monde du ciné­ma » l’im­por­tance de la ques­tion, en les invi­tant à réa­li­ser des films par­faits, capables de répondre aux fins d’une saine édu­ca­tion [36].

Ayez soin, Vénérables Frères, à tra­vers les Offices natio­naux per­ma­nents qui déploient leur acti­vi­té sous votre auto­ri­té et conduite, que les diverses caté­go­ries inté­res­sées reçoivent les infor­ma­tions, conseils et indi­ca­tions, qui dans les diverses cir­cons­tances de temps et de lieux seront requis pour réa­li­ser dans le domaine du ciné­ma l’i­déal indi­qué par Nous pour le bien des âmes.

LA CLASSIFICATION MORALE

A cette fin « seront publiées régu­liè­re­ment des listes de films clas­si­fiés aus­si fré­quentes que pos­sible, afin que tout le monde puisse en être infor­mé » ; une com­mis­sion spé­ciale [37] com­po­sée de per­sonnes de doc­trine sûre et de grande expé­rience, sous la res­pon­sa­bi­li­té de l’Office natio­nal, por­te­ra un juge­ment moral sur les films.

Les membres de la Commission de révi­sion doivent se pré­pa­rer par des études appro­priées et par la prière aux res­pon­sa­bi­li­tés d’une charge aus­si déli­cate, pour juger avec com­pé­tence de la valeur morale des œuvres ciné­ma­to­gra­phiques et de l’in­fluence qu’elles peuvent exer­cer sur les dif­fé­rentes caté­go­ries de spectateurs.

En jugeant du conte­nu et de la pré­sen­ta­tion d’un film, que les révi­seurs s’ins­pirent des normes plu­sieurs fois par Nous expo­sées, et en par­ti­cu­lier de celles qui regardent les sujets reli­gieux, la pré­sen­ta­tion du mal et le res­pect dû à l’homme, à la famille et à sa sain­te­té, à l’Église et à la socié­té civile. Ils devront en outre se rap­pe­ler que l’un des buts prin­ci­paux de la clas­si­fi­ca­tion morale est d’é­clai­rer l’o­pi­nion publique et de lui apprendre à res­pec­ter et à appré­cier les valeurs morales sans les­quelles on ne conçoit ni vraie culture ni véri­table civi­li­sa­tion. Serait donc cou­pable toute indul­gence pour les films qui, bien que pré­sen­tant des qua­li­tés tech­niques, offensent l’ordre moral, ou qui, res­pec­tant en appa­rence les bonnes mœurs, contiennent des élé­ments contraires à la foi catholique.

En indi­quant clai­re­ment quels films sont per­mis soit pour tous, soit pour les adultes, les­quels sont dan­ge­reux ou posi­ti­ve­ment mau­vais, les juge­ments moraux per­met­tront à cha­cun de choi­sir les spec­tacles dont il sor­ti­ra « plus joyeux, plus libre et meilleur » [38], et d’é­vi­ter ceux qui, tout en favo­ri­sant les mau­vaises pro­duc­tions et en don­nant scan­dale aux autres, pour­raient lui por­ter dommage.

Renouvelant les ins­tances de Notre Prédécesseur d’heu­reuse mémoire dans l’Encyclique Vigilanti Cura [39], Nous recom­man­dons vive­ment que les fidèles soient soi­gneu­se­ment aver­tis à ce sujet et obéissent effec­ti­ve­ment au grave devoir de s’in­for­mer des pres­crip­tions de l’au­to­ri­té ecclé­sias­tique et de s’y confor­mer. A telle fin, là où les Évêques le juge­ront oppor­tun, un dimanche de l’an­née pour­ra être uti­le­ment des­ti­né à pro­mou­voir des prières et des ins­truc­tions aux fidèles sur leurs devoirs concer­nant les spec­tacles et en par­ti­cu­lier le cinéma.

Pour que tous puissent pro­fi­ter des juge­ment moraux, il faut que les avis soient publiés à temps avec un brève moti­va­tion, et lar­ge­ment diffusés.

Le critique cinématographique

Le tra­vail du cri­tique ciné­ma­to­gra­phique catho­lique sera très utile en cette matière. Celui-​ci ne man­que­ra pas de mettre l’ac­cent sur le point de vue moral et de for­mu­ler ses juge­ments en évi­tant de glis­ser dans un déplo­rable rela­ti­visme moral et de négli­ger la hié­rar­chie des valeurs.

Il serait regret­table que les jour­naux et les pério­diques catho­liques en par­lant des spec­tacles, n’in­forment pas leurs lec­teurs de la valeur morale de ceux-ci.

Les exploitants

Outre les spec­ta­teurs qui avec chaque billet d’en­trée comme avec un bul­le­tin de vote font un choix entre le bon et le mau­vais ciné­ma, une grande part de res­pon­sa­bi­li­té incombe aux exploi­tants des salles de ciné­ma et aux dis­tri­bu­teurs de films.

Nous savons les dif­fi­cul­tés que doivent actuel­le­ment affron­ter les exploi­tants pour de nom­breuses rai­sons, entre autres à cause du déve­lop­pe­ment de la télé­vi­sion ; mais même dans ces cir­cons­tances dif­fi­ciles ils doivent se rap­pe­ler que la conscience ne leur per­met pas de pré­sen­ter des films contraires à la foi et à la morale, ni d’ac­cep­ter des contrats qui les obligent à les pro­je­ter. Dans de nom­breux pays, il se sont loua­ble­ment enga­gés à ne pas accep­ter les films jugés dan­ge­reux ou mau­vais : Nous espé­rons qu’une ini­tia­tive si oppor­tune pour­ra s’é­tendre par­tout et qu’au­cun exploi­tant catho­lique n’hé­si­te­ra à lui don­ner son adhésion.

Nous devons encore rap­pe­ler avec insis­tance le grave devoir d’ex­clure la publi­ci­té com­mer­ciale insi­dieuse ou indé­cente, même si elle est faite, comme il arrive par­fois, à l’oc­ca­sion de films qui ne sont pas mau­vais. « Qui pour­rait dire quelles ruines dans les âmes, spé­cia­le­ment juvé­niles, pro­voquent de sem­blables images, quelles pen­sées, quels sen­ti­ments impurs elles peuvent sus­ci­ter, com­bien elles contri­buent à la cor­rup­tion du peuple, au pré­ju­dice grave de la pros­pé­ri­té même de la Nation ? » [40].

Salles catholiques

Il est évident que les salles ciné­ma­to­gra­phiques dépen­dant de l’Autorité ecclé­sias­tique, devant assu­rer aux fidèles et par­ti­cu­liè­re­ment à la jeu­nesse des spec­tacles édu­ca­tifs et une ambiance saine, ne pour­ront pas pré­sen­ter de films qui ne soient sans reproche au point de vue moral.

En veillant atten­ti­ve­ment sur l’ac­ti­vi­té de ces salles, même si elles dépendent de reli­gieux exempts mais sont ouvertes au public, les Évêques rap­pel­le­ront aux Ecclésiastiques res­pon­sables que pour assu­rer les buts de leur apos­to­lat tel­le­ment recom­man­dé par le Saint Siège, il est néces­saire que de leur part les lois por­tées à cette fin soient obser­vées de façon scru­pu­leuse et avec esprit de dés­in­té­res­se­ment. Il est aus­si vive­ment recom­man­dable que les salles catho­liques s’u­nissent en asso­cia­tions, comme il a été fait de façon louable en cer­tains pays, afin de pou­voir plus effi­ca­ce­ment pro­té­ger leurs inté­rêts com­muns et mettre en pra­tique les direc­tives de l’Office national.

LA DISTRIBUTION

Les recom­man­da­tions que Nous avons don­nées aux exploi­tants s’ap­pliquent aus­si aux dis­tri­bu­teurs qui, finan­çant sou­vent les pro­duc­tions elles-​mêmes, auront de plus grandes pos­si­bi­li­tés et par consé­quent un devoir plus grave de don­ner leur appui au ciné­ma mora­le­ment sain. La dis­tri­bu­tion en effet ne peut en aucune manière être consi­dé­rée comme une pure fonc­tion tech­nique, parce que le film, comme Nous l’a­vons déjà rap­pe­lé à plu­sieurs reprises, n’est pas une simple mar­chan­dise mais une nour­ri­ture intel­lec­tuelle et une école de for­ma­tion spi­ri­tuelle et morale des masses. Le dis­tri­bu­teur et le loueur par­ti­cipent en consé­quence aux mérites et aux res­pon­sa­bi­li­tés morales pour tout ce qui regarde le bien ou le mal accom­plit par le cinéma.

ACTEURS

Une part consi­dé­rable de res­pon­sa­bi­li­té dans l’a­mé­lio­ra­tion du ciné­ma revient aus­si à l’ac­teur qui, res­pec­tueux de sa digni­té d’homme et d’ar­tiste, ne peut se prê­ter à inter­pré­ter des scènes licen­cieuses ni don­ner sa coopé­ra­tion à des films immo­raux. Et quand l’ac­teur a réus­si à s’af­fir­mer par son art et par son talent, il doit pro­fi­ter de la répu­ta­tion jus­te­ment acquise pour sus­ci­ter dans le public de nobles sen­ti­ments, don­nant avant tout dans sa vie pri­vée l’exemple de la ver­tu. « Elle est bien com­pré­hen­sible, disions-​Nous Nous-​même dans un dis­cours à des artistes, l’é­mo­tion intense faite de joie et de fier­té qui enva­hit votre âme en face du public tout entier ten­du vers vous, sus­pen­du, applau­dis­sant, fré­mis­sant » [41]. Ce sen­ti­ment légi­time ne peut cepen­dant auto­ri­ser l’ac­teur chré­tien à accep­ter de la part d’un public incons­cient des mani­fes­ta­tions qui res­semblent à de l’idolâtrie et au sujet des­quelles vaut éga­le­ment l’a­ver­tis­se­ment du Sauveur « Que votre lumière brille devant les hommes de telle sorte qu’ils voient vos bonnes œuvres et glo­ri­fient votre Père qui est dans les cieux » [42].

Producteurs et metteurs en scène

Les plus grandes res­pon­sa­bi­li­tés – bien que sur des plans dif­fé­rents – sont tou­te­fois celles des pro­duc­teurs et met­teurs en scène. La conscience de ces res­pon­sa­bi­li­tés ne doit pas être un obs­tacle, mais plu­tôt un encou­ra­ge­ment pour les hommes de bonne volon­té qui dis­posent des moyens finan­ciers ou des talents requis pour la pro­duc­tion des films.

Souvent les exi­gences de l’art impo­se­ront aux res­pon­sables de la pro­duc­tion et de la mise en scène de dif­fi­ciles pro­blèmes moraux et reli­gieux qui, pour le bien spi­ri­tuel des spec­ta­teurs et la per­fec­tion de l’œuvre elle-​même deman­de­ront un juge­ment et des conseils com­pé­tents, avant même que le film ne soit réa­li­sé ou pen­dant sa réalisation.

Qu’ils n’hé­sitent donc pas à deman­der conseil à l’Office catho­lique du Cinéma, qui se tien­dra volon­tiers à leur dis­po­si­tion, délé­guant même, s’il est néces­saire et avec les pré­cau­tions qui s’im­posent, un conseiller reli­gieux expert. La confiance dans l’Église ne dimi­nue­ra certes pas leur auto­ri­té et leur pres­tige. « La foi, Jusqu’à la fin, défen­dra la per­son­na­li­té de l’homme » [43], et même dans le domaine de la créa­tion artis­tique, la per­son­na­li­té humaine s’en­ri­chit et se per­fec­tionne à la lumière de la doc­trine chré­tienne et de la règle morale.

Il ne sera pas tou­te­fois admis que les ecclé­sias­tiques se prêtent à col­la­bo­rer avec les pro­duc­teurs ciné­ma­to­gra­phique sans un man­dat spé­cial des Supérieurs, étant don­né qu’il faut évi­dem­ment pour cet office de conseiller une com­pé­tence par­ti­cu­lière et une pré­pa­ra­tion adé­quate, dont l’ap­pré­cia­tion ne peut-​être lais­sée à la liber­té de chacun.

Aux pro­duc­teurs et aux met­teurs en scène catho­liques Nous deman­dons de ne pas per­mettre la réa­li­sa­tion de films contraires à la foi et à la morale chré­tienne, mais si, ce qu’à Dieu ne plaise, cela arri­vait, les Évêques ne man­que­ront pas de leur faire des remon­trances et même de prendre, s’il le fal­lait, des sanc­tions opportunes.

Nous sommes cepen­dant convain­cu que le remède le plus radi­cal pour diri­ger effi­ca­ce­ment le ciné­ma vers les hau­teurs du « film idéal » est l’ap­pro­fon­dis­se­ment de la for­ma­tion chré­tienne de tous ceux qui par­ti­cipent à la créa­tion des œuvres cinématographiques.

Que les auteurs de films s’ap­prochent des sources de la grâce, qu’ils assi­milent la doc­trine de l’Évangile, qu’ils prennent connais­sance de tout ce que l’Église enseigne sur les réa­li­tés de la vie, sur le bon­heur et sur la ver­tu, sur la dou­leur et sur le péché, sur le corps et sur l’âme, sur les pro­blèmes sociaux et sur les aspi­ra­tions humaines : ils ver­ront alors s’ou­vrir devant eux des voies nou­velles et lumi­neuses, des ins­pi­ra­tions fécondes pour des œuvres fas­ci­nantes et de valeur permanente.

Il fau­dra donc favo­ri­ser et mul­ti­plier les ini­tia­tives et les mani­fes­ta­tions des­ti­nées à déve­lop­per et à inten­si­fier leur vie inté­rieure, ayant avant tout un soin par­ti­cu­lier de la for­ma­tion chré­tienne des jeunes qui se pré­parent aux pro­fes­sions cinématographiques.

A la fin de ces consi­dé­ra­tions spé­ciales sur le ciné­ma, Nous exhor­tons les auto­ri­tés civiles à n’ai­der en aucune manière la pro­duc­tion ou la mise au pro­gramme de films immo­raux et à encou­ra­ger par des mesures appro­priées les bonnes pro­duc­tions, spé­cia­le­ment pour la jeu­nesse. Parmi les dépenses consi­dé­rables faites par l’État dans des buts édu­ca­tifs ne peut man­quer l’ef­fort néces­saire à la solu­tion posi­tive d’un pro­blème d’é­du­ca­tion si important.

En cer­tains pays et à l’oc­ca­sion des Expositions inter­na­tio­nales, on dis­tri­bue des prix aux films qui se dis­tinguent par leur valeur édu­ca­tive et spi­ri­tuelle : Nous vou­lons espé­rer que Nos aver­tis­se­ments contri­bue­ront à unir les forces du bien afin que tous les films qui le méritent reçoivent le prix de la faveur com­mune et de la reconnaissance.

La radio

Avec non moins de sol­li­ci­tude Nous dési­rons vous expri­mer, Vénérables Frères, nos pré­oc­cu­pa­tions rela­tives à l’autre grand moyen de dif­fu­sion contem­po­raine du ciné­ma, à savoir la radio.

Tout en n’ayant pas à sa dis­po­si­tion la richesse d’élé­ments spec­ta­cu­laires et les avan­tages des condi­tions de milieu qu’offre le ciné­ma, la radio pos­sède d’autres grandes pos­si­bi­li­tés qui n’ont pas encore été com­plè­te­ment exploitées.

Ainsi que Nous le disions au per­son­nel d’un Organisme radio­pho­nique « Elle a le pri­vi­lège d’être comme affran­chie des condi­tions d’es­pace et de temps qui empêchent ou retardent tous les autres moyens de com­mu­ni­ca­tion entre les hommes. Avec une aile infi­ni­ment plus prompte que les ondes sonores, rapide comme la lumière, elle porte en un ins­tant, fran­chis­sant toute fron­tière, les mes­sages qui lui sont confiés » [44].

Perfectionnée par des pro­grès tou­jours nou­veaux, elle rend d’i­nes­ti­mables ser­vices dans les divers domaines de la tech­nique, per­met­tant même de diri­ger à dis­tance, vers des buts pré­éta­blis, des engins sans pilote. Nous consi­dé­rons cepen­dant que le plus noble ser­vice auquel elle a été appe­lée est celui d’é­clai­rer et d’é­du­quer l’homme en diri­geant son esprit et son cœur vers des sphères tou­jours plus éle­vées de l’esprit.

Le fait de pou­voir entendre d’autres hommes et suivre des évé­ne­ments loin­tains tout en demeu­rant chez soi, et par­ti­ci­per à dis­tance aux mani­fes­ta­tions les plus variées de la vie sociale et cultu­relle, cor­res­pond à un pro­fond désir de l’homme.

Il n’est donc pas éton­nant que tant de mai­sons se soient rapi­de­ment équi­pées d’ap­pa­reils radio­pho­niques, qui per­mettent d’ou­vrir une mys­té­rieuse fenêtre sur le vaste monde d’où arrivent jour et nuit des échos de la vie qui pal­pite dans les diverses cultures, langues et nations, sous la forme d’in­nom­brables pro­grammes riches de nou­velles, d’in­ter­views, de confé­rences, de trans­mis­sions d’ac­tua­li­té et d’art, de chant et de musique.

« Quel pri­vi­lège et quelle res­pon­sa­bi­li­té – disions-​Nous dans un récent dis­cours – pour les hommes de ce siècle, et quelle dif­fé­rence entre les jours loin­tains où l’en­sei­gne­ment de la véri­té, le pré­cepte de la fra­ter­ni­té, les pro­messes de la béa­ti­tude éter­nelle, sui­vaient le pas lent des Apôtres sur les après sen­tiers du vieux monde, et aujourd’­hui où l’ap­pel de Dieu peut atteindre au même ins­tant des mil­lions d’hommes » ! [45]

C’est une chose excel­lente que les fidèles pro­fitent de ce pri­vi­lège de notre siècle et jouissent des richesses de l’ins­truc­tion, du diver­tis­se­ment, de l’art, et de la parole de Dieu elle-​même, que la radio peut appor­ter, pour étendre leurs connais­sances et dila­ter leurs cœurs.

Tout le monde sait quelle ver­tu édu­ca­tive peuvent avoir les bonnes trans­mis­sions ; mais l’u­sage de la radio com­porte en même temps des res­pon­sa­bi­li­tés, parce qu’elle aus­si, comme les autres tech­niques, peut être employée pour le bien et pour le mal. On peut appli­quer à la radio la parole de l’Écriture : « Par elle nous bénis­sons Dieu notre Père et par elle nous mau­dis­sons les hommes qui ont été faits à l’i­mage de Dieu. De la même bouche sort la béné­dic­tion et la malé­dic­tion » [46].

DEVOIR DE L’AUDITEUR

Le pre­mier devoir de qui écoute la radio est donc un choix avi­sé des pro­grammes, L’émission radio­pho­nique ne doit pas être une intruse mais une amie qui entre au foyer sur une invi­ta­tion consciente et libre. Malheur à celui qui ne sait choi­sir les amis à intro­duire dans le sanc­tuaire de la famille. Les trans­mis­sions admises dans la mai­son devront être seule­ment celles qui apportent la véri­té et le bien, qui ne détournent pas mais au contraire aident les membres de la famille dans l’ac­com­plis­se­ment de leurs devoirs per­son­nels et sociaux et qui, s’il s’a­git de jeunes et d’en­fants, loin de leur nuire, for­ti­fient et pro­longent l’œuvre sai­ne­ment édu­ca­tive des parents et de l’école.

Les Offices catho­liques natio­naux de la radio cher­che­ront avec l’aide de la presse catho­lique, à infor­mer d’a­vance les fidèles sur la valeur des trans­mis­sions. Ces infor­ma­tions pré­ven­tives ne seront pas tou­te­fois par­tout pos­sibles, et auront sou­vent simple valeur indi­ca­tive, parce que la com­po­si­tion de cer­tains pro­grammes ne peut faci­le­ment être connue d’avance.

Les pas­teurs d’âmes rap­pel­le­ront à cause de cela aux fidèles que la loi de Dieu inter­dit d’é­cou­ter les trans­mis­sions qui font tort à leur foi ou à leur vie morale et exhor­te­ront ceux qui ont la charge de la jeu­nesse à la vigi­lance et à la sage édu­ca­tion du sens de la res­pon­sa­bi­li­té dans l’u­sage de l’ap­pa­reil récep­teur pla­cé à la maison.

Les Évêques ont en outre le devoir de mettre en garde les fidèles contre les Stations émet­trices qui défendent notoi­re­ment des prin­cipes contraires à la foi catholique.

Le second devoir de l’au­di­teur est de faire connaître aux res­pon­sables des pro­grammes ses légi­times dési­rs et ses justes obli­ga­tions. Ce devoir résulte clai­re­ment de la nature même de la radio, qui peut faci­le­ment créer une rela­tion à sens unique de qui trans­met à qui écoute.

Les méthodes modernes de son­dage de l’o­pi­nion publique, en per­met­tant de mesu­rer le degré d’in­té­rêt qu’ont sus­ci­té cha­cune des trans­mis­sions, sont certes d’une grand secours aux res­pon­sables des pro­grammes ; mais l’in­té­rêt plus ou moins vif sus­ci­té dans le public peut être sou­vent dû à des causes tran­si­toires ou à des impul­sions peu rai­son­nables et ne doit donc pas être consi­dé­ré comme un indice sûr de la juste règle d’action.

Les audi­teurs doivent donc col­la­bo­rer à la for­ma­tion d’une opi­nion publique éclai­rée capable d’ex­pri­mer de façon conve­nable appro­ba­tions, encou­ra­ge­ments et objec­tions, et contri­buer à ce que la radio, confor­mé­ment à sa mis­sion édu­ca­tive, se mette « au ser­vice de la véri­té, de la mora­li­té, de la jus­tice, de l’a­mour » [47].

Tel est le devoir de toutes les Associations catho­liques qui cher­che­ront à défendre effi­ca­ce­ment les inté­rêts des fidèles dans ce domaine. Dans les pays où les cir­cons­tances le conseillent on po Tel est le devoir de toutes les Associations catho­liques qui cher­che­ront à défendre effi­ca­ce­ment les inté­rêts des fidèles dans ce domaine. Dans les pays où les cir­cons­tances le conseillent on pour­ra en outre pro­mou­voir des asso­cia­tions d’au­di­teurs et de spec­ta­teurs, en dépen­dance des Offices natio­naux du Cinéma, de la Radio et de la Télévision.

C’est enfin le devoir des audi­teurs de la radio d’ap­puyer les bonnes trans­mis­sions et avant tout celles qui portent Dieu dans les cœurs des hommes. Aujourd’hui, quand sur les ondes s’a­gitent vio­lem­ment des doc­trines erro­nées, quand des brouillages inten­tion­nels créent dans l’é­ther un « rideau de fer » sonore, dans le but d’empêcher que par cette voie pénètre la véri­té qui pour­rait ébran­ler la tyran­nie du maté­ria­lisme athée, quand des mil­lions d’hommes attendent encore l’aube de la bonne nou­velle ou d’une plus ample ins­truc­tion sur leur foi, quand les malades ou ceux qui sont autre­ment empê­chés attendent anxieu­se­ment de s’u­nir aux prières de la com­mu­nau­té chré­tienne et au Sacrifice du Christ, com­ment les fidèles, sur­tout ceux qui par l’u­sage quo­ti­dien connaissent les avan­tages de la radio, pourraient-​ils ne pas se mon­trer géné­reux pour favo­ri­ser de tels programmes ?

Les programmes religieux

Nous savons tout ce qui a été fait et tout ce qui se fait dans divers pays pour déve­lop­per les pro­grammes catho­liques à la Radio. Nombreux sont, grâce à Dieu, les ecclé­sias­tiques et les laïques qui se sont faits pion­niers dans ce domaine, en assu­rant aux trans­mis­sions reli­gieuses la place qui cor­res­pond au pri­mat des valeurs reli­gieuses sur les autres choses humaines.

Aussi consi­dé­rant atten­ti­ve­ment les pos­si­bi­li­tés que Nous offre la radio pour l’a­pos­to­lat et pous­sés par le com­man­de­ment du Divin Rédempteur : « Allez dans le monde entier ; prê­chez l’Évangile à toute créa­ture » [48], Nous ne pou­vons que vous exhor­ter pater­nel­le­ment, Vénérables Frères, à aug­men­ter et à per­fec­tion­ner encore, selon les néces­si­tés et les pos­si­bi­li­tés locales, les trans­mis­sions religieuses.

Et parce que la digne pré­sen­ta­tion à la Radio des céré­mo­nies reli­gieuses, des véri­tés de la foi et des infor­ma­tions sur la vie de l’Église, requiert, outre la vigi­lance conve­nable, des talents et des com­pé­tences par­ti­cu­liers, il fau­dra pré­pa­rer avec un soin spé­cial les prêtres et les laïcs des­ti­nés à cette impor­tante activité.

Dans ce but seront orga­ni­sés selon les besoins, dans les pays où les catho­liques dis­posent d’ins­tal­la­tions modernes et d’une plus longue expé­rience, des cours spé­ciaux de for­ma­tion qui per­met­tront aux can­di­dats, même étran­gers, d’ac­qué­rir l’ha­bi­le­té pro­fes­sion­nelle requise pour assu­rer aux trans­mis­sions reli­gieuses un niveau artis­tique et tech­nique élevé.

Les Offices natio­naux eux-​mêmes pour­voi­ront au déve­lop­pe­ment et à la coor­di­na­tion des pro­grammes reli­gieux de leurs nations et col­la­bo­re­ront, autant que pos­sible, avec les res­pon­sables des diverses sta­tions d’é­mis­sion, en veillant atten­ti­ve­ment sur la mora­li­té des programmes.

Au sujet de la par­ti­ci­pa­tion des ecclé­sias­tiques, même s’ils sont reli­gieux exempts, aux trans­mis­sions de radio et de télé­vi­sion, les Évêques pour­ront por­ter les ordon­nances utiles et en confier l’exé­cu­tion aux Offices nationaux.

STATIONS CATHOLIQUES

Nous adres­sons volon­tiers un encou­ra­ge­ment par­ti­cu­lier aux Stations catho­liques. Tout en connais­sant les nom­breuses dif­fi­cul­tés qu’elles doivent affron­ter, Nous avons confiance qu’elles pour­sui­vront cou­ra­geu­se­ment, dans la col­la­bo­ra­tion mutuelle, leur œuvre apos­to­lique, que Nous appré­cions au plus haut point.

Nous-​même avons cher­ché à ampli­fier et à per­fec­tion­ner Notre méri­tante Radio Vaticane, dont l’ac­ti­vi­té, comme Nous l’a­vons dit aux géné­reux catho­liques hol­lan­dais, cor­res­pond « au désir intime et à la néces­si­té vitale de tout l’u­ni­vers catho­lique » [49].

LES RESPONSABLES DES PROGRAMMES

Nous adres­sons en outre à tous les hommes de bonne volon­té res­pon­sables des pro­grammes Notre remer­cie­ment pour la com­pré­hen­sion que beau­coup d’entre eux ont mon­tré, en met­tant volon­tiers à la dis­po­si­tion de la Parole de Dieu le temps oppor­tun et les moyens tech­niques néces­saires. En agis­sant de la sorte ils ont part aux mérites de l’a­pos­to­lat qui s’exerce sur les ondes de leurs émet­teurs, selon la pro­messe du Seigneur : « Celui que reçoit un pro­phète en tant que pro­phète aura une récom­pense de pro­phète » [50].

Aujourd’hui les trans­mis­sions de qua­li­té requièrent l’emploi d’un art véri­table ; les direc­teurs des pro­grammes et tous ceux qui par­ti­cipent à leur pré­pa­ra­tion et à leur exé­cu­tion ont donc besoin d’une vaste culture. A eux aus­si s’a­dresse donc Notre aver­tis­se­ment, ana­logue à celui fait aux pro­fes­sion­nels du ciné­ma, de pro­fi­ter lar­ge­ment des richesses de la culture chré­tienne. Les Évêques rap­pel­le­ront enfin aux auto­ri­tés d’État leur devoir de garan­tir de manière conve­nable la dif­fu­sion des trans­mis­sions reli­gieuses, en tenant compte par­ti­cu­liè­re­ment du carac­tère sacré des jours de fête et aus­si des besoins spi­ri­tuels quo­ti­diens des fidèles.

La télévision

En der­nier lieu, Vénérables Frères, Nous vou­lons vous entre­te­nir briè­ve­ment de la télé­vi­sion qui a connu, pré­ci­sé­ment sous Notre Pontificat, un pro­di­gieux déve­lop­pe­ment dans cer­tains pays, péné­trant aus­si gra­duel­le­ment dans toutes les nations.

Nous avons sui­vi ce déve­lop­pe­ment, qui marque sans aucun doute une étape impor­tante dans l’his­toire de l’hu­ma­ni­té, avec un vif inté­rêt, de grandes espé­rances et de graves pré­oc­cu­pa­tions, d’une part en louant dès le début les grands avan­tages et les pos­si­bi­li­tés nou­velles, et d’autres part en pré­ve­nant et en indi­quant les dan­gers et les abus.

La télé­vi­sion a beau­coup de points com­muns avec le ciné­ma, en tant qu’elle offre à la vue un spec­tacle de vie et de mou­ve­ment ; il n’est pas rare en effet qu’elle recoure à l’u­sage du film. Sous d’autres aspects, elle par­ti­cipe de la nature et des fonc­tions de la radio, car elle s’a­dresse à l’homme à l’in­té­rieur de sa mai­son plus que dans les salles publiques.

Il n’est donc pas néces­saire que Nous répé­tions ici les recom­man­da­tions que Nous avons faites à pro­pos du ciné­ma et de la radio, sur les devoirs des spec­ta­teurs, des audi­teurs, des pro­duc­teurs et des auto­ri­tés publiques. Il n’est pas besoin non plus que Nous renou­ve­lions Nos aver­tis­se­ments au sujet du soin dû à la pré­pa­ra­tion des pro­grammes reli­gieux et à leur accroissement.

Nous savons l’in­té­rêt que porte un vaste public aux trans­mis­sions catho­liques de télé­vi­sion. Il est évident que la par­ti­ci­pa­tion par télé­vi­sion à la Sainte Messe – comme Nous l’a­vons dit il y a quelques années [51] – n’est pas la même chose que l’as­sis­tance phy­sique au Divine Sacrifice, requise pour satis­faire au pré­cepte domi­ni­cal. Toutefois les fruits abon­dants, d’aug­men­ta­tion de la foi et de sanc­ti­fi­ca­tion des âmes, qui pro­viennent des trans­mis­sions télé­vi­sées des céré­mo­nies litur­giques pour ceux qui ne pour­raient y par­ti­ci­per, Nous incitent à encou­ra­ger ces transmissions.

Ce sera le devoir des Évêques de chaque pays de juger de l’op­por­tu­ni­té des diverses trans­mis­sions reli­gieuses et d’en confier la réa­li­sa­tion à l’Office natio­nal com­pé­tent, lequel, comme dans les sec­teurs pré­cé­dents, déploie­ra une acti­vi­té conve­nable d’in­for­ma­tion, d’é­du­ca­tion, de coor­di­na­tion et de vigi­lance sur la mora­li­té des programmes.

Problèmes spéciaux de la télévision

La télé­vi­sion, outre les aspects com­muns aux deux pré­cé­dentes tech­niques de dif­fu­sion, pos­sède aus­si ses carac­té­ris­tiques propres. Elle per­met en effet de par­ti­ci­per par l’ouïe et par la vue, à l’ins­tant même où ils se passent, aux évé­ne­ments loin­tains, d’une façon sug­ges­tive, qui s’ap­pa­rente à un contact per­son­nel, et le sen­ti­ment de proxi­mi­té s’ac­croît gran­de­ment à cause de l’in­ti­mi­té de la vie familiale.

Il faut donc tenir le plus grand compte de ce carac­tère sug­ges­tif des trans­mis­sions télé­vi­sées dans l’in­ti­mi­té du sanc­tuaire fami­lial, où leur influence sera incal­cu­lable sur la for­ma­tion de la vie spi­ri­tuelle, intel­lec­tuelle et morale des membres de la famille elle-​même, et sur­tout des enfants, qui subi­ront inévi­ta­ble­ment la fas­ci­na­tion de la nou­velle tech­nique. S’il est vrai qu’« une petite quan­ti­té de levain trans­forme la masse » [52], et que dans la vie phy­sique des jeunes un germe d’in­fec­tion peut empê­cher le déve­lop­pe­ment nor­mal du corps, com­bien plus un élé­ment mau­vais dans l’é­du­ca­tion peut-​il en com­pro­mettre l’é­qui­libre spi­ri­tuel et le déve­lop­pe­ment moral ! Et qui sait com­bien sou­vent le même enfant qui résiste à la conta­gion d’une mala­die sur la rue se montre pri­vé de résis­tance si la source de conta­gion se trouve dans sa maison ?

La sain­te­té de la famille ne peut être objet de com­pro­mis et l’Église ne se las­se­ra pas, selon son plein droit et son devoir, d’employer toutes ses forces afin que le sanc­tuaire n’en soit pas pro­fa­né par le mau­vais usage de la télévision.

Avec le grand avan­tage de main­te­nir plus faci­le­ment grands et petits à l’in­té­rieur du foyer domes­tique, la télé­vi­sion peut contri­buer à ren­for­cer les liens d’a­mour et de fidé­li­té dans la famille, mais tou­jours à condi­tion qu’elle ne dimi­nue pas les ver­tus même de fidé­li­té, de pure­té et d’amour.

Il ne manque pour­tant pas de gens qui consi­dèrent comme impos­sible, au moins à pré­sent, de réa­li­ser d’aus­si nobles exi­gences. L’engagement pris avec les spec­ta­teurs, disent-​ils, demande de rem­plir à tout prix le temps pré­vu pour les trans­mis­sions. La néces­si­té d’a­voir à sa dis­po­si­tion un vaste choix de pro­grammes oblige à recou­rir aus­si aux spec­tacles qui, ini­tia­le­ment, étaient des­ti­nés aux salles publiques. La télé­vi­sion, enfin, n’est pas seule­ment pour les jeunes mais aus­si pour les adultes. Les dif­fi­cul­tés sont réelles, mais leur solu­tion ne peut être ren­voyée à une période ulté­rieure, quand le manque de dis­cré­tion dans l’u­sage de la télé­vi­sion aura pro­vo­qué de très graves dom­mages aux indi­vi­dus et à la socié­té, dom­mage qu’il n’est jus­qu’i­ci pas encore pos­sible de bien mesurer.

Pour que l’on puisse arri­ver à une telle solu­tion à mesure que la tech­nique elle-​même s’in­tro­duit dans les divers pays, il fau­dra avant tout accom­plir un effort intense pour pré­pa­rer des pro­grammes qui cor­res­pondent aux exi­gences morales, psy­cho­lo­giques et tech­niques de la télévision.

Nous invi­tons en consé­quence les catho­liques qui se dis­tinguent dans le domaine de la culture, de la science et de l’art, et en pre­mier lieu le cler­gé et les Ordres et Congrégations reli­gieuses, à prendre acte de la nou­velle tech­nique et à four­nir leur col­la­bo­ra­tion pour que la télé­vi­sion puisse pui­ser aux richesses spi­ri­tuelles du pas­sé et à celles de tout pro­grès authentique.

Il fau­dra en outre que les res­pon­sables des pro­grammes de la télé­vi­sion non seule­ment res­pectent les prin­cipes reli­gieux et moraux, mais tiennent compte du dan­ger que des trans­mis­sions des­ti­nées aux adultes pour­raient pré­sen­ter pour des jeunes. Dans d’autres domaines, comme il arrive par exemple pour le ciné­ma ou pour le théâtre, les jeunes sont dans la plu­part des pays civi­li­sés, pro­té­gés par des mesures pré­ven­tives appro­priées contre les spec­tacles incon­ve­nants. Logiquement et à plus forte rai­son, il fau­dra que soient assu­rés à la télé­vi­sion les avan­tages d’une vigi­lance avi­sée. Dans le cas où on n’ex­clu­rait pas des trans­mis­sions télé­vi­sées, comme on l’a fait d’ailleurs de façon louable en cer­tains pays, des spec­tacles inter­dits aux mineurs, il sera indis­pen­sable d’é­ta­blir au moins des mesures de précaution.

Toutefois, même la bonne volon­té et la conscience pro­fes­sion­nelle de celui qui trans­met ne sont pas suf­fi­santes pour assu­rer le plein pro­fit de la mer­veilleuse tech­nique du petit écran, ni pour éloi­gner tout péril. Irremplaçable est la vigi­lance de celui qui reçoit. La modé­ra­tion dans l’u­sage de la télé­vi­sion, l’ad­mis­sion pru­dente des enfants selon leur âge, la for­ma­tion de leur juge­ment sur les spec­tacles vus, et enfin leur éloi­gne­ment des pro­grammes qui ne leur conviennent pas, incombent comme un grave devoir de conscience aux parents et aux éducateurs.

Nous savons bien que ce der­nier point spé­cia­le­ment pour­ra créer des situa­tions déli­cates et dif­fi­ciles, et le sens péda­go­gique deman­de­ra sou­vent aux parents de don­ner le bon exemple même au prix de sacri­fices per­son­nels en renon­çant à cer­tains pro­grammes. Mais serait-​ce trop de deman­der aux parents un sacri­fice quand se trouve en jeu le bien suprême de leurs enfants ?

Il sera donc « plus que jamais néces­saire et urgent – comme Nous l’a­vons écrit aux Évêques d’Italie – de for­mer chez les fidèles une connais­sance exacte des devoirs chré­tiens au sujet de l’u­sage de la télé­vi­sion » [53], afin que celle ci ne serve jamais à la dif­fu­sion de l’er­reur et du mal, mais devienne « un ins­tru­ment d’in­for­ma­tion, de for­ma­tion, de trans­for­ma­tion » [54].

Partie finale

Exhortation au clergé

Nous ne pou­vons conclure les ensei­gne­ments que Nous venons de don­ner sans rap­pe­ler quelle impor­tance a l’œuvre du prêtre dans l’ac­tion que l’Église doit déployer en faveur des tech­niques de dif­fu­sion et par leur moyen, comme dans tous les autres champs d’apostolat.

Le prêtre doit connaître les pro­blèmes que le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion posent aux âmes. « Le prêtre qui a charge d’âmes – disions-​nous aux membres de la Semaine d’Adaptation Pastorale en Italie – peut et doit savoir ce qu’af­firment la science, l’art et la tech­nique modernes en tant que cela concerne la fin et la vie reli­gieuse et morale de l’homme » [55]. Il doit savoir s’en ser­vir quand, au juge­ment pru­dent de l’Autorité Ecclésiastique, la nature de son minis­tère sacré et la néces­si­té d’at­teindre un plus grand nombre d’âmes le demande. Il doit enfin, s’il en use pour soi, don­ner à tous les fidèles l’exemple de la pru­dence, de la tem­pé­rance et du sens de sa propre responsabilité.

Conclusion

Nous avons vou­lu vous confier, Vénérables Frères, Nos pré­oc­cu­pa­tions, que vous par­ta­gez cer­tai­ne­ment, sur les dan­gers qu’un usage mal réglé des tech­niques audio­vi­suelles peut consti­tuer pour la foi et pour l’in­té­gri­té morale du peuple chrétien.

Nous n’a­vons pas man­qué cepen­dant de rele­ver les côtés posi­tifs de ces modernes et puis­sants moyens de dif­fu­sion. Nous avons dans ce but expo­sé, à la lumière de la doc­trine chré­tienne et de la loi natu­relle les prin­cipes infor­ma­teurs qui doivent régler et diri­ger aus­si bien l’ac­tion des res­pon­sables dans les mains de qui se trouvent les tech­niques de dif­fu­sion, que la conscience du public qui s’en sert. Et c’est pré­ci­sé­ment pour orien­ter vers le bien des âmes ces dons de la Providence que Nous vous avons pater­nel­le­ment exhor­tés non seule­ment à la vigi­lance de votre office mais aus­si à des inter­ven­tions posi­tives. Le devoir en effet des Offices natio­naux, que Nous vous recom­man­dons encore une fois, ne sera pas seule­ment de pré­ser­ver et de défendre, mais aus­si et sur­tout de diri­ger, de coor­don­ner et d’as­sis­ter les nom­breuses œuvres édu­ca­tives, nées dans les divers pays pour péné­trer d’es­prit chré­tien le sec­teur si com­plexe et si vaste des tech­niques de diffusion.

Nous ne dou­tons donc pas, confiants que Nous sommes dans la vic­toire de la cause de Dieu, que Nos dis­po­si­tions pré­sentes, dont Nous confions la fidèle exé­cu­tion à la Commission Pontificale pour le ciné­ma, la radio et la télé­vi­sion, sus­ci­te­ront un esprit nou­veau d’a­pos­to­lat dans un domaine si riche de promesses.

Avec cette espé­rance, for­ti­fiée par votre zèle pas­to­ral qui Nous est bien connu, Nous vous accor­dons de grand cœur, à Vous, Vénérables Frères, au cler­gé et au peuple confiés à vos soins, et en par­ti­cu­lier à ceux qui s’ap­pliquent à répondre à Nos vœux et à Nos direc­tives, la Bénédiction Apostolique, pro­pi­tia­trice de grâces célestes.

Donné à Rome, près de Saint Pierre, le 8 sep­tembre, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie, l’an 1957, de Notre Pontificat le dix-neuvième.

PIE XII, PAPE

Notes de bas de page
  1. S. JEAN CHRYSOSTOME, De consub­stan­tia­li, contra Anomoeos : PG., 48, 810.[]
  2. Ephes. III, 8–9.[]
  3. Radiophonicum nun­tium Qui arca­no, du 12 février 1931 : AAS., vol. XXIII, 1931, p. 65.[]
  4. Epist. Enc. Vigilanti cura, d. 29 juin 1936 : AAS., vol. XXVIII, 1936, p. 249 sq.[]
  5. Ibid. p. 251.[]
  6. Cf. AAS., d. 16 décembre 1954, vol. XLVI, 1954, p. 783–784.[]
  7. Cf. Sermo ad catho­li­cos Hollandiae, d. 19 mai 195O habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, p. 75.[]
  8. Rom. X, 16.[]
  9. Math. XXII, 16.[]
  10. Cf. Sermo ad cultores cine­ma­to­gra­phi­cae artis ex Italia Romae congre­ga­tos, 21 juin 1955 : AAS., vol. XLVII, 1955. p. 504.[]
  11. Cf. Math., XI, 30.[]
  12. Cf. Sermo ad radio­pho­ni­cae artis culto­rum coe­tum, 5 mai 1950 ex omni­bus Nationibus Romæ habi­tum : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, p. 54.[]
  13. Rom. V, 5.[]
  14. Cf. Math. V, 48.[]
  15. Lettre apos­to­lique du 12 jan­vier 1951 : AAS., vol XLV, 1952, p. 216–217.[]
  16. Ibid. p. 216.[]
  17. Math. XIII, 27.[]
  18. Math. XIII, 28.[]
  19. I Thess. V, 21–22.[]
  20. Cf. Sermo, quin­to exeunte sae­cu­lo ab Angelici obi­tu, in Aedibus Vaticanis habi­tus du 20 avril 1955 : AAS., vol. XLVII, 1955, p. 291–292 ; Lette ency­clique Musicae Sacrae, d. 25 Decembris, a. 1955 : AAS., vol. XLVIII, 1956, p. 10.[]
  21. Cf. Rom. 11, 15.[]
  22. Sermo ad cultores artis cine­ma­to­gra­phi­cae ex Italia Romae congre­ga­tos, du 21 juin 1955 : AAS., vol. XLVII, 1955, p. 505.[]
  23. S. THOMAS D’AQUIN, Summ. Theol., I. q. 1, a. 9.[]
  24. Cf. Ibid. I, q. 67, a. 1.[]
  25. Sermo ad sodales Radiophonicae Societatis Italiae, du 3 décembre 1944 habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. VI, p. 209.[]
  26. Sermo ad Nationum Societatis Consilium publi­cis ordi­nan­dis nun­tiis, du 24 avril 1956 habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XVIII, p. 137.[]
  27. Cf. Jn VIII, 32.[]
  28. Cf. Nuntius radio­pho­ni­cus ad chris­ti­fi­deles Columbianae Reipublicae, du 11 avril 1953 habi­tus, cum Statio Radiophonica Sutacentiae inau­gu­ra­ba­tur : AAS., vol. XLV, 1953, pag. 294.[]
  29. Lettre ency­clique Vigilanti cura, d. 29 Iunii, a. 1936 : AAS., vol. XXVIII, 1936, p. 255.[]
  30. Lettre ency­clique Vigilanti cura : ibid. p. 254.[]
  31. Cf. Adhortatio de tele­vi­sione, du 11 jan­vier 1954 : AAS., vol. XLIV, a. 1954, p. 21.[]
  32. Cf. Sermo ad mode­ra­tores, docentes, et cultores Consociationis ex omni­bus Nationibus Institutorum Archaeologiae, Historiae, et Artis Historiae, du 9 mars 1956, habi­ta : AAS., vol. XLVIII, 1956, p. 212.[]
  33. Lettre ency­clique Vigilanti cura, du 29 juin 1936 : AAS., vol. XXVIII, 1936, p. 261.[]
  34. Cf. Sermo ad cine­ma­to­gra­phi­cae artis cultores ex Italia Romae congre­ga­tos, du 21 juin 1955 : AAS., vol. XLVII, 1955, p. 501–502.[]
  35. Cf. Sermo ad cine­ma­to­gra­phi­cae artis cultores, du 28 octobre 1955, Romae congre­ga­tos : AAS., vol. XLVII, 1955, pag. 817.[]
  36. Cf. Sermones du 21 juin et 28 octobre 1955 habi­ti : ibid., p. 502–505 et 816 sq.[]
  37. Lettre ency­clique. Vigilanti cura, du 29 juin 1936 : AAS., vol. XXVIII, 1936, p. 260–261.[]
  38. Cf. Sermo ad cultores cine­ma­to­gra­phi­cae artis ex Italia Romae congre­ga­tos, du 21 juin 1955 : AAS., vol. XLVII, 1955, p. 512.[]
  39. Lettre ency­clique Vigilanti cura, du 29 juin 1936 : AAS., vol. XXVIII, 1936, p. 260.[]
  40. Cf. Pie XII ser­mo ad Urbis Parochos sacrosque per Quadragesimae tem­pus Oratores du 5 mars 1957 habi­tus : vide dia­rium L’Osservatore Romano, 6 mars 1957.[]
  41. Cf. Sermo de arte scae­ni­ca du 26 août 1945 habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. VII, p. 157.[]
  42. Math. V, 16.[]
  43. Cf. Lettre. Pie XII ad chris­ti­fi­deles Germaniae, ob conven­tum Katholikentag appel­la­tum, Berolinum congre­ga­tos du 10 août 1952 : AAS., vol. XLIV, 1952, p. 725.[]
  44. Cf. Sermo du 3 décembre 1944 habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. VI, p. 209.[]
  45. Cf. Nuntius radio­pho­ni­cus ad eos qui inter­fue­runt ter­tio gene­ra­li conven­tui de com­mu­ni­ca­tio­ni­bus inter cives et nationes, sexa­ge­si­mo vol­vente anno a radio­te­le­gra­phia inven­ta, Genuae habi­to : AAS., vol. XLVII, 1955, p. 736.[]
  46. Jc. III, 9–10.[]
  47. Cf. Sermo PIE XII du 3 octobre 1947 quin­qua­ge­si­mo exple­to anno ab arte radio­pho­ni­ca inven­ta habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. IX, p. 267.[]
  48. Mc. XVI, 15.[]
  49. Cf. Sermo ad Hollandiae catho­li­cos, du 19 mai 1950 habi­tus : Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, p. 75.[]
  50. Math. X, 41.[]
  51. Cf. Sermo ad radio­pho­ni­cae artis cultores conven­tum ex omni­bus Nationibus par­ti­ci­pantes : d. 5 mai 1950 ; Discorsi e Radiomessaggi di S. S. Pio XII, vol. XII, p. 55.[]
  52. Gal. V, 9.[]
  53. Cf. Adhortatio Apostolica, de tele­vi­sione, du 1er jan­vier 1954 : AAS., vol. XLVI, 1954, p. 23.[]
  54. Cf. Sermo de gra­vi tele­vi­sio­nis momen­to, du 21 octobre 1955 : AAS., vol. XLVII, 1955, p. 777.[]
  55. Cf. Sermo du 14 sep­tembre 1956 habi­tus : AAS., vol. XLVIII, 1956, p. 707.[]
4 novembre 1942
La vraie fidélité a pour objet et pour fondement le don mutuel non seulement du corps des deux époux, mais de leur esprit et de leur cœur
  • Pie XII
17 juin 1942
L'amour-propre porte à l'union sacrée des âmes une blessure invisible et souvent fatale
  • Pie XII