Chers Membres de la Fraternité,
A l’heure actuelle, beaucoup d’entre vous ont été mis au courant de certaines évolutions récentes dans la vie de notre Institut. Cette lettre a pour but de vous communiquer des informations précises afin de prévenir le trouble dû aux diverses rumeurs qui circulent. L’ennemi du genre humain est toujours prêt à s’agiter et à provoquer confusion et découragement.
Je souhaiterais vous faire part de deux événements. Le premier est la Lettre, en date du 3 juillet 1999 (protocole 1411/99) de la Congrégation pour le Culte Divin, qui se présente comme une réponse à certaines questions concernant l’utilisation du Novus Ordo Missae par les prêtres liés à la liturgie romaine traditionnelle. Le second est l’annulation par la Commission Ecclesia Dei de la session du Chapitre général de la Fraternité, qui devait se réunir au mois d’août. Cette session est remplacée par la convocation d’une réunion plénière des membres incardinés de la Fraternité en novembre.
Avant tout, laissez-moi vous assurer de notre engagement à maintenir l’intégralité des principes fondateurs de la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre. Dans ces principes fondés sur le protocole d’accord du 5 mai 1988, signé par le cardinal Ratzinger et Mgr Lefebvre, est inclus l’exercice du ministère sacerdotal pour le bien de toute l’Eglise, par l’utilisation des livres liturgiques du Rite Romain de 1962. La raison de ce principe fondateur est double. D’abord, de façon positive, le Saint Siège a voulu que nous servions l’Eglise en témoignant de la tradition pérenne de la liturgie romaine à une époque de changements liturgiques rapides. En second lieu, du point de vue d’une critique constructive, le Saint Siège nous a autorisés à poser les fondements d’une étude respectueuse et ouverte des objections et des inquiétudes que nous avons à l’égard de certaines réformes liturgiques commencées après le Concile Vatican II.
Par une large et généreuse application duMotu Proprio Ecclesia Dei Afflicta du pape Jean-Paul II, le Saint Siège a béni jusqu’à maintenant le travail apostolique de la Fraternité et ses autres activités liées à la liturgie romaine traditionnelle. Malgré cette générosité, la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre a été soumise ces dernières années à des pressions croissantes, d’origines diverses, pour célébrer le Novus Ordo Missae, ou du moins pour permettre à ses membres de le faire dans certaines circonstances particulières. Je les ai repoussées pour plusieurs raisons : la fidélité à notre mission propre dans l’Eglise, le souci d’éviter les troubles et divisions parmi nos fidèles et nos membres, la consolidation et l’identité de notre apostolat, l’unité de vie et de discipline selon nos Constitutions.
Notre attachement à la liturgie romaine traditionnelle a été l’occasion pour certains de soupçonner la Fraternité, à tort, de refuser la validité du Novus Ordo Missae. En outre, certains évêques et certaines conférences épiscopales ont jugé nécessaire de limiter sévèrement l’activité pastorale de la Fraternité, à cause de notre option préférentielle pour maintenir l’utilisation exclusive de l’ancienne liturgie dans notre ministère. Enfin, à une époque où la concélébration est devenue (sans fondement théologique sérieux) la principale – et parfois la seule – expression de l’unité ecclésiale, notre volonté de vivre dans l’unité avec tous les catholiques tout en suivant les anciens rites et coutumes, a été fréquemment l’objet d’incompréhensions.
A cause de ces difficultés et de ces incompréhensions, certains de nos prêtres, particulièrement en France, ont exprimé leur désir de concélébrer à certaines occasions le Novus Ordo Missae. Ils étaient sans aucun doute mus par leur zèle apostolique. Dès lors limiter leur capacité à pourvoir aux vastes besoins des fidèles pouvait leur paraître dur. Pourtant les supérieurs n’ont pas donné suite à leur désir, afin de sauvegarder le bien commun de notre Institut. Je pense que notre mission particulière au service de la hiérarchie et des fidèles est davantage aujourd’hui d’ordre qualitatif que quantitatif : il s’agit d’un témoignage rendu à la tradition liturgique immémoriale de l’Eglise, parfois au détriment de l’expansion de notre apostolat.
Cette situation a conduit ces prêtres, un petit groupe de nos membres, à soumettre à mon insu un recours officiel à la Commission Ecclesia Dei, le 29 Juin de cette année. Les deux sujets qui nous occupent maintenant ont suivi ce recours : d’abord les « Réponses officielles » de la Congrégation pour le Culte Divin du 3 Juillet (protocole 1411/99), et l’annulation de la session du Chapitre général de la Fraternité de 1999, avec, à la place, la convocation d’une réunion plénière de nos membres incardinés au mois de novembre.
Pour le bien de l’Eglise et de notre Fraternité, j’ai pris les dispositions légales appropriées pour m’assurer que les autorités compétentes reconsidèrent ces mesures, en déposant dans les délais prescrits un recours. Il est important que la Fraternité retrouve rapidement l’exercice des droits législatifs et exécutifs attachés à son statut d’Institut de droit pontifical. En fait, nous souhaitons vivement que la réunion plénière de novembre soit l’occasion d’un échange honnête et respectueux concernant nos difficultés à l’égard de certaines des réformes liturgiques. Nous devons comprendre la nécessité d’un dialogue à la fois sérieusement théologique et fraternellement ouvert, pour nous assurer que les aspirations légitimes de toutes les parties seront prises en considération et harmonisées au sein d’une politique commune. Je continuerai à faire tout mon possible pour protéger l’identité et le caractère propre du travail que la Fraternité accomplit dans l’intérêt de toute l’Eglise. Je sollicite vos prières pour moi-même, pour nos membres, et pour ceux qui, dans l’Eglise, ont des responsabilités envers la Fraternité. Avec confiance, je dépose nos besoins et nos souhaits aux pieds de la Vierge Mère, de notre saint patron l’Apôtre Pierre, et du Saint Père.
Notre défense de l’identité et de la mission de la Fraternité trouve son origine dans notre désir d’être fidèles à l’Eglise, à nos membres, et à ceux qui nous ont confiés leur vocation ou qui ont mis en nous leur espoir. Pourtant, la défense ferme de nos convictions ne peut pas nous dispenser d’une humble soumission à la Providence et au Magistère de l’Eglise. Les épreuves vécues avec le désir d’obéir à la volonté divine sont une formidable occasion de purification et de progrès. C’est à cette lumière que nous envisageons nos présentes difficultés. Puisent-elles nous permettre de renouveler notre engagement d’étude et de dialogue concernant les questions auxquelles notre mission propre nous lie. Puisent-elles être une occasion d’approfondir la connaissance et l’amour de la liturgie romaine, et d’enrichir les autres en gardant fidèlement notre vocation et nos lois particulières. Puisent-elles aussi renforcer l’unité qui ne peut venir que de la fidélité à notre mission et de la sainteté de nos vies. Finalement, puisent-elles nous permettre d’approfondir notre expérience et notre amour du mystère de l’Eglise, Epouse immaculée de notre glorieux Seigneur Jésus-Christ.
Cordialement dans le Christ,
Abbé Joseph Bisig